Interview de M. Sébastien Lecornu, secrétaire d'Etat auprès du ministre de la transition écologique et solidaire, avec Europe 1 le 23 février 2018, sur l'évacuation du site d'enfouissement de déchets nucléaires de Bure et sur la piétonisation des voies sur berges à Paris.

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Média : Europe 1

Texte intégral


JULIE LECLERC
Maxime SWITEK, vous recevez ce matin le secrétaire d'Etat auprès du ministre de la Transition écologique et solidaire.
MAXIME SWITEK
Bonjour Sébastien LECORNU.
SEBASTIEN LECORNU
Bonjour Maxime SWITEK.
MAXIME SWITEK
Merci d'être en duplex avec nous ce matin depuis Bar-le-Duc. Si vous êtes dans la Meuse, c'est parce que vous aviez prévu de matin de rencontrer les opposants au projet de centre d'enfouissement de déchets nucléaires à Bure, sauf que ces opposants, ils ont été expulsés hier par les gendarmes, ils ne veulent plus vous voir. Est-ce que ça n'est pas une méthode un peu étrange, Sébastien LECORNU : la force d'abord, le dialogue après ?
SEBASTIEN LECORNU
On va commencer par ne pas tout mélanger, si vous en êtes d'accord.
MAXIME SWITEK
Allons-y.
SEBASTIEN LECORNU
Moi je suis bien sûr disponible pour l'ensemble des opposants légaux à ce projet de CIGEO, dont on reparlera sans doute, qui est un projet de long-cours, en plus, qui n'est pas pour tout de suite, et effectivement, j'ai déjà reçu avec Nicolas HULOT, un certain nombre d'associations qui sont contre ce projet, et qui ont bien le droit d'ailleurs d'être contre, en démocratie, dans un Etat de droit, ce n'est pas un problème. Et puis effectivement il y a les opposants illégaux, celles et ceux qui ont pris parfois le chemin de la délinquance, pour s'opposer à ce projet, en tout cas se servir de ce projet comme un prétexte pour être délinquant, et évidemment il y a des décisions de justice qu'il fallait appliquer, c'est pour cela que le Bois Lejuc a vu la visite des gendarmes pour aller déloger les personnes qui s'y trouvaient.
MAXIME SWITEK
Mais vous ne pouviez pas attendre que la discussion ait lieu avait une partie des opposants, avant d'expulser ?
SEBASTIEN LECORNU
Moi, je ne mélange pas les deux publics, enfin, une fois de plus, les associations, les élus locaux qui sont contre le projet, ne peuvent pas être assimilés, ne sont pas assimilables à des militants de l'ultra gauche qui ont choisi la radicalité et la délinquance. Enfin, je crois qu'on ne comprendrait pas que les pouvoirs publics mélangent les deux publics.
MAXIME SWITEK
Ces opposants qu'on entendait dans le journal de 08h00, ils disent clairement qu'ils veulent revenir encore plus nombreux, je ne sais pas si ça sera le cas, mais comment est-ce que vous allez empêcher que Bure devienne un nouveau Notre-Dame-des-Landes ?
SEBASTIEN LECORNU
Eh bien c'était justement l'objet de l'opération d'hier matin, c'est de faire en sorte que ça ne se transforme pas en ZAD, c'est aussi pour les auditeurs qui nous écoutent, Bure n'est pas une ZAD et n'était pas une ZAD, et l'enjeu c'était de faire en sorte qu'il n'y ait pas de construction en dur, puisqu'un certain nombre d'opposants illégaux, de délinquants, souhaitaient installer un certain nombre de maisons en dur tout au long du mois de mars et du mois d'avril, et c'est pour ça qu'il y a eu cette opération, afin d'éviter cet enkystement sur une zone de non droit comme le Bois Lejuc hier matin. Donc...
MAXIME SWITEK
Mais ça veut dire, Sébastien LECORNU, que les gendarmes, les 500 gendarmes qui sont intervenus hier, vont rester à demeure, à Bure ?
