Interview de Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail à CNews le 23 janvier 2018, sur la création d'emplois et la nouvelle économie.

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Média : CNews

Texte intégral


ROMAIN DESARBRES
Egalité salariale hommes-femmes, Muriel PENICAUD, la ministre de l'Emploi, promet cette égalité réelle et totale pour 2022. Comment compte-t-elle y arriver ? Des réponses tout de suite, la ministre du Travail est face à Jean-Pierre ELKABBACH. C'est tout de suite.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Je vous souhaite la bienvenue, Muriel PENICAUD. Bonjour, merci d'être là.
MURIEL PENICAUD
Bonjour.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Vous étiez hier au château de Versailles avec le président de la République qui était entouré de 140 grands patrons de multinationales. Il paraît que ça s'est bien passé puisqu'on dit qu'il y a des engagements pour trois milliards et demi d'investissement et, en même temps, pour la création de 1 200 emplois en cinq ans. Est-ce que ces promesses vont être tenues ?
MURIEL PENICAUD
Ce qui était très frappant hier à Versailles, il y avait 140 chefs d'entreprise du monde entier, c'est un optimisme sur la France qui est franchement sans précédent depuis très, très longtemps. Ça, c'est ce qui donne du poids. J'allais dire, ils sont tous venus pour dire à la France : « C'est dans la bonne direction, on y croit. On a envie d'investir et on a envie de créer des emplois. »
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Donc c'est « choose France ».
MURIEL PENICAUD
« Choose France ». On va suivre ça de près, il faut que l'essai soit transformé mais je suis optimiste après la réunion d'hier.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Est-ce qu'on peut dire qu'ils investissent aussi en partie grâce à vous puisque vous êtes une sorte de symbole ou de visage social du macronisme. Parce qu'il y a en même temps les réformes que vous faites, le code du travail, la formation, et cætera. Est-ce que vous le ressentez de cette façon ? Vous êtes choquée si je vous le dis ou ça vous convient ?
MURIEL PENICAUD
Ce que j'ai ressenti, c'est d'abord qu'hier, oui, ils ont salué clairement la réforme du droit du travail mais aussi, et ça c'est très intéressant, ils ont dit à quel point le sujet de compétences, le sujet d'avoir la formation allait être stratégique, de l'éducation jusqu'à la formation continue. En fait, il y a une bonne correspondance sur ce que nous voyons essentiel et ce qu'ils croient essentiel pour créer des emplois. Et comme les PME nous disent la même chose, on est sûr que c'est une voie essentielle.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Après Versailles, ils vont tous se retrouver à Davos qui va accueillir des chefs d'Etat. On ne va pas tous les citer mais il y a Donald TRUMP, les chefs de gouvernement madame MERKEL, Theresa MAY, le président de la République Emmanuel MACRON et puis aussi les GAFA, c'est-à-dire GOOGLE, APPLE, AMAZON, et cætera, et cætera. Ils promettent tous, les GAFA, de créer des emplois et je dirais que c'est justice puisqu'ils en tuent et qu'ils continuent à en tuer. Par exemple, dans la grande distribution, ce qui est en train de se passer avec CARREFOUR. Est-ce que ça vous inquiète autant que les syndicats ?
MURIEL PENICAUD
CARREFOUR annoncera ce matin, donc j'attends de voir le détail de ce qu'ils vont annoncer, mais il est clair que…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
C'est-à-dire que vous n'êtes pas au courant du plan secret qu'a préparé Alexandre BOMPARD pour sauver son entreprise ?
MURIEL PENICAUD
Par principe, j'attends toujours ce que va dire une entreprise.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais vous êtes au courant ? Simplement, vous êtes au courant déjà ? On vous a informée ?
MURIEL PENICAUD
Oui, bien sûr. Mais je suis au courant d'un certain nombre d'intentions, j'attends de voir la concrétisation. D'abord, je pense aux salariés de CARREFOUR ce matin parce qu'il va y avoir de l'inquiétude et ça se comprend. Deuxièmement, je serai très attentive à ce que le dialogue social qui est prévu – c'est la loi française renforcée par les ordonnances – soit respecté, qu'on trouve aussi des volontaires, des plans de reclassement. J'ai l'impression que c'est l'intention de CARREFOUR, j'attends de voir à l'oeuvre et je serai vigilante à tout ça. Mais au-delà de ça, je pense que dans le sujet de CARREFOUR ce qu'on voit, c'est la mutation du travail. Oui, l'Internet arrive maintenant dans tous les domaines. Il n'y a pas de métier qui n'est pas touché par Internet.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
C'est la logique des mutations. Accélérer.
