Tribune de M. Philippe de Villiers, président du Mouvement pour la France, dans "Le Figaro" du 12 janvier 2002, sur les mesures à prendre pour lutter contre l'insécurité et le terrorisme islamiste notamment la nécessité de réaffirmer l'autorité de l'Etat.

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Depuis quelques semaines, la montée de la violence et sa banalisation ont pris un tour nouveau. Les chocs traumatiques se sont succédés, nourrissant un sentiment général d'effarement : le premier choc a été la libération du "Chinois", c'est-à-dire d'un grand criminel qui bénéficie de l'indulgence de magistrats idéologues. Cette posture laxiste conduit au refus de la détention provisoire - dont beaucoup d'hommes politiques ont si peur - et à la sourde acceptation de la violence comme compensation des injustices sociales. L'image de la justice devient incertaine et les Français ressentent un grand trouble ; la justice produit de l'injustice, c'est-à-dire qu'elle génère son contraire.
La remise en liberté des cinq suspects de la petite ville de Barr après les explosions du 31 décembre, la libération d'une grande figure du "milieu cannois", condamnée à 14 ans de prison pour avoir organisé un vaste trafic de drogue entre la France et l'Espagne, se rattachent au même symptôme : une justice infiltrée par l'idéologie post-soixante-huitarde portée par un sous-entendu : le coupable est un peu victime et la victime est un peu coupable. Les Français apprennent avec étonnement que le premier inculpé, arrêté sur le territoire américain à la suite des attentats du 11 septembre contre les Twin Towers, est un citoyen français qui a multiplié les aller-retours entre les grottes hospitalières de Tora Bora et les banlieues interdites de l'Ile de France. Le parcours est simple : on va se former en Allemagne, s'initier en Afghanistan, se fournir en armes en Bosnie, se fabriquer des faux papiers en France et ensuite, on part à Londres où on attend les ordres. C'est ainsi que, récemment, on a embarqué, à Roissy, un dangereux individu à la démarche alourdie par des semelles garnies d'explosifs. Petit à petit, c'est l'image même de l'Etat qui devient trouble. L'Etat qui est censé produire de la sûreté se fait complaisant, aujourd'hui, avec ce que le langage convenu appelle les "jeunes" et qui voyagent entre Berlinistan, Londonistan et nos zones de non-droit. L'Etat abrite ceux qui veulent l'abattre. Et beaucoup d'hommes politiques sont indifférents à l'idée que la France puisse devenir, dans dix ou vingt ans, la "fille aînée de l'Islam".
On a déjà oublié la grève des gendarmes ; et pourtant, sa signification est lourde ; il y a, là, une scène inédite et que l'histoire retiendra : les gendarmes mettent crosse en l'air et le premier ministre met les pouces. Le bras armé de l'Etat se dresse et se retourne contre l'Etat. Ca sent la fin de régime.
La puissance publique devient ainsi le symbole de l'impuissance publique. Très vite, on s'habitue. Pendant que les politiciens jouent les cabris médiatiques devant les distributeurs du nouvel esperanto, les feux de joie de l'euro font oublier les feux des voitures en flammes. Et un journal de titrer : "la tradition de la Saint-Sylvestre a été respectée à Strasbourg : 200 voitures ont brûlé, c'est-à-dire un peu plus que les années précédentes". Vous avez lu ? "La tradition ?". C'est désormais comme un rituel.
Deux phénomènes de grande ampleur
En réalité, nous sommes devant deux phénomènes de grande ampleur : d'abord une insécurité galopante, ensuite l'hyper-terrorisme islamiste. Au cours de l'année 2001, un record a été battu avec 4 millions de crimes et délits, c'est-à-dire 8 fois plus qu'en 1950. Cette insécurité est connue dans ses causes - l'affaiblissement de la famille et de l'école, la perte des repères, l'immigration non assimilée - mais elle est maquillée dans ses effets. Aucun gouvernement n'a osé prendre à bras le corps le problème de la violence depuis la loi Peyrefitte du 2 février 1981. Le vocabulaire s'enrichit de nos glissements sémantiques, c'est-à-dire de nos lâchetés. Dans la société médiatique, les mots prennent du volume à mesure qu'ils perdent leur sens. On n'ose plus appeler les choses par leur nom. Pour ne pas parler de "criminalité", on parle de "délinquance" ; pour ne pas parler "d'arsenaux clandestins" , on parle de "quartiers sensibles" ; pour ne pas parler de "terroristes corses", on parle de "nationalistes" ; pour ne pas parler de "violence" , on parle "d'incivilité" : "l'élève Duchemol a commis, hier matin, en pleine classe d'anglais, une incivilité, il a sorti un pistolet et tiré sur un camarade". C'est du Jack Lang.
Le deuxième phénomène de grande ampleur, c'est cette nouvelle guerre qui nous est faite au nom d'Allah. Bien sûr, il n'est pas question de confondre Islam et islamisme. Mais, depuis le 11 septembre, on ne peut plus vivre comme avant. Le terrorisme est là ,parmi nous, avec ses caractéristiques nouvelles et terrifiantes : il ne s'agit plus d'une guerre de bloc à bloc ; il s'agit, à travers une internationale terroriste, de groupes non étatiques, de commandos paramilitaires imprévisibles et incontrôlables. Il ne s'agit plus d'attaques militaires contre des cibles militaires. La première cible est civile et le vecteur, c'est l'image. Il s'agit de terroriser les populations civiles, d'anéantir leurs défenses morales. L'ennemi déclenche désormais son attaque de l'intérieur du pays visé par le terrorisme. Nous risquons ainsi d'être pris à revers, ce qui signifie que les problèmes de sécurité interne vont devenir aussi importants que les problèmes de sécurité externe. Enfin, - dernière caractéristique - la cause n'est plus politique, elle est métaphysique, c'est le Djihad contre la Liberté.
