Texte intégral
Q - Avec Donald Trump comme président des États-Unis, l'Europe doit elle, plus que jamais, être unie ?
Ce qui impose à l'Union européenne d'être plus unie c'est surtout le défi collectif que représente une mondialisation en crise. Le président Macron a appelé à la refondation d'une Europe souveraine, unie et démocratique. Ce n'est pas une exigence conjoncturelle parce que l'un ou l'autre de nos partenaires est moins prévisible, mais parce que tous les défis majeurs auxquels nous sommes confrontés appellent à des réponses continentales : la sécurité, la transition énergétique, le réchauffement climatique, la transition numérique, les migrations
Q - Vous avez travaillé à l'ambassade de France aux États-Unis pendant la guerre d'Irak en 2003. L'Amérique de Trump est-elle très différente de l'Amérique de George W. Bush ?
Je ne vis plus à Washington depuis 2007 ! Bien sûr que les Etats Unis d'aujourd'hui ont changé depuis 10 ans. Comme nous tous !
Q - Brexit, populismes, divisions Est-Ouest, les défis sont énormes pour l'Union Européenne. Pour le futur pouvons-nous nous attendre à une Europe plus forte ou à « plusieurs Europes » ?
L'Europe est le seul espace dans lequel on protège à la fois les libertés individuelles, l'esprit d'entreprise et la justice sociale. En effet nous faisons face à des défis considérables dans lesquels nous devons préserver nos valeurs. L'existence d'une Europe forte et souveraine est une des meilleures garanties à cet égard, mais la France assume pleinement que pour poursuivre la refondation de l'Europe il faut changer de méthode. Nous voulons que sur les sujets les plus ambitieux des avant-gardes ouvertes puissent avancer sans être bloquées par les moins-disant, ceux qui ne voient l'Europe que comme un grand marché. Nous sommes attachés à l'unité de l'Europe et, en même temps, à la possibilité d'oser avancer plus vite sur des projets ambitieux.
Q - La Catalogne menace de déstabiliser l'Espagne, notre voisin et État-membre de l'Union Européenne. Encore un défi pour Bruxelles ? Cela peut-il avoir des résonances en France, surtout en Corse ?
La question de la Catalogne ne peut être envisagée que dans le cadre de l'Etat de droit. C'est la raison pour laquelle la France n'a pas reconnu la « déclaration d'indépendance » que le parlement catalan a adopté. C'est la raison pour laquelle il n'y a pour nous qu'un seul interlocuteur qui est le gouvernement de Madrid. L'Europe a besoin aujourd'hui d'unité et de solidarité, pas de plus de divisions et d'égoïsmes locaux.
Chaque situation régionale a ses spécificités, celle de la Corse trouvent à s'exprimer et le gouvernement est disponible pour établir une discussion sereine, concrète, afin que l'Etat et la collectivité de Corse puissent apporter aux préoccupations des habitants de la Corse des réponses efficaces.
Q - Le président Emmanuel Macron veut une France au coeur de l'Europe ? Comment avez-vous, comme ministre, appliqué cette idée jusqu'à aujourd'hui ?
Cette vision ambitieuse d'une refondation de l'Europe, nous nous sommes attelés à la réveiller chez nos partenaires européens. Elle est entrée en résonance avec les propos forts du Président Juncker lorsqu'il a présenté sa feuille de route pour une Union plus unie, plus forte et plus démocratique. Aujourd'hui un processus est enclenché pour une refondation de notre Union. Dès l'automne dernier, le lancement du Leaders' Agenda, mené par le Président Tusk nous a permis de commencer à travailler tous ensemble à cette refondation
La France est de retour. La France est de retour au centre de l'Europe parce que nous n'aurons jamais de réussite française sans la réussite européenne. Et pour moi, toutes ces initiatives et toutes ces réformes ont une contrepartie, c'est la stratégie européenne. Et je vois beaucoup de dirigeants européens ici présents et ce sont de chers amis et, tous ensemble, nous travaillons d'arrache-pied pour que cette stratégie commune se réalise.
Je sais qu'Angela MERKEL vous a déjà communiqué cette vision il y a quelques heures et nous travaillons en étroite collaboration à cet égard. Mais je voudrais simplement en résumé que vous croyiez que la stratégie fondamentale pour moi au cours de l'année qui vient et aussi au cours de l'année que nous vivons actuellement, c'est de refondre l'Europe, préparer les questions sur l'énergie, le numérique, la migration et l'investissement. Ça, ce sont quatre sujets sur le programme 2018 mais cette année va être l'année où il va falloir que nous élaborions la stratégie sur 10 ans pour l'Europe parce que, dans l'environnement actuel, l'Europe a une responsabilité et un rôle par rapport à la Chine et par rapport aux États-Unis parce que notre vision, notre ADN de relation entre la liberté, la justice, l'équité, les droits individuels, c'est tout à fait unique et nous avons cet équilibre entre ces valeurs en Europe.
L'enjeu est bien aujourd'hui de démontrer par la preuve aux Européens, et en particulier aux Français que leur sécurité, leurs valeurs et le modèle social et économique auquel ils sont attachés ne sont pas menacés, mais peuvent au contraire être renforcés par l'Union européenne. C'est à l'échelle européenne, et à l'échelle européenne seulement, que nous parviendrons à réguler la mondialisation, en s'appuyant sur la créativité et les valeurs d'un continent plus prospère, plus pacifique, plus ouvert que tous les autres.
Q - Un ministre des Finances de la Zone Euro, un budget de cette Zone Euro. Ces projets du président Macron sont-ils plus difficiles à obtenir avec une Allemagne toujours sans gouvernement ?
Tout d'abord je veux vous redire combien nous sommes heureux de travailler avec Mario Centeno. Une phase nouvelle s'ouvre désormais pour l'Eurogroupe. Pour la nécessaire réforme de la zone euro notre objectif doit être un accord politique de long terme dansla préparation duquel lequel l'Eurogroupe aura un rôle crucial.
La France et l'Allemagne travaillent étroitement ensemble dans ce processus. Bien sûr nous avons besoin qu'il y ait un gouvernement allemand installé le plus vite possible mais je peux vous assurer que le travail très intense que mène la chancelière Merkel pour rassembler une nouvelle coalition ne freine en rien l'implication très forte de l'Allemagne dans les dossiers européens Regardez les progrès accomplis récemment sur l'Europe de la défense, pour ne prendre qu'un exemple.
Q - Monsieur Macron est souvent présenté comme le nouveau leader de l'Europe et même du monde libre ? Cela est-il mérité ou bien est-ce encore trop tôt ? »
L'élection d'Emmanuel Macron a indéniablement fait souffler un vent nouveau en Europe.
Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 16 février 2018