Texte intégral
Je voudrais faire une première remarque. Je voudrais rappeler que depuis le début des frappes, période pendant laquelle nous avons été obligés de passer, la France a constamment dit que la solution à laquelle nous étions en train de travailler, la solution pour un Kosovo pacifique, devait venir s'inscrire le moment venu dans une résolution au sein du Conseil de sécurité. Nous avions été les tout premiers à dire cela et cela a été une constante de notre action politique et diplomatique des dernières semaines.
Depuis le début nous avions également dit qu'il fallait que ce soit une résolution sous chapitre VII. Ce qui veut dire que nous avions à travailler avec nos partenaires, les autres membres du Conseil permanent de sécurité, que nous avions à discuter avec nos partenaires occidentaux, européens ou de l'Alliance, que nous avions à négocier avec nos partenaires russes et avec les Chinois mais que nous n'avions pas à négocier avec les responsables yougoslaves à qui il s'agit d'imposer le règlement qui a été finalement retenu.
On peut dire aujourd'hui que les choses se passent exactement comme la France l'avait demandé depuis le début, comme elle l'avait souhaité, comme elle y a travaillé sans discontinuer. C'est pour cela que je peux tout à fait reprendre à mon compte les expressions employées tout à l'heure par M. Joschka Fischer, qui a présidé notre réunion en tant que président actuel du G8 au niveau des ministres, et qui a parlé d'une percée décisive qui vient consolider cet élément très important récent, quand les autorités yougoslaves, le président Milosevic et le Parlement ont accepté le document du président Ahtisaari, en tout cas présenté par lui, qui, lui-même, reprenait d'une façon rigoureuse les cinq points et ensuite les conclusions du premier G8 ministériel qui s'était tenu pour trouver une solution politique à cette crise.
Encore aujourd'hui on peut dire que le projet de résolution, - il faut dire projet jusqu'au moment précis de son adoption - qui a été travaillé par nous hier toute la journée et encore ce matin, est strictement conforme à tous les principes dont nous avons dit depuis le début qu'ils devaient fonder une solution juste et durable pour le Kosovo. Voilà donc le résultat extrêmement important qui a été obtenu aujourd'hui. Nous sommes maintenant exactement sur la même ligne, les membres du G8, les Occidentaux et les Russes. Ce qui veut dire que mis à part des problèmes de procédure ou des problèmes techniques, j'ai bon espoir que la résolution soit formellement votée dans des délais très courts.
Q - Mme Albright a dit dans la conférence de presse que le fait que l'OTAN soit le noyau de la future force de paix figurait en annexe du projet de résolution. Est-ce que cela signifie que c'est accessoire, secondaire, ou est-ce que cela forme un tout ?
R - Non. Dans la technique d'une résolution au Conseil de sécurité, le fait d'annexer un document à une résolution consiste au contraire à lui donner de la solennité et de l'importance. C'est un document qui vient donc en annexe de la résolution. Il y a au début un préambule aux articles de la résolution et dans le préambule il y a un article H qui rappelle les deux documents qui sont en annexe, c'est-à-dire les principes généraux pour la sortie de la crise adoptés le 6 mai lors de la première réunion des ministres du G8 à côté de Bonn, au Petersberg, et l'autre document mis en annexe, c'est le document remis à Belgrade par le président Ahtisaari. C'est au contraire une façon de lui donner le maximum de solennité et le maximum de force opérationnelle.
Q - Mais le mot OTAN figure-t-il dans la résolution en tant que telle ?
R - Le texte exact sera donné à New York. Je dois respecter les procédures.
Q - Est-ce qu'aujourd'hui à l'heure qu'il est il ne fait aucun doute que l'OTAN constituera le noyau dur de la force de paix au Kosovo ?
R - L'accord qui a eu lieu aujourd'hui entre les Occidentaux et les Russes démontre qu'il y a un agrément complet sur l'ensemble des mécanismes de la solution, y compris la force. Maintenant après le vote de la résolution, il y a un certain nombre de points qui seront à confirmer et à préciser sur l'ajustement des rôles des uns et des autres. Mais le cap de l'acceptation de ce principe est franchi.
Q - Pourtant Mme Albright a dit qu'il y aura un commandement OTAN. M. Ivanov a dit lui que ce n'était pas encore réglé et que c'était à discuter à New York, qu'en est-il ?