MURIEL PENICAUD
C'est la logique des mutations. Donc en même temps que l'Internet touche les magasins, puisque l'e-commerce c'est-à-dire nous tous : on achète tous sur Internet, il y a moins de besoins en magasin. Inversement en logistique, pour transporter ce que les gens vont acheter, l'amener chez eux, ça explose et il y a beaucoup d'emplois. Donc on voit bien que là, on est en pleine mutation et la question importante, c'est comment on accompagne chacun pour qu'il puisse saisir cette mutation pas en étant victime mais en prenant la chance de changer d'emploi et d'avoir un meilleur emploi.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Face à ces transformations qui sont brutales mais qui s'annonçaient, il y a un dilemme terrible pour les patrons comme ceux de CARREFOUR. Faciliter les départs volontaires, les reclassements, et cætera, peut-être la formation, la fermeture de filiales ou de magasins, ou sauver, ou laisser péricliter, décliner et en même temps périr une entreprise. C'est terrible comme choix.
MURIEL PENICAUD
Je croix que la pire des choses, c'est de ne pas préparer l'avenir, pas préparer ses salariés. Si une entreprise ne forme pas ses salariés, elle ne les prépare pas. Et ne pas préparer l'avenir d'une entreprise, car à ce moment-là, ça devient très brutal. Une fois qu'une entreprise est le dos au mur, elle ne peut plus faire les choses bien socialement. Il vaut mieux changer en permanence, évoluer en permanence pour permettre un avenir à l'entreprise et donc à l'emploi et donc aux salariés.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Stéphane TREPPOZ, qui est le patron et le créateur de SARENZA, disait ici il y a quelques jours qu'il nous alertait sur les évolutions de la numérisation qui allait avec le e-commerce transformer l'économie française et l'économie européenne. Est-ce qu'on ne peut pas demander aux GOOGLE, FACEBOOK, et cætera, qu'on reçoit avec beaucoup de faveurs et de faste de payer leurs impôts d'abord et de respecter des règles de la concurrence ? Et à l'Europe d'établir des règles de la concurrence, je le dis au passage.
MURIEL PENICAUD
Je crois qu'effectivement, et Bruno LE MAIRE s'y emploie, il y a un gros sujet, une grosse discussion au niveau européen. Il faut que ce soit au niveau européen sur les taxations, mais ce qu'il faut bien comprendre, c'est que sur la part qui me concerne plus, GOOGLE par exemple hier a annoncé que pour la première fois, ils vont avoir des implantations physiques dans le pays. Je leur ai demandé aussi de regarder comment, du coup, ils pouvaient former autour d'eux. Ils ont des capacits de formation au numérique et aujourd'hui il y a 15 % de nos concitoyens qui ne savent pas utiliser le numérique pour leur vie quotidienne. Bien, il faut aussi qu'ils payent des impôts et puis aussi qu'ils contribuent, je dirais, à monter en compétences toute la société.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Il y a beaucoup à faire encore mais regardez : AMAZON vient de créer à Seattle la première boutique presque sans vendeurs et, en tout cas, sans caissières. Il y a trois millions et demi de caissières en Amérique, je ne sais pas combien il y en a en France mais cette évolution va arriver. Est-ce que ça veut dire qu'il faut aussi les former ?
MURIEL PENICAUD
Je crois que tout le monde va évoluer, va avoir plusieurs métiers au cours de sa vie. On ne peut pas se réfugier en disant : on arrête la technologie, on arrête le progrès technique. De toute façon, Internet est là et ça viendra. Donc la question, c'est comment on fait pour que chacun puisse se former tout au long et changer de métier s'il le faut mais en le choisissant. C'est pour ça que l'enjeu des compétences, la loi sur la formation professionnelle qu'après la négociation…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
On y arrive, on y arrive.
MURIEL PENICAUD
C'est vital. C'est vital pour chacun, c'est vital pour l'économie.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Simplement, est-ce qu'aujourd'hui, quand le président de CARREFOUR Alexandre BOMPARD aura présenté son nouveau plan « Carrefour 2022 »vous voudriez le recevoir et, d'autre part vous recevriez, s'ils vous le demandent, les syndicats ?
MURIEL PENICAUD
Bien sûr. On reçoit toujours les syndicats quand ils le souhaitent. C'est la maison du dialogue social, le ministère du Travail.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Et, en même temps, de l'accompagnement des mutations.
