Déclaration de M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale, sur le recrutement des enseignants et l'accès à l'enseignement supérieur, Paris le 16 janvier 2018.

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M. le président. L'ordre du jour appelle les questions sur l'éducation et le recrutement des enseignants.
Je vous rappelle que la Conférence des présidents a fixé à deux minutes la durée maximale de chaque question et de chaque réponse, sans droit de réplique.
Nous commençons par les questions du groupe La France insoumise.
La parole est à M. Bastien Lachaud.
M. Bastien Lachaud. Monsieur le ministre de l'éducation nationale, ma question porte sur la mise en place de la plateforme Parcoursup, qui succède à APB – Admission post-bac.
Comment, monsieur le ministre, cette application pourrait-elle garantir l'égalité entre les futurs étudiants ? Comment le pourrait-elle, en effet, alors qu'elle a été mise en place dans la plus grande précipitation, sans même attendre que la réforme dont elle procède ait été définitivement votée par le Parlement ?
Comment cette plateforme pourrait-elle garantir l'égalité entre les étudiants puisque, désormais, le diplôme national du baccalauréat n'est plus le ticket d'entrée dans l'enseignement supérieur ?
Comment pourrait-elle garantir l'égalité des futurs étudiants alors qu'elle introduit, malgré vos dénégations, une sélection entre les élèves fondée sur des critères opaques, variables d'une région à l'autre, et même d'un établissement à l'autre ?
Comment pourrait-elle garantir l'égalité entre les étudiants alors que ses critères de sélection ne seront pas tant académiques que psychologiques ou sociaux ?
Alors que l'accès à l'enseignement supérieur est un droit dont doivent pouvoir jouir les jeunes citoyens, sans autre condition que l'obtention du baccalauréat, Parcoursup demande aux candidats une lettre de motivation et un projet d'études que ni vous ni moi n'aurions peut-être été capables d'élaborer en notre temps. Ces savoir-faire qu'on demande aux futurs étudiants sont particulièrement discriminants sur le plan social et ils feront leur oeuvre, à savoir fermer davantage encore l'enseignement supérieur aux jeunes issus des classes populaires.
Vous prendrez bien sûr prétexte du désastre d'APB et de l'iniquité du tirage au sort. Mais nul n'est dupe : qui veut tuer son chien l'accuse de la rage. Les libéraux voulaient la peau de l'université comme service public ; ils en ont organisé la ruine.
Alors que l'accroissement de la population imposait que l'université ouvrît des places, les investissements ont été refusés. Alors que notre pays n'a que sa matière grise, ces choix délibérés grèvent notre capacité à faire face aux défis de l'avenir et portent atteinte à la promesse républicaine d'égalité entre les citoyens.
Devant ces faits, monsieur le ministre, prétendrez-vous que Parcoursup garantira l'égalité entre les futurs étudiants ? (Applaudissements sur les bancs des groupes FI et GDR.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale. Monsieur Lachaud, je vous remercie pour cette question sur un sujet qui a déjà fait l'objet, d'ailleurs, d'une question au Gouvernement cet après-midi.
D'abord, vous me ferez l'honneur de reconnaître que je suis moi-même un professeur des universités et que je ne peux bien entendu accepter ne serait-ce que le soupçon que ce gouvernement, ou la ministre de l'enseignement supérieur ou moi-même entretiennent l'idée d'aller à l'encontre de l'intérêt des universités et du service public qu'elles délivrent. (Applaudissements sur les bancs des groupes REM et MODEM.)
M. Bastien Lachaud. Et l'intérêt des étudiants ?
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Par ailleurs, vous avez tout à fait raison de considérer que l'accès à l'enseignement supérieur est un droit constitutionnel ; celui-ci a d'ailleurs été en quelque sorte violé l'année dernière lorsque le tirage au sort est devenu le moyen de la sélection. Je constate que le tirage au sort semble recueillir votre préférence alors même qu'il engendre la pire des inégalités. (Exclamations sur les bancs du groupe FI.)
M. Bastien Lachaud. Je viens de dire le contraire ! Soyez un peu honnête !
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Je suis totalement honnête ; c'est vous qui ne l'êtes peut-être pas (Applaudissements sur les bancs du groupe REM) car la véritable inégalité a été créée en excluant des gens qui ont été obligés d'effectuer leurs études supérieures en dehors de France, qui ont été exclus alors qu'ils avaient parfaitement réussi leur baccalauréat. Si c'est ce système que vous aimez, dites-le franchement !
Mme Caroline Fiat. Vous devriez créer des places dans les universités !
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Pour notre part, nous mettons en place un autre dispositif. J'ai bien compris que vous pensiez que j'allais accuser le système précédent pour mieux justifier un mécanisme que vous jugez plus inéquitable. J'ai bien entendu votre argument, mais il ne vaut pas. Nous venons en effet d'un système extrêmement inéquitable, et nous allons vers l'équité, parce que les processus que nous avons établis comportent des éléments qualitatifs et font intervenir une dimension humaine.
Mme Sabine Rubin. Ce n'est pas ce que disent les enseignants!
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. D'abord, les élèves, aujourd'hui, contrairement à ce qui se passait auparavant, sont conseillés : c'est une réalité que vous ne pouvez pas nier. De fait, il y a deux professeurs principaux dans chaque classe de terminale de France, ce qui n'était pas le cas auparavant. Cela permet un suivi personnalisé. Par ailleurs, des moyens informatiques importants ont été mis en oeuvre ; citons, par exemple, le site www.terminales2017-2018.fr, qui permet d'avoir accès à des informations qui n'étaient pas disponibles auparavant. Il me faudrait plus de temps pour vous répondre complètement…
M. le président. Vous aurez l'occasion d'y revenir, monsieur le ministre. Merci de conclure !
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Les attendus des universités permettront de combattre l'échec en premier cycle, en orientant mieux les élèves. J'aurai l'occasion de préciser cela ultérieurement.
M. le président. La parole est à M. Jean-Hugues Ratenon.
M. Jean-Hugues Ratenon. Monsieur le ministre, en octobre dernier, j'ai été reçu à Matignon par les services du Premier ministre pour aborder la question que j'ai soulevée concernant l'affectation et la mutation des fonctionnaires ultramarins. Je suis personnellement sollicité à propos de difficultés rencontrées par de jeunes ultramarins qui ont été affectés dans l'Hexagone après l'obtention de leurs concours.
Je citerai le cas d'une jeune mère de famille qui a douloureusement abandonné son concubin, sa maison et ses biens pour venir dans l'Hexagone prendre son poste d'affectation. Mais, pis, le père est depuis séparé de son enfant de trois ans. Un autre cas, très récent, concerne un couple marié depuis un an, que j'ai rencontré ; le mari est fonctionnaire territorial et la femme, qui accouchera dans quelques semaines, va être affectée en région parisienne du fait de sa réussite à un concours national. Là encore, il faudra faire un choix douloureux entre la famille et l'emploi puisque aucune solution n'a été trouvée.
Si l'on peut évidemment imaginer que, sur le territoire hexagonal, les fonctionnaires puissent retrouver leur famille chaque week-end lorsqu'ils travaillent loin de leur foyer, on conçoit difficilement qu'il en aille de même pour les ultramarins.
Aussi, monsieur le ministre, au regard des expériences vécues, des divorces, du fait que certains fonctionnaires renoncent à leur poste, des familles brisées, de la séparation entre les enfants et leurs parents, peut-on penser que cette gestion coloniale, connue de tous, est encore acceptable ? Non ! Donc il est temps, à mon sens, de penser à des concours donnant lieu à des affectations régionales, ainsi qu'à un renforcement des dispositions trop timides de la circulaire sur les centres d'intérêts matériels et moraux des fonctionnaires outre-mer.
Ne serait-il pas temps, monsieur le ministre, d'abolir enfin cette injustice qui continue à faire des ravages dans les outre-mer ? (Applaudissements sur les bancs du groupe FI.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Monsieur Ratenon, je vous remercie pour cette question extrêmement importante. Je ne méconnais pas les problèmes humains que vous venez d'évoquer ; je les ai d'ailleurs assez bien connus lorsque j'étais recteur outre-mer. Derrière votre question, il y a évidemment le principe, de haute valeur, de l'égalité entre l'ensemble des personnes ayant réussi un concours, qui, dans la pratique, se traduit en effet par des situations plus douloureuses pour les ultramarins que pour les habitants de l'Hexagone.
Dans les réformes futures que l'on peut envisager, il y aura certainement des évolutions en la matière. Aujourd'hui, cette situation ne suscite pas une indifférence complète puisque les centres d'intérêt matériels et moraux sont pris en compte dans le barème des professeurs. Cette prise en compte peut apparaître insuffisante mais elle conduit généralement, à terme, à un rapprochement entre conjoints dans le cadre des différentes procédures d'affectation. Je vous accorde néanmoins bien volontiers que le système actuel est sans doute trop aveugle et que des améliorations devront certainement être apportées dans le futur. Ces dernières devront être cohérentes avec l'ensemble des évolutions souhaitables pour la gestion des ressources humaines du ministère de l'éducation nationale. Cela suppose une gestion des ressources humaines plus humaine et probablement une vision plus académique, c'est-à-dire plus proche du terrain. Nous aurons certainement l'occasion d'en reparler, parce que cela peut remettre en question des modes actuels de gestion, garants d'une certaine égalité entre les personnels.
Nous devons donc être très attentifs au respect du principe d'égalité entre les personnes qui réussissent le concours et aux spécificités qui caractérisent chaque région, en l'occurrence les régions d'outre-mer. J'entends très bien votre attente, qui sera au coeur de certaines réformes que nous aurons à conduire dans le futur.
M. le président. La parole est à Mme Sabine Rubin.
Mme Sabine Rubin. Monsieur le ministre, vous le savez, le nombre de recrutements d'enseignants du second degré baissera en 2018. Concrètement, ce sont 2 600 postes qui seront supprimés par rapport à 2017, soit une baisse de 20 %. Vous justifiez cette réduction par le fait que de nombreux postes n'ont pas été pourvus lors des précédentes sessions de concours. Mais cet argument prend le problème à l'envers, s'attachant aux conséquences et non aux causes du manque d'attractivité des métiers de l'enseignement, relatives à la rémunération, à la formation et à la considération. Que comptez-vous mettre en place pour endiguer la crise de candidatures aux concours ?
En outre, c'est un argument qui ne tient pas compte de toutes les catégories de personnels ; en effet, pour un certain nombre d'entre elles, le nombre des postes ouverts aux concours en 2018 est inférieur à celui des postes pourvus en 2017. C'est le cas pour les professeurs d'EPS – éducation physique et sportive –, pour les psychologues de l'éducation nationale, mais aussi pour les postes de conseillers principaux d'éducation, avec une baisse d'environ 20 % en moyenne entre 2017 et 2018.
Il s'avère que ces décisions comptables ont des conséquences très réelles et très graves pour ce qui concerne les conseillers d'éducation, les CPE. Par exemple, le 19 décembre dernier, un élève a agressé l'une des deux conseillères principales d'éducation du collège Pablo-Neruda de Pierrefitte-sur-Seine – dans le département de la Seine-Saint-Denis, que vous connaissez si bien. Les enseignants se sont mis en grève immédiatement, avant les vacances de Noël, puis dès la rentrée. Ils ont été soutenus par les parents d'élève, qui ont bloqué l'entrée du collège toute la semaine dernière, même la nuit. Que demandent-ils, monsieur le ministre ? Simplement le passage de leur établissement en REP+ – réseau d'éducation prioritaire renforcé – et le recrutement d'un troisième CPE car, à l'heure actuelle, il n'y en a que deux pour 700 élèves. Comment, dans ces conditions, peuvent-ils effectuer leur travail de médiation et de suivi, surtout dans un territoire qui demande une attention toute particulière ?
