Interview de Mme Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation à LCI le 19 décembre 2017, sur la réforme de la sélection universitaire et l'accueil des étudiants étrangers en exil.

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Média : La Chaîne Info

Texte intégral


PASCALE DE LA TOUR DU PIN
Frédérique VIDAL est l'invitée d'Adrien GINDRE ce matin.
ADRIEN GINDRE
Bonjour Frédérique VIDAL.
FREDERIQUE VIDAL
Bonjour.
ADRIEN GINDRE
Vous êtes ministre de l'Enseignement supérieur, de la Recherche, de l'Innovation. Cet après-midi, votre loi, la Loi orientation et réussite des étudiants, est votée solennellement à l'Assemblée, c'est la fin du tirage au sort dont on a beaucoup parlé. Est-ce que pour autant vous nous dites qu'à la rentrée prochaine, 100 % des bacheliers qui le souhaiteront, auront une place à l'université ?
FREDERIQUE VIDAL
Alors, l'objectif, c'est qu'effectivement 100 % des bacheliers qui le souhaitent, rentrent dans l'enseignement supérieur et aient une proposition à l'issue de ce nouveau processus. Et c'est à cela que l'on a travaillé depuis ma prise de fonctions, puisque depuis ma prise de fonctions, on a connu le dysfonctionnement.
ADRIEN GINDRE
Ça vous a beaucoup occupé. Il y aura donc une nouvelle plateforme, elle s'appelle Parcousup, elle ouvrira le 15 janvier. C'est un nouveau système, c'est là que les étudiants formuleront leurs voeux en ligne. Qu'est-ce qui nous garantit que cette fois il n'y aura pas de bug, il n'y aura pas de problème ? Parce que n'imagine que quand on a mis en place la plateforme précédente, on ne s'est pas dit : « Chic chic, il va y avoir des milliers de bacheliers sur le carreau ».
FREDERIQUE VIDAL
Non, d'abord la plateforme précédente, ça a été une réelle avancée pour les bacheliers, il faut se rappeler des immenses queues au moment de l'inscription, qui ont été, effectivement, supprimées par l'existence de la plateforme. Il faut se rappeler aussi qu'il n'y a eu aucun bug technique sur cette plateforme, c'était un défaut de choix politique, qui fait que comme on n'avait pas mis suffisamment de critères en place, eh bien la seule façon de faire, c'était de tirer au sort.
ADRIEN GINDRE
Alors, cette fois-ci, la grande nouveauté c'est la création d'attendus, c'est le terme qui a été retenu dans le texte, pour dire plus simplement, ce sont des prés requis, pour s'inscrire dans telle, telle filière, il faut potentiellement avoir telles, telles compétences, des compétences scientifiques par exemple pour les STAPS, le sport, ou avoir suivi un module découverte du droit pour s'inscrire en droit. Donc, certains étudiants auront une réponse oui, d'autres un oui si, et c'est là qu'interviendra le fameux accompagnement pédagogique, une sorte de rattrapage. Ça, concrètement, ça fonctionnera comment ? Ça veut dire des cours en plus avant de commencer l'année, pendant l'année ?
FREDERIQUE VIDAL
Alors, d'abord, les attendus, c'est vraiment une façon d'expliciter ce que les professeurs à l'université attendent des étudiants qu'ils vont avoir en face d'eux, donc c'est avant tout de l'information et ça permet justement d'entamer le dialogue avec les lycéens, que ce soit par les profs principaux, par les étudiants ambassadeurs ou par les enseignants du supérieur. Donc c'est vraiment expliciter et informer le lycéen pour qu'il ne soit pas désarçonné quand il arrive. Ensuite quelles formes vont prendre les parcours personnalisé ? Ça peut être des cours de méthodologie, comment on prend des notes, comment s'organise, comme on fait de la recherche documentaire, ça peut-être une année qui soit avec une partie des modules prévus initialement, et puis une partie de modules de remise à niveau pour préparer à la réussite. Par exemple, si vous voulez faire de la biologie et que vous avez un bac professionnel laboratoire analyses qualité, vous allez être très bon sur les travaux pratiques, très bon sur la microbiologie, vous aurez un peu plus de mal sur la partie biologie végétale ou physiologie, eh bien vous allez faire les unités d'enseignement de la licence classique, là où vous avez toutes les chances de réussir, et puis on va vous aider, vous accompagner, vous remettre à niveau sur la partie végétale que vous n'avez pas vue dans votre cursus, et puis vous allez...
ADRIEN GINDRE
Mais ces cours, il faudra les financer. Est-ce qu'on pourra faire autant de cours de remise à niveau qu'on veut pour autant d'étudiants qu'on veut ? C'est illimité ?