Le retour de l'Etat
Cette nouvelle situation disqualifie les champions de "l'Etat minimal". Tout, dans l'actualité, nous ramène à la question de l'Etat : les malfrats profitent de sa faiblesse, les terroristes islamistes ont eux-mêmes profité en Afghanistan de son absence et, aux Etats-Unis et en Europe, de sa défaillance. Ce ne sont pas les institutions supra étatiques qui ramèneront l'ordre et la sécurité, c'est la vigilance des Etats et c'est leur alliance harmonieuse, c'est-à-dire la coalition des Etats-nation.
Le grand chantier à venir consiste donc à réaffirmer l'Autorité de l'Etat. Cela veut dire tout d'abord l'autorité de la loi. Il nous faut une loi pénale protectrice, qui se détourne de la "culture absolutoire de l'excuse" et de la soumission, celle de cet avocat emblématique qui plaidait récemment aux Assises : "Messieurs les jurés, mon client vous a avoué qu'il a tué son père, qu'il a assassiné sa mère, mais vous n'allez tout de même pas condamner un orphelin !". Nous sommes là devant des dérives inacceptables. L'urgence, aujourd'hui, à travers une refonte de la politique pénale de la France, c'est d'imposer la promptitude et la certitude de la peine afin que la sanction soit dissuasive. En effet, la peine a une valeur préventive tout autant que répressive. Les criminels sont des preneurs de risques. Il faut affirmer haut et clair qu'une peine minimum doit être établie pour chaque crime ou délit. Que les peines applicables aux agressions seront automatiquement aggravées en cas de récidive ; que les crimes de sang seront désormais déclarés imprescriptibles. De même, il paraît aujourd'hui nécessaire d'autoriser les maires à armer les polices municipales et d'expulser systématiquement les étrangers délinquants.
Il faut que les gardiens de la loi obtiennent des moyens juridiques et financiers à la hauteur du respect et de l'estime qui leur sont dus. Ce n'est certes pas le cas aujourd'hui. Que leur propose-t-on ? Plutôt que de s'en prendre aux braqueurs et de désarmer les bandits, Monsieur Vaillant propose de remettre à chaque policier et à chaque gendarme, un gilet pare-balles. C'est bien dans cet esprit que la "loi Guigou" a été préparée : alors qu'il conviendrait de tourner la loi pénale vers les victimes, on la tourne vers les agresseurs. On est beaucoup plus soucieux de leurs droits à eux que du silence désespéré de celles et ceux qui subissent les violences quotidiennes. Ce qu'attendent les gendarmes et les policiers, ce sont des messages sans ambiguïté et des directives claires : sur les rave-parties, sur la drogue, sur la Corse, sur les récidivistes.
Encore faudrait-il d'abord que l'autorité de l'Etat s'exerçât sans concession sur l'ensemble du territoire. Mais comment pourrait-on assurer la maîtrise d'un territoire qui n'a plus de frontières ? il faudra bien, un jour ou l'autre, suspendre l'application du traité de Schengen et du traité d'Amsterdam qui permettent aux terroristes islamistes ainsi qu'aux réseaux mafieux d'entrer et de sortir de chez nous sans contrôle. Il est bien plus facile de pénétrer dans l'Euroland qu'à Disneyland. Peut-on accepter de soustraire au regard de la puissance publique, une partie de notre territoire ? On a envoyé les soldats de la France faire "moisson essentielle" pour aller récupérer les armes des minorités albanophones dissimulées dans les villages de Macédoine ; faisons "moisson essentielle" en Corse et dans nos banlieues, ayons le courage d'aller chercher les lance-roquettes et les kalachnikov entreposés dans les caves des zones grises. A Bruxelles, ce sont les eurocrates qui font nos lois ; dans les banlieues, ce sont les voyous qui font la loi.
Il apparaît aujourd'hui opportun de permettre aux forces de l'ordre de rétablir la sécurité dans les zones de non droit par des mesures temporaires exceptionnelles prises par ordonnance : écoutes téléphoniques, perquisitions, contrôles d'identité.
La défense culturelle de la Nation
Tout en rétablissant l'autorité de l'Etat, il conviendra aussi d'imposer à l'école une instruction civique nationale pour que nos banlieues ne soient plus des pépinières de la haine contre les "gaulois" - comme on dit en rap -
Il ne faut donner à l'avenir la nationalité française qu'à des gens assimilés, c'est-à-dire qui connaissent notre langue, notre histoire et qui acceptent nos règles.
A cet égard, il est urgent de mettre en oeuvre toutes les conditions pour permettre en France l'épanouissement d'un Islam modéré, tolérant, laïque.
C'est la raison pour laquelle il convient d'établir une charte concordataire dont le fil directeur serait le suivant : n'accepter la construction de mosquées que si leurs responsables s'engagent par écrit à y dispenser un enseignement religieux conforme aux principes républicains, incluant notamment la reconnaissance des libertés civiles, de la liberté de conscience et notamment de la liberté de changer de religion, la séparation du politique et du religieux et l'interdiction de la polygamie.
La sécurité doit être rétablie au nom d'un droit prééminent, la protection d'un patrimoine affectif et culturel. Cela implique qu'on en finisse avec la haine de soi et qu'on retrouve le sens de la communauté nationale en transmettant aux jeunes générations la fierté et l'amour de la France.
(source http://www.mpf-villiers.org, le 14 janvier 2002)