MURIEL PENICAUD
Oui. Et puis vérifier qu'en termes de formation, de reconversion, de reclassement sur d'autres sites et de départs volontaires, tout est bien fait dans les règles de la loi et du dialogue social.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Ça, c'est l'actualité de la journée. Je vous avais invitée pour parler de la deuxième phase de l'action pour les réformes sociales qui commence. L'apprentissage, ça rechigne, ça bloque. Le MEDEF et les patrons vous reprochent de céder aux présidents de région et à la bagarre. Qui va piloter ? Ce matin, comment vous clarifiez ?
MURIEL PENICAUD
Pour moi, il y a une chose qui est importante. On a 1,3 million jeunes en France qui ne sont pas en formation, pas en emploi, qui n'arrivent pas à se projeter dans l'avenir, qui n'ont pas d'espoir. C'est la seule chose qui compte, c'est ça que je dis aux régions et aux partenaires sociaux que mon cabinet reçoit cette semaine et que je verrai la semaine suivante.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais qui pilotera ?
MURIEL PENICAUD
Oui, mais vous voyez ce que je veux dire.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Est-ce qu'on ne peut pas mettre deux pilotes contradictoires dans l'avion ?
MURIEL PENICAUD
Non, non, mais attendez. Comment est-ce qu'on peut faire l'apprentissage ?
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Sinon c'est GERMANWINGS, vous savez ? Paf, le crash.
MURIEL PENICAUD
Je pense que la focalisation sur un seul sujet qui est ou pas ce circuit de financement est une focalisation excessive. On va trouver une solution, c'est une posture de négos mais il faut bien comprendre que moi l'enjeu, et la seule chose qui me rend très optimiste là-dessus, c'est que les régions comme les partenaires sociaux sont d'accord avec nous, qu'il faut énormément augmenter l'apprentissage, et d'ailleurs toute la filière professionnelle, dans les lycées professionnels quand on a l'apprentissage, pour que nos jeunes aient un avenir. Après, les trucs d'arrière-boutique, de cuisine, on va les traiter. Et, je m'excuse, vis-à-vis de nos concitoyens, c'est quand même un peu de la cuisine.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Et vous leur dites : il n'y aura pas de favoritisme, on cherche l'efficacité.
MURIEL PENICAUD
L'apprentissage, c'est un contrat de travail en formation. Donc on a besoin d'une entreprise sinon il n'y a pas de contrat de travail, mais on a aussi besoin des régions parce que ça s'inscrit dans l'ensemble du système…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais qui va commander pour que ça marche ?
MURIEL PENICAUD
On ne peut pas coopérer dans ce pays ? Bien, on va coopérer.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Et sinon, la fessée.
MURIEL PENICAUD
Non, attendez. Ce qui compte, c'est nos enfants, non ? C'est l'avenir ?
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Les négociations sont bloquées, peut-être parfois arrêtées. Ils ont perdu une semaine de retard. Est-ce que vous leur accordez un délai supplémentaire ou vous leur dites, comme vous l'avez prévu : la mi-février, c'est bloqué ?
MURIEL PENICAUD
Là, on parle d'un autre sujet, on ne parle plus d'apprentissage. L'apprentissage, tout le monde revient sur la table des discussions. Sur la formation professionnelle, à cause du sujet de l'apprentissage, le patronat a demandé à sursoir leurs négociations avec les syndicats sur la formation. Je le regrette mais, je dirais, c'est leur affaire, c'est leurs négociations.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Pas de délai supplémentaire ?
MURIEL PENICAUD
Vous savez, ce qui comptera c'est le résultat. J'espère que ce sera à la hauteur des ambitions.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Pas de délai supplémentaire.
MURIEL PENICAUD
Ça dépend, on va voir ce qu'ils proposent. Pourquoi je dis cela ? Il n'y a qu'un ouvrier ou un employé sur trois qui aujourd'hui a accès à la formation. S'ils sont très ambitieux, je ne suis pas à une semaine près mais il faut être ambitieux.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Voilà. « Il peut y avoir si, à condition que », qu'ils aillent vite.
MURIEL PENICAUD
S'ils sont ambitieux parce que la priorité, c'est que les salariés puissent tous se former.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Adieu, adieu les contrats aidés, voici les premiers PEC. Vous en parliez tout à l'heure : les Parcours Emploi Compétence. Il y en aura en 2018 200 000, avant il y avait les contrats aidés, c'était en 2016, 457 000, 310 000 en 2017. Les contrats aidés donc changent de nom, de nombre, de forme, et cætera. Est-ce que les PEC sont renouvelables ?
MURIEL PENICAUD
Alors les parcours emploi compétence, qu'est-ce que c'est ? C'est, au lieu de proposer à des personnes précaires des emplois précaires en permanence, ce qui était le cas avant, et grâce au rapport de Jean-Marc BORELLO, le président de SOS qui a fait un travail remarquable…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
J'ai lu le rapport.