FREDERIQUE VIDAL
Alors, évidemment, ce n'est pas des cours particuliers qu'on est en train de mettre en place, mais on sait parfaitement de quoi est-ce qu'on a besoin pour démarrer l'enseignement classique de la licence, et donc c'est ça qui est en train d'être préparé...
ADRIEN GINDRE
Et on sait combien ça coûtera ?
FREDERIQUE VIDAL
Alors, absolument. D'abord il faut bien se rendre compte que dans de très nombreuses universités, ces modules existent déjà, mais simplement, ils ne sont pas obligatoires et donc souvent les étudiants qui y vont, ne sont pas ceux qui en ont le plus besoin, et donc là c'est un changement d'échelle et le gouvernement a décidé d'investir un milliard d'euros sur 5 ans. 450 millions d'euros pour revoir toute la pédagogie et l'ensemble du premier cycle, et 500 millions d'euros, budgétaires, pour avoir plus de profs pour ouvrir plus de places.
ADRIEN GINDRE
Alors justement, s'il n'y a pas de place dans la filière qu'un étudiant souhaite suivre, qu'est-ce qu'on lui dit, une fois qu'il a le niveau nécessaire ?
FREDERIQUE VIDAL
Alors, d'abord il faut bien comprendre que l'objectif c'est qu'il y ait plus de places à la rentrée 2018, et ça on y travaille déjà dans les filières qui ont été en tension l'an dernier et notamment les filières STAPS, et donc on est en train d'identifier les endroits où plusieurs milliers de places vont pouvoir être ouvertes, même chose pour les BTS...
ADRIEN GINDRE
Il y aura combien de places en plus ?
FREDERIQUE VIDAL
On vise 20 000 places supplémentaires pour la rentrée 2018, entre les BTS, les IUT, les filières sous tension. Ensuite, le principe c'est que, quoi qu'il arrive, il y a une commission qui est présidée par un recteur, qui réunit l'ensemble des chefs d'établissement de l'académie, qui fera des propositions à tous les bacheliers qui n'auront pas eu de place, mais évidemment on espère qu'ils seront le moins nombreux possible.
ADRIEN GINDRE
Mais quand on dit les propositions, c'est quoi ? C'est aller étudier ailleurs, c'est changer de filière ?
FREDERIQUE VIDAL
C'est par exemple, sur une filière qui est en tension sur une académie donnée, eh bien regarder si dans l'académie d'à côté il n'y a pas des places et regarder, si c'est nécessaire, comment on peut aider à cette mobilité, de manière à ce l'étudiant puisse...
ADRIEN GINDRE
Ça veut dire quoi « aider cette mobilité » ? Ça veut dire donner de l'argent à l'étudiant pour qu'il puisse y aller ?
FREDERIQUE VIDAL
Ça veut dire que l'on va garder une partie des chambres en résidences universitaires, qui pourront être affectées à la demande des recteurs, et ça veut dire qu'on a aussi des aides sociales spécifiques, qui pourront être mobilisées par les recteurs pour ces étudiants. Mais ça veut dire aussi qu'un jeune qui aura demandé 10 BTS et qui aura eu des réponses négatives, parce que les BTS sont des filières sélectives, on pourra lui indiquer qu'il y en a 3 ou 4 autres dans lesquels il y a des places, en proximité de chez lui, auxquels il n'a pas forcément pensé aux qu'il ne connaissait pas. Donc c'est vraiment un accompagnement qui démarre dès le 22 mai.
ADRIEN GINDRE
Vous nous avez parlé à l'instant de l'effort budgétaire, un milliard sur le quinquennat, des aides qui vont pouvoir être apportées aux étudiants. Est-ce qu'à terme, on peut se permettre de garder une université qui reste globalement gratuite ? Est-ce que c'est un modèle qui peut être pérenne ?
FREDERIQUE VIDAL
Alors, c'est le modèle français, que ce soit l'éducation ou la santé, c'est le choix de la société française, que l'éducation et la santé soit gratuites.
ADRIEN GINDRE
Il ne sera pas remis en cause.
FREDERIQUE VIDAL
Il n'y a pas de raison qu'il soit, que ce soit remis en cause, non.
ADRIEN GINDRE
Près des deux tiers des étudiants échouent ou se réorientent au terme de leur première année. Votre objectif, c'est quoi ? Est-ce que ce chiffre il doit, est-ce qu'il va bouger ?
FREDERIQUE VIDAL
Alors oui, évidemment, l'objectif c'est que ce chiffre bouge. D'abord, effectivement, vous le rappelez, c'est un tiers qui réussissent, un tiers qui se réorientent ou qui abandonnent, et là évidemment c'est tout l'objet de l'orientation qui se fait en terminale de manière massive cette année, mais qui se fera évidemment sur tout le cycle lycée dans les années à venir, et puis c'est augmenter le taux de réussite sur le tiers qui continue à échouer. Donc voilà, il n'y a pas de...
