Texte intégral
Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs,
Je vous remercie de m'accueillir pour la seconde fois parmi vous. Nous célébrions ensemble, l'an dernier, le cinquantième anniversaire du Conseil Représentatif des Institutions Juives de France. C'est devenu un rite, dont vous honorez chaque année le Premier ministre de la France, que cette invitation à participer au dîner qu'organise votre Assemblée Générale d'automne. Un rite, écrivait Saint-Exupéry, est "ce qui fait qu'un jour est différent des autres jours". Je profiterai, donc, de ces moments différents que vous m'avez convié à partager, de ces moments de dialogue privilégiés, pour réfléchir, ce soir, avec la Communauté Juive de France à l'avenir qui s'ouvre devant nous.
Aristote disait que la Cité se faisait, non d'hommes semblables, mais d'hommes différents. Différents oui ! Mais j'ajouterai indissolublement unis par les liens de la République, une, fraternelle et indivisible. Ni les clivages, ni les divergences de croyances et de pensées, ne sauraient porter atteinte à l'unité de la République.
Il y a maintenant vingt mois que le Gouvernement s'efforce de redonner à notre pays sa place en Europe et dans le monde et de bâtir un nouvel exemple français. La situation que j'ai trouvée en prenant mes fonctions en 1993, était bien précaire, minée par de graves problèmes économiques et sociaux. J'ai alors voulu une politique ambitieuse pour notre pays. J'ai alors conçu une méthode fondée sur la concertation, sur l'observation et la mise en oeuvre des propositions que les consultations organisées sur les grands sujets de la vie nationale ont permis de formuler.
Je trouvai, en arrivant, disais-je, une société en proie au malaise. Convaincu que l'Etat ne peut agir seul, que le progrès est un processus collectif, j'estime qu'il est de mon devoir de stimuler les initiatives. Rien ne m'y aide autant que l'exemple de citoyens engagés au service de l'intérêt national.
Parmi les exemples que j'aime à citer, il y a celui que donne à la Nation la Communauté Juive de France. Je tiens à rendre hommage à l'action qu'elle mène sous la présidence de M. Jean KAHN. En France, à Paris et en Province, grâce à la présence de sections régionales dynamiques, mais aussi en Europe, au sein du Congrès Juif Européen et de la "Commission Consultative Européenne sur le racisme et la xénophobie", le Conseil Représentatif des Institutions Juives de France contribue à défendre et à affirmer l'idée républicaine, conformément à la mission séculaire de la France.
La France, terre de liberté et patrie des droits de l'Homme, a bâti son histoire, a nourri sa culture des apports successifs de ceux qu'elle a accueillis et qui sont devenus des citoyens français, parce qu'ils avaient choisis la France. Ils l'avait choisie parce qu'ils adhéraient aux valeurs de liberté, de tolérance et de justice qui fondent société française.
Vous le savez, l'unité de celle-ci connaît aujourd'hui des risques de déchirures. Le Ministre d'Etat, Ministre des Affaires sociales, de la Santé et de la Ville a d'emblée pris la mesure de ces phénomènes. Je salue la détermination avec laquelle Mme Simone VEIL s'attache à réduire les disparités sociales et à vaincre toutes les formes d'exclusion qui laissent encore un trop grand nombre de nos concitoyens aux marges de notre destin commun.
Il nous faut résoudre les problèmes que suscite, dans les villes et les banlieues notamment, une immigration mal maîtrisée. Mal comprise. parfois même rétive aux traditions républicaines, cette immigration suscite des phénomènes de rejet, d'assimilation incomplète ou des revendications qui ne sont pas compatibles avec les devoirs que donne en même temps le bénéfice des droits républicains.
