Texte intégral
LIONEL BERTRAND
Direction Colmar pour la spéciale Fessenheim avec vous, Maud CZAJA.
MAUD CZAJA
Le secrétaire d'Etat à la Transition écologique et solidaire est à mes côtés. Sébastien LECORNU, bonjour.
SEBASTIEN LECORNU
Bonjour.
MAUD CZAJA
Vous êtes en Alsace depuis jeudi pour installer le comité de pilotage de reconversion du site ; ça sera dans moins d'une heure ici en préfecture de Colmar. Mais on l'a entendu ce matin sur France Bleu Alsace, des salariés, des élus, des antinucléaires sont assez sceptiques. Ils n'attendent pas grand-chose de ce comité. Qu'est-ce que vous leur répondez ?
SEBASTIEN LECORNU
Le scepticisme est permis puisqu'il y a eu tellement d'attentes. Je m'en doutais mais j'ai pu le mesurer encore hier avec l'intersyndicale, avec les représentants des
MAUD CZAJA
Vous vous attendiez à être chahuté ?
SEBASTIEN LECORNU
Que je sois chahuté, il n'y a rien de grave à cela. Ça fait plus de six ans que les Alsaciens entendent parler de leur centrale à la radio, à la télévision et dans les journaux. Jamais ils n'ont eu un responsable politique, ne serait-ce qu'un membre du gouvernement - encore moins d'ailleurs un membre du gouvernement - ne s'est déplacé ici en Alsace pour aller expliquer la décision avec les représentants du personnel, avec les élus locaux qui sont les représentants du peuple alsacien dans les collectivités territoriales locales : département, mairie, communauté de communes, région. Et donc cette décision, elle n'a pas été assumée, elle n'a pas été portée, elle n'a pas été expliquée. Forcément, au moment où il y a un nouveau président de la République qui, lui, assume davantage les décisions qu'il prend c'est le moins qu'on puisse dire et qu'il choisit d'envoyer un des membres de son gouvernement, aussi bien sûr les instructions du Premier ministre, pour venir ici en Alsace non seulement aller à la rencontre des salariés de la centrale, mais également parce qu'il n'y a plus de temps à perdre, venir écrire la page de la revitalisation, d'une nouvelle page industrielle sur l'après-centrale ici en Alsace, les gens s'impatientent et les gens se posent des questions. Mais tout à l'heure, au comité de pilotage que je vais installer, ce n'est pas des grandes annonces que j'aurai à faire. Parce que, là aussi, les grandes annonces des ministres, je crois que les Alsaciens en ont suffisamment goûté.
MAUD CZAJA
Parce que, Sébastien LECORNU
SEBASTIEN LECORNU
Il y aura des annonces concrètes de méthode, de moyens, de calendrier, de planning. Ce sera sérieux. Et d'ailleurs, les collectivités territoriales qui se doutent de ce que je vais annoncer tout à l'heure, vous leur poserez la question, ressentent que désormais il y a une méthode. Je crois savoir que le maire de Fessenheim l'a dit ce matin à votre micro.
MAUD CZAJA
Parce que, Sébastien LECORNU, vous dites : « Ça fait six ans qu'on entend parler de la fermeture de la centrale. » Là, on a l'impression qu'elle va arriver dans quelques mois, que ce comité est mis en place quelques mois avant. Est-ce qu'on n'a pas attendu trop longtemps ?
SEBASTIEN LECORNU
Oui.
MAUD CZAJA
On a l'impression qu'il n'y a pas de plan B, en fait, pour l'avenir du site.
SEBASTIEN LECORNU
Si, il y a clairement des plans B possibles, sinon on ne ferait pas non plus n'importe quoi. Il faut quand même rassurer aussi les gens. Après, effectivement, trop de temps a été perdu. Maintenant la question, c'est est-ce qu'on continue d'en perdre ou pas. Je suis venu de dire qu'on arrête d'en perdre parce qu'il n'y a pas de fatalité. Cette région de l'Alsace, elle mérite pleinement qu'on s'y investisse. Elle a des atouts qui sont absolument formidables, y compris en matière industrielle, au coeur de l'Europe, y compris en matière de transition énergétique. Il y a des besoins d'infrastructures, il y a des besoins de désenclavement. Il y a tout un tas de sujets qui sont sur la table sur lequel nous mettrons des moyens à la hauteur du projet qui sera écrit, notamment avec les élus alsaciens. J'ai pu rencontrer hier soir le conseil municipal de Fessenheim. Ils m'ont redit qu'ils étaient contre la décision de fermeture. Le maire de Fessenheim me l'a redit. Mais une fois qu'on a constaté des désaccords, il s'agit maintenant de se retrousser les manches pour être pragmatique, parce que c'est ce que nous devons aux Alsaciens pour écrire une nouvelle page économique. Je ne veux pas en dire plus
MAUD CZAJA
Alors soyons pragmatiques, soyons pragmatiques. Vous parlez de mesures concrètes, lesquelles ?