La vive mobilisation de la communauté éducative et des parents d'élèves montre l'urgence de la situation : monsieur le ministre, certains établissements ont besoin de plus de moyens et d'un meilleur encadrement pour assurer l'égalité. Allez-vous les leur donner ? (Applaudissements sur les bancs des groupes FI et GDR.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Madame Rubin, je vous remercie pour votre question, qui en comporte en réalité plusieurs : vous évoquez un sujet structurel, que l'on pourrait qualifier de crise de recrutement dans l'éducation nationale et qui n'est pas propre à la France, un sujet plus conjoncturel, lié au budget de cette année, et enfin l'exemple du collège Pablo-Neruda, que vous avez mis en avant pour illustrer les deux points précédents.
La question structurelle, la plus importante, renvoie à ce que nous faisons pour résoudre le problème du recrutement en France. Comme je le disais, il s'agit d'un problème universel : tous les pays comparables à la France ont un problème de vivier de recrutement, particulièrement en mathématiques et dans les matières scientifiques. Nous devons effectivement travailler dans la durée pour que cela change, et nous le ferons. Le temps manque pour présenter l'ensemble des éléments de stratégie en la matière, mais j'en évoquerai un, très cohérent avec la loi du 8 juillet 2013 d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République : le prérecrutement. Nous allons réaliser de nouveaux efforts pour le prérecrutement et en matière de bourses, afin de susciter, le plus en amont possible, des vocations pour la profession d'enseignant. Il y aura bien d'autres choses à faire, mais notre action passe aussi par le prestige de la profession enseignante, l'une de mes très grandes priorités. Nous devons remettre, par différentes modalités, cette profession au coeur de la société française. Notre gestion des ressources humaines y contribuera, et, de ce point de vue, il y a un lien avec la question précédente.
Concernant ce que nous avons décidé pour la rentrée prochaine, j'assume d'abord pleinement de faire du premier degré notre priorité. Le niveau de dépenses de la France en matière d'éducation correspond à la moyenne des pays comparables de l'OCDE – l'Organisation de coopération et de développement économiques –, mais le nôtre dépense beaucoup moins pour son premier degré et un peu plus pour son second degré. Il est donc tout à fait normal que nous ayons fait des choix budgétaires consistant à recruter davantage dans le premier degré à la rentrée prochaine. Le solde des postes devant élèves dépasse 4 000 pour la rentrée prochaine.
Je manque de temps pour répondre à la suite de votre question, mais je suis certain que les suivantes me permettront de préciser ma pensée.
M. le président. La parole est  M. Michel Larive.
M. Michel Larive. Monsieur le ministre, Jean est enseignant en économie dans un lycée public, auprès de classes de seconde et de terminale. Pourtant, il n'a ni réussi un concours de l'enseignement, ni reçu une formation pédagogique, ni acquis une expérience professionnelle dans ce domaine. C'est un contractuel de la fonction publique, précaire, puisqu'il a été embauché à durée déterminée. Pour décrocher son poste d'enseignant, il s'est inscrit sur le site internet d'une académie, puis, quelques jours plus tard, il a été appelé par un chef d'établissement qui lui a proposé d'enseigner pour la première fois.
La pénurie d'enseignants formés engendre des situations de plus en plus inacceptables dans le recrutement au sein de l'éducation nationale. Ce recours aux enseignants sous contrat n'est bon pour personne, pas pour les enfants, notamment, qui ne reçoivent pas un enseignement digne du service public.
Nawal, vingt-sept ans et enseignante en CM1, rapporte au Figaro : « Ce sont les élèves qui, au fur et à mesure, m'ont indiqué où ils en étaient dans le programme. » Elle explique comment elle a remédié à son inexpérience : « Pour les évaluations, j'ai cherché sur internet. Je suis tombée sur des blogs de profs qui expliquaient leurs méthodes. »
La précarisation et la pénibilité du métier d'enseignant sont les conséquences de telles pratiques de recrutement.
Jocelyne François, représentante du SNES-FSU, fait part du désarroi des enseignants : « Certains contractuels, comme les mères célibataires, basculent dans la précarité lorsqu'un temps partiel leur est imposé. Beaucoup ont recours à des jobs alimentaires pour joindre les deux bouts. »
Monsieur le ministre, la politique de recrutement de l'éducation nationale est un échec. Là comme ailleurs, en corrélation avec l'augmentation de la population, le nombre d'enseignants fraîchement diplômés devrait croître pour couvrir les besoins de l'institution. De moins en moins de jeunes veulent faire ce métier, et les précariser sous contrat n'est pas la solution. Ma question, peut-être redondante mais importante, est la suivante : quelles sont vos intentions pour remédier à la pénurie de vocations dans l'éducation nationale et aux dysfonctionnements qu'elle entraîne sur le recrutement des enseignants ? (Applaudissements sur les bancs des groupes FI et GDR.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Monsieur Larive, votre question fait le lien avec la précédente car elle nous renvoie à la crise du recrutement dans l'éducation nationale. Je redis à quel point ce sujet n'est pas spécifiquement français et à quel point nous devons le considérer sérieusement et le prendre à bras-le-corps.
Il y a et il y aura toujours des contractuels dans l'éducation nationale en France. C'est absolument inévitable, et toute personne qui prétendrait le contraire pratiquerait une certaine démagogie. Mais il importe que le nombre de contractuels reste limité à une certaine proportion. Aujourd'hui, il y en a un peu plus de 22 000 dans le second degré, et leur proportion dans le premier degré est infime. Ce phénomène touche donc essentiellement le second degré.
En outre, tous les contractuels ne correspondent pas à la description que vous venez de faire. Parfois, le recrutement de contractuels permet de ménager un sas d'entrée dans la fonction publique ; c'est pourquoi il y a eu dans le passé, et il y aura probablement dans le futur, des processus de titularisation – nous sommes toujours assez satisfaits de ces mécanismes. Dans les académies d'outre-mer, dont nous parlions tout à l'heure, les contractuels sont bien utiles, puisqu'on y manque de personnels : on contractualise des ultramarins qui deviennent ensuite titulaires.
Il s'agit donc d'un phénomène complexe que l'on ne saurait décrire de façon manichéenne. À l'évidence, notre but n'est pas d'accroître le nombre de contractuels et certainement pas d'augmenter la précarisation que vous avez décrite.
Le prérecrutement représente là encore l'une des réponses à cette situation, parce qu'il permet de préparer davantage de titulaires pour le futur et aussi d'imaginer des mécanismes contractuels menant progressivement à la titularisation.
Pour me résumer, il est très important que nous mettions en place une meilleure formation des contractuels – il s'agit là d'une réponse à l'un des points que vous avez soulignés. Par ailleurs, toute embauche de contractuels doit être envisagée avec une visée de titularisation dans un plan général, dès lors que quelqu'un a fait la preuve de sa qualité dans la fonction occupée.
M. le président. Nous en venons aux questions du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
La parole est à Mme Elsa Faucillon, pour sa première question.
Mme Elsa Faucillon. Le code de l'éducation dispose : « L'instruction est obligatoire pour les enfants des deux sexes, français et étrangers, entre six ans et seize ans. » La scolarisation des mineurs non accompagnés est donc à la fois un droit et une obligation. La Convention internationale relative aux droits de l'enfant reconnaît, elle aussi, un droit à l'éducation à tous les enfants. Le défenseur des droits rappelle dans chacun de ses avis que la scolarisation des jeunes migrants doit être une priorité.
Pourtant, nous le savons maintenant toutes et tous ici, aujourd'hui, en France, des jeunes mineurs se retrouvent à la rue, sans prise en charge et sans démarches entreprises pour leur scolarisation. Ces situations intolérables se multiplient, alors que les enfants migrants, rappelons-le, sont avant tout des enfants.
De nombreux obstacles freinent cet accès au droit commun, comme la lenteur volontaire de certains conseils départementaux à les reconnaître comme mineurs non accompagnés, retardant ainsi leur accès à l'institution scolaire, sans compter la précarité liée à la vie en hôtel social, voire en bidonville ou en squat, et les expulsions potentielles de ces lieux, qui peuvent les livrer comme proies à des organisations criminelles – les cas de prostitution et les affaires de drogue sont fréquents.
La représentation nationale doit affirmer que la place de ces jeunes est à l'école et non dans la rue. C'est pourquoi nous demandons que les jeunes migrants soient scolarisés dès leur accueil temporaire et que cette scolarisation soit une priorité absolue tant pour les services de l'aide à l'enfance que pour les CASNAV – les centres académiques pour la scolarisation des élèves allophones nouvellement arrivés et des enfants issus de familles itinérantes et de voyageurs. Il est intolérable que des services refusent à un être humain, comme on l'a vu récemment, sa qualité de mineur, au seul motif que son courage à fuir son pays apporterait la preuve de sa maturité.
Monsieur le ministre, quels moyens indispensables comptez-vous mettre en place pour garantir l'accès à l'école de tous les enfants, sans aucune distinction ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Madame Faucillon, vous soulevez là un sujet évidemment majeur, particulièrement d'actualité puisque les vagues migratoires sont de plus en plus importantes en France. Vous rappelez à juste titre que l'instruction est obligatoire dans notre pays et que tout enfant se trouvant sur le territoire national a vocation à être scolarisé. C'est un droit que nul ne saurait contester : nous souhaitons tous que tout enfant soit scolarisé.
Sur la base de ce principe, nous devons regarder les faits tels qu'ils sont. Vous avez raison d'évoquer certains phénomènes qui, d'une certaine façon, nous submergent. L'institution de l'éducation nationale n'a pas à rougir de son action. Les CASNAV travaillent fortement pour réussir l'intégration des élèves allophones. En outre, tout un travail est mené par le monde associatif et par l'aide sociale à l'enfance.
C'est un sujet sur lequel nous travaillons avec la ministre des solidarités et de la santé, Agnès Buzyn. Nous l'évoquons aussi fréquemment avec les départements, car il nous semble à tous évident que les modalités de mise en oeuvre de l'aide sociale à l'enfance ont atteint une certaine limite. À mon sens, la question n'est d'ailleurs pas tant celle des moyens, car l'aide sociale à l'enfance bénéficie de moyens importants. Le problème est davantage d'ordre qualitatif : comme vous l'avez souligné, je ne suis pas sûr qu'envoyer un mineur séjourner dans un hôtel financé par les départements soit la solution la plus pertinente, notamment sur le plan éducatif. Je suis même intimement persuadé que les moyens alloués à l'aide sociale à l'enfance pourraient être bien mieux employés si nous travaillions bien avec les départements dans le futur. Tel est le sens des évolutions que nous prônons aujourd'hui.
C'est pourquoi j'ai récemment missionné les inspections générales pour travailler sur la question des élèves allophones. Leur rapport nous sera remis très prochainement. J'initierai un dialogue avec les départements, évidemment en lien avec le ministère des solidarités et de la santé, de façon à dégager les solutions nous permettant de répondre à ces problèmes.
Je pense aussi que l'éducation nationale et le milieu associatif doivent s'allier pour parvenir à des formules pragmatiques, notamment lorsque les élèves ne parlent pas du tout le français à leur arrivée.
M. le président. La parole est à Mme Elsa Faucillon, pour sa seconde question.
Mme Elsa Faucillon. Le projet de loi de finances pour 2018 a supprimé plus de 2 000 postes d'enseignants stagiaires. Comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire, cette suppression acte officiellement la crise de recrutement d'enseignants et aura pour effet de multiplier les recrutements de contractuels au statut de plus en plus précaire. Mes collègues l'ont évoqué, cette baisse du nombre de postes offerts aux concours est un très mauvais signal envoyé aux étudiants. Le milieu enseignant demande au contraire des mesures concrètes de revalorisation du métier d'enseignant.
Nous croyons que le prérecrutement permettrait de développer l'attractivité du métier. Ce dispositif alternatif de formation a pour objectif de pallier la crise de recrutement en motivant davantage et plus tôt les étudiants à choisir la carrière d'enseignant. En effet, le rehaussement du niveau de recrutement, passé de la licence au master, réduit le nombre de candidats potentiels. Actuellement, on accède à la formation d'enseignant à la fin de son master, soit à un niveau d'études auquel peu d'étudiants issus des classes populaires accèdent. Non seulement pour relever le défi du recrutement, mais également pour diversifier les profils des personnes occupant cette fonction, il faut avoir la volonté d'aller chercher ces étudiants. La diversité a été un plus pour l'école quand on a travaillé à la réalisation de cet objectif ; je crois que nous devons le refaire aujourd'hui.