Je souhaite que tous obéissent aux lois de la République et à l'esprit de laïcité qui la gouverne. C'est l'unité de la Nation qui en dépend. Toutes les convictions religieuses ou politiques, toutes les traditions culturelles sont éminemment respectables. Mais la notion de liberté, qui ne s'est jamais identifiée à celle de licence, implique qu'on refuse toute atteinte portée à l'exigence de neutralité de l'Etat et des pouvoirs publics, qui est au fondement même du pacte républicain. La laïcité en est le ciment.
Si stricte soit-elle, cette notion n'est pas figée. La présence de signes d'appartenance religieuse discrets, ou traduisant seulement l'attachement à une conviction personnelle, n'est pas en cause. Le sont, en revanche, toutes les autres manifestations qui, provocatrices ou discriminantes, enfreignent les principes fondamentaux de tolérance et d'égalité. Toutes les confessions sont bien évidemment concernées.
La laïcité, la neutralité et l'impartialité délimitent le champ d'action de chacun. Ce sont aussi des devoirs. L'Ecole républicaine a pour mission de les enseigner. Le Ministre de l'Education nationale a récemment invité les chefs des établissements scolaires publics, et des établissements privés sous contrat, à insérer dans les règlements intérieurs une disposition qui interdise le port de signes d'appartenance religieuse ostentatoires, tel que celui du voile islamique.
L'Ecole de la République doit aussi veiller à ce que des enfants ou des adolescents ne soient pas assujettis, malgré eux, à quelque forme de marginalisation que ce soit.
La laïcité compte parmi les plus beaux acquis de l'héritage républicain. Il importe de les conserver à tout prix.
La cohésion d'une société, en effet, ne résulte pas seulement de données naturelles ou géographiques. C'est bien le fruit d'une volonté politique. Je me réjouis, donc, de voir combien le Conseil Représentatif des Institutions Juives de France soutient les efforts que nous fournissons pour resserrer les liens de la Communauté nationale.
Or, la République ne peut être une, si elle ne s'enracine dans une Histoire commune. Une Histoire dont il nous faut assumer les ombres, et même les plus noires.
Le calvaire qu'organisèrent les autorités d'occupation et de Vichy, l'infamie de ces jours où des Français perdirent les droits pourtant inaliénables de leur citoyenneté, le crime et la violence, l'injustice et l'intolérance dont les Juifs firent l'objet, doivent être rappelés. Jamais le Droit, jamais la Liberté, jamais la Fraternité ne devront plus être ainsi blessés.
C'est pourquoi j'estimai de mon devoir d'aller me recueillir lors de mon voyage en Pologne, le 1er juillet dernier, sur les lieux d'Auschwitz et de Birkenau, ces lieux où l'idée même d'humanité fut obscurcie. Et ce sera aussi une obligation sacrée pour moi que de participer à la commémoration du cinquantième anniversaire de la libération d'Auschwitz qui aura lieu le 27 janvier 1995 au Mémorial du Martyr Juif Inconnu.
C'est également la raison pour laquelle je tenais à ce que la France contribuât au projet international que la Fondation Estée LAUDER conduit pour que les sites d'Auschwitz et de Birkenau soient préservés. Je m'engage ce soir, devant vous, à ce que la France consacre 10 millions de francs à un geste que je juge aussi symbolique que nécessaire.
Mais le devoir de mémoire ne sera jamais accompli une fois pour toutes. La mission du Conseil Représentatif des Institutions Juives de France sera toujours actuelle. Je sais que vous l'accomplissez dans un souci d'ouverture et de fidélité aux valeurs du judaïsme comme à celles de la République. La défense des droits de la Communauté Juive de France ne se confond pas avec la sauvegarde de particularismes. La promotion des valeurs juives contribue, bien au contraire, au rayonnement des principes universels dans lesquels la France s'est toujours reconnue, où elle plonge ses racines et fonde son identité.
Il est juste qu'en retour, la France garantisse à ses fils les droits fondamentaux qui sont les leurs, la protection, la sécurité, le respect qui leur sont dus.