R - Le fait qu'il y ait un commandement, une chaîne de commandement OTAN et une force dont le coeur sera l'OTAN comme nous l'avons dit à chaque fois, est quelque chose qui est maintenant admis. Ce qui reste à discuter, ce sont les modalités exactes de la participation russe et les conditions exactes, éventuellement un peu particulières, de la participation russe.
Q - Les Russes ne sont pas revenus sur l'idée d'avoir un secteur précis pour le déploiement de la troupe ?
R - Il ne faut pas qu'il y ait de malentendu à propos de ce problème de secteur. Quand il faut remplir des tâches aussi difficiles que celle qui va être confiée à la KFOR, il faut d'une certaine façon répartir les tâches sur le territoire du Kosovo. Mais nous avons bien pris garde à chaque étape de la discussion et nous ferons encore attention jusqu'à la fin à ce que cette répartition des tâches ne devienne pas une répartition par secteur, encore moins par zone, et en tout cas que cela ne conduise pas à des politiques autonomes qui seraient différentes à un endroit et à un autre dans le Kosovo. Il est bien clair que le mécanisme mis en oeuvre doit aboutir à une approche unique des questions du Kosovo, avec une parfaite coordination et une seule conception d'ensemble. Il n'y aura pas deux politiques par rapport aux réfugiés. Il n'y aura pas plusieurs politiques par rapport à la question de la mise en oeuvre de cette situation d'autonomie et ensuite par rapport à la préparation de l'installation des nouvelles institutions. Il y aura une seule politique pour le Kosovo.
Maintenant, dans le cadre de la force, il y aura une répartition des uns et des autres dans des montages et des combinaisons à trouver. C'est un problème à la fois militaire et technique qui pourra être bouclé quand l'ensemble des pays qui sont en mesure de fournir des forces, auront précisé exactement ce qu'ils peuvent apporter. Mais il faut bien distinguer les deux choses. J'insiste : une discussion technique pour la répartition des tâches et l'organisation sur le terrain n'a pas de rapport avec des coupures en zones ou des coupures en secteurs. Il y aura un seul et unique Kosovo.
Q - Et en aucun cas toutes ces discussions militaires sur la composition, la chaîne de commandement, la répartition des tâches ne se discutent avec les militaires yougoslaves autour de la question du retrait ?
R - Non. Ce qui se discute avec des militaires yougoslaves, ce sont les conditions de la mise en oeuvre du retrait, dont le principe a été accepté à travers le document Ahtisaari. Tout cela étant reconfirmé et solennisé par cette résolution qui reprend tous les aspects de la solution, qui est le texte d'ensemble, qui est le texte générique par rapport à cela. Les discussions sont techniques, elles portent sur les modalités, sur le calendrier, sur les cheminements, sur le déminage, sur des questions de ce type. Il n'y a pas de renégociation à ce niveau, il n'y a pas de réouverture des négociations, certainement pas. Il n'y a pas de renégociation, encore moins maintenant qu'avant, des principes généraux du règlement.
Q - Vous avez déclaré hier soir à l'issue de ces huit heures de négociations qu'il pouvait toujours y avoir des reculades, des hésitations, des retards, des lenteurs, est-ce que malgré cet accord sur le projet de résolution, avec les Russes notamment, vous craignez encore de tels retards ou de telles hésitations sur les discussions à venir ?
R - Quand je vous parlais hier soir, je devais tenir compte d'éventuels problèmes qui auraient pu surgir pendant la nuit, pendant ces quelques heures que nous avions dû nous donner pour vérifier les dispositions de l'accord que nous étions en train de boucler. Aujourd'hui je peux être beaucoup plus sûr de la suite. Naturellement, il faut maintenant voter la résolution, il faut achever la négociation militaire-technique sur les conditions du retrait, et il faut achever de préparer le début de l'entrée de la KFOR. Il faudra que soit mis en oeuvre et précisément observé le début du retrait des forces serbes puis la suite, puis la fin du retrait par la suite. C'est par rapport à cela que nous avons eu des discussions, d'ailleurs compliquées, puisque les conditions que posaient les uns et les autres n'étaient pas les mêmes, que la chronologie n'était jamais la même et que par conséquent nous n'arrivions pas à enclencher la fameuse séquence de la mise en oeuvre. C'est pour cela qu'hier, j'ai proposé une approche aboutissant à une quasi-simultanéité en tout cas à une synchronisation très étroite de tous ces éléments pour que les revendications fondamentales - non pas des autorités yougoslaves, avec lesquelles je le répète nous n'avons pas renégocié, mais des participants au G8 - puissent se trouver satisfaites dans cet enchaînement. Ce qui fait que dans les heures et les jours qui viennent maintenant, il s'agit d'aboutir à l'adoption la plus rapide possible de la résolution par le Conseil de sécurité. Il y a une procédure à suivre, même si nous souhaitons qu'elle soit accélérée, mais en même temps, il faut avoir mené à leur terme les préparatifs des autres décisions clés que j'ai rappelées.
