Déclaration de Mme Delphine Gény-Stéphann, secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'économie et des finances, sur le renforcement du système bancaire et de la Zone euro et sur la lutte contre les inégalités, au Sénat le 17 janvier 2018.

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Circonstance : Débat sur les conclusions d'un rapport d'information de la délégation sénatoriale à la prospective "Une crise en quête de fin-quand l'histoire bégaie", au Sénat le 17 janvier 2018

Texte intégral


M. le président. L'ordre du jour appelle le débat, organisé à la demande de la délégation sénatoriale à la prospective, sur les conclusions de son rapport d'information Une crise en quête de fin – Quand l'histoire bégaie (rapport d'information n° 393, 2016-2017).
Nous allons procéder au débat sous la forme d'une série de questions-réponses, dont les modalités ont été fixées par la conférence des présidents.
Je vous rappelle que l'auteur du débat disposera d'un temps de parole de dix minutes, y compris la réplique, puis le Gouvernement répondra pour une durée équivalente.
(…)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je remercie M. Collombat de son intérêt pour les crises financières systémiques, qui restent un sujet d'attention et de vigilance.
M. Pierre-Yves Collombat. Vous nous rassurez…
Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d'État. Analyser le passé est toujours utile ; c'est l'occasion de nous interroger sur notre action, mais aussi de l'éclairer, en répondant aux questions qu'elle peut soulever. En ce sens, même si nous ne partageons pas toujours les conclusions de votre rapport, monsieur le sénateur, le travail important que vous avez réalisé est très apprécié.
Votre rapport évoque beaucoup de sujets, mais je souhaiterais revenir sur trois points qui me semblent mériter un éclairage particulier : les actions mises en place pour renforcer le système bancaire ; la nécessité de renforcer la zone euro pour éviter qu'une crise comme celle des dettes souveraines ne se reproduise ; enfin, les questions d'inégalité, qui sont au coeur de votre rapport et de vos préoccupations.
Vous vous interrogez, dans ce rapport, sur la solidité de notre système bancaire. C'est une question essentielle, qui a toute notre attention.
Depuis la crise, nous avons oeuvré, en lien avec nos partenaires étrangers, pour que les banques aient les ressources nécessaires pour absorber les pertes éventuelles, pour être en capacité de se recapitaliser sans exposer les finances publiques et pour faire face à des aléas de marché.
Ainsi, concernant le renforcement de la solvabilité des banques, les exigences de Bâle ont, par exemple, doublé les niveaux de fonds propres minimum requis depuis 2011. Les six plus grandes banques françaises ont désormais un ratio de solvabilité agrégé de 13,2 % fin 2016, contre 5,8 % en 2008.
Ce mouvement de renforcement des fonds propres, et donc d'accroissement de la résilience, se retrouve dans les autres systèmes bancaires européens et mondiaux. (M. Pierre-Yves Collombat s'esclaffe.) Il se double d'un renforcement de la qualité de ces fonds propres, ainsi que d'un accroissement des exigences afin de tenir compte de l'ensemble des risques identifiés au bilan, mais aussi des risques potentiels.
Au niveau européen, la mise en place de l'union bancaire constitue une étape essentielle permettant une meilleure supervision des banques. L'ensemble du secteur bancaire a par ailleurs fait l'objet d'un examen de la qualité des bilans et a été soumis à des tests de résistance.
Enfin, l'Union européenne s'est dotée d'un instrument très ambitieux de résolution des crises bancaires, dont la philosophie est de disposer d'outils permettant de garantir qu'en cas de pertes celles-ci seront portées par les actionnaires, voire les créanciers, tout en protégeant les déposants et les finances publiques.
La France joue un rôle moteur dans l'achèvement de l'Union bancaire, qui appelle encore des décisions faisant l'objet de discussions en cours.
Vous vous interrogez également sur la capacité de la zone euro à résister aux crises et sur sa pérennité. Je tiens à rappeler que l'euro est un projet économique et politique inédit, qui a doté l'Europe d'une monnaie stable et crédible. Cette monnaie est utilisée quotidiennement par près de 340 millions de personnes dans 19 États membres. C'est la deuxième devise la plus importante dans le monde, avec le quart des réserves de change.
La crise de la zone euro a toutefois mis en évidence des lacunes dans son fonctionnement, qui ont été pour partie comblées. Ainsi, d'importantes évolutions ont déjà été réalisées, notamment pour promouvoir la stabilité financière au sein de la zone – je pense notamment à la création de mécanismes de gestion de crises des dettes souveraines et bancaires.
Le Président de la République et le Gouvernement restent convaincus que le renforcement de la zone euro est la meilleure façon de prévenir les crises futures.
Parmi nos priorités pour avancer dans ce domaine, nous défendons une plus forte intégration financière par l'achèvement de l'Union bancaire et la mise en place d'une véritable union des marchés de capitaux.
M. Pierre-Yves Collombat. L'orgue de Barbarie fonctionne à plein !
Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d'État. Nous défendons aussi l'amélioration de nos instruments de gestion de crise, en renforçant le mécanisme européen de stabilité, ainsi qu'une plus forte intégration économique et, à plus long terme, la mise en place d'une capacité budgétaire propre à la zone euro permettant aux États de mieux faire face aux chocs économiques.
Je tiens enfin à évoquer la question des inégalités, qui tient une place très importante dans votre rapport et à laquelle nous sommes également très attachés. Comme vous le savez sans doute, le ministère de l'économie et des finances a organisé, il y a quelques semaines, une journée d'échanges et de débats autour de ce thème, les « rendez-vous de Bercy ».
Le rapport souligne, à raison, un fort creusement des inégalités depuis trente ans. Il me semble utile de rappeler que ce constat concerne essentiellement les pays anglo-saxons. La France, en effet, montre une forte résilience à ce phénomène : elle se situe dans une situation plus favorable que la moyenne des pays de l'OCDE et les inégalités de revenus y sont restées stables depuis trente ans.
Aussi encourageant que soit ce constat, la lutte contre les inégalités et la pauvreté n'en demeure pas moins un objectif central de la politique du Gouvernement, qui se traduit par l'adoption de plusieurs mesures phares dans la loi de finances pour 2018 (M. François Bonhomme s'exclame.) : exonération de la taxe d'habitation pour 80 % des ménages (M. François Bonhomme s'exclame de nouveau.) ; pour les personnes en emploi, conformément à la volonté de valoriser le travail, réduction des cotisations sociales pour l'ensemble des salariés du secteur privé et des indépendants et, pour les travailleurs modestes, revalorisation de la prime d'activité ; pour les publics les plus fragiles, revalorisation exceptionnelle du RSA et augmentation du minimum vieillesse et de l'allocation aux adultes handicapés.
Ces mesures de soutien au pouvoir d'achat, mises en oeuvre par le Gouvernement, concourent à réduire les inégalités. Le niveau de vie des ménages situés dans les trois premiers déciles de niveau de vie augmentera significativement plus que la moyenne à l'horizon 2022. À l'inverse, le niveau de vie des deux derniers déciles augmentera moins que la moyenne. (M. Yannick Vaugrenard s'exclame.) Je vous invite, sur ces sujets, à vous référer au « livret du pouvoir d'achat » et au « rapport économique, social et financier », qui illustrent l'incidence des mesures décidées par le Gouvernement sur la réduction des inégalités. (Mme Sophie Taillé-Polian s'exclame.)
- Débat interactif -
M. le président. Mes chers collègues, madame la secrétaire d'État, je vous rappelle que chaque orateur dispose au maximum de deux minutes, y compris la réplique, avec une réponse du Gouvernement également pour un maximum de deux minutes.
Vingt et un orateurs sont inscrits et il est important de respecter le temps de parole que je viens de vous rappeler, car un autre débat est prévu à l'issue de celui-ci.
Dans le débat interactif, la parole est à M. Olivier Cadic, pour le groupe Union Centriste.
M. Olivier Cadic. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, dix ans après 2008, la crise n'en finirait pas de finir. C'est, en résumé, le constat que pose notre collègue Pierre-Yves Collombat. Une drôle d'impression se dégage de la lecture de son rapport, celle d'un décalage total entre l'analyse qui est faite et la réalité.
La crise de 2008 était d'abord financière, avant de devenir économique. Elle est le résultat de l'éclatement d'une bulle spéculative, comme nous en avons connu d'autres dans l'histoire.
Oui, les fondamentaux liés à la spéculation qui ont conduit à la crise demeurent les mêmes : il y aura évidemment d'autres crises financières dans le futur et nous nous adapterons ! (Protestations sur plusieurs travées.)
M. Yannick Vaugrenard. C'est tout de même extraordinaire !
M. Olivier Cadic. Le rapport explique aussi que, paradoxalement, nous ne devrions pas craindre un nouveau krach financier, mais plutôt un embrasement social et politique, qui serait le contrecoup de la crise de 2008.
Il y a là une sorte de « saut quantique », que l'on ne peut comprendre qu'en exhumant le soubassement idéologique du rapport, qui est fondé sur une grille de lecture marxiste de l'économie : la finance relève de la superstructure ; l'infrastructure, ce sont les rapports de force économiques réels, qui sont entérinés par le système politique. (Exclamations amusées sur différentes travées.)
M. Pierre-Yves Collombat. Il faut brûler les sorcières !
M. Olivier Cadic. Si la crise semble ne pas finir pour certains et que notre croissance n'est pas à la hauteur de nos principaux concurrents, c'est parce que les énergies productives demeurent bridées par toujours plus de carcans réglementaires et normatifs.
Mme Catherine Deroche. C'est vrai !
M. Olivier Cadic. La finance n'est ni un bien ni un mal, c'est une nécessité pour irriguer l'économie. À toutes les phases de son développement, une entreprise a besoin d'investisseurs. Or, depuis dix ans, les Français se sont détournés des marchés en actions, ce qui fait défaut à nos entreprises. Un tel rapport n'incite pas à la confiance, pourtant si importante en économie.