Je ne le redirai jamais assez. Nous ne nous insurgerons jamais assez contre les haines que la loi interdit et qui mettent, de surcroît, l'unité nationale en péril.
En mars dernier, la Commission Nationale Consultative des Droits de l'Homme me remit son rapport annuel. Il faisait état de phénomènes de violence racistes et antisémites, hélas, encore trop fréquents, dans notre pays. Je ne puis me résoudre à ce que la France n'assume pas les responsabilités particulières qui sont les siennes dans ce domaine.
Le Ministre d'Etat, Ministre de l'Intérieur et de l'Aménagement du Territoire et le Garde des Sceaux ont décidé de tout mettre en oeuvre pour éradiquer de notre société ces nuisances qui ne sont pas dignes de notre civilisation, et encore moins de notre humanité, ces maux que sont le racisme, l'antisémitisme et la xénophobie.
Monsieur Charles PASQUA a donné un élan nouveau aux institutions que la République avait créées pour combattre toutes les formes de discrimination. L'action des cellules départementales de lutte contre le racisme a été considérablement renforcée. Quatre-vingt départements ont, aujourd'hui, les moyens d'agir de façon préventive. En effet, il ne s'agit pas seulement de punir. Il faut remonter à la source même de la violence et des réseaux de propagations insidieuses, sans se contenter, par exemple, de surveiller les canaux de diffusion, les lieux ou les médias suspects.
Les cellules départementales de lutte contre le racisme se sont réunies à plusieurs reprises cette année pour joindre leurs efforts. Pour la première fois dans l'histoire républicaine, le Ministre de l'Intérieur livre une guerre véritable à l'antisémitisme et coordonne les efforts de la Nation tout entière. Toutes les précautions doivent être prises, en matière de sécurité notamment, pour que notre pays ne connaisse plus sur son territoire ces attentats scandaleux qui ont encore frappé les vôtres et ont, une nouvelle fois, choqué la conscience du monde.
Un projet de loi est actuellement soumis au Parlement. Il est destiné à renforcer encore la législation française, l'une des plus complètes en la matière en Europe. Ce projet comporte un certain nombre de mesures importantes.
Il réprime les provocations indirectes, et non plus seulement directes. La notion de diffamation raciale y est mieux définie. Celle de crime contre l'Humanité est élargie, conformément aux termes de la résolution 827 que le Conseil de Sécurité des Nations Unies a adoptée, le 25 mai 1993, pour que les crimes commis dans l'ancienne Yougoslavie puissent être jugés. De plus, le délai de la prescription, durant lequel des propos racistes et antisémites peuvent être poursuivis en justice, est étendu à un an, alors qu'il n'est que de trois mois actuellement.
Ce projet de loi s'ajoute à l'ensemble des dispositions que prévoit déjà le nouveau Code Pénal entré en vigueur le 1er mars 1994.
La France s'est donc dotée, cette année, de moyens supplémentaires pour assurer l'égalité devant la Loi de tous les citoyens, pour garantir le respect de leurs droits, sans distinction aucune de race, de religion ni de croyance. Le Gouvernement est décidé à assumer ses responsabilités.
Je sais que vous prolongez notre action par le travail de réflexion et de pédagogie que vous accomplissez tous les jours. Cette oeuvre d'éducation est nécessaire à la paix des esprits, en France, en Europe et dans le monde entier.
Le Conseil Représentatif des Institutions Juives de France s'est mobilisé pour commémorer le centenaire du début de l'Affaire DREYFUS. Une journée d'étude et une exposition ont été organisées. Vous contribuez ainsi à rendre les jeunes générations sensibles à la portée de cet événement encore douloureux, qui fut le symbole de toutes les contradictions de notre pays. Mais ce n'est qu'un exemple parmi d'autres de ce que fait le Conseil Représentatif des Institutions Juives de France dont l'action rayonne bien au-delà de nos frontières.