Nous sommes donc favorables à la mise en place d'un prérecrutement à partir de la première année de licence et à la rémunération des étudiants concernés. Pour assurer une démocratisation de l'accès aux études supérieures et aux métiers de l'enseignement et de l'éducation, il est en effet nécessaire de dégager ces étudiants des contraintes financières, en contrepartie d'un engagement de leur part dans une carrière enseignante.
Nous proposons également d'instaurer le concours au niveau licence 3 plutôt que master 1. Les étudiants bénéficieraient ainsi de deux années de formation professionnelle comme stagiaires ; leurs conditions d'entrée dans le métier s'en trouveraient améliorées et les nouveaux enseignants auraient une meilleure confiance en eux.
Monsieur le ministre, que proposez-vous pour revaloriser le métier d'enseignant ? Envisagez-vous l'expérimentation, que nous préconiserions de lancer à grande échelle, d'un prérecrutement des professeurs au niveau bac ou licence ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Madame Faucillon, je vous remercie de cette question, qui permet de prolonger la discussion sur un sujet évoqué précédemment et que je juge très important.
Nous devons en effet aller plus loin dans le prérecrutement. Cela nécessite de développer les processus initiés par la loi de 2013, qui ne concernent aujourd'hui que quelques centaines d'étudiants par an. Les évolutions prochaines iront dans ce sens. Le déploiement du prérecrutement passe d'abord par les bourses, qui peuvent être octroyées dès le lycée à des élèves exprimant le souhait de devenir professeur. Une autre voie, qui m'est chère, est l'évolution du statut des assistants d'éducation, aujourd'hui au nombre de 50 000 environ en France. Une bonne part d'entre eux envisagent d'être professeur, mais leur statut est davantage un frein qu'un accélérateur, ce qui est paradoxal. Nous ferons évoluer leur statut pour qu'il devienne un avantage et permette aux assistants d'éducation de mieux se préparer à la fonction professorale ; c'est un point important.
Je prends note que vous êtes favorable à l'idée d'un concours en fin de licence ; c'est une option intéressante. La situation actuelle, avec le concours en fin de master 1, ne satisfait pas tout le monde et suscite beaucoup d'interrogations. La réflexion est ouverte. J'ai d'ailleurs demandé au nouveau Conseil scientifique de l'éducation nationale de se saisir de cette question, et il se pourrait que votre proposition soit retenue. Ce sera l'objet de discussions dans les temps à venir. Nous devons en tous les cas nous accorder sur les objectifs de diversité sociale et d'efficacité du recrutement des enseignants.
M. le président. Nous en venons aux questions du groupe La République en marche.
La parole est à Mme Danièle Hérin.
Mme Danièle Hérin. Monsieur le ministre, au sein du master MEEF – métiers de l'enseignement, de l'éducation et de la formation –, les futurs enseignants apprennent leur métier en deux ans, voire un an pour un tiers d'entre eux. Cette durée s'avère trop courte pour permettre aux étudiants d'appréhender leur profession, d'approfondir les méthodes pédagogiques et de se mettre en situation d'exercice.
Par ailleurs, la formation continue des enseignants est très insuffisante, laissant souvent les professeurs seuls face aux problèmes rencontrés avec leur classe. Si la réforme qui a abouti à la mise en place des ESPE – écoles supérieures du professorat et de l'éducation – en 2013 était positive, il s'agit maintenant de la prolonger en instaurant un continuum de formation des enseignants tout au long de la vie.
Notre défi est de développer un dispositif étalé dans le temps, susceptible de faire naître des vocations chez les étudiants, d'accompagner les candidats dans l'apprentissage de leur métier, et de donner aux enseignants les moyens de se perfectionner et d'innover tout au long de leur vie professionnelle. De telles exigences impliquent de bâtir un continuum de formation articulé autour de la licence, du master et de la formation continue, en quatre phases.
Premièrement, la licence en trois ans devrait permettre aux étudiants qui le souhaitent de découvrir les métiers de l'enseignement et de se préparer aux concours dès la première année de licence. Chaque licence disciplinaire devrait ainsi inclure des modules de pré-professionnalisation, ce qui a déjà été mis en oeuvre spontanément dans nombre d'UFR – unités de formation et de recherche.
Deuxièmement, le master en deux ans dispensé dans les ESPE devrait être allégé en reportant certains cours vers la phase 3.
Troisièmement, la phase de titularisation ou les trois premières années d'exercice devraient être envisagées comme une période de formation à part entière, permettant l'approfondissement des acquis et la confrontation à la pratique du métier.
Quatrièmement, la formation continue devrait devenir obligatoire pour tous les enseignants et être pilotée au plus près du terrain.
Monsieur le ministre, quelle est votre position, d'une part, sur la reconnaissance d'un parcours universitaire en cinq ans sanctionné par un label « master d'enseignement » et, d'autre part, sur la poursuite de la formation des « néo-titulaires » et des enseignants après le master ?
J'ajouterai enfin que nous étudions aussi la possibilité de passer le concours à la fin de la troisième année de licence.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Madame Hérin, je vous remercie de votre question, directement liée à celle qui vient d'être posée par Mme Faucillon. Elle montre, à l'instar des questions précédentes, qu'une réflexion doit être menée sur ce qu'on pourrait appeler le continuum d'entrée dans la carrière de professeur.
Un consensus pourrait se dégager sur le prérecrutement comme solution au problème de recrutement dans l'éducation nationale en ce qu'il permettrait de constituer un vivier et d'améliorer la diversité sociale du corps professoral, peut-être insuffisante aujourd'hui.
Par ailleurs, je le répète, le passage du concours en licence 3 présenterait un réel intérêt. L'idée d'un concours en master 2 pourrait aussi être défendue. Tout dépend de la nature du prérecrutement organisé en amont du concours.
Il ressort de la formulation de votre question comme des réflexions menées sur le sujet que la formation et l'entrée dans la carrière doivent être envisagées de façon plus continue, en offrant des possibilités plus précoces aux étudiants et en les accompagnant progressivement vers la vocation de professeur, si celle-ci se confirme, pour aboutir à la titularisation.
Vous avez en outre abordé le sujet de la formation des professeurs tout au long de la vie. La formation initiale et la formation continue des professeurs, nous le savons tous, font partie des principaux facteurs de réussite du système scolaire. Elles doivent à l'évidence être améliorées. L'évolution des ESPE tiendra compte de tous les éléments que vous avez évoqués.
M. le président. La parole est à Mme Cathy Racon-Bouzon.
Mme Cathy Racon-Bouzon. Monsieur le ministre, notre système éducatif est fondé sur cinq grands principes : la liberté de l'enseignement, la gratuité, la neutralité, l'obligation scolaire et la laïcité. J'en ajouterai un sixième : l'égalité des chances. L'école de la République doit permettre à chaque élève de construire son avenir et de prétendre occuper toutes les positions sociales. Tel est l'un des objectifs du Gouvernement et des parlementaires de La République en marche : garantir la réussite de tous nos enfants et l'excellence de chacun.
C'est ainsi, monsieur le ministre, que vous avez engagé de nombreuses réformes. Votre politique d'éducation prioritaire est ambitieuse, novatrice, et doit permettre de corriger certaines inégalités sociales grâce à un renforcement de l'action pédagogique et éducative sur les territoires qui rencontrent le plus de difficultés. Le dédoublement des classes de CP dans les REP+, qui sera étendu aux classes de CE1 à la rentrée prochaine, en est une illustration. Ce renforcement doit être accompagné par une formation adaptée de l'ensemble des enseignants des réseaux d'éducation prioritaire. Repenser et intensifier la formation initiale et continue des professeurs doit être l'une de nos priorités.
En plus de maîtriser leur discipline, les enseignants doivent apprendre à apprendre et maîtriser la pédagogie différenciée afin de s'adapter aux besoins de chaque enfant. Les troubles de l'apprentissage, qui pénalisent les enfants dans leur progression, doivent également pouvoir être détectés au plus vite par les enseignants pour adapter le parcours de chacun. Ainsi, il est nécessaire de renforcer leur formation en la matière mais aussi de les accompagner par un personnel spécialisé et dédié à cette tâche.
Renforcer l'action pédagogique et éducative, c'est aussi permettre le recrutement de profils variés et complémentaires et éviter le turnover des enseignants dans certains établissements, afin d'y stabiliser les équipes et d'y construire un projet pédagogique dans la durée. C'est pourquoi il est nécessaire de renforcer l'attractivité de ces derniers en revalorisant notamment les salaires des personnels affectés en zone REP+, comme vous le proposez avec la mise en place progressive d'une prime de 3 000 euros par an.
Aussi, monsieur le ministre, pouvez-vous nous éclairer sur le dispositif de formation des enseignants en REP+ et plus globalement sur votre future réforme de la formation des professeurs ? Pouvez-vous également nous confirmer que la revalorisation de l'indemnité des enseignants dans ces zones sera effective en 2018 ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Madame Racon-Bouzon, votre question est importante et liée, elle aussi, aux précédentes. Elle me permettra d'apporter des précisions sur le recrutement et la formation, et de les articuler aux enjeux en matière d'éducation prioritaire.
Tout d'abord, la formation requise pour l'enseignement prioritaire vaut pour tous les enseignants car les méthodes mobilisées dans ces zones valent pour l'éducation dans son ensemble. Je pense notamment à la nécessité de personnaliser les parcours et de prendre en compte les spécificités de tous ordres des élèves. Comme le montrent les systèmes scolaires d'autres pays partout dans le monde, tout cela renvoie au concept d'école inclusive : une école capable d'accueillir les élèves de tous profils, quelles que soient leurs particularités, leurs forces et leurs faiblesses. C'est évidemment un enjeu pour l'école républicaine. La formation doit ainsi de plus en plus faire droit à la capacité pédagogique de prise en compte des spécificités des élèves.
L'enseignement en zone d'éducation prioritaire doit par ailleurs être valorisé. C'est pourquoi nous tiendrons évidemment l'engagement présidentiel d'instaurer une prime spécifique en réseau d'éducation prioritaire. Nous discutons actuellement avec les organisations syndicales des conditions et des modalités de versement d'une telle prime. Quoi qu'il en soit, elle sera instaurée, non seulement pour inciter les enseignants à travailler dans ces établissements, ce qui n'est pas une fin en soi, mais aussi pour accompagner la réussite des élèves.
Les évolutions futures permettront de récompenser la réussite en zone d'éducation prioritaire. On devrait être fier de pouvoir sortir de l'éducation prioritaire et de disposer de mécanismes permettant de faire réussir ces réseaux et parfois de les faire évoluer – ce qui est d'ailleurs parfois le cas. Les questions suivantes devraient me fournir l'occasion de préciser ma pensée.
M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Dubois.
Mme Jacqueline Dubois. Monsieur le ministre, j'appelle votre attention sur les problèmes spécifiques de recrutement et de remplacement d'enseignants que connaissent les collèges et les lycées situés dans les zones rurales : de nombreux établissements y éprouvent des difficultés récurrentes à pourvoir les postes d'enseignants, en particulier quand ceux-ci ne travaillent pas à temps complet.
Au lycée de Terrasson-Lavilledieu, en Dordogne, le recrutement tardif d'un professeur de mathématiques sept semaines après la rentrée scolaire – soit sept semaines sans cours de maths pour plusieurs classes – avait suscité à juste titre une grande inquiétude des parents et des élèves en début d'année scolaire. Ces problèmes de recrutement dans les établissements ruraux risquent de devenir de plus marqués s'agissant des postes à temps partagé entre deux ou trois établissements, faute d'attractivité suffisante et de prise en charge de frais de transport conséquents.