Madame la secrétaire d'État, quelles mesures comptez-vous prendre pour relancer l'actionnariat populaire et faciliter le retour des Français vers la bourse, qu'ils ont délaissée depuis dix ans ? (Applaudissements sur des travées du groupe Union Centriste.)
M. Claude Kern. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances. Monsieur le sénateur, je vous remercie de votre question. Le Gouvernement est très attaché à ce que les entreprises soient correctement financées. Le système financier doit jouer pleinement son rôle dans la croissance et la prospérité de notre pays.
Actuellement, le financement des entreprises en dette est plutôt satisfaisant, puisque le taux d'obtention des crédits se situe à un très haut niveau historique.
En revanche, sur le front des fonds propres, nous considérons qu'il existe des marges d'amélioration, en particulier pour les très petites entreprises et les petites et moyennes entreprises. C'est pourquoi le plan d'action pour la croissance et la transformation des entreprises porté par le ministère de l'économie et des finances et appelé PACTE entend orienter davantage l'épargne des ménages vers le financement des entreprises.
Je vous invite à regarder plus précisément les propositions du Gouvernement sur le financement des entreprises, en particulier en capital, sur le site pacte-entreprises.gouv.fr. Une consultation publique est ouverte sur ce site depuis avant-hier. Plusieurs des propositions qui y sont présentées tendent à mieux orienter l'assurance vie vers les placements de long terme, à simplifier et développer l'épargne retraite et à faciliter l'actionnariat salarié et la reprise des entreprises par leurs salariés.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour le groupe socialiste et républicain.
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, j'ai envie d'utiliser la première minute qui m'est impartie pour dire le caractère quelque peu ubuesque de ce que nous vivons cet après-midi.
Notre sujet, c'est la crise mondiale, ce n'est quand même pas rien… Et voilà que nous sommes invités, après les huit minutes de M. le rapporteur et celles de Mme la secrétaire d'État, à parler de ce sujet en deux minutes, le Gouvernement répondant vingt et une fois en deux minutes !
Franchement, quel est le sens d'un tel dispositif ? Est-ce que quelqu'un pense qu'on peut sérieusement parler de la crise mondiale et des remèdes à y apporter dans un débat organisé de la sorte ?
Aussi, monsieur le président, je compte sur votre influence (Sourires et exclamations sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.) pour faire savoir aux hautes autorités du Sénat que ce système n'a pas beaucoup de sens.
J'en arrive à ma deuxième minute. J'ai lu le rapport de Pierre-Yves Collombat avec beaucoup d'intérêt et il ne correspond pas aux caricatures : vous n'êtes pas du tout un crypto-marxiste primaire, mon cher collègue, vous avez fait un travail d'analyse important.
Madame la secrétaire d'État, j'attire votre attention sur les trois propositions qui figurent à la page 228.
« La sécurisation du système bancaire passe prioritairement et en urgence par la séparation réelle des banques de dépôt et des banques d'affaires » : quelles sont vos intentions à ce sujet ?
Ensuite, le rapport évoque « la limitation stricte du levier d'endettement des banques et de l'ensemble des acteurs financiers » : quelles sont vos intentions à ce sujet ?
Enfin, le rapport préconise « l'assèchement des bilans bancaires de leurs créances douteuses » : quelles sont vos intentions à ce sujet ?
Monsieur le président, je pense avoir respecté les deux minutes. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain et sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste. – M. Jean-Noël Guérini applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances. Vous m'interrogez d'abord sur la séparation de la banque de dépôt et de la banque d'affaires. C'est une voie qui a été choisie par certains pays, mais que la France n'a pas suivie.
M. François Bonhomme. Ce n'est pas ce que dit François Hollande !
M. Pierre-Yves Collombat. C'est la banque universelle !
Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d'État. Nous considérons que cette solution n'est pas efficace (M. Charles Revet s'exclame.) pour assurer de façon sécurisée, stable et résiliente aux crises le financement de notre économie.
Nous avons tout de même introduit une séparation, dans le cadre réglementaire français, des activités de nos banques entre leurs activités commerciales et leurs activités pour compte propre. Tel est le choix fait par la France.
Vous m'interrogez également sur les créances douteuses. Il y a un plan d'action au niveau européen pour résoudre ce problème. Des progrès importants ont déjà été faits depuis la crise, mais il reste des points d'attention en Europe, même si la France n'est pas particulièrement concernée. En effet, nous sommes plutôt parmi les bons élèves en la matière.
Enfin, s'agissant des fonds propres des banques, comme vous le savez, nous avons déjà eu quatre séries de renforcement des régimes de Bâle, et nous arrivons progressivement dans une zone où nous sommes très à l'aise et sereins sur les bilans des banques.
M. le président. La parole est à M. Alain Fouché, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires.
M. Alain Fouché. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, même si je n'en partage que les analyses et pas les conclusions, j'estime que les travaux extrêmement complets de notre brillant collègue Collombat illustrent ce que l'on peut attendre de la délégation à la prospective : obliger les responsables à anticiper l'avenir, adopter une vision prospective.
Personne n'avait anticipé la crise de 2008, ni les économistes, ni les politiques. Plus grave encore, certains économistes affirmaient que le marché allait s'autoréguler et encourageaient le politique à ne pas intervenir. Or, si la crise financière, devenue économique et sociale, a pu être maîtrisée, c'est bien grâce à l'intervention du politique au niveau européen.
Je partage l'analyse inquiétante selon laquelle, après dix ans de crise, la probabilité technique de réédition d'un krach du système financier d'ampleur équivalente à celui de 2007–2008 n'a pas diminué, bien au contraire.
Je partage également son analyse lorsque notre collègue affirme que les responsables politiques doivent réaliser l'ampleur du danger et adopter des mesures efficaces.
En revanche, il me semble dangereux d'affirmer que s'affranchir de la zone euro est la solution.
Fuir plutôt que réformer et adapter ?
La sortie de la crise peut également se faire non pas par plus ou moins d'Europe, mais par la construction d'une Europe différente qui prenne en compte ce risque.
Le caractère systémique de la crise de 2008 est en partie dû au temps de réaction des marchés financiers, des banques et agences de notation américaines, à la limite de la fraude. Il s'agit donc d'adopter des mesures à l'échelon européen ou international permettant de donner l'alerte.
En 2008, c'est bien l'Europe et une volonté politique française qui ont été la solution. Aussi, je souhaiterais savoir quelles sont les mesures d'anticipation d'une nouvelle crise que le Gouvernement envisage de mettre en oeuvre au niveau européen et, pourquoi pas, international. (M. Pierre-Yves Collombat applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances. Monsieur le sénateur, vous m'interrogez sur la vision que promeut la France non seulement au plan européen, mais aussi au plan international. Comme vous le savez, la France a joué un rôle majeur dans le renforcement de la régulation du secteur financier au niveau international. Il s'agit d'un enjeu international et européen. Pour des questions d'efficacité, c'est à ce niveau en effet que notre action se déploie et c'est là que nous obtiendrons des résultats.
Au cours des dernières années, depuis la crise, nous avons été extrêmement proactifs pour porter des mesures ambitieuses, au sein tant du G20 que de l'Union européenne, sur le renforcement des exigences en fonds propres des banques et des assurances, sur le durcissement des règles d'utilisation des instruments financiers, y compris les produits dérivés et la titrisation, sur l'encadrement du shadow banking.
Nous restons très vigilants pour que ces mesures et ces politiques avancent sur le plan international et qu'elles soient bien transposées en droit français. Nous resterons également vigilants pour que ces règles ne soient pas détricotées par certains États au plan international.
Nous allons enfin travailler sur de nouveaux chantiers, en particulier au sein de l'Union européenne et au sein de la zone euro, pour promouvoir l'union bancaire.
M. le président. La parole est à M. Alain Fouché, pour la réplique.
M. Alain Fouché. La réponse me convient. Je voudrais simplement attirer l'attention de Mme la secrétaire d'État sur les directives européennes. Non seulement celles-ci sont déjà parfois difficiles à appliquer par les peuples, mais il arrive que l'administration française et les technocrates des ministères en rajoutent par rapport à ce que réclament les institutions européennes, ce qui gêne le fonctionnement de notre pays.
M. Charles Revet. Comme toujours !
M. le président. La parole est à M. Stéphane Ravier, pour la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe.
M. Stéphane Ravier. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, je voudrais tout d'abord saluer à mon tour l'excellent travail et l'excellent rapport de notre collègue Collombat, qui souligne avec pertinence une réalité. Prendre en compte la réalité est toujours pertinent, encore faut-il avoir le courage de la regarder en face.
C'est ce que fait ma famille politique depuis longtemps, et, pour avoir eu raison trop tôt dans l'analyse et la dénonciation des graves dérives de l'ultralibéralisme, elle a subi et continue de subir injustement les foudres des tenants de l'idéologie mondialiste aux commandes de toutes les institutions décisionnaires.
Comme le précise le rapport de M. Collombat, le terme de « populiste », que je revendique, prend la forme chez les bien-pensants de la classe politique et médiatique d'une véritable flétrissure.
Les qualificatifs aussi rocambolesques qu'infamants dont nous sommes affublés servent à justifier l'exclusion du Front national du débat démocratique, quitte à manipuler, tripatouiller les modes scrutin, quitte à créer les conditions d'une crise démocratique : 13 % des voix obtenues aux élections législatives pour 1,21 % des sièges… Les extrémistes et les ennemis de la démocratie ne sont pas ceux que l'on croit !
L'élection de Donald Trump aux États-Unis, le succès du Brexit et les très bons résultats électoraux des partis de droite nationale partout en Europe sont la démonstration que les peuples rejettent de plus en plus massivement le modèle, votre modèle de financiarisation de l'économie, destructeur des souverainetés et des identités.