Les responsabilités européennes qui ont été confiées à M. Jean KAHN, au sein de la Commission Consultative Européenne sur le racisme et la xénophobie, confèrent au Conseil Représentatif des Institutions Juives de France une autorité particulière. Je sais qu'elle est mise au service de la paix.
L'affermissement de la paix dans le monde requiert les efforts de tous, particulièrement dans la région d'Israël qui a tant souffert des conflits que se livrent les hommes. Vous vous souciez du sort de ce pays. C'est bien légitime.
La France soutient le processus de paix engagé en septembre 1993. L'accord Gaza/Jéricho, conclu le 4 mai 1994 au Caire, manifesta au monde entier avec quelle volonté, courageuse et éclairée, Israël avait décidé de nouer un dialogue. Des difficultés, certes, retardent la mise en place du régime intérimaire et les négociations pour la définition du statut final. Mais la conclusion de l'accord de paix israélo-jordanien du 26 octobre, la normalisation des rapports entre Israël et la Jordanie qu'il signifie, ont marqué un pas décisif sur la voie de la paix et d'un règlement global de la question, qui inclue également la Syrie et le Liban.
La France est fière d'avoir contribué à cette oeuvre de paix. Elle a renforcé ses relations avec les pays de la région. Elle a invité l'Union Européenne à prendre une part plus grande à la réalisation de ce dessein noble et ambitieux.
Le Gouvernement a tenu à tirer les conséquences dans ses relations avec l'Etat d'Israël de la nouvelle situation qui prévaut au Moyen-Orient.
Les deux pays se sont rapprochés et ont noué un dialogue plus étroit et plus confiant. Quelques signes importants en témoignent. Je pense à la levée des visas pour les ressortissants israéliens. Je pense au renforcement des échanges scientifiques. L'Association Franco-lsraèlienne pour la Recherche et l'innovation Industrielle a été mise en place. Le CNES et son homologue israélien ont conclu un accord de coopération. Israël a été associé à Euréka.
Je pense aussi aux échanges qu'il nous faudrait renforcer avec l'importante communauté francophone du Proche-Orient. Ce serait le moyen de conforter la vitalité de la langue française dans cette région. J'aimerais que les échanges culturels et universitaires entre les jeunesses de France et d'Israël soient plus nombreux et plus intenses.
Je pense aussi, même si ce n'est encore qu'un début, à l'amélioration des relations économiques entre les deux pays. Les entreprises françaises sont aujourd'hui plus actives en Israël, comme en témoigne la récente visite qu'y ont effectuée M. Périgot et un certain nombre de responsables économiques.
La coopération s'est également renforcée, en matière de recherche notamment. Il faut également veiller à ce que la présence d'armements trop nombreux n'aggrave encore les tensions qui subsistent au Proche-Orient. Depuis deux ans, la France et Israël ont repris le chemin d'une coopération et d'un dialogue plus étroit qui correspond à nos aspirations et à la nouvelle situation du monde. Mon Gouvernement poursuivra dans cette voie.
Les domaines de votre action, de notre action - la paix, la protection des droits et des libertés, la transmission du Souvenir - sont ceux-là mêmes sur lesquels se joue le sort d'une démocratie. On ne peut accepter le moindre renoncement dans ce domaine. Les intérêts de la Nation, les idéaux mêmes qui la fondent, la solidité du pacte républicain sont en jeu. La fermeté dont nous faisons preuve est à la hauteur de nos ambitions.Quelles sont-elles ? Donner à la République française les moyens d'assurer ses missions, dans le respect de ses exigences essentielles - exigences de neutralité, d'impartialité et d'indépendance - ce qui signifie que la Nation et les citoyens qui la composent soient vraiment respectés. Edifier une société plus juste, où les bienfaits de la civilisation, de la paix et du progrès soient mieux partagés. Une société dont puissent être fiers tous ceux qui l'ont choisie et ont voulu s'y intégrer.