ADRIEN GINDRE
Mais ça c'est juste une question d'orientation.
FREDERIQUE VIDAL
Alors, un tiers c'est vraiment une question d'orientation, se sont des jeunes qui arrivent, et on les voit, enfin moi je les ai vus, ce n'est pas du tout ce qu'ils attendaient, et ils sont extrêmement surpris des enseignements qu'ils trouvent, par exemple très peu de jeunes savent que lorsqu'on s'inscrit en licence de psychologie, on va commencer par faire beaucoup de neurobiologie. Voilà, ce n'est pas quelque chose qui est spontané, on ne peut pas le deviner, si on ne le sait pas, si on n'est pas dans une famille où il y a déjà des gens qui ont fait des études, des frères, des soeurs, des cousins, des parents, donc c'est pour ça aussi qu'on a fait les attendus, c'est pour informer vraiment les lycéens de la réalité des programmes de licences.
ADRIEN GINDRE
Alors, vous l'avez vu au moment des débats à l'Assemblée, il y a une dimension très politique, forcément, avec ces questions. Il y a eu un appel qui a été lancé par le leader de la France Insoumise, Jean-Luc MELENCHON, il demande à la jeunesse de se mobiliser dès le mois de janvier, sans attendre le retour du texte au Sénat début février. C'est un danger pour vous Jean-Luc MELENCHON ?
FREDERIQUE VIDAL
Alors, il faut bien comprendre comment tout le plan étudiant a été construit. On a passé 3 mois à travailler, il y avait l'ensemble des organisations qui étaient autour de la table, que ce soit les personnels, les étudiants, les lycéens, les parents d'élèves, c'est un plan qui a été vraiment co-construit. Je crois que les étudiants n'ont pas besoin de Jean-Luc MELENCHON pour décider si ce qu'on propose est bien ou n'est pas bien. Ils ont participé à la construction, c'est la même chose pour les lycéens, donc voilà, je pense que comme vous le disiez, Jean-Luc MELENCHON est dans son rôle de contestation de tout ce que fait le gouvernement.
ADRIEN GINDRE
Dans le texte, à la demande du rapporteur, il y a une exonération qui a été prévue pour la contribution qui est demandée à tous les étudiants, qui est de 90 €, les étudiants demandeurs d'asile, eux, n'auront plus à la payer. C'est... parce que c'est normal de les aider, c'est ce qu'a expliqué le rapporteur de la République En Marche ! mais ceux qui sont déboutés du droit d'asile, qu'est-ce qu'il faut faire, il faut les expulser, même s'ils étudient en France ?
FREDERIQUE VIDAL
Alors, d'abord ce n'est pas à l'université de savoir si un étudiant est ou n'est pas en règle, ça c'est vraiment, ce n'est pas le travail de l'université, si je puis dire, c'est le travail de la préfecture. Dans les universités, il y a plusieurs choses qui ont été mises en place pour accueillir les étudiants qui ont un statut de réfugié, il y a des cours de français langue étrangère qui ont été mis en place, de manière à leur permettre de reprendre leurs études, et puis pour les chercheurs et les professeurs, il y a un programme spécifique d'accueil, de manière à ce que les personnes qui sont en danger dans leur pays puissent venir continuer leurs recherches et continuer à enseigner en France, de manière à ce que lorsque leur pays redeviendra, et c'est tout ce qu'on leur souhaite, un lieu sûr, eh bien, ils puissent y retourner et remettre la vie intellectuelle de leur pays en route.
ADRIEN GINDRE
Mais si certains sont déboutés de leur demande, ça peut arriver, vous dites « ce n'est pas le ressort de l'université », très bien, mais est-ce que vous, en tant que ministre de l'Enseignement supérieur, vous considérez qu'on doit les laisser poursuivent leurs études, leur travail de recherche en France, ou qu'on doit appliquer la règle et les expulser ?
FREDERIQUE VIDAL
Alors, dans le programme PAUSE, on a le statut de réfugié avant de pouvoir bénéficier du programme, pour ce qui concerne les étudiants, les étudiants sont inscrits à l'université et ensuite, voilà, ils poursuivent leurs études et une fois de plus ce n'est pas à l'université de se renseigner sur le statut des étudiants qu'elle accueille.
ADRIEN GINDRE
Je voudrais qu'on parle du climat à présent, et du nucléaire en particulier. Dimanche, chez nos confrères de France 2, le président de la République s'est montré que très peu pressé de fermer des centrales nucléaires, est-ce que vous, vous considérez que c'est une énergie écologique, le nucléaire, est-ce que c'est une énergie du futur ?