L'action du Président Macron s'apparente à un jusqu'au-boutisme qui confirme que la classe dirigeante reste sourde aux aspirations de nos compatriotes, lesquels sont chaque jour plus nombreux à réclamer plus de France. L'ancien banquier, aujourd'hui locataire de l'Élysée, impose toujours plus de déréglementation européiste, faisant la part belle aux appétits des financiers.
Le fossé qui sépare la réalité des peuples et l'idéologie imposée par les extrémistes mondialistes ne cesse de se creuser. L'emblème, le moteur de ce système dont nous ne voulons plus, et qui est source de crise non seulement économique, mais aussi sociale, sécuritaire et identitaire, reste ce Moloch européiste qui dévore ses enfants européens.
Comme le disait Philippe Séguin, « rien n'est plus dangereux qu'une nation trop longtemps frustrée de la souveraineté par laquelle s'exprime sa liberté, c'est-à-dire son droit imprescriptible à choisir son destin. » Si charbonnier est maître chez soi, les nations, la nôtre en particulier, doivent retrouver la liberté de choisir leur destin. Nous devons travailler à établir une nouvelle confiance entre les peuples et une autre Europe, une Europe européenne, une Europe où les nations sont libres et souveraines pour mieux coopérer entre elles au service des peuples, et non plus d'un marché anonyme et déraciné. (M. Jean-Marc Gabouty et quelques sénateurs du groupe Les Républicains frappent sur leur pupitre en signe d'impatience.)
M. le président. Veuillez conclure !
M. Stéphane Ravier. Merci, monsieur le président !
Madame la secrétaire d'État, y êtes-vous prête ?
M. le président. C'est la seule fois de l'après-midi où je tolérerai 25 secondes de dépassement du temps de parole.
M. Stéphane Ravier. Merci de votre mansuétude, monsieur le président !
M. le président. Si un tel dépassement de temps a eu lieu, c'est juste parce que je ne suis pas encore très alerte.
La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances. Monsieur le sénateur, je n'ai pas vraiment entendu de question, donc je me contenterai d'une réaction.
Vous considérez que l'élection de M. Donald Trump et le vote en faveur du Brexit étaient un seul et même signal de rejet du monde financier et du rôle de la finance. Je vous laisse cette appréciation, que je ne comprends pas. Pour ma part, comme mes collègues du Gouvernement, je suis convaincue que la finance est à la fois un outil et un acteur qui doit être au service du pays, des entreprises et de l'ensemble de nos concitoyens, pour assurer la prospérité de tous. Le rôle du Gouvernement en matière financière est d'assurer une réglementation solide, juste, qui protège nos concitoyens. (M. Olivier Cadic applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.
M. Jean-Claude Requier. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collèges, il existe en économie une théorie des cycles, qui peut effectivement faire craindre que, selon la judicieuse expression de Pierre-Yves Collombat, « l'histoire bégaie ». Après la longue crise, ou plutôt la succession de crises qui ont miné l'économie mondiale depuis 2007, nous entrons actuellement dans une phase d'embellie. Nous le savons, la croissance de l'Union européenne devrait atteindre 2,3 % en 2018. Depuis l'année dernière, tous les indicateurs économiques mondiaux passent au vert.
Pour autant, la vigilance doit continuer de s'imposer, en particulier s'agissant de la possible formation de bulles ou de l'utilisation abusive de certains outils financiers.
Depuis 2007–2008, les banques centrales ont mis en oeuvre des politiques exceptionnelles qui se sont traduites par des taux d'intérêt exceptionnellement bas et une liquidité surabondante. Or, selon le prix Nobel Jean Tirole – un Toulousain –, une bulle peut émerger quand le taux d'intérêt est inférieur au taux de croissance. Par ailleurs, quand il y a trop de liquidités, les financiers sont en quête d'actifs rentables. Le FMI s'en est inquiété à l'automne, à propos d'actifs non traditionnels comme le fameux bitcoin, qui est souvent évoqué, mais il n'est pas le seul.
Je voulais évoquer également les LBO, ces rachats d'entreprises par endettement, dont les entreprises françaises sont très friandes. Je sais que le Haut Conseil de stabilité financière ainsi que la BCE ont alerté sur la hausse des emprunts bancaires et des financements par LBO, qui pourraient faire peser des risques sur la stabilité financière. La hausse des taux d'intérêt pourrait en effet fragiliser les sociétés trop endettées.
Madame la secrétaire d'État, quel est votre sentiment sur ces LBO, et quelles actions préventives pourraient être envisagées pour que ces opérations soient non seulement sans danger pour les entreprises qui les mènent, mais également sans risque pour la stabilité financière dans son ensemble ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances. Monsieur le sénateur, comme vous l'avez noté, la reprise de l'activité économique est là. C'est une bonne nouvelle. Elle s'accompagne d'une accélération du cycle financier, ce qui créé potentiellement des risques, lesquels doivent être maîtrisés.
Les autorités de surveillance – la Banque de France, la BCE et le CERS, ou comité européen du risque systémique – pointent deux risques principaux sur la stabilité financière en France : l'endettement des entreprises privées et une réévaluation au niveau mondial des primes de risque.
Monsieur Requier, vous avez en particulier soulevé le sujet des bulles spéculatives. Il ne nous semble pas qu'il y ait aujourd'hui un risque prégnant et urgent à cet égard. Il peut y avoir des doutes sur l'immobilier dans certains pays, mais ces phénomènes font l'objet d'une grande vigilance et ne nous paraissent pas appeler de mesures de restriction.
Nous exerçons une vigilance approfondie, par l'intermédiaire du Haut Conseil de stabilité financière et des pouvoirs macroprudentiels dont il dispose, sur la stabilité des marchés financiers et la valorisation des prix des actifs. Cet organisme a d'ailleurs exprimé à la fin de l'année dernière son inquiétude sur le dynamisme de l'endettement des entreprises et a prôné des mesures visant à limiter l'exposition des banques en France aux dettes des principales entreprises. Ce problème nous semble aujourd'hui bien maîtrisé.
M. le président. La parole est à M. François Bonhomme, pour le groupe Les Républicains.
M. François Bonhomme. Madame la secrétaire d'État, un peu plus de dix ans après le début de la crise financière mondiale, qui s'est transformée en une crise économique planétaire, toutes les leçons ont-elles été tirées, en particulier par les banques ? On peut en douter, car il semble que le risque se soit déplacé sur de nouveaux terrains.
Les acteurs traditionnels de la finance, en particulier les grandes banques systémiques, ont subi à l'époque plusieurs tours de vis réglementaires. Sous la pression des autorités de l'époque, elles ont largement renforcé leurs fonds propres et réduit les risques à leur bilan. Entre 2007 et 2015, elles ont doublé leur capitalisation rapportée à leurs actifs financiers. En parallèle, ces banques ont dû revoir leurs modèles pour se concentrer sur des activités compatibles avec la nouvelle donne réglementaire.
Les grandes banques américaines ont mené, les premières, de lourdes restructurations qui leur ont permis de renforcer leur domination mondiale. Elles sont désormais plus grandes qu'en 2007, certes toujours un peu moins rentables, mais nettement plus que les banques européennes. Ces dernières avancent encore en ordre dispersé.
La vague de publications des résultats trimestriels a confirmé que l'écart se creusait entre celles qui doivent encore achever leur restructuration, qui n'en finissent pas de payer la facture des litiges passés, et celles qui ont taillé dans le vif. L'Europe compte encore beaucoup de banques convalescentes, au bilan fragilisé par des créances douteuses. C'est notamment le cas en Italie.
Dès lors, madame la secrétaire d'État, pouvez-vous assurer que les produits toxiques ont été éradiqués ? Plus généralement, comment comptez-vous garantir, dans le cadre du mécanisme européen de supervision unique désormais en place, que la France puisse assurer une prégnance forte sur la gestion de ces acteurs bancaires ? (Applaudissements sur la plupart des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances. Monsieur le sénateur, vous soulignez à raison qu'il existe des situations relativement variées au sein de la zone euro s'agissant des résultats des banques, de la situation de leur bilan, de leur modèle d'affaires.
Heureusement, nous avons aujourd'hui des mécanismes communs de supervision et de résolution, obéissant aux mêmes règles, qui sont plus matures. Nous disposons d'une feuille de route commune qui s'applique à l'ensemble des banques de la zone euro pour renforcer leurs fonds propres et gérer les créances douteuses qui pourraient rester à leur bilan. J'ai mentionné voilà quelques instants une initiative et un plan d'action au niveau européen, que nous continuons à pousser afin que ces situations de créances douteuses soient peu à peu apurées.
Je vous confirme que la France participe et que les autorités de la zone euro prennent toute leur part à ce travail de nettoyage qui se poursuit.
M. le président. La parole est à M. François Bonhomme, pour la réplique.
M. François Bonhomme. Madame la secrétaire d'État, j'aimerais partager votre optimisme, mais nous avons des nouvelles qui sont quand même assez inquiétantes.
Aux États-Unis, les retards s'accumulent pour le paiement des crédits subprimes automobiles et des prêts étudiants. Par ailleurs, les crédits aux ménages très peu solvables, les deep subprimes, ont explosé ces derniers mois. Enfin, les titrisations synthétiques, qui consistent à ne transférer que le risque, se multiplient, comme en 2008.
S'agissant de la Chine, je rappelle simplement que les banques recourent à des montages de titrisation de plus en plus complexes pour se délester d'actifs toxiques.
Tout cela devrait nous inciter à encore plus de prudence, car je crois que le risque n'est pas derrière nous. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Pierre-Yves Collombat applaudit également.)
M. Jean-Paul Émorine. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Didier Rambaud, pour le groupe La République En Marche.
M. Didier Rambaud. D'abord, je salue à mon tour le travail sérieux et minutieux de M. le rapporteur, sans pour autant partager à 100 % ses conclusions. Je tiens aussi à saluer le travail de la délégation à la prospective, que je viens de rejoindre, et dont je vois tout l'intérêt et l'utilité.