Mesdames, Messieurs,
Je vous remercie de m'accueillir pour la seconde fois parmi vous. Nous célébrions ensemble, l'an dernier, le cinquantième anniversaire du Conseil Représentatif des Institutions Juives de France. C'est devenu un rite, dont vous honorez chaque année le Premier ministre de la France, que cette invitation à participer au dîner qu'organise votre Assemblée Générale d'automne. Un rite, écrivait Saint-Exupéry, est "ce qui fait qu'un jour est différent des autres jours". Je profiterai, donc, de ces moments différents que vous m'avez convié à partager, de ces moments de dialogue privilégiés, pour réfléchir, ce soir, avec la Communauté Juive de France à l'avenir qui s'ouvre devant nous.
Aristote disait que la Cité se faisait, non d'hommes semblables, mais d'hommes différents. Différents oui ! Mais j'ajouterai indissolublement unis par les liens de la République, une, fraternelle et indivisible. Ni les clivages, ni les divergences de croyances et de pensées, ne sauraient porter atteinte à l'unité de la République.
Il y a maintenant vingt mois que le Gouvernement s'efforce de redonner à notre pays sa place en Europe et dans le monde et de bâtir un nouvel exemple français. La situation que j'ai trouvée en prenant mes fonctions en 1993, était bien précaire, minée par de graves problèmes économiques et sociaux. J'ai alors voulu une politique ambitieuse pour notre pays. J'ai alors conçu une méthode fondée sur la concertation, sur l'observation et la mise en oeuvre des propositions que les consultations organisées sur les grands sujets de la vie nationale ont permis de formuler.
Je trouvai, en arrivant, disais-je, une société en proie au malaise. Convaincu que l'Etat ne peut agir seul, que le progrès est un processus collectif, j'estime qu'il est de mon devoir de stimuler les initiatives. Rien ne m'y aide autant que l'exemple de citoyens engagés au service de l'intérêt national.
Parmi les exemples que j'aime à citer, il y a celui que donne à la Nation la Communauté Juive de France. Je tiens à rendre hommage à l'action qu'elle mène sous la présidence de M. Jean KAHN. En France, à Paris et en Province, grâce à la présence de sections régionales dynamiques, mais aussi en Europe, au sein du Congrès Juif Européen et de la "Commission Consultative Européenne sur le racisme et la xénophobie", le Conseil Représentatif des Institutions Juives de France contribue à défendre et à affirmer l'idée républicaine, conformément à la mission séculaire de la France.
La France, terre de liberté et patrie des droits de l'Homme, a bâti son histoire, a nourri sa culture des apports successifs de ceux qu'elle a accueillis et qui sont devenus des citoyens français, parce qu'ils avaient choisis la France. Ils l'avait choisie parce qu'ils adhéraient aux valeurs de liberté, de tolérance et de justice qui fondent société française.
Vous le savez, l'unité de celle-ci connaît aujourd'hui des risques de déchirures. Le Ministre d'Etat, Ministre des Affaires sociales, de la Santé et de la Ville a d'emblée pris la mesure de ces phénomènes. Je salue la détermination avec laquelle Mme Simone VEIL s'attache à réduire les disparités sociales et à vaincre toutes les formes d'exclusion qui laissent encore un trop grand nombre de nos concitoyens aux marges de notre destin commun.
Il nous faut résoudre les problèmes que suscite, dans les villes et les banlieues notamment, une immigration mal maîtrisée. Mal comprise. parfois même rétive aux traditions républicaines, cette immigration suscite des phénomènes de rejet, d'assimilation incomplète ou des revendications qui ne sont pas compatibles avec les devoirs que donne en même temps le bénéfice des droits républicains.