Q - Il n'y a pas de préalable ?
R - Non, il n'y a pas de préalable puisque justement nous avons dépassé les questions de préalable à travers une synchronisation qui aboutira à ce que les choses se passent à peu près en même temps. C'est comme cela que nous sommes sortis de l'impasse sur les préalables, puisque les préalables posés par les uns et par les autres n'étaient pas les mêmes. Donc nous arriverons à une solution qui va combiner l'achèvement de l'accord militaire de retrait, l'achèvement de la préparation du vote de la résolution, le début du retrait, les préparatifs d'entrée de la KFOR et la décision de suspension.
Q - Et si l'accord militaire de retrait patine ?
R - L'accord militaire de retrait ne devrait plus patiner dès lors que nous avons passé cet accord ici, puisque ce qu'il y avait dans les raisons de retard à propos de l'accord militaire sont d'une part quelques discussions techniques, - qu'on peut admettre et qui sont tout à fait solubles à ce niveau là de négociation -, d'autre part une ambiguïté par rapport à ce qui avait été accepté ou pas dans le document qui avait été remis par le président Ahtisaari. Cette ambiguïté disparaît complètement, elle n'est plus invocable. Elle ne peut plus être utilisée pour quelque retard que ce soit à partir du moment où l'accord a été fait au niveau au-dessus, c'est-à-dire les pays du G8 et ensuite le Conseil de sécurité et ensuite l'adoption de la résolution. Et l'adoption de la résolution, qui est maintenant à portée de la main devrait achever de débloquer les problèmes sur lesquels on avait pu buter.
Q - L'adoption interviendra-t-elle cette nuit ?
R - Je ne veux pas fixer de date parce que je veux respecter le rôle des différents membres du Conseil de sécurité et notamment de la Chine. Je rappelle que le président Ahtisaari est en ce moment à Pékin où il a des entretiens avec les autorités chinoises. Vous voyez que tous nos efforts, tous les efforts de toutes les diplomaties, tous les efforts de ce que l'on appelle parfois à tort, mais l'expression est vraie aujourd'hui, la communauté internationale, convergent vers ce seul et même objectif. Nous allons avancer. Maintenant il faut, à chaque fois qu'on franchit une étape décisive - c'était le cas la semaine dernière, c'est encore le cas ce matin - ne pas perdre de temps et concrétiser chaque élément.
La suite, je le répète, c'est : transmission au Conseil de sécurité, et dès que c'est possible vote, mais il faut que ce vote coïncide avec les autres éléments ayant eux-mêmes été portés chacun à maturation, et chaque responsable est entièrement mobilisé dans cette fin.
Q - Il semble que les Russes ce matin soient revenus avec des contre-propositions pour faire en sorte que les forces n'agissent pas sous chapitre VII mais sous chapitre VI ? Dans la résolution c'est le chapitre VII, est-ce qu'il y a des bémols, des conditions d'engagement de la force par exemple ?
R - Nous allons trouver une formulation pour montrer que nous agissons au titre du chapitre VII.
Q - Peut-il y avoir une restriction sur les armes qu'emporteront les soldats de la force de paix ?