Madame la secrétaire d'État, j'aimerais rebondir sur un aspect évoqué dans la quatrième partie du rapport, à savoir le niveau d'investissement public dans un cadre réglementaire contraint.
Il s'agit notamment des règles négociées au niveau européen – je dis bien « négociées » parce qu'elles ne sont pas imposées à la France, comme l'on veut trop souvent nous le faire croire –, qu'il s'agisse du pacte de stabilité et de croissance, du six pack et du two pack, ou du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance de l'UEM de 2012, encadrant fortement les finances publiques.
Je crois d'ailleurs que les Français se réjouissent que la période où tel ou tel gouvernement laissait filer les déficits soit terminée. Ils saluent le Gouvernement de s'être engagé à réduire le déficit et la dette sur le quinquennat, tout en baissant les prélèvements obligatoires.
En même temps, nous le savons, l'investissement public a l'effet multiplicateur le plus élevé parmi les mesures budgétaires, et de nombreuses études ont montré la complémentarité qui existe avec l'investissement privé. Dit autrement, les effets sur la croissance de long terme de l'investissement public ne sont plus à démontrer.
Ma question est simple, madame la secrétaire d'État : comment pouvons-nous concilier les contraintes de finances publiques, utiles et nécessaires, par ailleurs, et le financement de l'investissement public ? J'ajoute une sous-question : comment pouvons-nous, nous, parlementaires, avoir la garantie que l'investissement public soit bien fléché, donc qu'il ait un bénéfice socioéconomique non discutable ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances. Monsieur le sénateur, en effet, tout le sujet est bien de trouver un équilibre entre l'assainissement des finances publiques, le respect de la trajectoire décidée par le Gouvernement – il n'y a pas le choix, elle doit être tenue ! –, et un bon niveau d'investissement public, qui est une autre priorité du Gouvernement.
Sur le plan de l'investissement, comme vous le savez, un programme de 57 milliards d'euros à l'horizon 2022 a été engagé. Il s'agit de mettre l'accent sur une amélioration de la qualité de la dépense publique et de l'évaluation de l'utilisation de ces crédits d'investissement. Il est ainsi prévu des actions pour sanctuariser les dépenses qui contribuent le plus au développement économique durable de notre pays.
M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
M. Éric Bocquet. Mes chers collègues, Louis XVI écrivit un seul mot dans son journal personnel le matin du 14 juillet 1789 : « Rien » ; 219 ans plus tard, M. Alain Minc, grand expert économiste devant l'éternel, déclara, six mois avant la crise, en octobre 2008 : « Je pense que la crise est derrière nous et que notre système économique a bien tenu. »
À l'heure où moins de 2 %, 1,6 % pour être précis, des transactions financières dans le monde ont un lien avec l'économie réelle, c'est-à-dire la production de biens, de marchandises et de services pour l'humanité, il paraît que nous aurions tiré toutes les leçons de la crise de 2008. La finance serait maîtrisée, régulée, contrôlée, assainie, sécurisée.
Mme Couppey-Soubeyran, universitaire qui fut auditionnée par la délégation à la prospective, a dit : l'économie a souffert de la crise, le secteur bancaire pas du tout. La valeur des actifs des banques françaises est passée de 7 000 milliards d'euros en 2007 à 8 500 milliards d'euros en 2014, et sans doute plus aujourd'hui. Les activités de produits dérivés dans le monde ont atteint en 2012 quelque 625 000 milliards de dollars, et nous serions aujourd'hui à 800 000 milliards, soit dix fois le PIB du monde. Et je ne parle pas de la finance de l'ombre, déjà évoquée, qui ne subit aucune régulation. Le trading haute fréquence est par ailleurs économiquement inutile.
Bien sûr, il y a eu la loi bancaire de 2013, mais tout le monde s'en est moqué. Ainsi, M. Oudéa, P-DG de la deuxième banque française, a dit devant des députés médusés, lors de son audition par la commission des finances : « Votre loi va encadrer 1 % de mon activité bancaire. »
L'argent va donc beaucoup et surtout à la spéculation, et trop peu à l'investissement pour avoir une croissance économique durable. Le Gouvernement a fait le pari du ruissellement : est-ce bien raisonnable dans un contexte d'hyper-liquidités ? Madame la secrétaire d'État, envisagez-vous, au regard des risques d'un nouveau krach financier, de renforcer singulièrement les contraintes de la loi bancaire française ? L'attention et la vigilance ne suffiront pas : il faut des actes forts !
M. le président. Quelle est votre réponse, madame la secrétaire d'État ?
M. Bruno Sido. « Rien » ! (Sourires.)
Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances. Monsieur le sénateur, vous évoquez des risques nouveaux qui s'amplifieraient depuis la crise de 2008.
En effet, il y a en permanence de la créativité dans le secteur financier, comme dans tous les secteurs, mais soyez assuré que nous observons cette créativité. Nous en parlons aussi au plan international avec nos partenaires. Nous avons par exemple proposé d'évoquer un certain nombre de sujets au G20, par exemple la titrisation, le bitcoin, ou la finance chinoise, qui fait l'objet de discussions.
Même si nous ne crions pas au loup, nous nous occupons et nous préoccupons bien de tout cela.
S'agissant des produits dérivés, qui semblent particulièrement vous préoccuper, nous pensons bien évidemment qu'ils doivent être correctement encadrés, mais nous considérons qu'ils constituent un élément utile pour contribuer au bon fonctionnement de l'économie, en particulier à la couverture des risques dans les entreprises qui y ont recours.
Enfin, nous voulons aussi que le trading haute fréquence soit encadré, mais nous pensons également qu'il a un impact positif sur la liquidité des marchés.
Sur tous ces instruments, en fait, nous sommes obligés de considérer les apports et points positifs, les risques et l'encadrement nécessaire. Telle est la tâche à laquelle s'attellent l'ensemble des autorités, avec l'appui des administrations françaises.
M. le président. La parole est à M. Pierre Médevielle, pour le groupe Union Centriste.
M. Pierre Médevielle. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, le rapport de Pierre-Yves Collombat fait dans le cadre de notre délégation à la prospective est un travail important. Je le remercie de nous permettre d'en débattre aujourd'hui.
Dix ans après, la crise de 2008 est-elle vraiment terminée ? Selon le rapport, pas du tout ; j'apporterais pour ma part une réponse plus nuancée.
La crise de 2008 n'est pas terminée, mais la situation économique s'est un peu améliorée en France.
Depuis 2014, la croissance du PIB est remontée pour se stabiliser aujourd'hui autour de 1 %. Certes, c'est faible, mais c'est un début de redémarrage.
Beaucoup plus inquiétant est le constat que les fondamentaux du système financier n'ont pas été réformés depuis 2008.
La législation européenne n'a pas évolué. La loi bancaire de François Hollande, dont la finance était pourtant l'ennemie, n'impacterait que 0,75 % des revenus des grandes banques.
Dans ces conditions, une nouvelle crise est inéluctable. Le système financier mondial actuel est naturellement générateur de bulles spéculatives. Tous les experts le disent : il y aura de nouveaux krachs. La seule chose que l'on ignore, c'est quand et de quel type d'actifs cela viendra.
Pourtant, les mesures d'assainissement du système sont connues : séparer les activités spéculatives et celles de financement de l'économie ; interdire les activités trop spéculatives.
Ce dispositif n'a rien de révolutionnaire, les États-Unis l'ayant déjà mis en place avec le Dodd-Frank Act de 2010.
Madame la secrétaire d'État, le gouvernement auquel vous appartenez entend-il sécuriser le système financier à l'échelon tant national qu'européen ? (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances. J'ai déjà eu l'occasion voilà quelques instants d'évoquer la séparation des activités au sein des banques, mais je reviens un peu sur ce sujet pour vous répondre, monsieur le sénateur. Aux États-Unis, il a existé dans le passé un régime dans lequel les banques d'investissement et les banques de dépôt n'avaient pas le droit de coexister dans la même entité. En revanche, dans la situation actuelle, ce sont les activités pour compte propre des banques, considérées comme spéculatives, qui sont isolées du reste du bilan des banques.
La loi bancaire française, qui date de 2013, adopte une approche relativement similaire pour limiter les risques : les activités spéculatives sont cantonnées dans des filiales dédiées, afin qu'elles ne puissent pas avoir d'impact sur la valeur du reste de la banque. C'est donc bien cette solution qui a été retenue en France.
M. le président. La parole est à M. Franck Montaugé, pour le groupe socialiste et républicain.
M. Franck Montaugé. Merci à Pierre-Yves Collombat pour la grande qualité de ce travail !
La crise de 2008 a révélé l'incapacité de la pensée économique à analyser les dysfonctionnements de la sphère financière et, par conséquent, à recommander les politiques préventives et curatives nécessaires.
Aujourd'hui, les voix de Paul Romer, actuellement économiste en chef de la Banque mondiale, ou encore d'Olivier Blanchard, ancien économiste en chef du FMI, plaident pour un renouveau de la pensée économique et, notamment, de la macroéconomie.
En 2009, le rapport de la commission sur la mesure des performances économiques et du progrès social, dite « commission Stiglitz-Sen-Fitoussi », indiquait : « Si nous avions été plus conscients des limites des mesures classiques comme le PIB, l'euphorie liée aux performances économiques des années d'avant la crise aurait été moindre. Des outils de mesure intégrant des évaluations de soutenabilité – endettement privé croissant, par exemple – nous auraient donné une vision plus prudente de ces performances. »
En France, des efforts ont été faits en ce sens. Je pense notamment au rapport sur les nouveaux indicateurs de richesse issu de la loi du 13 avril 2015, loi adoptée sur la proposition de Mme Eva Sas. L'un de ces indicateurs porte précisément sur l'évaluation de l'endettement privé.
À ce propos, le rapport de 2017, qui devait paraître en octobre dernier, n'est toujours pas disponible. Pouvez-vous nous dire, madame la secrétaire d'État, si vous le publierez comme il se doit ?