SEBASTIEN LECORNU
Ça veut que notre détermination est totale, à ce que l'Etat de droit soit respecté. Soyons bien d'accord, évidemment que la zone sera tenue un certain temps par les gendarmes, mais si les opposants illégaux, délinquants, choisissent de revenir dans ce Bois Lejuc, dans ce Bois Lejuc ou ailleurs, d'ailleurs, de manière illégale, l'Etat sera là et nous serons là autant de fois qu'il sera nécessaire d'être présents. Et ça c'est quelque chose d'important, c'est sûrement un virage aussi dans ce début de quinquennat, par rapport au passé, nous l'assumons avec le président de la République et le Premier ministre, mais on ne peut pas avoir des dossiers difficiles, qui sont pollués par des problèmes d'ordre public. La concertation elle peut reprendre justement depuis ce matin, parce qu'il y a eu cette opération hier matin, cette opération d'ordre public, avec je le rappelle quand même 7 gardes à vue, avec des violences contre les gendarmes, on n'est pas sur des militants écologistes qui sympathiquement réfléchissent à l'avenir de la planète au fond du Bois Lejuc, on est sur des gens qui ont été violents avec les gendarmes, c'est pour ça d'ailleurs qu'il y aura une réponse, probablement des réponses pénales, en tout cas c'est à l'institution judiciaire de le dire. Je ne veux pas mélanger les deux publics, moi je veux pouvoir parler avec les « pour » le projet, les élus locaux, un certain nombre d'entreprises, évidemment, EDF, ORANO, le CEA, qui bien évidemment dépendent de l'Etat, mais je veux pouvoir parler, dialoguer aussi tranquillement, comme je l'ai fait avec Nicolas HULOT il y a encore quelques jours au ministère à Paris, avec les associations qui elles portent un combat contre le nucléaire et qui est un combat que nous devons respecter. Et d'ailleurs je rappelle que ce gouvernement est le gouvernement qui diminue aussi et qui va sincériser la diminution de la part du nucléaire dans le mix électrique français.
MAXIME SWITEK
Sur le fond, Sébastien LECORNU, on est face à un projet très complexe, risqué, qui interroge beaucoup de ceux qui nous écoutent ce matin, comment garantir la sécurité d'un site comme à Bure, où les déchets qui sont enfouis, vont rester radioactifs pendant 100 000 ans ?
SEBASTIEN LECORNU
Au bas mot, même.
MAXIME SWITEK
Au moins.
SEBASTIEN LECORNU
Soyons là aussi un peu précis, les déchets ils existent déjà, la réalité c'est que le risque il a été pris par les générations antérieures qui ont fait le choix du nucléaire. Aujourd'hui, que l'on soit pour ou contre l'énergie nucléaire, il nous faut trouver une solution pragmatique pour ces déchets. Ces déchets ils existent déjà, c'est-à-dire qu'ils sont où aujourd'hui ? Ils sont essentiellement à La Hague, entreposés d'abord dans des piscines, puis dans des fûts, dans des hangars, on appelle ça le stockage de surface. Et la question, pour nous, la génération globalement des petits enfants de celles et ceux qui ont fait le choix du nucléaire dans le mix électrique français, et ce n'est pas vrai qu'en France, d'ailleurs, il y a du nucléaire dans d'autres grandes Nations dans le monde, c'est de trouver une solution pérenne et durable pour ces déchets nucléaires, et c'est vrai que l'enfouissement en couches géologiques profondes, comme on dit si bien, en clair à 500 m sous terre, dans une mine spécifique, sur laquelle on mène un certain nombre de travaux de recherche, c'est la solution la moins pire, à vrai dire, qui a pu être trouvée par un certain nombre de pays, et notamment la Finlande ou la France. Et c'est pour ça qu'à Bure, je le dis pour nos auditeurs d'Europe 1, aujourd'hui il y a seulement un laboratoire, il n'y a même pas un déchet radioactif ou il n'y a pas un déchet nucléaire aujourd'hui à Bure. On a seulement un laboratoire de 2 km de long, sous terre, sur lequel on fait des tests, et on se pose donc la question pendant ce quinquennat, de continuer le projet, la réponse elle a été apportée, pour l'instant c'est très travaux de chercheurs et il n'y a aucune raison d'interrompre des travaux de chercheurs, et au début....
MAXIME SWITEK
Mais on sait quand seront stockés les premiers déchets nucléaires à Bure ?