Les élèves y subissent tout au long de l'année des interruptions d'enseignement en raison d'absences de professeurs non remplacés. En effet, l'organisation des remplacements en cas d'absence inférieure à deux semaines, confiée aux chefs d'établissement, dépend de la disponibilité du volant des professeurs présents pour assurer une continuité effective de l'enseignement.
Quant aux remplacements de longue durée, pourtant organisés par les rectorats, ils sont difficiles à assurer. D'abord, les enseignants TZR – titulaires sur zone de remplacement – ont parfois pratiquement disparu, surtout dans les disciplines scientifiques. Ensuite, dans les zones rurales, l'appel aux contractuels est particulièrement difficile à concrétiser faute de candidats.
Monsieur le ministre, quels dispositifs comptez-vous mettre en place afin de rétablir la confiance en garantissant à tous les élèves de France, y compris à ceux des zones rurales, un accès égal et sans rupture à l'enseignement et à la connaissance ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Madame Dubois, votre question soulève de nombreux enjeux, à commencer par celui du soutien aux écoles situées en milieu rural. J'établis une symétrie très claire entre les efforts que nous menons en milieu urbain, notamment dans le cadre de la politique des REP et des REP+, et ceux que nous avons à mener en milieu rural.
J'ai eu l'occasion très récemment, la semaine dernière, de m'exprimer sur ce sujet au collège de Rochefort-Montagne, dans le Puy-de-Dôme, emblématique de la possibilité de réussite éducative en milieu rural. J'y ai affirmé que nous aurons une vision pour les écoles et les collèges situés en milieu rural et que nous y consacrerons des moyens.
Cela prend d'abord la forme des conventions ruralité, qui concernent un peu plus de quarante départements et peuvent potentiellement être étendues à soixante-six départements. Nous nourrissons l'ambition que tous les départements ruraux en bénéficient d'ici deux ans. Elles doivent envisager non seulement l'existence et le rebond des écoles et des collèges situés en milieu rural à l'échelle pluriannuelle, mais aussi les enjeux que vous avez soulevés, notamment le remplacement des enseignants absents et la permanence du service public de l'éducation en milieu rural.
Ce dernier point présente plusieurs aspects. Il faut d'abord renforcer l'attractivité de ces établissements, pour les personnels comme pour les élèves. Nous insisterons beaucoup sur l'innovation pédagogique et sur certains mécanismes d'encouragement susceptibles d'y être mis en oeuvre. Nous insisterons également, dans le cadre d'un plan internat, sur la revitalisation de ces établissements. Enfin, il importe de souligner qu'un certain nombre de dispositifs, comme l'enseignement à distance et le fonctionnement en réseau des établissements d'un même territoire rural afin de remédier au problème du remplacement des enseignants absents, devraient permettre une réelle continuité du service public de l'éducation.
Je veux affirmer ce soir de l'optimisme et du volontarisme pour les écoles et les collèges situés en milieu rural, car nous avons une véritable stratégie en la matière.
M. le président. La parole est à Mme Stéphanie Rist.
Mme Stéphanie Rist. Monsieur le ministre, la santé est l'affaire de tous ; elle est une priorité pour notre pays, en particulier pour l'avenir des jeunes générations. L'école, tout en formant les adultes et les citoyens de demain, joue un rôle essentiel dans le suivi de la santé des élèves. Nous savons qu'il est important et bénéfique d'aborder les sujets d'éducation à la santé dès le plus jeune âge.
Or il s'avère difficile de respecter les obligations de suivi. Par exemple, certains enfants scolarisés ne bénéficient pas d'une visite médicale à six ans, non en raison de moyens financiers limités mais faute de médecin scolaire, ce qui soulève la question de l'attractivité de cette profession.
Actuellement, les enfants sont souvent pris en charge par plusieurs professionnels de santé, dont la coordination revêt une importance majeure en raison de cette faible démographie. Or, souvent, tel n'est pas le cas. Par exemple, le médecin scolaire n'est pas systématiquement informé qu'un enfant a été diagnostiqué par un autre professionnel de santé pour une dyslexie ; il répétera donc les tests ou méconnaîtra cette difficulté, les familles n'étant pas toujours en capacité d'assurer le lien.
Le projet de mise en place d'un service sanitaire des étudiants en santé, indispensable à mon sens, pourrait améliorer cette coordination et renforcer l'éducation à la santé. Il faut soutenir une telle mesure, qui constitue en outre un levier d'attractivité pour la médecine scolaire. Les futurs étudiants ne doivent plus ignorer l'importance de la prévention et de l'éducation à la santé. Ils doivent pouvoir s'appuyer sur un système de santé construit et cohérent et sur des interlocuteurs dont l'action est coordonnée.
Monsieur le ministre, quelles mesures comptez-vous mettre en oeuvre pour placer l'éducation à la santé et la promotion de la santé au coeur des préoccupations des professionnels de santé comme des citoyens ? Comment assurer dès à présent des actions coordonnées et une meilleure information des acteurs de l'éducation à la santé ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Madame Rist, la relation entre éducation et santé est essentielle aux yeux de l'éducation nationale. Nous savons à quel point les enjeux de santé conditionnent la réussite scolaire.
Sur ce sujet, nous sommes concentrés sur quelques objectifs, au premier rang desquels l'effectivité de la visite médicale dont font l'objet les élèves avant l'âge de six ans. Nous savons que cet objectif n'est pas encore atteint, à cause d'une pénurie de médecins scolaires, qu'il faut d'ailleurs mettre en relation avec les autres crises de recrutement évoquées. Un peu plus de 1 500 postes de médecins scolaires sont budgétés, mais seuls 1 000 sont pourvus, ce qui est insuffisant et renvoie à des enjeux d'attractivité.
Certaines initiatives ont été prises, notamment l'inscription de la médecine scolaire comme spécialité susceptible d'être apprise à l'issue des études de médecine. Plus profondément, avec Agnès Buzyn, nous avons élaboré une stratégie pour parvenir à l'effectivité de la visite médicale, prévoyant en particulier la mobilisation de la médecine non scolaire au service des enjeux scolaires.
Vous avez raison : certaines détections, si elles ont lieu suffisamment tôt, sont décisives, notamment en matière d'audition. Nous allons mobiliser toutes les forces de la société civile et de l'État pour atteindre plusieurs objectifs en la matière.
Par ailleurs, l'éducation à la santé est aussi un sujet primordial. Agnès Buzyn et moi-même nous sommes attelés à la poursuite de certains objectifs recoupant certains problèmes clés de notre société, en particulier la prévention des addictions, pour laquelle nous avons élaboré un plan cohérent, mis en oeuvre dès l'école primaire et susceptible d'entraîner des progrès ; ceux-ci seront mesurés à la lumière de comparaisons internationales, car certains pays réussissent fort bien en la matière. Je pense que nous pouvons enclencher un cercle vertueux de la santé pour l'éducation et de l'éducation pour la santé ; nous l'amorçons par l'action conjointe des ministères de la santé et de l'éducation nationale.
Mme Agnès Thill. Bravo !
M. le président. La parole est à M. Raphaël Gérard.
M. Raphaël Gérard. Monsieur le ministre, l'école de la République repose sur un idéal auquel nos concitoyens demeurent profondément attachés : l'égalité des chances. Mais de quelle égalité parle-t-on quand l'école échoue à offrir à tous ses enfants les mêmes possibilités d'émancipation grâce à la lecture ?
Outre-mer, le taux d'illettrisme est quatre à quatorze fois supérieur à la moyenne hexagonale. Pour en avoir une idée, sachez que près de 75 % des jeunes mahorais éprouvent des difficultés en matière de lecture et que ce pourcentage s'élève à 45 % en Guyane et 30 % aux Antilles, contre 12 % en Seine-Saint-Denis. Cette situation s'explique en partie par le fort taux de pauvreté constaté outre-mer – comme on sait, le niveau de vie influe sur l'illettrisme et les habitudes de lecture. Mais elle s'explique aussi par les conditions d'enseignement qui prévalent sur ces territoires, très éloignées des standards hexagonaux. Outre l'accessibilité des écoles des jeunes guyanais ou polynésiens, qui font souvent leur rentrée des classes en pirogue, l'inadéquation des infrastructures scolaires aux besoins pose problème.
Le ministère de l'éducation nationale s'est saisi du problème, ce dont je me félicite. Tandis que 31,2 % des écoliers ultramarins sont scolarisés en zone REP+, la hausse des effectifs du personnel enseignant et le dédoublement des classes de CP et de CE1 permettra d'améliorer massivement les conditions d'apprentissage de la lecture, grâce à un meilleur taux d'encadrement.
Mais gardons à l'esprit que, pour beaucoup d'écoliers, à Mayotte, en Guyane et ailleurs, l'apprentissage de la lecture s'accompagne en fait de celui de la langue française. Non seulement il existe des pratiques linguistiques propres aux environnements culturels de nos outre-mer, comme le créole ou le tahitien, mais ces territoires accueillent aussi de nombreux enfants allophones en raison de l'importance des flux migratoires. Ainsi, la Guyane accueille deux tiers des enfants allophones présents en outre-mer. Or on a constaté à La Réunion que près de 30 % des individus parlant uniquement créole dans leur enfance sont illettrés à l'âge adulte.
Aussi, monsieur le ministre, pouvez-vous indiquer la stratégie de formation des enseignants, notamment en FLE et en FLS – français langue étrangère et français langue seconde –, que le ministère met en place sur ces territoires afin de tenir compte des réalités linguistiques ? La bonne maîtrise du français, langue de la République, constitue un enjeu majeur et une exigence d'égalité réelle entre tous les citoyens, valeur fondamentale de notre école républicaine.
Mme Agnès Thill. Bravo !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. J'ai eu l'occasion de l'affirmer à de très nombreuses reprises et je le répète devant vous, monsieur Gérard : la maîtrise de la langue française est la première question à traiter pour notre système scolaire ; si nos élèves ne maîtrisent pas la lecture et l'écriture, le langage écrit et parlé, le reste ne peut pas venir de surcroît. Il s'agit donc d'un sujet essentiel, en métropole comme outre-mer. Nous devons y consacrer des moyens sur le plan quantitatif, et y porter une attention particulière sur le plan qualitatif.
Sur le plan quantitatif, il en résulte un effort particulier en faveur de l'outre-mer. Les taux d'encadrement dans le premier degré y sont meilleurs que ceux constatés dans l'Hexagone, ce qui est voulu : cela vise à compenser les problèmes que vous avez évoqués, notamment les problèmes sociaux particulièrement aigus ainsi que ceux soulevés par la diversité de population sur plusieurs territoires d'outre-mer.
Nous y parvenons parfois grâce aux politiques d'éducation prioritaire – vous l'avez rappelé à juste titre – mais aussi grâce à des politiques spécifiques. Ainsi, dans le cas de la Guyane, nous créerons, à la rentrée prochaine, quarante postes nouveaux dédiés aux langues régionales et locales, y compris les langues indigènes ou bushinengués. Cette mesure est très importante pour assurer le bilinguisme entre langues locales et français.
Sur le plan qualitatif, nous portons une attention particulière au créole, qui est de plus en plus reconnu dans les écoles et soulève des questions pédagogiques spécifiques, en raison de son voisinage linguistique avec le français. Là encore, nous formons de mieux en mieux les professeurs à la maîtrise pédagogique nécessaire, afin que le créole soit un atout pour apprendre le français.
Nous menons donc outre-mer une politique qualitative en matière linguistique et consentons un effort budgétaire particulier. Nous savons, bien entendu, que l'effort nécessaire est très important. Il aura notamment pour cadre les ESPE des territoires d'outre-mer, qui évolueront beaucoup prochainement.
M. le président. Nous en venons aux questions du groupe Les Républicains.
La parole est à Mme Laurence Trastour-Isnart.
Mme Laurence Trastour-Isnart. « Tes parents ne vont pas être contents de toi ! ». « Finis ton travail ou tu ne vas pas en récréation ! » « Tu ne comprendras jamais rien à rien ! » « Je ne sais vraiment pas ce que tes parents pourront faire de toi ! » « Ce n'est pas comme ça que tu arriveras à apprendre à lire ! » Monsieur le ministre, chers collègues, qui ici n'a jamais entendu l'une de ces phrases dans une école primaire ?