Pierre-Yves Collombat indique dans son rapport que 12 % des hedge funds britanniques sont logés dans des paradis fiscaux et pratiquent des effets de levier supérieurs à 50. Madame la secrétaire d'État, le gouvernement entend-il s'engager avec ses partenaires européens dans la mise en oeuvre d'un « cadastre financier » ? Ce mécanisme, proposé par Gabriel Zucman, professeur français à l'université de Berkeley, permettrait de suivre l'intégralité des mouvements et de localiser tous les dépôts.
Enfin, le Gouvernement a-t-il la volonté politique d'aller au-delà des mesures prises dans la loi du 27 juillet 2013 de séparation et de régulation des activités bancaires ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances. Monsieur le sénateur, vous exprimez votre intérêt pour certains indicateurs qui permettraient de mesurer la richesse nationale avec une vision plus large du bien-être et de la richesse que celle que permet le PIB. Nous sommes en ligne avec cette idée et nous travaillons donc sur ce genre d'indicateurs.
En revanche, quant au rapport que vous mentionnez, je ne peux pas vous répondre, car je ne dispose pas d'informations relatives à sa publication.
Vous évoquez l'idée d'un cadastre mondial des actifs financiers. Dans cet esprit, une institution existe déjà : la Banque des règlements internationaux, ou BRI, suit l'ensemble des flux financiers à l'échelle mondiale. Une partie de ce traçage des flux est bien suivie.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Gabouty, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.
M. Jean-Marc Gabouty. À l'échelle de la planète, l'endettement représente 230 % du PIB mondial. Plus que le niveau de cet endettement, c'est peut-être plutôt sa nature qui suscite quelques inquiétudes. Cette estimation globale recouvre en effet non seulement l'endettement des États et des opérateurs publics, qui vise principalement à couvrir leur déficit de fonctionnement, mais aussi l'endettement du secteur privé et, notamment, celui des grandes entreprises, qui leur sert plus à financer des achats d'actifs qu'à développer leur capacité de production et d'intervention.
Ce constat met en lumière l'écart grandissant entre les approches macroéconomiques et microéconomiques. En effet, cet endettement et les liquidités qu'il engendre ne semblent pas, en tout cas dans notre pays, submerger le tissu des PME. Ces dernières rencontrent toujours des difficultés pour financer leur fonctionnement et leur développement. Les règles prudentielles mises en place au niveau européen paraissent même accentuer de manière discriminatoire leurs difficultés d'accès au crédit et l'appréhension même du risque.
Ce phénomène, qui concerne aussi bien les crédits d'investissements que le renforcement des fonds propres ou les facilités de trésorerie, obère à mon sens la montée en puissance de notre économie productive et nos capacités à faire évoluer les PME, les TPE et les start-up afin de permettre l'émergence tant attendue d'un réseau plus fourni d'entreprises de taille intermédiaire.
Madame la secrétaire d'État, quels infléchissements pourraient être apportés, à l'échelon européen, à des règles prudentielles trop strictes lorsqu'elles se répercutent sur le financement des PME ? Quels autres dispositifs pourraient être envisagés à l'échelon national pour favoriser le renforcement des fonds propres et le financement des projets des entreprises ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances. Monsieur le sénateur, vous avez exprimé des préoccupations sur le niveau d'endettement à l'échelon mondial, qu'il s'agisse des dettes publiques ou des dettes privées. On ne peut pas se passer de dette ; s'endetter est une façon de donner du carburant à l'économie. En revanche, il est clair que, pour certains pays ou certaines entreprises, cet endettement peut atteindre des seuils au-delà desquels il n'est plus soutenable.
Pour ce qui concerne la France, comme vous le savez, nous souhaitons réduire l'endettement public et nous avons fixé des objectifs clairs et ambitieux dans ce sens.
Quant aux entreprises, il est vrai qu'aujourd'hui, en France, l'accès à l'endettement, en particulier pour les PME, est plutôt bon. C'est donc plutôt du côté du capital qu'il y aurait des choses à améliorer. C'est dans ce sens que nous allons avec le PACTE. Ce plan vise à offrir aux PME un accès accru au marché boursier ; l'épargne des Français serait orientée vers des supports d'épargne longue qui puissent comprendre et porter le risque des entreprises et, en particulier, des PME.
Comme vous le savez, monsieur le sénateur, les mesures fiscales de la loi de finances pour 2018 vont aussi et déjà dans ce sens : il s'agit de réorienter et d'accélérer l'intérêt des ménages vers des supports qui viennent financer le bilan des entreprises et leur capital, singulièrement leurs fonds propres.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Gabouty, pour la réplique.
M. Jean-Marc Gabouty. Le système de crédit aux PME ne fonctionne, aujourd'hui, que parce qu'il existe des systèmes de garantie et de contre-garantie. De fait, les banques ne sont plus que des trésoreries. Je crois donc qu'il y a une perversion du dispositif dans son ensemble.
M. le président. La parole est à M. Serge Babary, pour le groupe Les Républicains.
M. Serge Babary. Je souhaite saluer le travail considérable réalisé par notre collègue Pierre-Yves Collombat.
J'adhère pleinement à l'alerte qu'il lance quant au risque d'explosion d'un système financier virtuel. La conclusion de son rapport le constate très justement : « Après dix ans de crise, la probabilité de réédition d'un krach du système financier d'ampleur équivalente n'a pas diminué. »
La plus grande crise financière de ce début de XXIe siècle a en réalité commencé le 9 août 2007 en France. Ce jour-là, BNP Paribas gelait les retraits de ses clients dans trois de ses fonds d'investissement. Elle admettait ne plus pouvoir valoriser les actifs détenus dans ces fonds, car ils n'étaient plus échangeables sur les marchés. Cela démontre que cette crise était prévisible.
On sait d'ailleurs qu'aux États-Unis certains experts avaient, dès 2005, anticipé la crise des subprimes et spéculé sur l'effondrement des marchés financiers. On sait aussi que cette crise n'a atteint l'ampleur mondiale qu'on lui connaît qu'en raison de l'irresponsabilité de certaines banques et agences de notation, mais aussi à cause d'une prise de conscience internationale tardive.
Il y a néanmoins toujours des signaux indicateurs de crise. Depuis cinq ans, le monde n'a connu aucune crise financière majeure, et la France va beaucoup mieux. Toutefois, les perspectives économiques de l'OFCE, dévoilées en octobre dernier, confirment ce que la presse décrit depuis plus de six mois, à savoir les potentielles causes d'une nouvelle crise : boom immobilier en Chine et en Suède, bitcoin, crise de la dette publique.
La politique menée par les banques centrales a conduit les taux d'intérêt au plus bas, ce qui permet à la France de s'endetter à bas coût sans en sentir immédiatement les conséquences budgétaires.
La France empruntera en 2018 un montant record sur les marchés : 195 milliards d'euros ! Inévitablement, les taux d'intérêt vont finir par remonter.
Le 29 décembre dernier, Standard & Poor's envisageait un scénario catastrophe au cas où la France n'entreprendrait pas des réformes radicales. La dette atteindrait, en 2050, 166,4 % du PIB, contre 97,6 % aujourd'hui.
En juillet dernier, le gouverneur de la Banque de France avait déjà donné l'alerte et insisté sur la nécessité d'une réforme des services publics. Pouvez-vous, madame la secrétaire d'État, nous préciser aujourd'hui si des mesures d'anticipation et de protection face à une remontée des taux d'intérêt sont prises par le Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances. Monsieur le sénateur, comme vous l'avez relevé, dans le cadre de leur réponse à la crise, les banques centrales sont massivement intervenues pour permettre de financer l'économie et donc de limiter l'impact de ces crises sur la situation des populations. Elles ont abaissé leurs taux directeurs en territoire légèrement négatif afin de soutenir l'économie.
Ensuite, parce que cette expansion monétaire n'a pu être suffisante, elles ont mis en oeuvre une nouvelle stratégie non conventionnelle, à savoir l'assouplissement quantitatif. Ces achats d'actifs ont permis d'influencer plus directement les taux de long terme, qui guident les décisions d'investissement.
Dans le contexte actuel, les grandes banques centrales devront trouver le bon équilibre pour soutenir la reprise économique et éviter les excès financiers. Même si la reprise économique se poursuit, l'inflation reste faible, ce qui amènera probablement les banques centrales à ne durcir que très graduellement leur politique. Toutefois, elles seront également attentives aux prises de risque croissantes des acteurs financiers et pourraient chercher, conjointement avec les autorités prudentielles, à éviter des excès qui pourraient être source de crises futures.
S'agissant de la façon dont nous anticipons leurs changements de politique ou l'évolution graduelle de leur politique, ce point a bien été pris en compte dans la trajectoire des finances publiques. Vous pourrez noter que le Gouvernement a d'ores et déjà anticipé une augmentation graduelle des taux d'intérêt et son impact sur nos charges financières.
M. le président. La parole est à M. Didier Rambaud, pour le groupe La République En Marche.
M. Didier Rambaud. Madame la secrétaire d'État, les analyses d'économistes le montrent et la presse spécialisée s'en fait l'écho régulièrement : la réglementation et la supervision du secteur bancaire n'épousent pas totalement les contours des différents canaux du financement de l'économie.
Ainsi, le secteur bancaire parallèle échappe à ces réglementations : j'ai en tête le shadow banking, qui regroupe hedge funds, fonds communs de créances et autres véhicules de titrisation. Le rôle de ces fonds a été mis en lumière lors de la crise de 2007 ; nous en parlions ce matin, en commission des finances, à l'occasion de l'audition du gouverneur de la Banque de France. Leur rôle dans la crise a été d'autant plus important que ces fonds sont d'importants acheteurs de risque sur les marchés de produits financiers dérivés.