R - Non, il n'y a aucune restriction. Ce n'est pas quelque chose qui est en quelque sorte entravé par la résolution. La résolution, c'est un règlement cadre, c'est l'élément fondamental. C'est ce qui exprime la légitimité, la légalité internationale, la cohérence entre tous les grands pays qui composent le Conseil de sécurité. Après, il y a toujours des problèmes de mise en oeuvre, on peut toujours aller plus loin dans le détail. En tout cas, il n'y a rien dans la résolution qui comporte une entrave sur ce plan. La discussion portait sur le mode et les termes de référence au chapitre VII. Nous avons trouvé sur ce point une solution comme nous en avons trouvé sur les autres points, sinon je ne serais pas là, et nous n'aurions pas le point de presse.
Q - (Au sujet de l'attitude du président Milosevic)
R - Le président Milosevic comme le Parlement serbe, a dû accepter il y a quelques jours, le document présenté par le président Ahtisaari qui regroupait et qui symbolisait toutes nos exigences des dernières semaines. Il y a eu une action de l'ensemble des Alliés qui a été très vigoureuse et tenace à laquelle nous avons dû nous résoudre parce que les autres moyens n'avaient pas permis d'aboutir. Vous avez une situation précise. Vous saviez ce qui se passait au Kosovo. Vous savez ce qu'on a fait et à quoi nous sommes arrivés. Vous voyez bien que nous sommes dans un processus où nous sommes en train d'imposer la solution qui était notre but. Certes, nous allons rencontrer beaucoup de difficultés, c'est une tâche très compliquée que de rebâtir le Kosovo, d'y faire régner la liberté, la paix, la cohabitation, d'y poser le fondement d'une démocratie future. La tâche de la force va être extrêmement périlleuse, mais nous avons tous pris nos responsabilités. Je ne pense pas maintenant qu'il y ait des raisons particulières de se reposer la question que certains pouvaient se poser avant mais qui se pose dans les termes radicalement différents depuis que le président Milosevic a bien dû accepter. Notre travail à nous, c'est de consolider la mise en oeuvre chaque jour et de verrouiller les boulons.
Q - Quel sera le statut du Kosovo ? Un protectorat ?
R - Le Kosovo, en droit international, est une province de la Yougoslavie et nous avons toujours, à chaque occasion et à chaque élément de la solution - et encore aujourd'hui nous faisons référence à la souveraineté et à l'intégrité de la Yougoslavie - rappelé ces principes. On l'avait dit d'ailleurs également à Rambouillet, qui est évoqué aussi dans les documents. On s'apercevra que beaucoup d'éléments de la solution de Rambouillet trouvent une actualité, une importance aujourd'hui. Il n'y a donc pas eu de variation sur ce point : le Kosovo est un élément de la République fédérale de Yougoslavie et même de la République de Serbie. Simplement, compte tenu de la situation, compte tenu de se qui s'est passé, la communauté internationale agissant à travers le Conseil de sécurité a décidé qu'elle devait administrer de façon transitoire et de façon internationale le Kosovo.
Q - Qui va administrer ?
R - Le projet de résolution pour le Conseil de sécurité détermine que c'est le Secrétaire général qui nommera la personnalité, un représentant spécial ou un Secrétaire général adjoint qui sera à la tête du travail de mise en oeuvre civil. Naturellement cette personnalité devra associer étroitement toutes les organisations qui ont un rôle à jouer dans cette affaire, à commencer l'UE mais avec le HCR et d'autres organisations également.
Q - (inaudible).
R - Ce qui ne fait que renforcer le rôle du Secrétaire général de l'ONU, du Conseil de sécurité, comme nous le souhaitions.
Q - Des éléments de Rambouillet, reste-t-il encore le qualificatif de Kosovo multiethnique ?
R - Honnêtement, je ne sais plus si le mot revient, mais si le mot ne revient pas, l'idée est présente. Il a bien été dit que la fonction de la force était de protéger l'ensemble des habitants du Kosovo, quels qu'ils soient. Cela s'applique donc aussi bien aux Kosovars qui sont restés dans des conditions pénibles mais qui sont restés, qu'aux Kosovars qui reviendront puisque l'un des grands objectifs de tout cela est de leur permettre de revenir dans la sécurité et dans la paix. Cela s'applique aussi aux minorités serbes du Kosovo restées et aux autres minorités, puisque vous savez qu'il y a aussi d'autres minorités non serbes au Kosovo.
Q - Quelle est la durée envisagée pour cette administration ?