MURIEL PENICAUD
Voilà, formidable. Clairement, on s'est on voit très bien que quelqu'un qui est très éloigné du travail, il peut y arriver, il n'y a pas de fatalité. Personne n'est inemployable, ça c'est très important. A condition, l'expérience le prouve, qu'il y ait à la fois l'expérience de travail, de la formation et de l'accompagnement.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Quelle est la durée des PEC ?
MURIEL PENICAUD
C'est minimum 9 mois.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Renouvelable ?
MURIEL PENICAUD
Ça peut aller jusqu'à en gros, en moyenne, ça sera un an.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Renouvelable ?
MURIEL PENICAUD
Ça peut être renouvelable dans certains cas, mais le plus important, c'est que derrière, surtout comme c'est un parcours, avant la fin il y a un point avec Pôle emploi, l'employeur, la personne et donc on imagine la suite du parcours. Le but, ce n'est pas de renouveler du précaire…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
C'est-à-dire qu'il y a trop d'exclus, vous voulez des inclus et ça passe par-là.
MURIEL PENICAUD
On veut des inclus parce qu'on a besoin de tout le monde. Tout le monde a une valeur.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Qui finance les PEC ?
MURIEL PENICAUD
C'est l'Etat qui finance la moitié et les associations et collectivités financeront l'autre moitié.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Oui. Et ça ouvre vers des CDI ?
MURIEL PENICAUD
Le but, c'est que ça ouvre soit vers des CDI, soit vers des qualifications longues. Là, on a toute notre dispositif de qualification parce que beaucoup… Il faut savoir que le taux de chômage des personnes qui n'ont pas de qualification, c'est le double des autres : c'est 18%. Donc il faut aussi que ce soit l'occasion de revenir vers la compétence qui est la seule vraie protection contre le chômage à terme.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
J'ai envie de dire : à bas les inégalités de salaire hommes-femmes. Ça fait longtemps qu'on répète la chanson et, alors que demeure un écart de près de 10 %, 9,9 % entre les hommes et les femmes à poste comparable, vous proposez là encore un plan d'action. Qu'est-ce que vous dites cette fois-ci pour qu'on croit que ça va être appliqué ?
MURIEL PENICAUD
Ce que je dis, c'est que d'abord il y a 27 % tous postes confondus d'écart entre les femmes et les hommes, parce qu'il y a des questions d'orientation, de stéréotypes : elles vont moins où elles sont moins orientées vers les carrières rémunératrices, dans les carrières d'entreprise. Enfin, il y a plein de facteurs, on en connaît quatre principaux, il faut agir sur tous. Et puis à plus court terme, c'est-à-dire à cinq ans, avec le Premier ministre et avec Marlène SCHIAPPA, on est clairement résolu à ce qu'on n'accepte plus cette chose qui est injuste, inégalitaire, contraire à la loi et mauvaise pour l'économie qui est 9 % d'écart sur les mêmes postes.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Vous ne voulez pas d'une nouvelle loi, vous dites qu'il y en a une. C'est ça ?
MURIEL PENICAUD
Non. Vous savez, la loi c'est un outil. Je ne dis pas qu'il faut une loi ou pas, je dis qu'on va travailler avec les partenaires sociaux. Dans deux mois, nous aurons un plan. S'il faut une loi, il y en aura ; s'il n'y a pas besoin, il n'y en a pas besoin.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Donc, il peut y avoir une loi pour vaincre les résistances et les réticences ?
MURIEL PENICAUD
Il y a déjà une loi qui sanctionne les manques d'égalité.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais ça continue.
MURIEL PENICAUD
La loi, c'est un outil au service de la citoyenneté. Moi, je n'ai pas d'idée a priori préconçue, je cherche quelque chose qui est efficace. Dans cinq ans, il faut qu'on ait réglé ce problème qui est une honte et qui est mauvaise et pour les femmes et pour l'économie. Et puis, quels sont les hommes aujourd'hui, les hommes modernes, qui vont accepter que leur femme et leur fille soient moins payée ? Bien, j'espère qu'il y en a de moins en moins et je crois qu'il y en a de moins en moins.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Il n'y en aura plus.
MURIEL PENICAUD
Ça, ça va faire bouger les choses aussi.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Si je peux me permettre une question personnelle, dans votre carrière professionnelle, est-ce que vous avez dû vous battre pour que vos rémunérations soient égales à celles des hommes ?