Sans jeu de mots, le shadow banking continue de poser des risques pour la stabilité financière. Les moyens mis en oeuvre pour les contrer semblent bien faibles : je pense par exemple à la directive européenne de 2010 sur les hedge funds, qui n'affecte pas l'ensemble de ces fonds.
Je voudrais aussi rappeler que, selon le Conseil de stabilité financière, les sommes gérées par le shadow banking représentaient en 2015, à l'échelle mondiale, environ 92 000 milliards de dollars, soit l'équivalent de la moitié du système bancaire traditionnel.
Je crois que le danger du secteur bancaire parallèle est bien réel. Madame la secrétaire d'État, ma question est simple : comment peut-on limiter le risque que fait peser le shadow banking sur la stabilité financière ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances. Monsieur le sénateur, comme vous l'avez noté, depuis la crise, le système bancaire parallèle joue un rôle croissant dans le financement de l'économie réelle, en particulier en apportant de nouveaux outils de financement aux entreprises.
Compte tenu de ces risques, il convient d'observer l'évolution de ce secteur avec une attention toute particulière. C'est ce que nous faisons, essentiellement à l'échelle internationale, puisque c'est là que se situe le bon niveau d'action compte tenu des flux et des acteurs en jeu. Le G20 et le Conseil de stabilité financière s'en sont saisis. La France joue un rôle moteur pour pousser ces discussions dans les instances internationales : nous participons aux groupes de travail sur ce sujet et nous proposons des mesures concrètes pour permettre de mieux comprendre et de mieux réguler ces activités.
À l'échelon européen, les textes adoptés à la fin du mois d'octobre 2017 définissent un cadre pour la titrisation, à savoir la titrisation dite « STS » : simple, transparente et standardisée. Ce cadre renforce la transparence des marchés et offre ainsi aux investisseurs une protection plus efficace et une meilleure gestion des risques systémiques.
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
M. Pascal Savoldelli. Je voudrais d'abord exprimer mon accord total avec les propos qu'a tenus M. Sueur sur les modalités de ce débat. Cela dit, ce rapport a un mérite : il nous fait tous admettre que nous apprécions ces analyses et il lance une nouvelle alerte sur la financiarisation de l'économie. C'est cela qui nous importe, mais aussi d'avoir un débat politique, madame la secrétaire d'État, sur cette question.
En effet, en 2008, c'est tout de même à partir d'un segment étroit – les crédits immobiliers aux particuliers – que s'est propagée une véritable thrombose des marchés financiers, mal qui a touché, par ricochet, l'ensemble des secteurs financiers. Il nous faut détricoter le problème, dans notre diversité.
On sait quelles mesures durent être prises pour redonner un peu de liquidité à des activités bancaires frappées par la méfiance réciproque et la chute libre des cours de bourse.
Ces derniers mois, malgré la politique bienveillante de la BCE en termes de création monétaire, la France connaît une situation paradoxale.
Les taux d'intérêt sont historiquement bas. Pour ma part, je pense que la dette privée des ménages et des entreprises n'y est pas pour rien, puisqu'elle connaît une ascension constante, atteignant désormais 130 % du PIB. Concernant les ménages, la croissance de l'endettement atteint près de 6 % en glissement annuel, avec une augmentation marquée des crédits à la consommation et des crédits liés à l'habitat.
De notre point de vue, cet endettement des ménages, s'il a permis de porter une partie de l'activité économique en 2017, est aussi porteur de risques pour la solidité du secteur financier dans les années à venir. En effet, les taux d'intérêt réels associés aux emprunts sont sans commune mesure avec la progression du pouvoir d'achat.
Quelles mesures, madame la secrétaire d'État, comptez-vous prendre pour pallier ce risque systémique ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
M. Pascal Savoldelli. S'il n'y en a pas, il n'y en a pas ! (Sourires.)
M. Roger Karoutchi, président de la délégation sénatoriale à la prospective. Pas de révolution !
Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances. Monsieur le sénateur, je ne reviendrai pas sur mon constat initial : nous ne rejoignons pas vos vues sur le rôle de la finance dans l'économie. Il faut savoir faire en sorte que la finance contribue à l'économie et soit un facteur de croissance et de prospérité.
M. Pierre-Yves Collombat. Incantation !
Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d'État. Pas de diabolisation dans nos propos !
M. Pierre-Yves Collombat. Oh ! Diaboliser des gens aussi utiles !
Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d'État. Selon vous, monsieur Savoldelli, l'endettement des ménages est un sujet évolutif et préoccupant. Pourtant, des outils existent : nous avons en particulier pris des mesures sur le surendettement. Ce problème nous semble donc plutôt connaître une trajectoire de légère amélioration au cours des dernières années, et non pas, de ce point de vue, une forte aggravation. Il n'en reste pas moins que nous disposons d'un plan d'action pour répondre à ces situations de surendettement et que nous restons vigilants quant à leur évolution.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Janssens, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
M. Jean-Marie Janssens. Comme celles et ceux qui m'ont précédé, je tiens à souligner le travail remarquable de notre collègue Pierre-Yves Collombat. Son rapport aussi documenté qu'accessible est un document majeur sur la crise mondiale de 2008.
En 2008, justement, l'année même où la finance mondiale entrait dans une crise d'une ampleur exceptionnelle, naissait une technologie qui semble capable, à terme, de transformer le monde de la finance et de l'argent. Je veux parler du bitcoin.
Le bitcoin est ce que l'on appelle une crypto-monnaie : une monnaie numérique qui a pour particularité de ne pas être soumise au contrôle des États ou d'un quelconque tiers.
L'Histoire avance. Hier, l'or, les billets ; aujourd'hui, les chèques, les cartes bleues ; demain, le bitcoin ? On voit que nos paiements quotidiens sont de plus en plus dématérialisés. Ce n'est peut-être qu'un début. Le bitcoin, en effet, va beaucoup plus loin en n'existant que sur le réseau informatique et en se passant d'intermédiaire. Certains y voient une bulle ; d'autres, une révolution comparable à l'imprimerie, à la micro-informatique ou à l'Internet.
Le passionnant rapport de la délégation sénatoriale à la prospective sur les perspectives de la finance mondiale n'intègre ni l'émergence du bitcoin et des autres crypto-monnaies ni leur influence potentielle sur le système financier mondial.
En outre, ces nouvelles monnaies peuvent également révolutionner le rapport entre politique et finance. Nous devons le prendre en compte et l'anticiper.
En complément à ce passionnant rapport, le Gouvernement peut-il nous apporter son point de vue et son éclairage sur le phénomène du bitcoin et des crypto-monnaies, phénomène qui va peut-être changer l'Histoire ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances. Le sujet des crypto-actifs est d'actualité. En effet, ils ont connu un essor spectaculaire, en particulier quant à leur valorisation, au cours de l'année 2017. Comme vous le savez, leur développement est lié à la maîtrise de la technologie de la blockchain, qui permet l'apparition de nouveaux types d'actifs. Cela dit, aujourd'hui, la capitalisation totale de ces actifs, qu'on appelle, pour la plupart, des « crypto-monnaies », représente environ 700 milliards de dollars. De fait, il s'agit bien d'une évolution spectaculaire, puisque cette capitalisation était inférieure à 20 milliards de dollars au début de 2017.
Ces actifs posent plusieurs enjeux de régulation. En matière de stabilité financière, nous considérons que le risque reste aujourd'hui limité au vu des volumes en jeu. En revanche, pour ce qui est de la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme, des problématiques spécifiques doivent évidemment être traitées. Il en est de même pour l'information et les risques qui se manifestent pour les investisseurs non professionnels : la volatilité de ce type d'actifs est en effet très forte et il existe donc des risques pour les investisseurs non avertis ou mal avertis qui voudraient placer leurs économies dans ce genre de produits.
Nous avons proposé d'étudier ces sujets au sein du G20 et nous avons été soutenus dans cette initiative par l'Italie et l'Allemagne. Nous avons également demandé à Jean-Pierre Landau, ancien sous-gouverneur de la Banque de France, de nous remettre un rapport permettant d'alimenter les travaux du G20 sur ces sujets.
M. le président. La parole est à M. Yannick Vaugrenard, pour le groupe socialiste et républicain.
M. Yannick Vaugrenard. Voilà un peu plus d'un an, Pierre-Yves Collombat nous présentait son rapport sur l'avenir et les risques du système bancaire et financier international.
Je retiendrai une de ses conclusions, celle qui m'apparaît comme la plus préoccupante : « la probabilité d'un nouveau crash du système financier comparable à 2007–2008 ». La question n'est donc plus de savoir si ce crash aura lieu, mais quand il aura lieu.
Ainsi, les fonds publics déversés au moment de la crise n'auront pas suffi à faire prendre conscience des indispensables mesures à prendre pour nous prémunir des errances et des inconséquences du monde de la finance.
Le constat fou que seulement 10 % des échanges boursiers sont en rapport avec l'économie réelle est la démonstration que ce système, sans contrôle, sans régulation imposée, peut nous mener au désastre. La technocratie financière a pris le pouvoir depuis trop longtemps ;…
M. Charles Revet. C'est une certitude !
M. Yannick Vaugrenard. … c'est au pouvoir politique de lui reprendre. Pour cela, profitons de ce qui a commencé à faire ses preuves, certes avec des imperfections : je veux parler des conférences mondiales sur l'environnement, les COP.
Il est indispensable que les pays qui se sont retrouvés pour échanger, proposer et décider dans les COP environnementales fassent de même sur les questions financières et fiscales. C'était une proposition d'Éric Bocquet et d'autres ; je m'y rallie volontiers.
En effet, nous n'imaginons pas que la France ait les capacités d'agir seule, tant il est vrai que la finance n'a pas de frontières. Nous ne pouvons pas, pour paraphraser le général de Gaulle, faire notre petite soupe, à petit feu, dans notre petit coin !