R - Il n'y a pas de durée envisagée parce qu'on ne peut pas la fixer de façon arbitraire - et vous comprendrez bien pourquoi. On ne peut pas dire de façon abstraite que cela va durer tout le temps. Simplement il y a un mécanisme d'examen périodique et régulier par le Secrétaire général et le Conseil de sécurité de la situation.
Q - Au sujet de l'arrêt des bombardements.
R - La concertation est en cours aujourd'hui sur ce qui concerne la suspension. Mais je voudrais rappeler que je reviens à mon idée de synchronisation. Tout est étroitement lié. Le vote de la résolution, la signature de l'accord de retrait, la suspension, le retrait, l'entrée de la force. Quand je parle de synchronisation depuis hier, c'est pour bien montrer tout cela, c'est dans une période extrêmement courte. Il y a le moins de délai possible entre les différents éléments.
Q - Y-a-t-il un engagement oral avec les Russes pour cesser les bombardements ?
R - Il y a un engagement de tous les participants à aller le plus possible au terme complet de la solution dans tous ses éléments, dont il ne faut dissocier aucun.
Q - Au sujet des combats qui continuent et des moyens d'arrêter les violences.
R - La seule réponse à votre question, c'est d'aller le plus vite possible vers la solution. C'est ce que nous faisons. L'action militaire était un élément, mais l'action politique, l'action diplomatique a toujours continué. Ces différentes formes d'action se sont toujours fortifiées les unes les autres. La seule réponse que l'on peut avoir par rapport aux inquiétudes sur la période actuelle et cette transition que je souhaite très courte, c'est d'aller le plus vite possible. C'est encore et encore la même réponse. C'est en obtenant très vite le vote de la résolution et l'engagement sur les autres points et la quasi simultanéité de mise en oeuvre de tous ces éléments que l'on sera en mesure de commencer notre tâche, très lourde mais indispensable et qui, je crois, marquera un vrai tournant historique pour la politique de l'Europe et le Kosovo de demain. Il faut aller le plus vite possible.
Q - Délai supplémentaire de retrait pour l'armée yougoslave.
R - Ce que nous exigeons, c'est un retrait complet d'abord. C'est un retrait aussi rapide qu'il est réaliste de le demander.
Q - Huit jours ?
R - Je ne sais pas. Je ne suis pas négociateur militaire et je n'ai pas tous les éléments sur le minage des routes et les carburants. Ce que nous voulons, c'est clair : nous voulons que cela ait lieu le plus vite possible. Bien sûr, les négociations techniques entre les responsables militaires de l'OTAN et les responsables militaire yougoslave tiendront compte des réalités que vous citez. Il faut tenir compte des routes minées. Dans le retrait il y a aussi le déminage. Il faut que ceux qui ont miné telle ou telle zone, frontière, itinéraire, aient déminé et donné les indications avant de sortir. Ce n'est pas nous qui avons traité cela. Nous avons fixé le cadre général. C'est très important. Nous avons toute l'architecture de la solution. Maintenant, c'est la discussion qui doit reprendre entre les responsables militaires de l'OTAN et ceux de la Yougoslavie.
Q - (Au sujet de la réécriture, aujourd'hui, du texte de la résolution)
R - Je pense qu'il y a eu 15 ou 20 versions depuis hier après-midi mais qui étaient des variations comme en musique, des variations sur un même thème, à partir d'une pensée qui restait toujours claire et nette et des exigences qui étaient toujours là au coeur. On a toujours été dans le respect des 5 principes, dans les principes généraux du G8, et en conformité complète avec le document remis par le président Ahtisaari. Mais à partir de cela, il y a toutes sortes de façons d'exprimer les choses, d'opérer les articulations, de recouper les phrases ou de les séparer. Il y a eu beaucoup de versions. Ce qui est important, c'est le texte final.
