Texte intégral
Monsieur le Président de la Banque Asiatique de Développement,
Monsieur le Président du Conseil des Gouverneurs,
Mesdames et Messieurs les Gouverneurs,
Mesdames, Messieurs,
C'est pour la France un grand honneur et pour moi une grande joie que d'accueillir ici à Nice l'assemblée annuelle de la Banque Asiatique de Développement. La réunion qui débute aujourd'hui revêt une importance toute particulière : pour la Banque Asiatique de Développement d'abord puisqu'elle verra l'accord de ses membres au doublement de son capital, mais aussi pour la France. C'est en effet la première fois qu'elle accueille une telle assemblée. Permettez-moi d'y voir le signe d'une amitié ancienne entre la France et l'Asie, ainsi que la volonté de mon pays de renforcer ses liens avec cette région du monde.
Le fait majeur de ces dernières années est incontestablement la croissance formidable qu'a connue l'Asie et son insertion croissante dans le commerce mondial.
Les prochaines décennies devraient confirmer cette tendance. Selon les prévisions communément retenues, en 2030, l'Asie réalisera 40 à 45 % de l'activité économique mondiale.
L'espace économique chinois, pour ne parler que de lui, aura à cette date le même produit intérieur brut que les Etats-Unis d'Amérique et réalisera le cinquième du commerce mondial.
Ce phénomène historique de première importance est un facteur d'optimisme : à l'évidence, il existe des voies permettant à des pays qui, il y a quelques années, étaient loin des performances des pays industrialisés, de rejoindre le niveau de développement et de richesse de ceux-ci.
Ces voies sont diverses. Elles tirent souvent leur force d'un enracinement dans les valeurs culturelles et religieuses qui sont celles de vos pays. Elles peuvent coexister avec des choix politiques et sociaux très différents.
La leçon de l'expérience des pays d'Asie est claire : le développement est indissociable d'une conscience nationale forte, d'une volonté déterminée d'élever le niveau d'éducation des populations, du développement d'infrastructures performantes, enfin du respect de l'initiative individuelle.
Je suis certain que les pays d'Asie, dans leur diversité, peuvent inspirer les voies du développement à d'autres pays du monde.
Ils démontrent que les débats théoriques ou dogmatiques sur le développement -et notamment sur le rôle respectif de l'Etat et du secteur privé- sont dépassés. Aucun des Etats qui aspire au développement ne peut négliger ses missions essentielles, aucun ne peut méconnaître la nécessité d'orienter le développement du pays, aucun non plus ne doit entraver les initiatives des paysans, des artisans, des entreprises.
J'ai également la conviction que l'Europe a beaucoup à apprendre des succès économiques de l'Asie, de même que celle-ci a su intégrer avec succès des méthodes et des techniques nées sur notre continent.
C'est pourquoi je souhaite qu'entre l'Europe et l'Asie se développe un dialogue qui permette à nos pays de confronter leurs expériences et de mieux profiter des enseignements de chacun.
Nos cultures et nos valeurs sont souvent différentes, mais les problèmes que nous rencontrons sont de plus en plus semblables ; j'ai la conviction que nous gagnerions beaucoup à nous concerter davantage et par là même à mieux nous connaître.
Il est essentiel à cet égard que se poursuive le développement des échanges culturels et scientifiques entre nos deux continents. De plus en plus de jeunes européens, et en particulier de jeunes Français, se familiarisent avec les langues et les civilisations d'Asie ; je les y encourage vivement, et je souhaite que ce mouvement soit accompagné dans votre continent par un développement de la connaissance des cultures européennes dans toute leur diversité.
Vous connaissez l'importance qu'attache mon pays à la francophonie qui est en quelque sorte garante de cette diversité. Et naturellement, je me réjouis que ce soit un pays asiatique, le Vietnam, qui s'apprête à accueillir en 1997 le Sommet des pays ayant en commun l'usage du français.
En matière scientifique et technique, les perspectives ouvertes à la coopération de nos chercheurs et de nos ingénieurs sont considérables, comme j'ai pu m'en rendre compte lors de ma récente visite en Chine. Nul doute que nos deux continents ne soient en mesure, en conjuguant leurs efforts, d'apporter une contribution majeure au développement des connaissances.
L'Asie est aujourd'hui plus prospère et plus forte ; il est naturel que les pays qui la composent diversifient leurs partenaires et nouent partout dans le monde des relations à la mesure du rôle nouveau de leur continent.
Je souhaite vivement qu'avec l'Europe se développent dans tous les domaines des liens qui, par comparaison avec le niveau des relations entre l'Asie et l'Amérique du Nord, demeurent encore insuffisants.
De part et d'autre, les enjeux sont considérables ; sur le plan politique, les pays européens et leurs partenaires asiatiques ont la responsabilité première de la sécurité et de la stabilité dans notre partie du monde ; je souhaite qu'ils se concertent davantage sur ces questions. Le dialogue politique instauré entre l'Union Européenne et l'ASEAN constitue à cet égard un exemple de ce qu'il me paraît souhaitable de faire en ce sens.
Sur le plan économique, l'Europe est la première puissance commerciale du monde, et constitue l'un des marchés les plus vastes et les plus prospères de la planète. Elle a renoué cette année avec la croissance. Les complémentarités économiques des deux continents, au-delà de la diversité de la situation de chaque pays, apparaissent clairement.
Le pragmatisme qui a permis le décollage économique de l'Asie, préside, je le sais, aux choix de la Banque Asiatique de Développement. Qu'elle persiste dans cette voie !