Je souhaite que tous obéissent aux lois de la République et à l'esprit de laïcité qui la gouverne. C'est l'unité de la Nation qui en dépend. Toutes les convictions religieuses ou politiques, toutes les traditions culturelles sont éminemment respectables. Mais la notion de liberté, qui ne s'est jamais identifiée à celle de licence, implique qu'on refuse toute atteinte portée à l'exigence de neutralité de l'Etat et des pouvoirs publics, qui est au fondement même du pacte républicain. La laïcité en est le ciment.
Si stricte soit-elle, cette notion n'est pas figée. La présence de signes d'appartenance religieuse discrets, ou traduisant seulement l'attachement à une conviction personnelle, n'est pas en cause. Le sont, en revanche, toutes les autres manifestations qui, provocatrices ou discriminantes, enfreignent les principes fondamentaux de tolérance et d'égalité. Toutes les confessions sont bien évidemment concernées.
La laïcité, la neutralité et l'impartialité délimitent le champ d'action de chacun. Ce sont aussi des devoirs. L'Ecole républicaine a pour mission de les enseigner. Le Ministre de l'Education nationale a récemment invité les chefs des établissements scolaires publics, et des établissements privés sous contrat, à insérer dans les règlements intérieurs une disposition qui interdise le port de signes d'appartenance religieuse ostentatoires, tel que celui du voile islamique.
L'Ecole de la République doit aussi veiller à ce que des enfants ou des adolescents ne soient pas assujettis, malgré eux, à quelque forme de marginalisation que ce soit.
La laïcité compte parmi les plus beaux acquis de l'héritage républicain. Il importe de les conserver à tout prix.
La cohésion d'une société, en effet, ne résulte pas seulement de données naturelles ou géographiques. C'est bien le fruit d'une volonté politique. Je me réjouis, donc, de voir combien le Conseil Représentatif des Institutions Juives de France soutient les efforts que nous fournissons pour resserrer les liens de la Communauté nationale.
Or, la République ne peut être une, si elle ne s'enracine dans une Histoire commune. Une Histoire dont il nous faut assumer les ombres, et même les plus noires.
Le calvaire qu'organisèrent les autorités d'occupation et de Vichy, l'infamie de ces jours où des Français perdirent les droits pourtant inaliénables de leur citoyenneté, le crime et la violence, l'injustice et l'intolérance dont les Juifs firent l'objet, doivent être rappelés. Jamais le Droit, jamais la Liberté, jamais la Fraternité ne devront plus être ainsi blessés.
C'est pourquoi j'estimai de mon devoir d'aller me recueillir lors de mon voyage en Pologne, le 1er juillet dernier, sur les lieux d'Auschwitz et de Birkenau, ces lieux où l'idée même d'humanité fut obscurcie. Et ce sera aussi une obligation sacrée pour moi que de participer à la commémoration du cinquantième anniversaire de la libération d'Auschwitz qui aura lieu le 27 janvier 1995 au Mémorial du Martyr Juif Inconnu.
C'est également la raison pour laquelle je tenais à ce que la France contribuât au projet international que la Fondation Estée LAUDER conduit pour que les sites d'Auschwitz et de Birkenau soient préservés. Je m'engage ce soir, devant vous, à ce que la France consacre 10 millions de francs à un geste que je juge aussi symbolique que nécessaire.
Mais le devoir de mémoire ne sera jamais accompli une fois pour toutes. La mission du Conseil Représentatif des Institutions Juives de France sera toujours actuelle. Je sais que vous l'accomplissez dans un souci d'ouverture et de fidélité aux valeurs du judaïsme comme à celles de la République. La défense des droits de la Communauté Juive de France ne se confond pas avec la sauvegarde de particularismes. La promotion des valeurs juives contribue, bien au contraire, au rayonnement des principes universels dans lesquels la France s'est toujours reconnue, où elle plonge ses racines et fonde son identité.
Il est juste qu'en retour, la France garantisse à ses fils les droits fondamentaux qui sont les leurs, la protection, la sécurité, le respect qui leur sont dus.