SEBASTIEN LECORNU
Oui, je suis en train de vous répondre. Au début du quinquennat prochain, il faudra prendre la décision de faire ou pas CIGEO, et de se lancer dans ce qu'on appelle un pilote industriel, entre 2025 et 2035, avec les premiers colis de déchets radioactifs qui pourraient arriver, je mets ça au conditionnel, en 2030, et en 2035 il faudra faire le bilan de ce projet pour savoir si on le fait ou pas, pour les 150 prochaines années. Vous voyez, en terme d'échelle de temps, qu'on a justement le temps de la concertation et du dialogue. La déclaration d'utilité publique de ce projet, elle n'est même pas encore déposée, donc voyez aussi un peu le jeu de dupes que certains opposants illégaux introduisent dans ce débat-là, puisque le Bois Lejuc n'avait pas lieu d'être occupé, dès lors qu'il n'y a même pas de travaux prévus à l'horizon. Et puis je le redis, il y avait des décisions de justice aussi, et l'ANDRA devait d'ailleurs se mettre, l'ANDRA qui est l'Agence qui s'occupe des déchets radioactifs, devait également se remettre en conformité avec la loi, en remettant ce bois en état.
MAXIME SWITEK
Alors, ça reste un projet, vous l'avez dit, compliqué, qui va être long...
SEBASTIEN LECORNU
Et cher, et dont le volume est important.
MAXIME SWITEK
J'ai sous les yeux, Sébastien LECORNU, justement vous dites cher aussi, j'ai sous les yeux une photo qui n'est pas très vieille, elle date de 2016, on y voit votre ministre de tutelle, Nicolas HULOT, une pancarte à la main : « Non à Bure ». Nicolas HULOT était contre ce projet, aujourd'hui il le défend. C'est de la schizophrénie ?
SEBASTIEN LECORNU
Non, enfin au contraire. J'en ai un peu marre que l'on caricature les positions de Nicolas HULOT.
MAXIME SWITEK
Ah ce n'est pas une caricature, pas du tout.
SEBASTIEN LECORNU
Non non non mais on va prendre les choses dans l'ordre. Ecoutez. Nicolas HULOT il est ministre d'Etat, ministre de l'Energie, qui enfin s'empare vraiment de la réduction de la part du nucléaire dans le mix électrique français. Je veux dire, ce qui serait bizarre c'est de faire Bure et en même temps ne pas réduire la part de l'électricité issue de l'atome. Dès lors que l'on s'enclenche et que nous enclenchons réellement cette trajectoire-là, d'ailleurs avec la fermeture de Fessenheim dont je m'occupe par ailleurs, il est normal et pragmatique de se poser la question des déchets. Ce n'est pas Nicolas HULOT qui a inventé les déchets nucléaires, en plus on ne peut pas lui reprocher ça, il est contre l'énergie nucléaire...
MAXIME SWITEK
D'accord, mais pardon, mais ce ne sont pas les journalistes qui ont inventé que Nicolas HULOT était contre le projet il y a deux ans.
SEBASTIEN LECORNU
Non mais moi je vous retourne la question : qu'est-ce qu'on fait de ces déchets ? Et Nicolas HULOT il est pragmatique, c'est ce qu'il est depuis 7 mois, il voit bien qu'il y a une difficulté, qu'il faut pouvoir la trouver, et donc il souhaite que l'on puisse continuer à faire des recherches sur cette question en enfouissements profonds, il s'en serait bien passé, il l'a redit hier dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale, et une fois de plus il ne change pas de convictions sur le sujet, mais après il est en gestion pragmatique de cela, je le fais aux côtés de lui, même moi qui suis sûrement un peu plus nucléariste que Nicolas HULOT, je me passerais bien d'un projet comme CIGEO. Il faut trouver une solution pragmatique à ces déchets, ils sont déjà là, et ce que veulent nos concitoyens, ce n'est pas qu'on se paie de mots ou qu'on fasse des débats sur la philosophie de tout ça, c'est qu'on trouve des solutions. Les déchets sont là, il faut trouver une solution, l'enfouissement en couches géologiques profondes, c'est la solution la moins pire, dirons-nous, et la plus responsable dirait l'Autorité de sûreté nucléaire, qui est quand même le gendarme français du nucléaire.