Portons cette initiative de COP financière et fiscale internationale ! Sinon, c'est l'égoïsme habituel qui risque de prévaloir et de nous conduire, une fois encore, à une errance financière majeure et à la catastrophe économique et sociale qui, malheureusement, risquerait d'en découler. (Applaudissements sur quelques travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances. Monsieur le sénateur, je ne vous dirai pas qu'il n'y aura plus de crise. On ne peut pas exclure de nouvelles crises. Ce qui est sûr, c'est que, progressivement, nous avons appris des événements qui ont eu lieu et nous avons mis en place des systèmes qui visent à développer notre résilience face aux crises, qu'elles affectent le secteur financier, la trajectoire de nos finances publiques ou encore l'environnement, puisque vous avez évoqué le développement des instances internationales dans ce domaine.
Sur le sujet particulier des crises financières, l'action et la concertation se sont très tôt placées à l'échelon international, puisque, dès avril 2009, le G20 a mis en place le FSB, le Financial Stability Board, dans la perspective d'apporter une impulsion politique pour répondre au défaut de normes.
C'est aussi au sein du Comité de Bâle que se discutent les outils de surveillance prudentielle. C'est à l'échelon européen que les paquets bancaires traduisent ces outils et ces concepts dans le droit. Depuis la crise, il me semble que nous avons pris conscience que c'est bien à un niveau international et européen que doivent se prendre les bonnes décisions.
M. le président. La parole est à M. Michel Raison, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Michel Raison. Ma question rejoint celle de mon collègue. Nous sommes unanimes : la régulation en matière bancaire – et au-delà ! – est indispensable.
Bel exemple que le financement du crédit immobilier « à la française », dont la remise en cause serait très préjudiciable. Il repose sur trois spécificités : des taux majoritairement fixes, une analyse sérieuse de la solvabilité de l'emprunteur et une garantie reposant souvent sur le cautionnement plutôt que sur l'hypothèque.
Si ce modèle français avait prévalu aux États-Unis en 2007, la crise des subprimes et les terribles images des emprunteurs expropriés n'auraient certainement pas existé. Soyons un peu chauvins ! Les épargnants et les emprunteurs français sont plutôt bien protégés aujourd'hui.
Ces caractéristiques doivent donc être préservées. Or les travaux internationaux menés par le Comité de Bâle pourraient remettre en cause le crédit immobilier « à la française ».
Le Sénat, dans sa grande sagesse, a adopté à l'unanimité en 2016 une résolution de notre excellent collègue Didier Guillaume visant à protéger le système du crédit immobilier français dans le cadre des négociations de Bâle. Nous lancions alors une alerte sur les risques que pourraient engendrer ces nouvelles règles.
Depuis, l'accord de Bâle a été signé et il doit être transcrit en droit européen.
Madame la secrétaire d'État, ma question portera donc sur l'avenir de cet accord, dont une partie des recommandations a mené l'économie mondiale presque dans l'impasse.
J'espère fermement que vous ne laisserez pas ces règles s'imposer à nous et que vous affirmerez, comme le Sénat a su le faire en 2016, que la régulation financière doit s'imposer pour protéger les Français.
Le courage politique, ce n'est pas que des décisions imposées aux Français en politique intérieure ; c'est aussi à l'extérieur ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains – MM. Pierre-Yves Collombat, Olivier Cigolotti, Jean-Claude Luche et Pierre Médevielle applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances. Ce qui est ici en jeu, c'est bien de savoir comment est traité le système français de crédit immobilier dans le cadre prudentiel international de Bâle qui va être transposé en droit européen.
En effet, il existe des spécificités françaises, en particulier la pratique du taux fixe, en vertu de laquelle les banques gardent les risques de taux. C'est la façon dont cette spécificité va se retrouver dans les exigences prudentielles qui est en jeu.
Cette réglementation européenne est en cours de discussion ; nous militons afin que la spécificité de la pratique des banques françaises soit bien prise en compte. Nous sommes relativement confiants ; en tout cas, cette exigence est bien comprise au plan européen. Nous avons donc intégré ce sujet.
M. Michel Raison. C'est une bonne chose !
M. le président. La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian, pour le groupe socialiste et républicain.
Mme Sophie Taillé-Polian. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, je dois tout d'abord remercier mon collègue Pierre-Yves Collombat de ce rapport. Il décrit très bien – cela a été dit – le fonctionnement du capitalisme financier transnational et les difficultés systémiques passées et, hélas, certainement à venir.
Je voudrais revenir sur le financement de l'économie réelle par les banques. Je devrais plutôt parler de non-financement, tant la part consacrée à ce financement est faible par rapport à l'ensemble des transactions financières réalisées par les opérateurs financiers.
Le rapport pose bien la question : « À quoi sert réellement le marché financier ? » Alors même que le système financier a été la cause de la grande crise dont nous sortons à peine, on ne peut que regretter que l'écart entre son implication dans l'économie réelle et son activité sur les marchés spéculatifs s'accroisse, via la poursuite de pratiques risquées. Risquées pour qui ? Pour nos États et pour nos populations, car aujourd'hui, au vu des mesures qui sont prises, nous sommes toujours, en cas de crise grave, dans une situation où les risques pris seront couverts par la puissance publique.
Quelle est donc l'utilité de ce marché financier ? Le rapport cite, à titre d'exemple, la somme de 32 000 milliards de dollars d'échanges de titres à Wall Street sur un an, alors que le besoin annuel de financement des entreprises n'est que de 250 milliards de dollars par an, soit moins de 1 % du total précédent.
Autre chiffre : la part du crédit destinée aux PME ne représente que 5 % du bilan des banques françaises.
C'est dans un tel contexte, madame la secrétaire d'État, que vous avez notamment en grande partie supprimé l'ISF, l'impôt de solidarité sur la fortune, en nous assurant que cela permettrait de « financer » l'économie réelle ! Je crains pour ma part, et nous sommes nombreux à le craindre, que cette mesure ne contribue à perpétuer cette sorte de finance « casino », alors que l'argent dont nous parlons aurait pu être si positivement utilisé en faveur d'investissements publics.
Comment pouvez-vous nous garantir, madame la secrétaire d'État, que cet argent, qui eût été si utile à l'investissement public, n'alimente pas les marchés spéculatifs, mais revienne vraiment dans l'économie réelle ? Ce que vous avez dit sur le PACTE n'est guère convaincant. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances. Le Gouvernement met en oeuvre une politique d'incitation et d'orientation de l'épargne vers les entreprises, en particulier les petites et moyennes entreprises. Toutes les dispositions prévues ne sont pas encore prises. Une première série a été engagée dans le cadre du budget pour 2018 ; un nouveau paquet de mesures est proposé dans le cadre du PACTE. Il est un peu difficile, aujourd'hui, de dire quel sera le point final de tout cela. Je pense néanmoins que, en agissant sur l'ensemble des leviers qui nous paraissent actionnables, nous faisons déjà pas mal !
Madame la sénatrice, je ne saurais vous garantir que, par exemple, la part du financement des PME dans le bilan des banques va évoluer de telle ou telle façon. C'est bien pour cette raison que nous avons accepté que soit menée, après deux ans, me semble-t-il, en tout cas dans le courant du quinquennat, une évaluation de l'impact de ces mesures gouvernementales sur l'économie réelle.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Duranton, pour le groupe Les Républicains.
Mme Nicole Duranton. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, je salue tout d'abord l'excellent rapport de mon collègue Pierre-Yves Collombat.
L'histoire peut-elle bégayer indéfiniment ? Je ne le crois pas. Le politique peut-il, dans ce cas, jouer le rôle de l'orthophoniste ? Je le crois profondément.
En 2007-2008, notre monde a connu la pire crise financière de son histoire depuis celle de 1929. Malgré tout, un certain nombre d'acteurs du système financier continuent à considérer que le marché est le seul et unique instrument de régulation.
Personnellement, je crois dans le libéralisme économique, dans la possibilité pour chacun de réussir, pour chaque entreprise de se développer sans entrave ; je crois dans un marché libre et créateur de richesses.
Mais je ne crois pas à l'effacement du monde politique face à l'économie. Je ne crois pas que notre rôle soit de ramasser les débris après une crise ni que nous soyons élus pour nous ranger aux prédictions et aux recommandations d'un système imbriqué auquel on ne peut pas toujours faire confiance.
Notre rôle n'est-il pas au contraire d'imaginer l'économie de demain, une économie respectueuse de l'environnement, consciente de l'enjeu social, libre mais régulée, une économie, surtout, au service de l'économie réelle ?
J'ai été consternée, à la lecture de ce rapport, par un chiffre : 5 % seulement de l'activité bancaire servent au financement des entreprises ; 5 %, mes chers collègues ! Qu'avons-nous tous collectivement raté pour constater de tels chiffres aujourd'hui ?
Le laisser-aller en matière économique a engendré une défiance profonde à l'égard des États, des entreprises, de l'économie, à l'égard d'un système qui donne le sentiment de se liguer contre les intérêts des citoyens.
Les discours populistes prospèrent sur l'incapacité des décideurs publics à faire changer les choses.
Promenez-vous, mes chers collègues, dans les rues de chacune de nos villes. Vous entendrez sûrement l'un de nos concitoyens vous dire que, en votre qualité d'élu, vous n'avez aucun pouvoir en matière économique. Et peut-on le blâmer pour cela ? Je ne le crois pas.
C'est collectivement l'image que nous renvoyons depuis des décennies : une classe politique atone face au monstre spéculatif, impuissante face à la destruction de l'économie de notre pays, résignée face à l'étiolement de son pouvoir.
Madame la secrétaire d'État, votre gouvernement a-t-il pris la mesure de la situation et envisage-t-il des initiatives, à l'échelle européenne ou mondiale, …
M. le président. Ma chère collègue, vous dépassez de beaucoup le temps de parole qui vous est imparti. Veuillez conclure !
