Texte intégral
Q - Bonjour Madame la Ministre, l'Europe vient d'autoriser le glyphosate pour cinq années supplémentaires, la France voulait 3 ans, est-ce que c'est une défaite pour la France ?
R - C'est une déception. C'est une vraie déception parce qu'effectivement nous nous sommes battus, nous avons été mis en minorité, 18 pays ont voté pour un renouvellement de 5 ans. On partait de loin, 10 ans, on a réussi à convaincre qu'il fallait diminuer cette durée parce qu'elle était, de notre point de vue, pas raisonnable. Au niveau européen, nous n'avons pas gagné, au niveau national, nous restons déterminés.
Q - Mais la France avait mis tout son poids dans la bataille, c'est-à-dire qu'on n'arrive pas à convaincre nos partenaires ?
R - C'est-à-dire qu'il y a des sensibilités différentes et ça c'est l'Europe, c'est vrai sur beaucoup de sujets. Alors quand on gagne, on trouve que c'est naturel qu'on nous écoute et puis quand on perd, on est déçu. La sensibilité très forte qu'il y a dans notre pays sur la santé des agriculteurs, des consommateurs, sur la qualité des produits agricoles, elle n'est pas forcément partagé de la même manière partout ou en tout cas pas encore. Ça vient puisqu'il y a eu une pétition qui a été signé par 1.300.000 Européens, parce que là encore, la commission est passé de 10 ans à 5 ans de renouvellement, ça n'est tout de même pas ce que nous avions demandé et nous allons à titre national, le président l'a annoncé, il a demandé que le gouvernement travaille à une sortie du glyphosate au plus tard dans 3 ans.
Q - Au plus tard dans 3 ans et dès que les alternatives seront prêtes, donc là vous me dites que dans 3 ans et 2 jours le glyphosate sera interdit en France ?
R - Alors il faut évidemment avoir des solutions de substitution parce qu'on ne va pas mettre les agriculteurs en difficulté. C'est pour ça qu'on n'interdit pas tout de suite, c'est parce qu'aujourd'hui, il n'y en a pas, mais favoriser la recherche, investir dans l'innovation, mettre tous les acteurs ensemble pour trouver ces solutions, ça c'est la détermination du gouvernement.
Q - Mais s'il n'y en a pas dans 3 ans, qu'est-ce qu'on fait ?
R - On n'en est pas là, on ne part pas pessimiste et battu, on va mettre tous les moyens nécessaires pour trouver ces alternatives. Il y en a, il y a des processus qui ont déjà été expérimentés, il faut voir si on peut les élargir, quelle est la rentabilité, faire en sorte de ne pas mettre non plus nos agriculteurs face à une concurrence déloyale.
Q - Voilà, donc ce que vous dites, c'est un souhait, un souhait fort de votre part et du président de la République...
R - C'est un engagement de moyens et un effort pour arriver.
Q - D'accord c'est un moyen, mais ce n'est pas une certitude.
R - Ce n'est pas une certitude parce que la science n'est pas une certitude, au moment où on parle.
Q - D'accord parce qu'effectivement si dans 3 ans et demi des agriculteurs allemands peuvent utiliser du glyphosate, ça sera compliqué de dire à leurs camarades de l'autre côté du Rhin qu'ils ne peuvent pas.
R - Oui et non parce que ce qui se passe en Europe aujourd'hui, c'est l'évolution des sociétés civiles. Aujourd'hui la décision qui a été prise l'a été notamment parce que l'Allemagne a voté pour le renouvellement de 5 ans, mais on voit aussi dans un pays comme l'Allemagne, la société civile, les consommateurs, réfléchir de plus en plus. Donc moi, je suis assez confiante du fait que, de plus en plus, l'Union européenne va écouter la voix des citoyens et prendre des décisions en fonction de cela.
Q - Je ne comprends pas très bien qui pense quoi au gouvernement parce que vous, vous me dites que c'est une déception et Stéphane Travert, le ministre de l'agriculture est heureux qu'un accord ait été trouvé. Personne n'est d'accord au gouvernement sur cette décision en fait ?
R - Non, il est heureux qu'on soit passé de 10 ans à 5 ans et il a dit lui aussi...
Q - Non, il est heureux qu'un accord ait été trouvé, ce qui n'est pas votre cas.
R - Il a dit lui aussi qu'on allait travailler pour une alternative. Bien sûr, nous avions indiqué que nous étions favorables à un renouvellement sur pas plus de 3 ans et nous avons voté contre la décision qui a été prise aujourd'hui et ça, c'était une instruction gouvernementale.
Q - Autre sujet, l'Europe vient pardon, autre sujet dans quelques heures, Richard Ferrand va proposer une résolution à l'Assemblée nationale pour se féliciter que le drapeau européen et l'ode à la joie restent les symboles de l'Europe (...)
R - C'est à Richard Ferrand qu'il faut poser la question. En tout cas le gouvernement, le président de la République, a choisi de rallier un grand nombre de pays de l'Union européenne, qui avaient confirmé leur attachement aux symboles de l'Union européenne, le drapeau, la devise, l'hymne, la journée du 9 mai, la monnaie,. Je crois qu'il y a un consensus là-dessus, on peut être fier d'être à la fois français et européen, c'est une valeur ajoutée que nous avons, c'est une spécificité, nulle part ailleurs dans le monde il n'y a cette forme de double citoyenneté, de double souveraineté, c'est une richesse pour nous.(...)
Q - Les Échos ce matin font état de progrès dans la négociation sur le Brexit, l'Angleterre se serait résolue à payer la facture aux alentours de 60 milliards d'euros, disent les Échos, étalés sur plusieurs années. La ministre des affaires européennes confirme-t-elle cette information du journal Les Échos ?
R - Ca n'est pas une information à ce stade, c'est du conditionnel, ce sont des rumeurs, si ça se confirme, on en sera heureux. Il y aura la semaine prochaine une rencontre entre la Première ministre britannique, Theresa May et Jean-Claude Juncker, le patron de la commission, on verra ce qu'elle apportera précisément. Ce qu'il faut ce sont des réponses précises des Britanniques à la fois sur le règlement de ce qu'ils doivent, sur la situation des citoyens européens au Royaume-Uni et sur la question assez compliquée de la relation avec l'Irlande, puisque jusqu'à présent il n'y avait pas de frontière.
Q - Entre l'Irlande du Nord et l'Irlande du Sud.
R - Exactement.
Q - Mais vous avez l'air plutôt de confirmer à demi-mot que sur la question budgétaire financière, ça se passe plutôt bien et qu'on fait des progrès ?
R - Il y a des rumeurs positives mais, je suis comme Saint-Thomas, je ne crois que ce que je vois et donc que ce que nous dira le Royaume-Uni en termes de respect de ses engagements financiers. J'espère que ça va dans le bon sens, personne n'a envie de faire traîner les choses avant de passer à la deuxième phase de la négociation, c'est-à-dire la relation future entre l'Union européenne et le Royaume-Uni. Mais pour cela il faut solder les comptes du passé, il faut être certain que les priorités qu'on a mises en avant pour organiser le retrait sont bien respectées (...).
source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 4 décembre 2017