D'après un rapport du Haut Conseil de l'éducation, 40 % des enfants sortent chaque année du CM2 avec des lacunes qui rendront difficile une scolarité normale au collège. Cela ne signifie pas que 40 % des enfants sont moins intelligents que les autres ; cela signifie simplement que notre système est inadapté.
L'être humain apprend et s'épanouit avec l'expérience, à son rythme, dans une relation positive à l'autre. Il est essentiel de développer des pédagogies coopératives et de susciter la curiosité, l'enthousiasme des enfants et l'envie d'apprendre. Les relations positives à l'autre favorisent l'apprentissage, la bienveillance, l'entraide, et déclenchent la motivation. La bienveillance est un catalyseur des apprentissages. À l'inverse, le stress, la comparaison, la compétitivité et le jugement provoquent la démotivation, la fatigue et l'épuisement moral. Cela engendre donc le décrochage scolaire. Aujourd'hui, dans l'éducation nationale, tout le monde s'épuise : les enfants, les enseignants et les parents.
Monsieur le ministre, comment envisagez-vous de prendre en compte ces critères essentiels de la pédagogie dans la formation des enseignants ? Ne pourrait-on s'inspirer d'autres pays, qui prennent en compte dans cette formation les étapes du développement de l'enfant, l'attention portée à ses mots, à son attitude et aux différents comportements risquant de lui faire mal ? Ne pourrait-on apprendre à écouter les enfants avec bienveillance, ne pas leur coller d'étiquettes, favoriser l'autonomie, développer l'estime de soi, la confiance et l'entraide ? Et si la France s'inspirait du Danemark en faisant de l'empathie une matière obligatoire ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. La question que vous avez posée, madame Trastour-Isnart, est évidemment au coeur de la réflexion pédagogique à avoir pour l'éducation nationale. Comme vous le savez sans doute, l'expression que j'utilise en permanence pour définir ce que nous avons à faire dans les années à venir est celle d'« école de la confiance ». À travers cette expression, je veux signifier que les systèmes éducatifs qui fonctionnent bien sont ceux où l'on réussit à faire régner la confiance : confiance de l'institution dans ses acteurs, notamment les professeurs ; confiance des professeurs dans leur institution ; confiance de toute la société, notamment des parents d'élève, dans l'école ; confiance, bien entendu, des élèves dans leurs professeurs et, au final, confiance des élèves en eux-mêmes, comme vous le souligniez à l'instant.
L'étude des différents systèmes éducatifs dans le mode révèle que cet ingrédient-là est, en réalité, le plus important. Il ne se décrète pas, ne se crée ni par une loi ni par une décision quelconque ; il s'enclenche grâce à une culture pédagogique et éducative. Pour ce faire, il faut une alchimie dont la France est tout à fait capable, comme en témoignent son histoire, ce qu'elle a réussi à faire en matière éducative dans le passé, mais aussi ce qu'elle fait à l'heure actuelle, puisque, la situation étant très hétérogène, on peut aussi s'inspirer de très bonnes choses réalisées en différents endroits du pays. La France, donc, a tout à fait les moyens de réussir cette synthèse entre l'effort et le plaisir, que l'on oppose parfois. Cette synthèse s'incarne dans certains systèmes étrangers, comme le système scandinave que vous avez mentionné, mais aussi les systèmes asiatiques, qui font partie de ceux qui fonctionnent bien aujourd'hui.
L'ensemble des politiques pédagogiques que nous mènerons – par exemple dans le cadre des Assises de la maternelle, qui se tiendront à la fin de mois de mars prochain, après la remise du rapport préparatoire que j'ai confié à Boris Cyrulnik – tendront à cette alliance entre la confiance que nous devons avoir en nos élèves et la recherche de l'excellence. Ce lien entre exigence et bienveillance est à la base des politiques pédagogiques que nous mènerons.
M. le président. La parole est à M. Aurélien Pradié, pour une première question.
M. Aurélien Pradié. Monsieur le ministre, l'école de la République est notre bien commun, mais elle n'en est pas pour autant uniforme. Je veux, à ce propos, évoquer l'école en milieu rural pour vous permettre de compléter positivement vos propos sur ce thème.
Lors de votre venue à Cahors, à l'occasion de la Conférence nationale des territoires, vous avez pu avoir un bref aperçu de la situation dans le Lot. L'an prochain, ce département perdra 357 élèves, si bien que 22 postes, selon les estimations, devraient y être supprimés – les discussions s'engagent avec le directeur départemental de l'éducation nationale. Cette perte de vitesse, s'agissant du nombre d'élèves, est une vieille histoire pour le Lot, et nous ne pourrons y remédier, nous, élus et acteurs des territoires, en l'espace de deux, trois ou même cinq ans ; il nous faudra au moins dix ans pour inverser cette tendance profonde en matière de démographie et d'attractivité.
Or, entre-temps, notre école se dégradera. Elle se dégradera parce que les budgets nationaux sont contraints et parce que vous, ministre de l'éducation nationale, avez à mettre en oeuvre un système qui limite le nombre d'enseignants devant les élèves. Au fil du temps, nos écoles iront donc s'affaiblissant, et le cercle vicieux que vous connaissez par coeur, comme tous les élus ruraux ici, se poursuivra.
Les contrats de ruralité et les conventions locales actuelles et à venir ne suffiront pas, monsieur le ministre. Bien que le Lot bénéficie de ces dispositifs, aucune solution n'a été trouvée, pour deux raisons : le terme n'est pas assez long et la protection des postes demeure insuffisante. Il faudrait donc aller plus loin. De plus, durant le temps de la préservation liée aux conventions, les acteurs locaux et les élus du territoire ne prennent pas toute la mesure de l'organisation nécessaire et ils ne disposent pas des marges de manoeuvre souhaitables.
Je souhaite donc, monsieur le ministre, vous poser une question et vous faire une proposition. Êtes-vous prêt à cesser les coupes claires sur les territoires ruraux ? D'autre part, lors de la Conférence nationale des territoires qui s'est tenue à Cahors, le Premier ministre a dit vouloir donner carte blanche aux territoires en matière de services publics. Si vous acceptiez de nous laisser un peu d'oxygène pendant deux ans, monsieur le ministre, nous accepterions, nous, élus locaux – je m'en ferai fort en tant que député –, de prendre le relais et d'innover pour faire mentir les chiffres.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Monsieur Pradié, je suis heureux de pouvoir intervenir à nouveau sur la question de la ruralité puisqu'il s'agit, comme j'ai eu l'occasion de le dire tout à l'heure, d'une très forte priorité. Notre politique en la matière sera donc résolument volontariste ; le Président de la République s'est clairement engagé sur ce point, de même que le Premier ministre lors de son déplacement très récent dans le Lot, où j'étais présent à ses côtés, comme vous l'avez rappelé.
Je prendrai l'exemple de votre département pour illustrer le raisonnement général auquel vous m'invitez. Dès l'an prochain – ce sera peut-être une bonne nouvelle pour vous, je ne sais si vous la connaissez –, on y comptera en effet moins d'élèves, c'est l'aspect négatif, mais nous y créerons cinq ETP, équivalents temps plein, dans le premier degré. Et c'est à l'image de ce que nous pourrons faire dans de nombreux départements ruraux. Autrement dit, au moment où l'on constate une baisse démographique dans le premier degré, en particulier sur les territoires ruraux, le Gouvernement a fait le choix d'y créer des emplois.
Je veux d'ailleurs mettre ce point en relation avec ce qui a été dit tout à l'heure sur le second degré. Oui, je l'assume, nous avons fait le choix de donner la priorité à l'école primaire, ce qui nous permet de créer des postes dans le premier degré et de mener une politique volontariste, non seulement dans les villes – avec le dédoublement des classes de CP et de CE1 –, mais aussi en milieu rural, en pouvant ainsi maintenir des écoles et des collèges, et surtout leur donner un nouvel élan.
C'est tout le sens de votre question, que je prends au bond : du point de vue budgétaire, nous nous donnons les moyens de répondre aux problèmes que vous avez soulevés. Mais le plus important est peut-être l'aspect qualitatif : ce qui importe n'est pas de nous cantonner à une position défensive, en fixant des seuils de plus en plus généreux de non-fermeture des écoles, mais d'adopter une posture offensive, c'est-à-dire de rendre les écoles et les collèges plus attractifs.
C'est pourquoi j'accueille positivement vos propos. Nous avons à responsabiliser tous les acteurs, élus comme représentants de l'éducation nationale, afin de définir des projets éducatifs pour les écoles et les collèges et ainsi de redonner de l'attractivité pédagogique et éducative aux territoires, grâce à quoi on viendra s'y installer. C'est le sens de notre action, et nous nous en donnons les moyens.
M. le président. La parole est à M. Aurélien Pradié, pour une seconde question.
M. Aurélien Pradié. Merci pour votre réponse à ma question précédente, monsieur le ministre. Je me permets toutefois d'insister : j'aimerais que l'un et l'autre – vous, ministre de la République, et moi, député de la nation – nous nous saisissions de la carte blanche que le Premier ministre nous a donnée, pour faire en sorte d'innover sur nos territoires dans les semaines qui viennent, puisque le couperet est là.
Je vais maintenant vous interroger sur un autre sujet. Le 7 novembre dernier, une enquête de la direction de l'évaluation, de la prospective et de la performance – DEPP – de l'éducation nationale a souligné que le niveau d'orthographe des écoliers français était en chute libre depuis trente ans. À ce constat, un récent article du Parisien est venu ajouter une vérité des plus alarmantes : les enseignants ont eux-mêmes de grosses faiblesses dans la maîtrise de la langue française.
Il s'agit là, en vérité, d'un sujet très préoccupant. Si les enseignants ont du mal à écrire le français correctement, il y a forcément des conséquences sur les élèves et l'apprentissage qu'ils suivent. Si les enseignants font des fautes d'orthographe et de grammaire, les élèves les reproduiront. Or, vous le savez, la bonne maîtrise de la langue et de l'orthographe est une nécessité, ces éléments contribuant, entre autres, à assurer l'appartenance à la société.
Ce constat d'une baisse de niveau chez les enseignants n'est pas acceptable, ni pour nous ni certainement pour vous. Il y va de la crédibilité de leur fonction. À l'heure où le Gouvernement réforme l'accès à l'université et alors que la réforme du bac est annoncée pour 2021, il faut faire de l'apprentissage des fondamentaux, dont fait partie la bonne maîtrise de la langue française, une priorité. Nous nous devons de défendre le français et d'en assurer la maîtrise par tous ; nous nous devons d'être plus stricts et attentifs dans la connaissance parfaite des fondamentaux. Cela vaut notamment, et plus encore sans doute, pour les enseignants.
Que pensez-vous donc, monsieur le ministre, de l'opportunité d'instaurer une certification de la bonne maîtrise du français pour les enseignants, lors de leur recrutement, afin d'assurer un logique service minimum aux élèves français ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Votre question, monsieur Pradié, renvoie de nouveau à la question centrale, que l'on a déjà posée, de la maîtrise du français ; c'est là, je le répète, le premier des sujets pour notre système éducatif.
La maîtrise de l'orthographe repose – faut-il le rappeler ? – sur le vocabulaire et sur la grammaire. L'une des premières choses que j'ai faites est donc de rappeler ces deux piliers, en recourant d'ailleurs à ces termes mêmes : vocabulaire et grammaire ; autrement dit, connaissance des mots et connaissance des rapports entre les mots. J'insiste aussi sur l'importance de la littérature, c'est-à-dire sur la relation entre le langage et la vie.
Cet aspect est au coeur des réformes pédagogiques que nous sommes en train de mener : un certain nombre d'évolutions sont intervenues en ce sens, avec des premières instructions et des premières orientations. La dégradation de l'orthographe, dont vous avez parlé, est une réalité mesurée par la DEPP depuis 1986 : la dictée effectuée tous les dix ans dans toute la France nous permet d'en établir le constat. Le même genre de phénomène s'observe d'ailleurs dans d'autres pays.