Mme Nicole Duranton. … pour prévenir d'autres crises et ainsi éviter au monde un nouveau choc aux conséquences sociales violentes ? (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains ainsi que sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances. S'agissant des actions que le Gouvernement compte engager au plan européen, elles revêtent bien sûr une dimension technique et économique, de réponse à la crise, mais aussi une dimension politique : il s'agit de créer un bloc de la zone euro dont le niveau d'intégration serait bien supérieur à celui qui prévaut aujourd'hui. Ce projet a une dimension éminemment politique, même s'il passe par des actions extrêmement précises et techniques relatives aux instruments.
Nous pensons que le contexte actuel est favorable à l'accélération de l'intégration de la zone euro : la croissance est forte, ce qui crée une dynamique propice aux réformes tout en évitant que nous ne fassions que réagir à des crises.
Les discussions sont engagées avec l'Allemagne. Elles sont cruciales : on n'avancera que si l'Allemagne et la France unissent leurs forces dans le même sens. Tel est le souhait exprimé par le Président de la République, annonçant, main dans la main avec la Chancelière allemande, une position commune de nos deux pays sur le sujet crucial de la zone euro d'ici à mars prochain. Tout cela, comme je l'ai dit, revêt donc une dimension éminemment politique.
Par ailleurs, à ce dossier politique s'ajoutent des sujets concrets : l'union bancaire, l'union des marchés de capitaux, la convergence fiscale. Sur ces points concrets, nous voulons enregistrer des progrès à très court terme, en 2018.
Au-delà, la France oeuvrera pour défendre une transformation en profondeur et ambitieuse de la zone euro, en particulier par la mise en place d'une capacité budgétaire de la zone sur l'ensemble des pays membres. Cette vision, là encore, a été définie par le Président de la République dans son discours de la Sorbonne.
Sur tous ces sujets, le sommet européen de la zone euro qui se tiendra en mars prochain sera un point de passage important.
M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Marc Laménie. Monsieur le président, madame la secrétaire d'tat, mes chers collègues, merci à Pierre-Yves Collombat et aux membres de la délégation à la prospective pour ce travail de fond et de grande qualité qui pose les problèmes essentiels liés tant à la crise économique et financière qu'à celle du monde agricole, au plan national et mondial. Je signale également le niveau d'endettement de notre pays, lequel a été rappelé.
Le 5 janvier dernier, madame la secrétaire d'État, avec M. le ministre de l'économie et des finances, vous visitiez, dans les Ardennes, à Vrigne-aux-Bois, l'entreprise La Fonte Ardennaise. Vous avez pu rencontrer des chefs d'entreprise qui se battent pour maintenir l'emploi et dialoguer avec l'ensemble des salariés.
La priorité est donc le soutien à nos entreprises industrielles, agricoles, du bâtiment et des travaux publics, de l'artisanat, du commerce, autrement dit le soutien à l'emploi. Les chefs d'entreprise se heurtent à différents obstacles, malgré une volonté de simplification fiscale et administrative, s'agissant du code du travail notamment.
Mes questions sont les suivantes : comment restaurer la confiance, afin que les banques puissent de nouveau accompagner les entreprises dans leur effort d'investissement ?
Comment promouvoir l'attachement au « produire français », alors qu'il existe dans tous nos départements des entreprises de grande qualité ?
Comment, par ailleurs, favoriser l'embauche ? Les chefs d'entreprise se heurtent à des difficultés pour recruter, d'où la nécessité, dans le cadre de la formation professionnelle, d'encourager le recours à l'apprentissage – on sait que la tâche, là aussi, reste immense. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances. Monsieur le sénateur, merci de m'avoir rappelé ma visite dans les Ardennes : un bon moment d'échange, en effet, avec une entreprise et ses salariés.
Concernant le financement des PME, il est lié à toute une batterie de sujets dont j'ai déjà parlé.
S'agissant de la formation, il est bien évident que ce point figure parmi les priorités du Gouvernement pour le premier semestre 2018. Il est défendu par le ministère du travail, mais l'ensemble du Gouvernement est extrêmement mobilisé. Nous parlons de formation professionnelle, d'apprentissage, de réforme des lycées professionnels, également, avec Jean-Michel Blanquer.
L'accès à une main-d'oeuvre qualifiée, à un encadrement de qualité, partout sur le territoire et surtout pour tous les métiers, est extrêmement important. Certains métiers sont aujourd'hui en tension ; il est un petit peu dommage que la reprise ne profite pas à l'emploi autant qu'elle le pourrait. Si des personnes, des jeunes notamment, étaient formées à ces métiers en tension, le cas échéant, l'effet de levier sur l'emploi serait bien supérieur. Il s'agit donc en effet d'un enjeu crucial.
D'autres inégalités, d'autres fractures territoriales peuvent également être évoquées. Je pense notamment à la fracture numérique. Ce matin, en conseil des ministres, nous avons parlé de ce qui a été annoncé en matière de couverture mobile des territoires et d'accès au très haut débit partout en France. De telles mesures vont bénéficier non seulement à nos concitoyens dans leur vie quotidienne, mais aussi aux entreprises, qui ont besoin de cette connectivité, de ces outils, de ces compétences pour se développer.
M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, pour la réplique.
M. Marc Laménie. Merci, madame la secrétaire d'État. L'enjeu me semble particulièrement important. Nous avons, dans notre pays, des entreprises et des chefs d'entreprise spécialement motivés. Leurs attentes sont fortes.
Votre combat, madame la secrétaire d'État, est un combat collectif : il s'agit de soutenir ces entreprises, de les aider à recruter et à former des jeunes, notamment dans les métiers d'avenir, en particulier les métiers manuels, et de favoriser le partenariat avec les financeurs que sont les banques.
M. le président. La parole est à M. Guillaume Chevrollier, pour le groupe Les Républicains.
M. Guillaume Chevrollier. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, en 1637 éclatait le premier krach boursier, celui des tulipes, aux Pays-Bas. Au plus fort de la bulle spéculative, le prix d'un bulbe de tulipe équivalait à quinze fois le salaire annuel d'un artisan. Et puis, brutalement, les cours se sont effondrés.
Cette histoire de la spéculation, nous la connaissons : elle s'est répétée, comme l'a rappelé mon collègue Collombat dans son rapport d'information, à travers de nombreuses crises financières mondiales. Elle se répète encore aujourd'hui, avec une fréquence d'ailleurs accentuée ces dernières années. Une bulle d'un tout autre ordre a récemment éclaté.
S'il y a une bulle aujourd'hui, c'est dans le bitcoin, titrait le Wall Street Journal le 19 novembre 2017. La poussée fulgurante de cette monnaie virtuelle, créée à l'issue de la crise des subprimes en 2009, a connu des records en décembre. Objet de toutes les spéculations et de tous les fantasmes, mais aussi phénomène de mode, le bitcoin a vu son cours augmenter de 1 000 % en un an, atteignant les 11 500 dollars l'unité, avant de violemment rechuter. Quelle volatilité !
La non-traçabilité des opérations, sa valorisation irrationnelle, sa nature même, qui est dématérialisée, font du bitcoin une valeur insaisissable, et donc dangereuse : dangereuse pour les épargnants qui achètent cet actif, dangereuse parce qu'il peut facilement être utilisé pour financer des activités illicites – fraude fiscale, blanchiment, terrorisme, trafics en tous genres.
Le bitcoin nous donne des sueurs froides, non pas tant parce qu'il menace directement l'équilibre du système financier mondial, mais parce qu'il échappe au contrôle des États, des banques centrales et des institutions financières.
La spéculation sur le bitcoin est symptomatique des dérives du fonctionnement de notre économie.
La mise en place d'un cadre réglementaire efficace relatif au bitcoin, et plus largement aux crypto-monnaies, ne pourra se faire que via une vaste coopération internationale.
À raison, M. le ministre de l'économie et des finances, Bruno Le Maire, prend ce sujet au sérieux et a souhaité que le G20 s'en saisisse lors de son prochain sommet. Pas plus tard qu'hier, il a confié à l'ancien sous-gouverneur de la Banque de France, Jean-Pierre Landau, une mission sur les crypto-monnaies.
Ma question est donc la suivante : quelles sont les différentes pistes de réflexion avancées pour faire évoluer la réglementation et ainsi protéger nos concitoyens face au bitcoin ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances. Monsieur le sénateur, vous l'avez dit, ce type de monnaies, les crypto-monnaies, représente des sommes certes significatives, mais il n'est pas en soi cause d'inquiétude s'agissant de la stabilité du système financier dans son ensemble : il correspond vraiment à une fraction relativement petite de l'ensemble des liquidités en circulation dans le monde.
C'est donc plutôt sous l'angle de leur opacité, du manque de contrôle dont elles font l'objet, de leur volatilité et des risques qu'elles représentent pour les investisseurs que nous abordons ces monnaies.
D'ores et déjà, la France a soumis ces crypto-monnaies aux obligations de droit commun en matière de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme, afin qu'elles ne restent pas dans une zone de non-droit. Nous allons engager au plan européen des mesures similaires dans le cadre de la révision de la quatrième directive anti-blanchiment.
Cela étant, vous avez parlé, monsieur le sénateur, des travaux que nous lançons dans le cadre du G20, pour lesquels nous avons mandaté Jean-Pierre Landau, chargé d'une analyse approfondie. Des réflexions sont donc menées sur le statut de ces monnaies et sur la protection des consommateurs.
Mais la technologie qui sous-tend ces crypto-monnaies représente également des opportunités. En France existe un tissu prometteur de start-up et de fintech. Il faut donc aussi travailler à sécuriser et à promouvoir les innovations dans ce domaine, en se gardant d'adopter une position complètement fermée par principe. Tel est l'équilibre sur lequel nous avons proposé à Jean-Pierre Landau de travailler.
M. le président. Mes chers collègues, nous en avons terminé avec le débat sur les conclusions du rapport d'information de la délégation sénatoriale à la prospective Une crise en quête de fin – Quand l'histoire bégaie.
Nous allons maintenant interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
Source http://www.senat.fr, le 22 janvier 2018