MAXIME SWITEK
Autre sujet sur lequel il faut trouver une solution, je rappelle que vous êtes secrétaire d'Etat à la Transition écologique, Sébastien LECORNU, vous êtes donc directement concerné par cette décision de justice qui vient d'être rendue : la piétonisation des voies sur berges à Paris retoquée. Anne HIDALGO veut continuer à interdire les voitures le long de la Seine à Paris, est-ce que vous soutenez officiellement la maire de Paris dans cette démarche ?
SEBASTIEN LECORNU
Je n'ai pas à la soutenir ou pas la soutenir, d'autant plus que les berges à ce stade, sont inondées, donc pour le coup le problème se reposera dans quelques semaines après le nettoyage des berges, c'est la compétence de la maire de Paris, c'est sa responsabilité aussi devant ses électeurs. Moi j'avais déjà eu l'occasion de dire publiquement que sur la méthode, Anne HIDALGO, parfois était peut-être un peu brutale et autoritaire et qu'il y aurait un mérite à faire de la pédagogie de ce genre de mesures, j'ai été maire moi-même, de Vernon, dans l'Eure, et je sais très bien que lorsqu'on touche à ces question, il faut savoir parfois faire preuve d'écoute, de concertation et de pédagogie. Sur le fond, c'est une décision qui lui appartient et que je n'ai pas à juger. Je note l'effort et la volonté de le faire sur le fond, après une fois de plus c'est sa responsabilité, mais une fois de plus, un peu plus de concertation, de pédagogie, avec les Parisiens et surtout l'ensemble des Franciliens, ne fera pas de mal.
MAXIME SWITEK
Mais juste une chose. Hier, son premier adjoint, Bruno JULLIARD, disait sur Europe 1, ici même, qu'Anne HIDALGO avait le soutien de Nicolas HULOT, vous confirmez ?
SEBASTIEN LECORNU
Eh bien vous demanderez à Nicolas HULOT, puisque je pense que le ministre d'Etat...
MAXIME SWITEK
Vous n'en avez pas parlé avec lui ?
SEBASTIEN LECORNU
Vous savez, je suis à Bure depuis hier matin, donc je veux bien m'occuper de tout, mais au bout d'un moment ça a ses limites. En tout cas, je pense que monsieur JULLIARD n'est pas le porte-parole du ministère, ni de Nicolas HULOT, donc posez la question directement au ministre d'Etat.
MAXIME SWITEK
Mais, est-ce que vous, sur le fond, vous êtes contre les ... des berges ?
SEBASTIEN LECORNU
Non, je ne suis pas contre, j'insiste sur le point de la concertation, ne le balayez pas d'un revers de main, je pense que nos concitoyens peuvent très bien comprendre que les mobilités évoluent dans une ville capitale, mais une fois de plus, si on le fait brutalement et sans concertation et sans écoute, ça crée un raidissement qui est inutile. Donc il faut pouvoir l'expliquer. S'il y a eu des recours devant le tribunal administratif, il y a des oppositions, il y a des oppositions politiques, ça elles appartiennent au débat politique, je ne me prononce pas, je ne suis pas candidat à la mairie de Paris, et il y a des oppositions sur le terrain citoyen et celles-là doivent être respectées.
MAXIME SWITEK
Encore une question. On sait qu'un épisode de froid, assez redoutable, s'annonce pour les jours qui viennent. Vous avez la garantie que le réseau électrique français va tenir ?
SEBASTIEN LECORNU
Oui, alors c'est la responsabilité de RTE, qui est un organisme indépendant dans notre pays, que de s'assurer de la sécurité de l'approvisionnement de l'électricité, et avant chaque hiver, justement, un certain nombre de projections sont faites, pour s'assurer de la sécurité de l'approvisionnement, et donc ça s'appelle l'effacement de pointe, c'est dans notre jargon technique, au moment où évidemment le froid sollicite un peu plus les énergies, et donc à ce stade, RTE n'a pas émis d'alerte sur le sujet.
MAXIME SWITEK
Pas d'alerte. Merci Sébastien LECORNU.
SEBASTIEN LECORNU
Merci à vous.
MAXIME SWITEK
Merci d'avoir été en direct avec nous.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 27 février 2018