Nous devons donc faire preuve de volontarisme. Cela passe d'abord par les mesures que nous avons prises cette année pour le CP et le CE1, et continue avec celles qui concernent l'école élémentaire pour la consolidation de l'orthographe. On a surtout retenu mes prises de position sur la dictée quotidienne, mais j'ai préconisé, en décembre dernier, une vingtaine de mesures qui commencent à être mises en oeuvre, notamment grâce au travail des corps d'inspection et de la formation continue assurée auprès des professeurs.
D'une façon générale, les évolutions dans le recrutement et la formation des professeurs tendront évidemment à consolider leur niveau de français. C'est ce qui permettra d'établir le cercle vertueux de la maîtrise de notre langue que nous appelons tous de nos voeux.
M. le président. Nous en venons aux questions du groupe du Mouvement démocrate et apparentés.
La parole est à M. Philippe Berta.
M. Philippe Berta. Monsieur le ministre, attirer les meilleurs profils vers les métiers de la transmission mais aussi de la création du savoir est un enjeu fort pour accéder à l'économie d'aujourd'hui, économie du progrès et de la connaissance. Or la France souffre actuellement d'un déficit d'attractivité des métiers de l'enseignement, si bien qu'il est fort difficile d'y attirer les meilleurs d'une génération. Le salaire moyen d'un enseignant s'élève à 2 461 euros net, et nos marges budgétaires sont très contraintes pour jouer sur le levier financier. Le sentiment de perte de sens est bien présent dans le corps professoral.
Dans son rapport publié le 4 octobre dernier, la Cour des comptes dresse un tableau sévère de la gestion des enseignants : affectation de débutants dans les établissements difficiles, absence de gestion globale pluriannuelle, faible développement de la formation continue, etc. La liste est alarmante, et les précédents quinquennats n'ont été que des occasions manquées pour réformer la formation, le recrutement et la gestion des enseignants, afin de raviver l'attractivité de la profession. Je me réjouis de la volonté que vous avez exprimée, à la suite du rapport de la Cour des comptes, de développer une vision globale et systémique permettant de valoriser le métier d'enseignant.
Je souhaite connaître les intentions et le calendrier du Gouvernement en s'agissant des préconisations de la Cour que vous avez accueillies positivement, comme le renforcement du prérecrutement, de la professionnalisation ou de l'approche qualitative de la gestion des ressources humaines.
Je souhaiterais également connaître votre position sur d'autres propositions de la Cour, comme l'annualisation du temps de travail ou la bivalence.
Enfin, je souhaiterais savoir si d'autres pistes sont à l'étude pour rendre la profession d'enseignant plus attrayante, par exemple des mécanismes de soutien et de facilitation des projets innovants des professeurs ou la mise en place de marques de reconnaissance, favorisant à la fois la valorisation des initiatives individuelles et la création d'un sens collectif.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Monsieur Berta, je vous remercie pour cette question qui, là encore, prolonge certains points précédents et permet d'évoquer l'avenir de la fonction enseignante.
Sur ce sujet, je voudrais m'inscrire dans une vision de long terme. Au moment où notre société s'interroge sur le futur de l'ensemble des métiers, en particulier du fait de l'évolution des technologies, j'ai la conviction profonde, que j'essaie d'exprimer au travers d'une vision des ressources humaines, de la centralité de la fonction professorale dans toute société, notamment dans la société française. Dans les prochaines décennies, nous aurons toujours plus besoin de personnes, d'êtres humains, afin de garantir la formation et la qualité de celle-ci, non seulement pour les enfants et les adolescents, mais aussi tout au long de la vie. Les sociétés modernes y consacreront toujours davantage de ressources.
Il faut dresser cette perspective optimiste face à certaines angoisses professionnelles, qui peuvent exister tant pour les professeurs que pour d'autres métiers. Elle nous conduira à faire évoluer non seulement le recrutement – nous en avons parlé ce soir, en particulier avec la question du prérecrutement – mais aussi la formation initiale et continue, absolument essentielle.
Si, je le répète, le prérecrutement sera l'une des réponses, la gestion des ressources humaines en sera une autre, très importante. J'ai, bien entendu, lu avec beaucoup de sérieux le rapport de la Cour des comptes que vous avez évoqué, et, avec le nouveau directeur général de la gestion des ressources humaines de l'éducation nationale, nous avons l'ambition de grandes réformes en la matière.
L'objectif est de mener une gestion des ressources humaines plus humaine, c'est-à-dire plus proche du terrain. Nous l'avons entendu tout à l'heure lorsqu'un député d'outre-mer a souligné les difficultés que peuvent rencontrer les professeurs d'outre-mer, mais c'est tout aussi vrai pour certaines académies de métropole. Nous devons gérer les équipes au plus près du terrain, ce qui fera l'objet de discussions avec les organisations syndicales au cours des prochains mois. Nous devons arriver à un système gagnant pour l'ensemble des professeurs, et je suis assez convaincu que c'est possible ; sur ce sujet comme sur d'autres, la comparaison internationale nous sera très utile.
M. le président. La parole est à M. Bruno Fuchs.
M. Bruno Fuchs. L'apprentissage des langues tient une place fondamentale dans la construction de la citoyenneté, l'enrichissement de la personnalité et l'ouverture au monde. C'est devenu un élément essentiel de l'employabilité des jeunes, en France et à l'étranger. Le Président de la République lui-même a saisi cet enjeu en déclarant, dans son discours de la Sorbonne, qu'il souhaitait que chaque étudiant parle deux langues européennes d'ici à 2024.
Les régions frontalières sont des lieux privilégiés pour favoriser la pratique d'une langue étrangère et mener des expérimentations. Dans des zones comme la Savoie, les Pyrénées ou l'Alsace, nous devrions tout faire pour que tous les élèves suivent des cursus bilingues, lesquels représentent de surcroît une chance unique d'intégrer d'autres marchés du travail.
Pour atteindre cette ambition dans un délai proche – 2024 –, nous devrions déjà atteindre un taux de près de 100 % d'enseignement bilingue, particulièrement dans les régions frontalières. Malheureusement, nous sommes encore loin du compte. À titre d'illustration, dans le Haut-Rhin, confrontées à la baisse du niveau de maîtrise de l'allemand, les entreprises suisses ou allemandes ne se retournent plus, ou que trop rarement, vers les travailleurs français, alors que leur manque de main-d'oeuvre est manifeste.
La maîtrise trop approximative des langues s'explique en grande partie par un déficit chronique d'enseignants de langue vivante, tout particulièrement de professeurs d'allemand. Dans cette discipline, le nombre de candidats reste le plus souvent inférieur aux besoins de l'éducation nationale, qui n'a d'autre choix que de faire appel à des contractuels. Ce manque de personnel, ajouté à un manque de ressources, représente un frein important à l'ouverture de nouvelles classes, qui permettrait l'apprentissage de langues vivantes par un plus grand nombre d'élèves apprennent.
Monsieur le ministre, face à un objectif ambitieux et à une situation qui se dégrade, quels moyens le Gouvernement compte-t-il mettre en oeuvre afin d'atteindre une meilleure maîtrise des langues vivantes, régionales ou étrangères, et d'arriver à offrir un enseignement bilingue, pour commencer, à l'ensemble des élèves des régions frontalières ? Pour faire face au manque d'enseignants et résoudre en partie ce problème, ne pourrait-on pas commencer par étendre à d'autres langues le dispositif des enseignements de langue et de culture d'origine, ou ELCO ? (Applaudissements sur les bancs du groupe MODEM.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Monsieur Fuchs, je suis évidemment très attentif à la question des langues, que l'on peut d'ailleurs rattacher à celle de la maîtrise du français, objet des questions précédentes. En effet, nous savons tous que la maîtrise des langues est au service de la maîtrise de la langue : l'apprentissage, dès le plus jeune âge, d'une autre langue, bénéficie également à l'apprentissage du français. Le plurilinguisme est donc un objectif que l'on peut se fixer, non seulement pour la maîtrise en soi de langues étrangères, mais également pour le développement cognitif qu'il permet, et pour le développement de l'ouverture culturelle et des échanges, notamment dans les régions transfrontalières. Cet objectif est donc évidemment au coeur du système français.
Le dossier a d'ailleurs progressé depuis un certain temps, notamment depuis que, dans les années 2000, Jack Lang a souhaité étendre l'apprentissage des langues étrangères à l'école primaire : sur la longue durée, des progrès ont été relevés. Je vous accorde toutefois que ces progrès demeurent largement insuffisants, que nous avons encore tout un chemin à parcourir.
Il passera d'abord par la consolidation de l'apprentissage d'une première langue vivante à l'école primaire, le plus tôt possible, notamment dans les régions transfrontalières, qui doivent offrir des capacités pour venir des intervenants en langue maternelle dans les écoles, avec des perspectives contractuelles concrètes.
Par ailleurs, notre pédagogie doit évoluer, et les évolutions numériques sont extrêmement utiles en la matière.
Enfin, sans pouvoir être exhaustif, je voudrais évoquer brièvement le rétablissement des classes bilangues au collège, qui va évidemment dans le sens du bilinguisme que vous appelez de vos voeux, et la future réforme du baccalauréat, qui s'accompagnera d'une approche certainement rénovée de l'apprentissage des langues et de leur certification.
M. Bruno Fuchs. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Géraldine Bannier.
Mme Géraldine Bannier. Monsieur le ministre, l'augmentation de 2 800 postes dans le primaire, qui se justifie par la priorité mise sur la lecture et les acquis fondamentaux, est positive et devrait permettre de répondre à l'objectif fixé. Toutefois, un mal profond ronge l'institution scolaire depuis des années : le métier de professeur ne fait plus rêver et le recrutement de titulaires est en crise. En 2017, n'ont été pourvus que 36 % des postes d'allemand, 37 % des postes de lettres classiques, 71 % des postes d'anglais, 74 % des postes de mathématiques et 88 % des postes de lettres modernes.
Outre que l'on peut se poser des questions sur la qualité du recrutement, au vu du faible ratio entre nombre de candidats et de reçus, dans certaines matières pourtant aussi fondamentales que les mathématiques ou les lettres, la baisse de 2 600 postes liée aux postes non pourvus nécessite de recourir, en contrepartie, à des vacataires et contractuels. Cela renforce la précarisation des personnels, de plus en plus visible dans les établissements.
Sur le terrain, certains contractuels avancent par ailleurs, à tort ou à raison, qu'au moment où la loi Sauvadet contraint l'État à transformer leur contrat en contrat à durée indéterminée, il leur est étrangement plus difficile de trouver un nouveau poste à la rentrée et ils ne peuvent plus alors bénéficier de la loi. D'autres, tentés par des concours internes ou réservés, y renoncent, par crainte d'un changement d'académie alors qu'ils cumulent des années de contrat dans la même académie et s'y trouvent bien installés. Par conséquent, ils sont nombreux à s'installer pour longtemps à côté des titulaires, dans une précarité de longue durée. Les équipes éducatives sont donc de plus en plus constituées de personnels assez peu stables et aux statuts différents.
On sait qu'il est question depuis longtemps de réserver au lycée les postes d'agrégés. Qu'en est-il ?
Les mesures de revalorisation de carrière ont été les bienvenues pour pallier cette crise profonde du recrutement, mais peuvent-elles suffire à redonner de l'attractivité à un métier dont l'image a été singulièrement écornée, en trente ans, par la complexité accrue des conditions de travail, avec les faits de violence, les classes surnuméraires et les relations parfois complexes avec certains élèves ou parents ? Que prévoit donc le Gouvernement pour remédier de façon efficace et pérenne à ces problèmes de recrutement, alors que l'éducation reste le pilier indispensable et la priorité de notre démocratie pour former à la citoyenneté et aux valeurs de la République ?
Je vous remercie pour votre volontarisme, monsieur le ministre.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Madame Bannier, je vous remercie pour cette question, qui fait le lien avec des questions précédentes. Nous voyons bien ce soir que la question de l'attractivité du métier d'enseignant est centrale, à juste titre : il n'y a pas de système scolaire sans que le métier de professeur ne soit en son centre.