La gestion rigoureuse de ses moyens, l'action efficace et clairvoyante de ses dirigeants, M. SATO poursuivant l'oeuvre de M. TARUMIZU, lui donnent la capacité de jouer un rôle capital dans le progrès économique du continent.
La France, pour sa part, entend aider et accompagner ce développement et nouer, à la faveur de l'entrée de l'Asie sur la scène économique internationale, des relations fructueuses et équilibrées avec tous les Etats de ce continent.
Mon pays est, vous le savez, l'un des pays qui fournit l'effort le plus important et le plus durable en matière d'aide au développement. L'Asie et le Pacifique sont, dans le cadre de cette politique, l'une de ses priorités. Je vous rappelle que plus de 20 % de l'aide bilatérale de la France a bénéficié à cette région en 1992.
La France a également joué ces dernières années un rôle déterminant pour le retour du Cambodge et du Vietnam au sein de la Communauté financière internationale. En co-présidant avec le Japon le groupe des amis du Vietnam et la conférence internationale sur la reconstruction du Cambodge, mon pays a pesé de tout son poids dans le processus de rétablissement de la stabilité dans la péninsule indochinoise. Cet appui s'est accompagné d'un renforcement de l'aide financière et de l'implantation de la Caisse française de développement au Vietnam, au Cambodge et au Laos. Le soutien de la France a également permis au Vietnam d'obtenir un rééchelonnement très favorable de sa dette extérieure à l'égard des créanciers publics.
Je suis convaincu que cette région de l'Indochine, qui recèle des potentialités considérables peut désormais envisager l'avenir avec plus de confiance et s'engager résolument dans la voie du progrès économique. La paix civile, la réintégration dans la Communauté financière internationale, devraient lui permettre d'accueillir plus largement les investisseurs étrangers et de s'insérer plus résolument dans le commerce mondial.
En effet, le développement économique, mais aussi technique et culturel, ne peut se dissocier de l'intensification des liens commerciaux et industriels.
La France, là encore, a un rôle à jouer. Elle est désireuse de développer, avec tous les pays asiatiques, des relations intenses, fondées sur le partenariat, l'égalité des parties, la non discrimination et l'équilibre.
L'Europe, vous le savez, est largement ouverte au commerce et aux investisseurs étrangers. Elle n'entend pas revenir sur cette orientation fondamentale. La France est prête, dans ce cadre, à accueillir les investissements asiatiques. Je vous rappelle qu'elle est d'ores et déjà la deuxième terre d'accueil au monde pour les investissements étrangers. C'est qu'elle dispose d'atouts économiques indiscutables : son inflation est faible, sa monnaie stable, sa compétitivité reconnue et consacrée par des échanges extérieurs excédentaires.
Les structures de l'économie française se modernisent : la liberté des mouvements de capitaux est totale, le programme de privatisation en cours de réalisation devrait encore accroître le dynamisme de nos entreprises et faciliter leurs alliances internationales.
Je suis convaincu que la compétitivité de nos entreprises, la situation financière saine de ce pays permettront rapidement le retour à une croissance forte. La France est au centre de l'Europe. C'est une vérité politique autant que géographique. Soyez convaincu que mon pays saura jouer de tous ses atouts.
Ouverte aux investissements asiatiques, la France doit davantage investir en Asie, exporter vers l'Asie, coopérer avec vos Etats pour la réalisation de projets d'intérêt commun. Les exportations françaises vers l'Asie ont doublé depuis une douzaine d'années. Je m'en félicite. Nos investissements en Asie progressent également fortement et se tournent de plus en plus vers la satisfaction de besoins locaux. Mais c'est encore insuffisant. Grâce aux efforts de ses chercheurs, de ses industriels, la France est aux tous premiers rangs dans une série de domaines, qu'il s'agisse des télécommunications, des techniques ferroviaires, de la production d'énergie, du génie civil ou des industries liées à la protection de l'environnement. Elle peut faire bénéficier de ce savoir-faire les pays asiatiques. Je souhaite pour ma part ardemment que les échanges commerciaux de la France avec l'Asie se développent. Vous savez que la France a lancé, à cette fin, une initiative française vers l'Asie. Le récent succès d'une entreprise franco-britannique et d'une technologie française pour la construction d'un train rapide en Corée du Sud me paraît de bonne augure.
L'accord du GATT signé il y a quelques semaines à Marrakech offre au développement de nos échanges un cadre nouveau et incitatif. L'Europe, qui était déjà l'un des espace les plus ouverts du monde, a encore progressé dans la voie de la libéralisation des échanges. Je sais que la plupart des pays ici représentés ont également effectués des efforts considérables que je salue. Je suis convaincu que, de part et d'autre, les sacrifices consentis seront plus que compensés par le surcroît de richesse que nous procurera à tous le développement des échanges. J'espère que les pays qui, pour telle ou telle raison. n'ont pas encore effectué les efforts nécessaires d'ouverture en comprendront la nécessité, tant économique que politique.Pour ma part, je suis confiant dans l'avenir et je souhaite que le plus grand nombre d'Etats puisse rejoindre au plus tôt l'Organisation Mondiale du Commerce. Il faudra là encore du courage et de la détermination, car l'entrée de plein pied dans cette instance suppose la capacité et la volonté de se plier aux règles communes Les pays asiatiques ont fait preuve, ces dernières années, d'une formidable capacité d'adaptation, d'un sens et d'un goût de la réussite qui forcent l'admiration, d'un sens de leurs responsabilités qui suscite le respect. Je suis sûr qu'ils sauront poursuivre sur la voie de la paix et du progrès économique sur laquelle ils sont désormais engagés.