Je ne le redirai jamais assez. Nous ne nous insurgerons jamais assez contre les haines que la loi interdit et qui mettent, de surcroît, l'unité nationale en péril.
En mars dernier, la Commission Nationale Consultative des Droits de l'Homme me remit son rapport annuel. Il faisait état de phénomènes de violence racistes et antisémites, hélas, encore trop fréquents, dans notre pays. Je ne puis me résoudre à ce que la France n'assume pas les responsabilités particulières qui sont les siennes dans ce domaine.
Le Ministre d'Etat, Ministre de l'Intérieur et de l'Aménagement du Territoire et le Garde des Sceaux ont décidé de tout mettre en oeuvre pour éradiquer de notre société ces nuisances qui ne sont pas dignes de notre civilisation, et encore moins de notre humanité, ces maux que sont le racisme, l'antisémitisme et la xénophobie.
Monsieur Charles PASQUA a donné un élan nouveau aux institutions que la République avait créées pour combattre toutes les formes de discrimination. L'action des cellules départementales de lutte contre le racisme a été considérablement renforcée. Quatre-vingt départements ont, aujourd'hui, les moyens d'agir de façon préventive. En effet, il ne s'agit pas seulement de punir. Il faut remonter à la source même de la violence et des réseaux de propagations insidieuses, sans se contenter, par exemple, de surveiller les canaux de diffusion, les lieux ou les médias suspects.
Les cellules départementales de lutte contre le racisme se sont réunies à plusieurs reprises cette année pour joindre leurs efforts. Pour la première fois dans l'histoire républicaine, le Ministre de l'Intérieur livre une guerre véritable à l'antisémitisme et coordonne les efforts de la Nation tout entière. Toutes les précautions doivent être prises, en matière de sécurité notamment, pour que notre pays ne connaisse plus sur son territoire ces attentats scandaleux qui ont encore frappé les vôtres et ont, une nouvelle fois, choqué la conscience du monde.
Un projet de loi est actuellement soumis au Parlement. Il est destiné à renforcer encore la législation française, l'une des plus complètes en la matière en Europe. Ce projet comporte un certain nombre de mesures importantes.
Il réprime les provocations indirectes, et non plus seulement directes. La notion de diffamation raciale y est mieux définie. Celle de crime contre l'Humanité est élargie, conformément aux termes de la résolution 827 que le Conseil de Sécurité des Nations Unies a adoptée, le 25 mai 1993, pour que les crimes commis dans l'ancienne Yougoslavie puissent être jugés. De plus, le délai de la prescription, durant lequel des propos racistes et antisémites peuvent être poursuivis en justice, est étendu à un an, alors qu'il n'est que de trois mois actuellement.
Ce projet de loi s'ajoute à l'ensemble des dispositions que prévoit déjà le nouveau Code Pénal entré en vigueur le 1er mars 1994.
La France s'est donc dotée, cette année, de moyens supplémentaires pour assurer l'égalité devant la Loi de tous les citoyens, pour garantir le respect de leurs droits, sans distinction aucune de race, de religion ni de croyance. Le Gouvernement est décidé à assumer ses responsabilités.
Je sais que vous prolongez notre action par le travail de réflexion et de pédagogie que vous accomplissez tous les jours. Cette oeuvre d'éducation est nécessaire à la paix des esprits, en France, en Europe et dans le monde entier.
Le Conseil Représentatif des Institutions Juives de France s'est mobilisé pour commémorer le centenaire du début de l'Affaire DREYFUS. Une journée d'étude et une exposition ont été organisées. Vous contribuez ainsi à rendre les jeunes générations sensibles à la portée de cet événement encore douloureux, qui fut le symbole de toutes les contradictions de notre pays. Mais ce n'est qu'un exemple parmi d'autres de ce que fait le Conseil Représentatif des Institutions Juives de France dont l'action rayonne bien au-delà de nos frontières.