J'ai dit précédemment que les systèmes scolaires étrangers qui fonctionnaient le mieux étaient ceux reposant sur la confiance. Cela correspond aussi à un système où le professeur est placé au centre, la fonction professorale étant bien rémunérée et bénéficiant d'un réel prestige social.
En la matière, ce n'est donc pas un facteur unique qui permettra de rebondir, mais une pluralité d'éléments qui créeront un climat. Je suis évidemment très mobilisé pour créer ce climat, d'abord par le discours ministériel. Ma première action, comme ministre de l'éducation nationale, a été d'exprimer ma confiance envers les professeurs de France : mon message à la société française, c'est ce respect envers les professeurs. Les enquêtes montrent que les professeurs sont respectés : la société française les aime, bien que ceux-ci se sentent parfois mal-aimés.
Nous avons à changer cet état d'esprit. Cela passe par des mesures visant le climat scolaire. Certains professeurs vivent mal certaines ambiances qui peuvent exister dans notre système. Comme vous le savez, j'ai pris des mesures en matière de sécurité et de respect des règles.
Nous avons aussi à traiter de sujets concernant le recrutement – je n'y reviendrai pas car ils ont été assez abondamment discutés ce soir.
Des problématiques de rémunération se posent aussi, que nous devons envisager dans une perspective pluriannuelle.
Nous avons enfin à régler des questions statutaires, au sens strict du terme. Vous avez évoqué la question des agrégés. Pour une gestion rationnelle de notre système, nous devons concentrer ceux-ci, notamment dans les lycées. Cela fait partie des évolutions souhaitables, y compris pour créer un plus grand lien entre le lycée et l'université, dans une vision orientée sur le lycée et la licence, qui correspond aussi à certaines des politiques que nous sommes en train de mener.
Comme vous le voyez, c'est donc un tout, qui suppose une vision partagée entre les plus de 850 000 professeurs de France et leur institution. Tel est le chemin que nous prenons.
M. le président. Nous en venons aux questions du groupe UDI, Agir et indépendants.
La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.
M. Jean-Christophe Lagarde. Monsieur le président, à presque minuit et demi, en ce début d'année, vous me permettrez peut-être – et je prie M. le ministre de m'en excuser – de faire d'abord une réflexion sur la façon dont sont organisés les travaux de l'Assemblée nationale. Nous abordons ce soir des sujets importants, avec un ministre qui conduit l'essentiel de l'avenir de la nation. Alors qu'on nous invite à rénover nos méthodes, à débattre moins dans l'hémicycle qu'en commission, convenons, monsieur le ministre, que vos réponses y seraient tout aussi audibles, sinon plus, pour l'ensemble de la nation que celles que vous faites ce soir ! Pardonnez-moi de vous interpeller ainsi – vous n'y êtes pour rien, monsieur le président –, mais puisque l'on nous invite à rénover nos méthodes, je pense que ces questions gagneraient à être rénovées, pour faire plus de place aux propositions parlementaires, comme celles entendues ce soir.
Tout en respectant mon temps de parole, monsieur le ministre, je voudrais simplement vous interroger, comme élu de Seine-Saint-Denis – bien que ce territoire ne soit pas le seul à faire ce type de retour – sur la volonté légitime du Gouvernement de garantir la liberté d'enseignement, et sur la possibilité d'ouvrir des établissements, voire des classes, dans l'enseignement privé.
Dans un département comme le mien, où la demande d'enseignement privé est forte, il semblerait en effet que, lors de la création d'un nouvel établissement, l'éducation nationale ne fournisse pas de nouveaux moyens en effectifs d'enseignants mais qu'elle retire ceux-ci d'un établissement d'enseignement privé existant. Cela reviendrait à augmenter le nombre global d'élèves tout en maintenant le nombre de professeurs, ce qui constituerait évidemment une dégradation des conditions d'enseignement. Pour garantir la liberté de choix d'enseignement, il doit, me semble-t-il, y avoir égalité entre les uns et les autres. Je voulais vous interroger sur ces situations, que j'ai pu rencontrer et qui m'ont paru objectivement anormales et contraires aux principes défendus par le Gouvernement.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Merci, monsieur Lagarde, de cette première question de la soirée relative à l'enseignement privé.
L'enseignement privé sous contrat participe au service public de l'éducation nationale. Il correspond à des principes constitutionnels et obéit à des règles assez claires. Ces règles sont d'abord budgétaires : à l'échelle nationale, l'enseignement privé représente environ 20 % de notre enseignement, et la proportion de notre budget que nous lui consacrons est équivalente. Il n'existe aucune règle de vases communicants au sein d'une académie comparable à celle que vous venez d'évoquer ; il est possible que l'on ait parfois entendu certains commentaires en ce sens, mais cela ne correspond pas à la réalité. Un calcul forfaitaire par établissement est évidemment effectué, en fonction du nombre d'élèves qu'il peut accueillir, limité dans chacun d'entre eux, et cela fait partie du dialogue mené avec les instances compétentes de l'enseignement privé.
Il n'y a donc pas d'inquiétude particulière à avoir sur ce point. Concernant le département de la Seine-Saint-Denis, je sais que les moyens de l'enseignement privé n'étaient pas en diminution cette année et ne le seront pas dans le prochain budget ; l'académie de Créteil y est attentive, d'autant qu'elle dialogue avec l'enseignement privé sous contrat pour que celui-ci contribue toujours davantage à satisfaire l'exigence de mixité sociale qui s'impose tout particulièrement sur un tel territoire.
Je pense donc pouvoir dissiper vos craintes. Je le réaffirme, l'enseignement privé sous contrat fait bien entendu partie du service public de l'éducation nationale. De ce point de vue, notre dialogue avec lui doit nous permettre d'atteindre nos objectifs en matière tant de maîtrise des savoirs fondamentaux – j'en ai beaucoup parlé ce soir – que de lutte contre les inégalités, objectif essentiel de l'éducation.
M. le président. La parole est à M. Yannick Favennec Becot.
M. Yannick Favennec Becot. Monsieur le ministre, je connais votre attachement aux écoles en milieu rural. Je vous ai même entendu parler tout à l'heure à ce sujet de « très forte priorité ».
Vous savez que les fermetures de classes ou d'écoles sont vécues comme un véritable traumatisme par les enfants, les familles, les élus et les habitants des communes concernées. L'école, dans nos petites communes, n'est pas seulement un symbole fort qui contribue à l'identité de nos villages, à l'attractivité de nos territoires et au lien social au sein de la population. Elle constitue aussi et surtout une formidable chance, pour les enfants des territoires ruraux, de bénéficier d'un enseignement de qualité dispensé par des enseignants de grande valeur.
En voici un exemple : l'école de la commune rurale de Cigné, située dans ma circonscription, en Mayenne. Cette école bénéficie de deux classes et d'un enseignement de grande qualité. Les enfants y apprennent dans d'excellentes conditions, grâce à un effectif réduit qui permet le respect des rythmes d'apprentissage et à une meilleure prise en considération des besoins de chaque élève, avec la souplesse des classes multiniveaux. Or il est envisagé de fermer cette école pour la regrouper avec celle de la commune centre d'Ambrières-les-Vallées. Si cela devait arriver, la moyenne d'enfants par classe monterait à trente, bien au-delà de la référence de l'éducation nationale, soit vingt-trois élèves. Cela aurait pour conséquences une baisse de la qualité de l'apprentissage, un allongement des temps de transport pour les élèves concernés et la mort annoncée de ce village dont l'épicerie a déjà baissé le rideau.
Monsieur le ministre, vous préconisez, dans le premier degré, un effectif maximum de douze élèves par classe dans les zones difficiles. Vous le savez, les habitants des territoires ruraux sont déjà victimes de la désertification médicale, de la fracture numérique et de la fermeture de nombreux services publics de proximité. Leurs enfants devraient-ils être maintenant les laissés-pour-compte de l'éducation nationale ?
Monsieur le ministre, que répondez-vous aux élus, aux habitants et aux parents de l'école de Cigné ? Je vous remercie par avance.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Merci, monsieur Favennec Becot, de votre question, qui permet d'approfondir le thème de la ruralité et de la défense des écoles en milieu rural.
J'ai eu l'occasion de le dire tout à l'heure, nous devons adopter en la matière une approche offensive, c'est-à-dire promouvant la qualité au service des élèves, des familles, mais aussi des territoires ruraux, car nous savons combien l'école est centrale pour ces derniers.
Dans ce contexte, chaque cas est particulier. J'ai plaisir à rappeler en permanence que les écoles primaires rurales réussissent en moyenne davantage que la moyenne des écoles primaires. Cela résulte de différents facteurs, notamment une certaine humanité caractérisant ces lieux, mais aussi les classes multiniveaux, qui, lorsqu'elles bien conçues, peuvent correspondre à un idéal pédagogique.
Voilà pourquoi j'ai demandé à tous les inspecteurs d'académie et à tous les inspecteurs de l'éducation nationale du premier degré d'être très attentifs à nos stratégies, qui doivent être qualitatives. Je l'ai dit tout à l'heure, nous nous sommes donné les moyens d'éviter qu'à la rentrée prochaine il y ait trop de fermetures en milieu rural et surtout de permettre un rebond.
Je le répète, chaque cas est particulier. Bien entendu, je ne me prononcerai pas ce soir sur le cas spécifique de l'école de Cigné, même si nous pouvons lui accorder une attention particulière. Je sais qu'il existe aujourd'hui trois écoles pour deux sites ; il est donc naturel que l'on réfléchisse à d'éventuelles rationalisations. Les contrats départementaux de ruralité, que j'ai évoqués, peuvent fournir un cadre à de telles réflexions, et je sais qu'il y en a eu en Mayenne. Il est très important de parvenir à des consensus locaux : parfois, des regroupements sont tout à fait pertinents ; parfois, ce n'est pas le cas. Plutôt, donc, que me prononcer sur un cas particulier, j'énoncerai des principes d'action : la vitalité de la ruralité, l'intérêt des élèves, mais aussi le pragmatisme, notre capacité à voir ce qu'il y a de mieux à faire au niveau local. Mais j'accorderai évidemment une attention particulière au point que vous avez évoqué.
M. le président. Nous en venons aux questions du groupe Nouvelle Gauche.
La parole est à M. Régis Juanico.
M. Régis Juanico. Nos échanges s'inscrivent dans le cadre d'une séance de contrôle, et ma première question, monsieur le ministre, fait valoir un droit de suite concernant le recrutement des contrats aidés dans l'éducation nationale.
Le 3 octobre dernier, lors de votre audition devant la commission des affaires culturelles et de l'éducation à propos de la rentrée scolaire, je vous ai interrogé sur le non-renouvellement au 1er janvier 2018 des contrats aidés destinés à assister les directeurs d'école dans leurs fonctions administratives. Vous m'avez répondu que vous aviez « demandé aux préfets et aux directeurs d'académie d'avoir une approche au cas par cas pour ne pas créer des situations impossibles ». Je prends à témoin mes collègues encore présents dans l'hémicycle, peu nombreux, mais courageux :…
M. Aurélien Pradié. Les meilleurs !
M. Régis Juanico. …cette approche au cas par cas n'a pas été mise en oeuvre ; c'est la totalité des emplois aidés qui n'ont pas été renouvelés, ce qui a exposé les directeurs d'école à d'importantes difficultés dans l'exercice de leurs missions. Que comptez-vous faire pour eux ?
Ma seconde question porte sur les effectifs d'enseignants d'éducation physique et sportive. Alors que 2 000 places supplémentaires vont être créées en sciences et techniques des activités physiques et sportives, ou STAPS, filière en tension, vous annoncez pour 2018 une diminution de 170 postes, soit 20 %, ouverts au concours externe du CAPEPS – certificat d'aptitude au professorat d'éducation physique et sportive. Pourtant, le nombre de candidats inscrits au concours – plus de 5 000 – est, lui, en augmentation. On voudrait décourager des vocations que l'on ne s'y prendrait pas autrement ! C'est un signal tout à fait négatif, au moment même où vous vous êtes engagé, monsieur le ministre, à donner plus de place au sport dans les établissements scolaires avant, pendant et après les Jeux olympiques et paralympiques de 2024, dont la France vient d'obtenir l'organisation.
