Interview de Mme Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation à CNews le 19 février 2018, sur le projet de loi sur l'accès à l'université et le Parcoursup.

Prononcé le

Média : CNews

Texte intégral


JEAN-PIERRE ELKABBACH
Bienvenue Frédérique VIDAL, je suis heureux de vous accueillir. Vous avez entendu Laurence SAILLET, est-ce qu'elle vous a convaincue ?
FREDERIQUE VIDAL
Non, elle ne m'a pas vraiment convaincue, quand on dit que Laurent WAUQUIEZ n'a pas à s'excuser mais on sait qu'il s'est excusé auprès de Nicolas SARKOZY, je pense qu'il a été peut-être pris dans le feu du cours et il a montré beaucoup de mépris, beaucoup de mépris pour Nicolas SARKOZY, pour Emmanuel MACRON, pour Angela MERKEL, voilà ! Moi j'ai trouvé que c'était…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
On le répète, madame MERKEL, il faut rappeler ce qui a été dit à un moment donné, que pour trouver du charisme à Angela MERKEL, il faut se lever tôt. Comme nous nous levons tôt, on en trouve un peu.
FREDERIQUE VIDAL
Oui, moi je lui en trouve beaucoup en tout cas.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais vous l'avez entendu, il a été ou il a le sentiment d'avoir été piégé, qu'il y a une conspiration derrière l'exploitation de ses propos. Et si c'était vrai ?
FREDERIQUE VIDAL
Ecoutez ! Moi je ne suis pas une adepte de la théorie du complot, je crois que Laurent WAUQUIEZ s'est piégé tout seul. Il était devant des étudiants, il a dit ce qu'il a dit et voilà ! Aujourd'hui c'est utilisé contre lui. Je pense que c'est dommage de ne pas utiliser le temps que l'on a face à des étudiants pour leur donner une belle image de ce qu'est la politique, une analyse politique et ça c'était le degré zéro.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Le marcheur Hugues RENSON, qui est vice-président de l'Assemblée, demande d'abord qu'il s'explique Laurent WAUQUIEZ et d'autre part sur les liens ou les rapports avec cette école de management de Lyon. Est-ce que vous savez à quoi elle ressemble, ce qu'elle fait, pourquoi elle invite tel ou tel, est-ce qu'elle invite des gens de droite, de gauche, de l'extrême droite, du centre ?
FREDERIQUE VIDAL
C'est très traditionnel que les écoles invitent des hommes politiques, invitent des personnalités médiatiques pour justement qu'elles puissent apporter un peu de hauteur, qu'elles puissent apporter leur point de vue. Je crois que ça n'a vraiment pas été le cas dans ce cours, en tout cas de ce qu'on a pu en entendre. Mais on n'en a entendu que quelques minutes.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
De la part d'un surdiplômé comme Laurent WAUQUIEZ, qui n'est pas en plus un bleu en politique, est-ce que c'est une maladresse qu'il regrettera et qu'il… tout en dénonçant ceux qui l'ont piégé ou est-ce que ça reflète d'après vous sa personnalité ?
FREDERIQUE VIDAL
Je ne le connais pas suffisamment pour savoir si ça reflète sa personnalité. Ses amis politiques comme Xavier BERTRAND pensent que ça reflète quelque chose de lui. Moi, je pense que c'est une énorme maladresse et si ça reflète sa personnalité, c'est encore plus inquiétant.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
On verra parce que lui-même parlera à un moment ou à un autre. Vous avez donc réussi, la loi sur l'accès à l'université a été votée par l'Assemblée, le Sénat, par le Parlement. Le Parcoursup, même s'il est critiqué, est entré en fonction, il vous débarrasse je pense définitivement du tirage au sort, ça c'est sûr ?
FREDERIQUE VIDAL
Plus de tirage au sort effectivement, ça c'est garanti.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Ça c'est fini. Alors la plateforme Parcoursup, elle est ouverte, elle fonctionne, il y a déjà combien d'étudiants qui sont inscrits, si on le sait ?
FREDERIQUE VIDAL
Il y a à peu près 600.000 inscrits sur la plateforme, l'an dernier on avait à peu près 850.000 étudiants qui utilisaient l'ancienne plateforme, donc à peu près 2 tiers qui sont déjà inscrits.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Et vous pensez que ça marche bien, qu'ils sont attirés par les explications qui leur sont données ?