Les responsabilités européennes qui ont été confiées à M. Jean KAHN, au sein de la Commission Consultative Européenne sur le racisme et la xénophobie, confèrent au Conseil Représentatif des Institutions Juives de France une autorité particulière. Je sais qu'elle est mise au service de la paix.
L'affermissement de la paix dans le monde requiert les efforts de tous, particulièrement dans la région d'Israël qui a tant souffert des conflits que se livrent les hommes. Vous vous souciez du sort de ce pays. C'est bien légitime.
La France soutient le processus de paix engagé en septembre 1993. L'accord Gaza/Jéricho, conclu le 4 mai 1994 au Caire, manifesta au monde entier avec quelle volonté, courageuse et éclairée, Israël avait décidé de nouer un dialogue. Des difficultés, certes, retardent la mise en place du régime intérimaire et les négociations pour la définition du statut final. Mais la conclusion de l'accord de paix israélo-jordanien du 26 octobre, la normalisation des rapports entre Israël et la Jordanie qu'il signifie, ont marqué un pas décisif sur la voie de la paix et d'un règlement global de la question, qui inclue également la Syrie et le Liban.
La France est fière d'avoir contribué à cette oeuvre de paix. Elle a renforcé ses relations avec les pays de la région. Elle a invité l'Union Européenne à prendre une part plus grande à la réalisation de ce dessein noble et ambitieux.
Le Gouvernement a tenu à tirer les conséquences dans ses relations avec l'Etat d'Israël de la nouvelle situation qui prévaut au Moyen-Orient.
Les deux pays se sont rapprochés et ont noué un dialogue plus étroit et plus confiant. Quelques signes importants en témoignent. Je pense à la levée des visas pour les ressortissants israéliens. Je pense au renforcement des échanges scientifiques. L'Association Franco-lsraèlienne pour la Recherche et l'innovation Industrielle a été mise en place. Le CNES et son homologue israélien ont conclu un accord de coopération. Israël a été associé à Euréka.
Je pense aussi aux échanges qu'il nous faudrait renforcer avec l'importante communauté francophone du Proche-Orient. Ce serait le moyen de conforter la vitalité de la langue française dans cette région. J'aimerais que les échanges culturels et universitaires entre les jeunesses de France et d'Israël soient plus nombreux et plus intenses.
Je pense aussi, même si ce n'est encore qu'un début, à l'amélioration des relations économiques entre les deux pays. Les entreprises françaises sont aujourd'hui plus actives en Israël, comme en témoigne la récente visite qu'y ont effectuée M. Périgot et un certain nombre de responsables économiques.
La coopération s'est également renforcée, en matière de recherche notamment. Il faut également veiller à ce que la présence d'armements trop nombreux n'aggrave encore les tensions qui subsistent au Proche-Orient. Depuis deux ans, la France et Israël ont repris le chemin d'une coopération et d'un dialogue plus étroit qui correspond à nos aspirations et à la nouvelle situation du monde. Mon Gouvernement poursuivra dans cette voie.
Les domaines de votre action, de notre action - la paix, la protection des droits et des libertés, la transmission du Souvenir - sont ceux-là mêmes sur lesquels se joue le sort d'une démocratie. On ne peut accepter le moindre renoncement dans ce domaine. Les intérêts de la Nation, les idéaux mêmes qui la fondent, la solidité du pacte républicain sont en jeu. La fermeté dont nous faisons preuve est à la hauteur de nos ambitions.Quelles sont-elles ? Donner à la République française les moyens d'assurer ses missions, dans le respect de ses exigences essentielles - exigences de neutralité, d'impartialité et d'indépendance - ce qui signifie que la Nation et les citoyens qui la composent soient vraiment respectés. Edifier une société plus juste, où les bienfaits de la civilisation, de la paix et du progrès soient mieux partagés. Une société dont puissent être fiers tous ceux qui l'ont choisie et ont voulu s'y intégrer.