SEBASTIEN LECORNU
Ce n'est pas compliqué. Il y a un certain nombre de sujets qui sont sur la table. Déjà, il n'y a pas de développement économique sans stratégie foncière. Du côté des Allemands, ils l'ont bien compris, il y a eu une stratégie foncière qui fait qu'il y a beaucoup d'entreprises le long du Rhin. Nous, côté français, alsacien avec les élus locaux, on va développer une véritable stratégie qui permet de ramener des entreprises ici sur la base de deux aspects. 1 : Libérer du foncier à destination économique, mais également pour la transition énergétique, je le dis au passage, et en même temps, avoir une réflexion autour des infrastructures alsaciennes sur cette partie de la région d'Alsace pour conduire un véritable désenclavement.
MAUD CZAJA
Cette piste de liaison ferroviaire vers Fribourg par exemple ?
SEBASTIEN LECORNU
Entre autres. Je ne mets pas de mots précis sur les choses parce que c'est à coécrire avec les élus. Vous voyez aussi le changement de méthode.
MAUD CZAJA
Mais très souvent, on ne met pas de mots précis et pourtant le temps presse.
SEBASTIEN LECORNU
Si vous voulez que je fasse des annonces en disant n'importe quoi comme le faisait une ancienne ministre Vous préférez que je sois sérieux.
MAUD CZAJA
Vous parlez de Ségolène ROYAL avec l'usine TESLA ?
SEBASTIEN LECORNU
Soyons sérieux. Les Français sont intelligents, ils savent très bien comment ça fonctionne. J'ai été maire de Vernon dans l'Eure. J'ai été président d'un département. Je sais que ces choses-là sont longues et sérieuses. D'ailleurs, les élus locaux ne disent pas autre chose. Donc ce matin, je vais faire non seulement le discours de la méthode mais je veux aussi faire le discours des moyens. Et donc, vous interrogerez les élus à la fin de ce comité de pilotage. Moi, j'ai déjà pu avoir un entretien avec le maire de Fessenheim hier sur la fiscalité locale. Je sais qu'il y a des interrogations aussi sur les ressources des collectivités territoriales.
MAUD CZAJA
Oui. Fessenheim perd entre trois et six millions d'euros. Qu'est-ce que vous lui avez dit ? Ce sera compensé ?
SEBASTIEN LECORNU
On va leur dire de manière globale quatorze millions d'euros pour l'ensemble des collectivités territoriales : région, département, communauté de communes et communes. J'ai déjà dit au maire quelle était ma méthodologie sur le sujet. On ne laissera pas les collectivités territoriales dans un désarroi budgétaire. Ça veut dire ce que ça veut dire.
MAUD CZAJA
Ça sera compensé ?
SEBASTIEN LECORNU
Ça veut dire qu'on va écrire des pages entières de projets pour cette partie de l'Alsace et, dans les projets, il y aura également aussi le rôle des collectivités et donc la manière dont l'Etat va les accompagner financièrement pour qu'ils puissent participer à ces projets. Ça veut dire qu'il n'y aura pas d'abandon sur le volet fiscal mais, là aussi, pas de chèque en blanc. Parce qu'une fois de plus les Français, y compris ceux qui nous écoutent ici en Alsace, sont des contribuables ; ils ne comprendraient pas que le gouvernement fasse des chèques en blanc.
MAUD CZAJA
Parce qu'il y a également le manque à gagner pour les collectivités, mais aussi la fermeture de la centrale qui risque de coûter très cher. En Allemagne, juste à côté de chez nous, le démantèlement des centrales est en cours, trois milliards. Alors c'est toutes les centrales mais est-ce que l'Etat a une idée de combien ça va lui coûter au final ?
SEBASTIEN LECORNU
On saura combien ça coûtera en général sur le démantèlement du nucléaire lorsqu'on aura notre trajectoire précise énergétique. Quelle part du nucléaire dans le mix énergétique. Je le rappelle : 50 %, c'est le point à atteindre. Donc là aussi, on n'a pas découvert ce matin qu'on allait réduire la part du nucléaire dans notre mix électrique français. Ça, c'est le travail de la PPE, la programmation pluriannuelle pour l'énergie, qui va justement nous dire à la fin de l'année quand est-ce qu'on peut atteindre cet horizon de 50 %. Dans la loi précédente, c'était 2025. On savait très, très bien que ce n'était pas atteignable, ce n'était pas raisonnable, et donc il s'agit maintenant de fixer un délai raisonnable. Autour de ce délai raisonnable, il pourra effectivement y avoir une vision industrielle aussi du démantèlement, parce que on le voit bien aux Etats-Unis, en Allemagne il y a aussi un volet industriel de filières autour de ce démantèlement-là. Autant de sujets qui sont sur la table et, effectivement, pour lequel dès ce matin à dix heures ou dix heures et demie, je crois, nous allons commencer à nous poser les questions de manière très opérationnelle avec un calendrier, sachant que je reviendrai en Alsace très vite.