FREDERIQUE VIDAL
Les choses fonctionnent et en tout cas moi, les retours que j'en ai c'est que c'est une plateforme qui est beaucoup plus informative que la précédente, donc il y a beaucoup plus de choses. Et puis ce qui est important aussi, c'est qu'on accompagne ça, le ministère a décidé de soutenir toutes les associations pour la promotion de l'égalité des chances notamment, qui aident les jeunes à s'orienter, à se préparer, à utiliser cette plateforme.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Il y a des vraies et des fausses… des sites qui en parlent, des sites qui sont payants…
FREDERIQUE VIDAL
Alors évidemment, en aucun cas nous ne soutenons les sites payants, on a même des sites qui usurpent le nom de la plateforme et là bien sûr…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Vous les poursuivrez, vous leur tirerez les oreilles ?
FREDERIQUE VIDAL
Bien sûr, nous ferons le nécessaire. Mais nous soutenons un certain nombre d'associations évidemment à but non lucratif et gratuites, de manière à ce qu'il y ait aussi de l'accompagnement, notamment la plateforme Inspire qui permet de mettre en contact des jeunes avec des étudiants ; et qui les aident à s'orienter, à mieux comprendre. Mais on va aussi labelliser les Cordées de la réussite et c'est très important…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Donc Inspire et les Cordées de la réussite.
FREDERIQUE VIDAL
Oui et puis d'autres à venir, puisque nous avons déjà repéré encore d'autres plateformes.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Vous leur donnez des moyens ?
FREDERIQUE VIDAL
Absolument, on les aidera y compris financièrement.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
On voit bien que la plateforme intéresse les lycéens, les étudiants, les parents parce qu'en même temps en choisissant le parcours, ils choisissent presque ou ont choisi et on détermine leur propre destin et presque leur vie !
FREDERIQUE VIDAL
Ce n'est pas à ce point-là, je pense que c'est très important de bien choisir, mais ce qu'il faut comprendre aussi c'est que la deuxième partie de la loi, après la partie orientation et inscription, c'est aussi l'accueil dans le premier cycle. Et c'est comment on accompagne des étudiants, y compris lorsqu'il faut les aider à se réorienter. Et tout l'objectif en fait de cette loi, c'est que lorsqu'on a démarré un cursus, si ce n'est pas tout à fait celui qui nous convient, on peut garder le bénéfice de ce qu'on a fait et se réorienter. Donc toute la partie accompagnement est aussi très importante.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Et il y en a qui continuent à dire que c'est une sélection déguisée, vous savez à partir du moment où il y a un choix, à partir du moment où on dit qu'il y a un contrôle, une régulation, il y a sélection !
FREDERIQUE VIDAL
Disons que pour moi ce qui était vraiment important, c'est que les jeunes fassent des choix éclairés en connaissance de cause. C'est pour ça qu'on affiche les taux de réussite, c'est pour ça qu'on affiche la réalité des contenus de l'information au travers des attendus. Et puis pour moi le principal, c'est vraiment de les accompagner pour qu'ils réussissent.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Alors cet après-midi, vous allez recevoir la FAGE qui est le syndicat étudiants aujourd'hui numéro 1, il était d'abord favorable à Parcoursup et puis maintenant, il prend ses distances après ce qu'il y a eu comme débats au Sénat et à l'Assemblée, surtout au Sénat où les sénateurs qui ont voté votre loi ont dit qu'il faut prendre en compte d'abord l'insertion professionnelle des étudiants plutôt que quand on les oriente. Et la FAGE rétorque qu'on ne doit pas se soucier d'abord des débouchés, mais qu'on doit donner la priorité aux étudiants. Alors qu'est-ce que vous allez leur dire tout à l'heure ?
FREDERIQUE VIDAL
Alors tout à l'heure je les reçois parce qu'effectivement, entre la position qui avait été adoptée… le projet de loi adopté au Sénat et puis le projet de loi définitif qui a été rediscuté par la Commission mixte entre l'Assemblée nationale et le Sénat, il y a de nombreuses différences. L'insertion professionnelle c'est une des missions des universités, à côté de créer de la connaissance et transmettre la connaissance. Donc moi, ça ne me choque pas qu'on parle d'insertion professionnelle, par contre on ne conditionne pas le nombre de places aux débouchés, d'abord parce qu'on est incapable de connaître tous les débouchés…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
C'est intéressant de savoir ce que vont faire les étudiants quand ils termineront !
FREDERIQUE VIDAL
Bien sûr.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Et ça ne doit pas être une détermination !
FREDERIQUE VIDAL
Bien sûr, absolument pas et moi je suis convaincue que c'est la motivation des étudiants qui va les faire réussir. Donc il faut les accompagner là où ils sont motivés.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Quel est le calendrier à venir maintenant ?