Vous avez annoncé, lors de la journée nationale du sport scolaire, en septembre dernier, un plan « Génération 2024 » incluant la création de 1 000 sections sportives scolaires en plus des 3 000 existantes. Pouvez-vous nous indiquer le calendrier de déploiement de ces sections ? Les premières pourront-elles être ouvertes dès la rentrée 2018 ?
Vous avez également annoncé la création d'une filière « métiers du sport » au lycée. Là encore, pouvez-vous nous dire selon quel calendrier ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Monsieur Juanico, cette question en comporte beaucoup, de sorte qu'il ne sera pas facile d'y répondre en deux minutes.
D'abord, la question de l'aide administrative aux directeurs d'école renvoie, vous le savez, à notre politique générale en matière de contrats aidés, que l'on peut qualifier de courageuse. J'ai été amené aujourd'hui encore à m'exprimer sur ce point. Le Gouvernement a fait des choix, que je ne vous rappellerai pas – vous les connaissez très bien –, tendant à changer de politique de l'emploi en renonçant aux contrats aidés, qui étaient vecteurs de précarité et correspondaient à des fonctions pouvant être assumées d'une autre manière dans notre système.
C'est le sens de ce que nous avons fait s'agissant de l'accueil des élèves en situation de handicap : peu à peu, davantage de contrats d'AESH – accompagnants des élèves en situation de handicap –, qui sont plus robustes, et moins de contrats aidés. Ainsi, à la rentrée 2017, nous avions autant de contrats aidés qu'à la rentrée précédente pour l'accueil de ces élèves.
S'agissant de l'aide aux directeurs d'école, il est exact qu'il y a eu moins de contrats aidés cette année que la précédente. Néanmoins, ce que je vous avais dit en octobre s'est vérifié : l'aide aux directeurs d'école existe encore dans un certain nombre de cas – moins qu'auparavant, mais nous avons veillé à ce que les préfets et les inspecteurs d'académie fassent des efforts particuliers, par exemple outre-mer et dans plusieurs départements métropolitains. Cela devrait toutefois nous inviter, c'est vrai, à réfléchir à la possibilité d'apporter une aide administrative aux directeurs d'école par d'autres biais que les contrats aidés.
Je vous remercie d'avoir évoqué la question très importante du sport, priorité dans la perspective des Jeux olympiques de 2024, mais aussi, plus généralement, en raison des enjeux en matière de santé et d'épanouissement. Oui, nous visons la création de 1 000 sections sportives supplémentaires ; c'est un objectif ambitieux, dont nous allons bien entendu nous en donner les moyens humains. La question des concours ne doit pas être vue de façon schématique et simpliste. Il faut tenir compte, en particulier, des départs à la retraite, qui expliquent ce que vous avez dit à ce sujet. Nous mènerons bien entendu la politique ambitieuse que j'ai affichée, au service du sport dans notre pays.
M. le président. La parole est à Mme Josette Manin.
Mme Josette Manin. Monsieur le ministre, la rentrée 2017 avait été placée sous le signe de l'« école de la confiance ». Fondée sur quatre grandes mesures, celle-ci comptait le dédoublement des classes parmi ses axes principaux. Le but était de former des classes de douze élèves en cours préparatoire et cours élémentaire de première année dans les réseaux d'éducation prioritaire et les réseaux d'éducation prioritaire renforcés, afin de combattre les difficultés scolaires en agissant à la racine, c'est-à-dire dès les premières années d'apprentissage des savoirs fondamentaux. Si ces mesures sont louables, il semble que la mise en oeuvre du dispositif se heurte à des difficultés.
Le dédoublement des classes nécessite une augmentation du nombre de professeurs des écoles dans les établissements concernés. Reste-t-il un réservoir de remplaçants en cas de maladie ou de départ des maîtres en formation ? La gestion prévisionnelle des personnels de l'éducation nationale inquiète jusque dans vos rangs.
Pour la rentrée 2018, l'éducation nationale prévoit que 5 600 classes de CP seront dédoublées dans les réseaux d'éducation prioritaire et les réseaux d'éducation prioritaire renforcés, grâce à 3 881 postes d'enseignants supplémentaires. Se pose alors la question des moyens permettant d'assurer la logistique des salles de classe : nos collectivités territoriales et nos établissements doivent trouver une réponse financière, logistique et humaine aux questions posées par ce nouveau dispositif, alors même qu'ils souffrent d'une baisse de dotations et de la diminution de leurs contrats aidés – nous venons d'en parler – et qu'ils peinent déjà à limiter à vingt-quatre le nombre d'élèves par classe.
Pendant la précédente législature avait été instauré le dispositif « plus de maîtres que de classes », qui introduisait des pratiques pédagogiques fondées sur la coopération entre les professeurs, au service des apprentissages et non de la seule performance. Ce qui doit primer, ce qui doit nous préoccuper, monsieur le ministre, c'est la fin du lien entre inégalités sociales et économiques, et réussite scolaire : il faut que chaque enfant, quels que soient son territoire d'origine ou son origine sociale, dispose des mêmes chances au début de son parcours scolaire. Qu'en est-il des territoires les moins aisés, dans l'Hexagone et outre-mer ?
Monsieur le ministre, pouvez-vous indiquer à la représentation nationale le nombre de classes qui ont réellement été dédoublées et de celles qui n'ont pu l'être ? À cet égard, des correctifs sont-ils prévus ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Merci, madame Manin, d'évoquer cette question du dédoublement des classes de CP en réseau d'éducation prioritaire renforcé ainsi que sa suite, que nous avons annoncée : le dédoublement des classes de CP et de CE1 en réseau d'éducation prioritaire et en réseau d'éducation prioritaire renforcé.
Rappelons que cette mesure est d'abord et avant tout d'une magnifique nouvelle pour la France, inspirée, vous le savez, par les meilleures études internationales sur la question. Si le Président de la République s'est engagé sur ce sujet, c'est parce qu'il a été démontré que, pour aller à la racine de la lutte contre les inégalités sociales – comme vous l'avez très bien dit –, nous devons agir le plus tôt possible, en ciblant notre action sur les territoires les plus défavorisés. C'est ce choix volontariste qui a été fait et qui est à l'oeuvre depuis la rentrée dernière. Il faut avant tout saluer non seulement l'inspiration que je viens de rappeler, mais aussi l'action, puisque cette réforme est une réalité depuis la rentrée dernière.
On nous prédisait tout le contraire, sous prétexte que nous aurions manqué de temps. Or la réforme est bel et bien devenue réalité, puisque nous avons pu la préparer entre juin et septembre. Aussi, dans 85 % des cas, les CP en REP+ ont pu être divisés physiquement par deux et, dans 100 % des cas, nous avons été capables d'engager deux professeurs pour vingt-quatre élèves, soit, dans la plupart des cas, d'avoir des classes de douze élèves. C'est une magnifique nouvelle, que je tenais à rappeler avant d'évoquer les points pratiques en découlant.
Un accompagnement pédagogique s'impose car cette mesure est la pointe avancée d'une politique de maîtrise des savoirs fondamentaux pour l'école élémentaire.
Et il y a bien entendu des enjeux quantitatifs, budgétaires, puisque ce sont 3 700 classes qui ont été dédoublées à la rentrée et c'est à peu près le même nombre de postes qui seront créés à la rentrée prochaine, uniquement pour cette mesure.
Nous avons maintenu en bonne partie le dispositif « plus de maîtres que de classes », lequel sera d'ailleurs évalué afin de nous permettre de prendre des décisions dans le futur. Nous l'avons fait coexister avec cette nouvelle mesure, dont les premières impressions recueillies sont extrêmement encourageantes.
M. le président. Nous terminons par une question d'une députée non inscrite.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard.
Mme Emmanuelle Ménard. Monsieur le ministre, la rentrée 2017 a malheureusement été marquée par une grave pénurie d'enseignants dans l'éducation nationale. Dans le primaire, on parle de 573 postes de professeurs des écoles non pourvus et de plus de 900 postes restés vacants dans le secondaire. Pourquoi ? Beaucoup dénoncent une infantilisation des enseignants, un alourdissement des tâches administratives, voire une pression psychologique sur les acteurs de l'éducation nationale. Tout cela est probablement vrai. Toutefois, le problème ne viendrait-il pas aussi du sentiment d'abandon ressenti par les professeurs, qui s'estiment parfois insuffisamment soutenus par leur direction ?
Je ne prendrai qu'un exemple récent : celui du lycée Joseph-Gallieni à Toulouse. La moitié de ses enseignants ont lancé un appel au secours mardi dernier et réclament un véritable « plan Marshall ». Reprenons leurs griefs : agressions verbales et physiques qui se généralisent et se banalisent ; intrusions d'élèves extérieurs qui viennent semer le trouble et commettre des infractions ; vols en classe et à l'internat ; généralisation de bagarres violentes dans l'enceinte de l'établissement ; violences sexistes subies par les filles ; trafic de stupéfiants. La liste est longue, trop longue, et les moyens pour lutter sont malheureusement parfois aux abonnés absents selon les équipes pédagogiques. Certains élèves, il faut le dire, sortent de prison ou viennent en cours avec un bracelet électronique ; d'autres ont un casier judiciaire assez fourni ; cerise sur le gâteau, certains lycéens sont fichés S, rendez-vous compte !
Monsieur le ministre, parce que je salue les réformes de bon sens que vous avez commencé de lancer, je vous pose cette question : puisque quelques caméras de vidéosurveillance ne suffiront pas, quelle solution pouvez-vous trouver pour redonner envie aux professeurs d'exercer leur métier et, par conséquent, lutter contre la pénurie d'enseignants en France ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Madame Ménard, la crise du lycée Gallieni de Toulouse pose une question plus générale sur le climat scolaire, que l'on peut en effet relier à celle du prestige de la fonction enseignante et du bonheur à l'exercer – en matière scolaire, on peut relier l'ensemble des facteurs entre eux. J'évoquerai cette crise avant d'en venir aux problèmes généraux que vous avez abordés.
Il est évident que nous devons réagir face à cette crise, comme nous devons le faire pour chaque crise d'établissement. C'est ce que j'ai fait, en lien avec le rectorat de Toulouse. J'ai envoyé, ces jours-ci, une mission de l'inspection générale de façon à identifier exactement la situation et à manifester un premier soutien aux professeurs.
Ce soutien était au coeur du discours que j'ai tenu le jour de mon entrée en fonction, comme je l'ai dit tout à l'heure. Tous les professeurs de France doivent se sentir soutenus par leur ministre, par la société française et, bien entendu, par la représentation nationale. C'est un point clé. Je profite de cette tribune pour leur envoyer ce message, qui doit être entendu : un soutien se manifestera dans tous les cas concrets où les professeurs se sentiront isolés face à des phénomènes de violence et de négation des valeurs de la République, qui sont au centre de l'école. C'est pourquoi nous avons pris plusieurs dispositions, comme le renforcement des équipes mobiles de sécurité – celle de l'académie de Toulouse est présente dans le lycée Gallieni – ou d'autres, visant à observer le respect des principes de laïcité, parfois remis en cause.
En revanche, d'après mes informations, il n'y a pas de fichés S dans cet établissement, contrairement à ce qui a été dit par la presse ; nous verrons dans les prochains jours si cela est confirmé ou pas. La force doit être du côté du droit, et c'est ce qui se passera pour le lycée Gallieni. La force doit également être du côté des professeurs. Nous devons accompagner l'ensemble des situations de crise. Je sais que la majorité des élèves, dans un tel cas, ne demandent que le retour au calme. Je m'engage à ce qu'il revienne au lycée Gallieni.
M. le président. Nous avons terminé les questions sur l'éducation et le recrutement des enseignants.
Source http://www.assemblee-nationale.fr, le 18 janvier 2018