Texte intégral
Monsieur le ministre, cher Jean-Yves,
Mesdames et messieurs,
Le dialogue 2+2, c'est le signe d'un partenariat d'exception.
D'exception, car le Japon et la France sont liés par des ambitions communes et des valeurs partagées.
D'exception, car le Japon et la France partagent les mêmes inquiétudes et les mêmes analyses des menaces qui pèsent sur la région.
Un partenariat d'exception, enfin, car le Japon et la France ont choisi de donner un nouveau souffle à leur coopération. Ce quatrième sommet bilatéral qui allie avec justesse politique et militaire en est une preuve supplémentaire. La relation entre le Japon et la France continue de croître, de s'épanouir : cela tombe bien, nous avons de grandes choses à accomplir ensemble.
L'évolution de la région n'est pas entièrement rassurante. Les nations s'arment à nouveau. Les puissances s'affirment. Il y a parfois des provocations, et des escalades qui ne sont pas que verbales. Le terrorisme a frappé à plusieurs reprises, parfois de manière spectaculaire. L'espace cyber n'est pas épargné. Face à tout cela, les pays aux valeurs partagées doivent s'allier et s'unir.
Le Japon est le partenaire naturel de la France. Nous nous reconnaissons pleinement dans la stratégie pour un espace Indo-pacifique libre et ouvert. Ses principes sont bons, ils sont utiles pour le respect de chacun, le développement et la sécurité internationale.
Cette vision prend un sens particulier, central, alors même que le contexte stratégique en Asie suscite les inquiétudes.
Ces inquiétudes concernent la sécurité de nos alliés, directement menacée. Elles font craindre une déstabilisation grave et durable de la sécurité internationale et l'émergence de nouveaux conflits.
Les différends territoriaux se multiplient, ils conduisent à des tensions dont nul ne peut prédire les conséquences. Il y a parfois la tentation du fait accompli, là où ce qui devrait prévaloir, c'est le droit, les accords, la négociation.
La France n'est pas un spectateur : elle fait partie de la région. Nous sommes une puissance de l'océan Pacifique, des Marquises à l'île de Grande Terre, ce sont plus de 550 000 Français qui vivent dans la région. Nous avons aussi des milliers de concitoyens expatriés au Japon, en Corée du Sud, et dans tous les Etats du continent.
Notre pays est donc directement concerné par la stabilité de la région.
Lorsque nous disons que c'est le droit qui doit prévaloir, nous joignons l'acte à la parole. Nos navires et nos avions utilisent pleinement et sans restrictions leur droit de navigation maritime et aérienne.
Vigilante, la France suit également de très près l'évolution de la situation en Corée du Nord.
Nos services analysent en permanence les progrès préoccupants des programmes nucléaires et balistiques de la Corée du Nord, et les coopérations proliférantes de ce pays avec d'autres.
La France reste convaincue de la nécessité d'un dialogue. Mais notre pays ne s'attend pas béatement à ce qu'un dialogue puis des négociations finissent par s'enclencher : il faut mettre la pression sur la Corée du Nord. La première étape, c'est un rapport de force. Et pour cela, il faut faire respecter les sanctions prises. Il n'y aura pas de négociation de bonne foi sans des sanctions robustes et crédibles, appliquées par tous.
Sur ce sujet, la France a toujours été en pointe, que ce soit au Conseil de Sécurité ou à l'Union Européenne.
Cependant, être ferme ne signifie pas jeter de l'huile sur le feu. Les provocations, d'où qu'elles émanent, échauffent les esprits et compromettent les opportunités de dialogue. Il est important que les parties modèrent leur rhétorique. Je suis ministre des Armées, et les Armées ne sont pas spécialisées dans la rhétorique mais des mots mal placés sont parfois les premières pierres d'un conflit.
Dans ces temps de tensions, le Japon sait qu'il peut compter sur la France. Notre coopération de défense en est le signe. Nous menons ensemble des exercices communs et nous avons établi, en particulier dans le domaine maritime, une coopération étroite et bénéfique. Je pense à l'exercice amphibie ARC17, à l'exercice Croix du Sud en Nouvelle-Calédonie ou, bien sûr, à nos escales dans les ports japonais comme celle du Vendémiaire en mars 2018.
Le dialogue entre la France et le Japon sur les sujets de sécurité et de défense est constant. Les dialogues réguliers du 2+2, nos échanges sur les sujets cyber et spatiaux ou notre coopération d'armement sont autant d'autres preuves de l'excellente tenue des relations de coopération entre nos deux pays.
Cependant, compte tenu de l'évolution du monde et de l'alignement de nos intérêts, nous devons faire plus ensemble. C'est aussi la raison de ma venue à Tokyo, affirmer clairement que nous devons coopérer plus.
Je souhaite approfondir notre coopération en matière de concepts, de doctrine et d'équipements. Je pense à nos drones sous-marins, bien sûr.
Mais je souhaite que la France et le Japon identifie également les nouveaux secteurs d'équipements où nous pourrions travailler ensemble. Je pense en particulier au domaine de l'observation spatiale, où la France a une longue expérience industrielle et opérationnelle qu'elle pourrait partager avec le Japon.
Mais envisager une coopération plus étroite, cela ne doit pas se limiter aux équipements ou aux concepts. Nous pouvons agir, ensemble, dans les grandes crises du moment. C'est le cas de l'Afrique. Depuis des années, sur ce continent qui attire bien des convoitises, la France et le Japon oeuvrent activement pour la sécurité de l'Afrique. Nous connaissons la force et la sincérité de l'engagement du Japon pour permettre à l'Afrique d'assurer sa propre sécurité. Cet engagement, le Japon l'a encore montré au forum de Dakar.
La France agit à l'unisson du Japon. Au travers du G5 Sahel et, en particulier, de la force conjointe G5 Sahel, nous aidons les pays du Sahel à créer une force pleinement opérationnelle pour combattre le terrorisme et assurer le retour de la paix dans la région. Cet effort a déjà montré de beaux succès et deux opérations se sont déjà déroulées. Les terroristes ont fait savoir qu'ils ne voulaient sous aucun prétexte de la force conjointe, c'est que nous sommes sur la bonne voie. Mais cet effort nécessite des ressources. De nombreux pays, aux histoires et aux cultures très diverses, ont déjà accepté de s'associer à cet effort. Ici, à Tokyo, je le dis, toute aide que le Japon déciderait d'apporter serait extrêmement précieuse et donnerait une force encore accrue à notre partenariat en Afrique.
Je remercie tous ceux qui ont permis d'organiser ce sommet, en particulier nos homologues japonais. Car de part et d'autre du globe, la France et le Japon sont unis. Unis par des valeurs, des convictions et des actes.
Nous avons noué au fil des ans des dialogues intenses et une coopération riche. Le 2+2 en a une nouvelle fois été la preuve et sera, je le sais, une étape marquante vers une coopération encore accrue.
Source https://www.defense.gouv.fr, le 14 mars 2018