MAUD CZAJA
Vous allez aller à la centrale aujourd'hui ?
SEBASTIEN LECORNU
Moi, je préside le comité de pilotage ce matin.
MAUD CZAJA
Demain ?
SEBASTIEN LECORNU
Attendez, on termine sur la méthode parce que sinon, vous ne pouvez pas me reprocher qu'on est flou sur le sujet. Moi, je présidais le comité de pilotage ce matin. C'est le véritable objet de mon déplacement. C'était la rencontre avec l'intersyndicale hier et ce comité de pilotage avec tous les décideurs politiques mais aussi économiques dès ce matin sur ce comité de pilotage. Ce comité de pilotage, soit je le présiderai en personne, soit il sera présidé par le préfet de département. J'ai vocation à revenir très vite en Alsace pour le présider une deuxième fois. Le président de la République et le Premier ministre veulent que je fasse un suivi, et ils ont bien raison d'ailleurs, extrêmement précis de cette affaire-là. Donc ce n'est pas une visite ministérielle de trois jours et puis je m'en vais, c'est une première visite dont on va assurer nous-mêmes le suivi. Sur la visite de la centrale, je l'ai dit hier aux représentants du personnel, je souhaite la visiter. Mais une fois de plus, ce qui compte là c'est la réussite ce matin de la méthodologie de notre reconversion industrielle, économique, énergétique de cette partie de l'Alsace.
MAUD CZAJA
Qu'est-ce que vous dites aux salariés de Fessenheim ce matin ?
SEBASTIEN LECORNU
De la centrale ?
MAUD CZAJA
De la centrale, oui.
SEBASTIEN LECORNU
Que je comprends leur désarroi, leur colère aussi. La décision leur apparaît comme étant brutale, une fois de plus. Elle n'a pas été expliquée alors que ça fait longtemps qu'elle est attendue. C'est quand même un paradoxe de sentir que cette décision est soudaine et brutale alors que ça fait longtemps qu'on en parle. Je pense que clairement ils n'ont pas eu les marques de respect essentielles qu'il convient d'avoir lorsqu'on annonce ce genre de décision. J'en suis le premier triste. Je le dis parce que moi, je suis d'origine populaire. Dans ma famille, il y a beaucoup d'ouvriers, d'employés et je ne vous cache pas qu'hier, j'étais face aux représentants du personnel et je me disais que mon père aurait pu être parmi eux. Voilà, ce sont aussi des choses humaines, concrètes, que j'ai envie de leur dire.
MAUD CZAJA
Sébastien LECORNU, secrétaire d'Etat à la Transition écologique et solidaire, c'est la première grande fermeture de centrale nucléaire en France, ça ne s'improvise pas. On a une idée des étapes, du calendrier ? Ça va prendre combien de temps ?
SEBASTIEN LECORNU
Effectivement, ce sont des choses qui sont extrêmement encadrées. C'est d'ailleurs heureux en termes de sûreté aussi. Déjà, l'arrêt de la centrale de Fessenheim est directement lié au déclenchement de la tranche nucléaire de Flamanville 3. C'est-à-dire que dès que Flamanville se déclenche, Fessenheim s'arrête. Après, on n'arrête pas
MAUD CZAJA
Ça sera début 2019 au plus tard ou on peut encore imaginer que ce soit ?
SEBASTIEN LECORNU
C'est à EDF de répondre à cette question et pas au gouvernement, mais aujourd'hui les informations qu'EDF communique au gouvernement, c'est fin 2018-début 2019. Là, je vous invite à poser la question à EDF puisque c'est à l'exploitant de répondre à cette question mais j'aurai l'occasion, là aussi, d'y revenir. Ensuite, il y a un calendrier. Ce calendrier, il est quand même beaucoup établi par l'exploitant, EDF, mais toujours en validation par l'Autorité de sûreté nucléaire. Parce que dès lors que vous avez du combustible nucléaire sur le site, ça reste une installation nucléaire. Et donc, même sur la décroissance des effectifs de la centrale, cela ne se fera pas de manière si soudaine puisque, une fois de plus, ça reste une installation nucléaire avec un certain nombre de process à respecter.
MAUD CZAJA
EDF, 490 millions d'euros promis pour indemnisation en cas de fermeture anticipée. L'Etat ne reviendra pas dessus ?
SEBASTIEN LECORNU
Les discussions se poursuivent avec EDF sur le protocole d'accord.
MAUD CZAJA
Merci Sébastien LECORNU.
SEBASTIEN LECORNU
Merci de m'avoir invité.
MAUD CZAJA
Secrétaire d'Etat à la Transition écologique et solidaire d'avoir été à nos côtés ce matin sur France Bleu Alsace pour cette émission spéciale sur la fermeture de la centrale nucléaire de Fessenheim.
SEBASTIEN LECORNU
Merci.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 22 janvier 2018