FREDERIQUE VIDAL
Alors le calendrier à venir, c'est le 13 mars la fin des voeux sur la plateforme, le 31 mars la plateforme ferme définitivement, donc ça veut dire que tout le dossier doit être rempli par les étudiants. Et ensuite à partir du 22 mai, les propositions sont faites aux étudiants qui auront…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Ça, c'est la date fatidique, les affectations, mais est-ce qu'ils sont sûrs d'avoir les réponses avant le bac ?
FREDERIQUE VIDAL
Alors les réponses, elles vont s'échelonner évidemment, le baccalauréat restant le premier diplôme d'accès à l'enseignement supérieur, les réponses sont définitives après le baccalauréat, évidemment il faudra qu'ils réussissent leur bac. Et c'est pour ça que c'est très important qu'ils s'y préparent et qu'on a souhaité qu'ils aient le temps de le faire avec le plus de sérénité possible. Et donc il y aura les affectations, des propositions qui seront faites avant et après le bac.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Il y aurait beaucoup de choses à dire. Est-ce qu'il est vrai par ailleurs… vous avez fait le tour des 70 universités du pays, est-ce qu'il est vrai que vous déclenchez aussi une sorte de chasse aux harceleurs et prédateurs qui pourraient exister dans l'université, d'ailleurs est-ce qu'il y a eu des cas ?
FREDERIQUE VIDAL
Alors je pense qu'il n'y a aucun milieu qui est exempt de ce problème et, donc, c'est pour ça qu'à la rentrée 2018, il y aura dans chaque université une cellule d'écoute spécifiquement dédiée aux hiérarchies, de manière à ce que toutes les personnes qui souhaitent s'exprimer puissent être accompagnées, y compris accompagnées jusqu'à la justice si c'est nécessaire.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Et il y a eu déjà des alertes ?
FREDERIQUE VIDAL
Alors il y a de manière assez régulière des alertes qui sont faites dans les universités. Et actuellement, j'allais dire que chaque président d'université est un peu livré à lui-même et essaie de mettre en place des solutions au sein de son établissement. Là l'intérêt, c'est qu'on aura des professionnels qui seront en capacité de mieux accompagner et de mieux écouter.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Donc vous confirmez qu'il y a eu des cas dans les universités ?
FREDERIQUE VIDAL
Oui, bien sûr, il y a des cas partout, je pense que ce serait mentir que de dire qu'il y a des lieux qui sont exempts…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Et là, il y aurait des sanctions prévues ou en même temps l'appel à la justice ?
FREDERIQUE VIDAL
Alors il y a des sanctions administratives qui peuvent être prises par les établissements, notamment des mesures conservatoires. Mais ensuite évidemment, il faut accompagner les victimes jusqu'à la justice qui, elle, tranche et décide…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Vous êtes complètement engagée dans l'enseignement supérieur et la réforme de cet enseignement, c'est évident. Mais il y a beaucoup de réformes qui sont faites par le président de la République et son gouvernement. Est-ce que cette addition de réformes peut se faire sans déboucher sur un moment de la contestation sociale ?
FREDERIQUE VIDAL
Alors moi, je pense que les 3 réformes majeures qui sont en train d'être menées pour la formation des jeunes sont essentielles parce qu'on prépare l'avenir. Que l'on parle de la réforme du lycée, du baccalauréat, que l'on parle de la réforme de l'entrée à l'université et de l'accompagnement à la réussite au premier cycle, que l'on parle de la réforme de l'apprentissage, notre objectif c'est d'avoir des jeunes de mieux en mieux formés, de plus en plus qualifiés.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais en même temps la réforme de la SNCF, il y a les exigences ou les demandes des agriculteurs, il y a le Salon de l'agriculture qui va être un moment important, tout ça est intéressant. Dernière chose, naturellement il y a une cohérence, parce que je vous ai vue avec Jean-Michel BLANQUER à côté de lui chaque fois qu'il parle de la réforme du bac, il y a un lien, une cohérence entre les deux ?
FREDERIQUE VIDAL
Bien sûr, on travaille ces 3 sujets qui concernent la formation de la jeunesse avec Jean-Michel BLANQUER, avec Muriel PENICAUD en permanence…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
D'accord mais le bac, la réforme du bac aura des conséquences sur Parcoursup…
FREDERIQUE VIDAL
Alors les choses sont évidemment totalement articulées puisqu'en fait, notre objectif c'est qu'on arrête de parler du lien entre le secondaire et le supérieur, qu'on le fasse.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Merci d'être venue.
FREDERIQUE VIDAL
Merci.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 20 février 2018