FREDERIQUE VIDAL
Alors, sur le climat, en fait, et quand on pose la question de l'énergie, et la chose qu'il faut regarder c'est l'émission de CO2, et donc il faut regarder l'émission de CO2 sur toute la chaîne. Voilà, si vous dites : ma voiture roule à l'électricité donc c'est une énergie verte, mais que cette électricité est produite par une centrale à charbon, eh bien évidemment vous avez un sujet. Donc l'objectif c'est qu'on soit en capacité de maîtriser le taux d'émission de CO2, et je crois que, comme l'a rappelé le président, lorsqu'en Allemagne le nucléaire a été arrêté, comme les énergies vertes, n'étaient pas encore prêtes à prendre le relais en termes de quantité d'énergie, on a remis en place des centrales à charbon. Je crois que la décision qu'a prise Nicolas HULOT est la bonne décision, il faut que l'on prépare la sortie du nucléaire, donc l'objectif c'est bien la sortie du nucléaire, mais on sortira du nucléaire lorsqu'on aura suffisamment développé les énergies vertes dans la totalité, si je puis dire, de la chaîne, pour qu'il n'y ait pas de CO2.
ADRIEN GINDRE
Mais alors, Fukushima, une catastrophe nucléaire comme ça s'est produit au Japon, ça ne peut pas se produire en France ?
FREDERIQUE VIDAL
On ne peut jamais dire que les choses ne se produiront jamais, il faut se garder de ça, mais l'Autorité de sûreté nucléaire en France, fait des contrôles extrêmement réguliers, et puis Fukushima, il ne faut pas oublier que c'était lié à un tremblement de terre, lié probablement aussi au dérèglement climatique.
ADRIEN GINDRE
Donald TRUMP a signé la semaine dernière une directive visant à faire du retour d'astronautes sur la Lune une priorité pour la NASA. Et nous alors, est-ce qu'on va retourner sur la Lune, nous aussi ?
FREDERIQUE VIDAL
Alors, le problème le plus ambitieux de la NASA, en fait, c'est d'envoyer des vols habités autour de Mars, à l'horizon 2030.
ADRIEN GINDRE
Donc, c'est une fausse priorité, vous nous dites, la Lune.
FREDERIQUE VIDAL
Non, c'est une priorité moins ambitieuse, mais en tout cas la NASA et puis évidemment, ça se travaille au niveau international, dès qu'on est sur l'espace, c'est international. Enfin, il ne vous aura pas échappé que les annonces sur l'espace du président TRUMP sont venues au même moment où justement à Paris s'est signé le protocole de Paris, ou de l'ensemble des agences spatiales, sauf celle des Etats-Unis, se sont engagées à travailler ensemble, justement pour surveiller le climat.
ADRIEN GINDRE
Toujours aux Etats-Unis, le Pentagone a reconnu l'existence d'un programme d'études des OVINI, officiellement ça s'est arrêté depuis 2012, mais le New York Times assure que ça continue. Est-ce qu'il ya la même chose chez nous, Frédérique VIDAL ?
FREDERIQUE VIDAL
Alors non...
ADRIEN GINDRE
On n'étudie pas les OVNI.
FREDERIQUE VIDAL
On n'étudie pas les OVNI, enfin, ceci dit, là encore, je pense qu'il faut regarder d'où vient cette information et qu'est-ce qu'elle signifie. On est par contre très attentifs aux objets qui ont été envoyés dans l'espace, et évidemment on surveille qu'ils ne retombent pas, qu'il n'y ait pas de risques qu'ils retombent sur terre. Donc voilà, ce sont aussi des objets volants dont certains ne sont plus identifiés.
ADRIEN GINDRE
Tous les matins sur LCI, on pose une question, la « Question off », mais devant les caméras. C'est off, entre nous.
FREDERIQUE VIDAL
D'accord.
ADRIEN GINDRE
Votre collègue du gouvernement, Brune POIRSON, a été filmée il y a quelques jours à l'Assemblée en train de lâcher un « Il m'a gonflée », alors qu'elle venait d'être chahutée bruyamment et par l'opposition. Est-ce que vous aussi, qui, comme elle, venez de la société civile, ça vous gonfle parfois l'Assemblée, l'attitude de l'opposition ?
FREDERIQUE VIDAL
Alors, non, en fait je crois que ce qui s'est passé, c'est qu'il y avait vraiment vraiment énormément de bruit, et c'est très compliqué de parler lorsque les députés se manifestent bruyamment.
ADRIEN GINDRE
Mais ça ne vous gonfle pas.
FREDERIQUE VIDAL
Mais c'est-à-dire que moi j'ai une petite habitude en tant que prof, mais je rétablissais toujours le silence avant de prendre la parole, là évidemment c'est un peu plus compliqué.
ADRIEN GINDRE
Merci beaucoup Frédérique VIDAL d'avoir été avec nous ce matin.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 20 décembre 2017