MURIEL PENICAUD
Oui, bien sûr, mais comme tout le monde. Mais je me suis aussi beaucoup battue pour les autres. Donc ç'a été le cas pour moi et pour les autres.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Pour vous et pour les autres.
MURIEL PENICAUD
Oui, pour les autres. J'ai fait beaucoup de choses sur ce sujet.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
En 2022, l'égalité c'est un rêve ou c'est encore une illusion ?
MURIEL PENICAUD
C'est un impératif. Impératif.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Il n'y a pas le choix.
MURIEL PENICAUD
Il n'y a pas le choix. Attendez, c'est la société qu'on veut, non ? C'est…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Et si la loi n'est pas respectée, qu'est-ce qu'il y a ? Des sanctions plus fortes ?
MURIEL PENICAUD
Il y a déjà des sanctions mais, je vais vous dire, il y a une loi depuis 35 ans. Si la loi suffisait, ça se saurait. De toute façon le coeur du sujet, il faut peut-être renforcer deux-trois choses dans la loi. Le plus important ne sera pas là puisqu'on voit bien que malgré la loi… Donc il faut que le dialogue social s'en empare, il faut que tout le monde s'en empare : le patronat, les syndicats, le gouvernement, les autorités.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais vous n'allez pas dire que ce sont les chefs d'entreprise qui vont dire : « A votre bon coeur, monsieur, dame ! » Non, ce n'est pas ça ?
MURIEL PENICAUD
Non, non, non. Mais par contre ceux qui le font bien, il y en a qui ont bien compris à quel point c'était important pour leur entreprise aussi, et c'est pour le pouvoir d'achat, ceux-là ça va être les ambassadeurs pour les autres.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Muriel PENICAUD, il y aurait tellement de sujets à aborder avec mais un autre. L'eurodéputé Marcheur Jean ARTHUIS vient de vous remettre un rapport avec – encore un rapport, il pleut des rapports chez vous – avec 16 propositions, 16 mesures pour les apprentis en Europe, qui vont en Europe. Il y en a 6 800 par an en France, vous dites 15 000 par an dans cinq ans. C'est la magie ?
MURIEL PENICAUD
D'abord les rapports, moi c'est des rapports qui servent tout de suite. Il n'y a aucun rapport sur les étagères dans mon ministère, ceux-là je ne les lis pas. Jean-Marc BORELLO comme Jean ARTHUIS ont fait des rapports qui sont formidables parce qu'ils ont de la vision, ils ont du souffle, ils ont de l'opérationnel. Et donc Jean ARTHUIS, j'ai déjà annoncé tout de suite un certain nombre de mesures puisque…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Ça s'appelle Erasmus Pro.
MURIEL PENICAUD
Oui. Le but c'est que pourquoi l'Erasmus serait réservé aux étudiants à l'université ? Pourquoi nos apprentis qui apportent tant de valeurs, qui sont aussi des jeunes qui se forment, n'auraient pas droit à l'Erasmus ? Aujourd'hui, il n'y en a que 6 900 par an, je veux passer à 15 000 et pour ça, il y a plein de verrous et Jean ARTHUIS a identifié tous ces verrous.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Très bien.
MURIEL PENICAUD
On va les lever pour le permettre.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Et vous avez de l'argent qui vient de l'Europe, huit à neuf millions.
MURIEL PENICAUD
Oui.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Et vous dites : en quelques temps, il faut qu'ils nous donnent le triple.
MURIEL PENICAUD
Voilà. Il y a un verrou financier et le président de la République a demandé à l'Europe qu'on triple ces crédits. Mais il y a des verrous aussi juridiques, il y a des verrous très nombreux, il y en a une quinzaine.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
On va faire sauter les verrous.
MURIEL PENICAUD
On est là pour permettre aux apprentis d'être comme les autres étudiants, de découvrir l'Europe. On voit que ceux qui y sont allés, ça les forme, ça les épanouit, ça les renforce et c'est un avenir formidable.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
C'est une force pour l'économie. Merci d'être venue. Vous voyez que vous avez raison de venir.
MURIEL PENICAUD
C'est toujours un plaisir.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Revenez. A 08 heures 15, je recevrai tout à l'heure Gilles SIMEONI, le président de l'exécutif corse. Il a vu hier Edouard PHILIPPE à Matignon, est-ce qu'il est déçu, rassuré, satisfait ?
MURIEL PENICAUD
Vous lui demanderez. Vous lui demanderez.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
C'est justement pour ça et c'est ce que je veux annoncer. On va le voir tout à l'heure. Merci d'être venue.
MURIEL PENICAUD
Merci.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 24 janvier 2018