Q - (Au sujet de la reconstruction du Kosovo et de la Yougoslavie)
R - Il faut distinguer la question de l'aide à la reconstruction du Kosovo, qui a une dimension économique et presque encore plus aujourd'hui une dimension politique, démocratique et humanitaire. Cela fait longtemps que nous disons qu'elle doit être placée dans une vision plus large qui est la question de l'ensemble des Balkans. A cet égard, nous nous sommes beaucoup réjouis de voir la présidence allemande prendre l'initiative de synthétiser et de reprendre la quinzaine de plans, à peu près, qui avaient été mis en avant pour les Balkans et le Sud-Est de l'Europe et d'en tirer les meilleurs éléments touchant à la démocratisation, au développement, à la sécurité dans l'ensemble de la région. Ce qu'il faut, c'est une politique, une politique pour l'Europe en priorité, car c'est une partie de l'Europe. Je le répète souvent : il faut européaniser les Balkans, ce qui ne se fait pas du jour au lendemain. C'est une politique de longue haleine. Alors bien sûr, se pose la question de la Yougoslavie. Dans cette affaire - mise à part la question du Kosovo où la politique désastreuse des autorités de Belgrade a conduit à ce que la Communauté internationale soit obligée de le prendre en charge, en tout cas pour une période transitoire - on a toujours dit qu'on ne pourrait faire bénéficier de l'ensemble de ces programmes en préparation qu'une Serbie démocratique.
Q - Même si les Russes veulent participer à la reconstruction de la Serbie.
R - C'est différent, même si les Russes peuvent avoir une politique russe par rapport à la Serbie. Mais là je parle en tant qu'Européen. Voilà : je crois qu'on a fait le tour.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 10 juin 1999)
Depuis le début nous avions également dit qu'il fallait que ce soit une résolution sous chapitre VII. Ce qui veut dire que nous avions à travailler avec nos partenaires, les autres membres du Conseil permanent de sécurité, que nous avions à discuter avec nos partenaires occidentaux, européens ou de l'Alliance, que nous avions à négocier avec nos partenaires russes et avec les Chinois mais que nous n'avions pas à négocier avec les responsables yougoslaves à qui il s'agit d'imposer le règlement qui a été finalement retenu.
On peut dire aujourd'hui que les choses se passent exactement comme la France l'avait demandé depuis le début, comme elle l'avait souhaité, comme elle y a travaillé sans discontinuer. C'est pour cela que je peux tout à fait reprendre à mon compte les expressions employées tout à l'heure par M. Joschka Fischer, qui a présidé notre réunion en tant que président actuel du G8 au niveau des ministres, et qui a parlé d'une percée décisive qui vient consolider cet élément très important récent, quand les autorités yougoslaves, le président Milosevic et le Parlement ont accepté le document du président Ahtisaari, en tout cas présenté par lui, qui, lui-même, reprenait d'une façon rigoureuse les cinq points et ensuite les conclusions du premier G8 ministériel qui s'était tenu pour trouver une solution politique à cette crise.
Encore aujourd'hui on peut dire que le projet de résolution, - il faut dire projet jusqu'au moment précis de son adoption - qui a été travaillé par nous hier toute la journée et encore ce matin, est strictement conforme à tous les principes dont nous avons dit depuis le début qu'ils devaient fonder une solution juste et durable pour le Kosovo. Voilà donc le résultat extrêmement important qui a été obtenu aujourd'hui. Nous sommes maintenant exactement sur la même ligne, les membres du G8, les Occidentaux et les Russes. Ce qui veut dire que mis à part des problèmes de procédure ou des problèmes techniques, j'ai bon espoir que la résolution soit formellement votée dans des délais très courts.
Q - Mme Albright a dit dans la conférence de presse que le fait que l'OTAN soit le noyau de la future force de paix figurait en annexe du projet de résolution. Est-ce que cela signifie que c'est accessoire, secondaire, ou est-ce que cela forme un tout ?
R - Non. Dans la technique d'une résolution au Conseil de sécurité, le fait d'annexer un document à une résolution consiste au contraire à lui donner de la solennité et de l'importance. C'est un document qui vient donc en annexe de la résolution. Il y a au début un préambule aux articles de la résolution et dans le préambule il y a un article H qui rappelle les deux documents qui sont en annexe, c'est-à-dire les principes généraux pour la sortie de la crise adoptés le 6 mai lors de la première réunion des ministres du G8 à côté de Bonn, au Petersberg, et l'autre document mis en annexe, c'est le document remis à Belgrade par le président Ahtisaari. C'est au contraire une façon de lui donner le maximum de solennité et le maximum de force opérationnelle.
Q - Mais le mot OTAN figure-t-il dans la résolution en tant que telle ?
R - Le texte exact sera donné à New York. Je dois respecter les procédures.
Q - Est-ce qu'aujourd'hui à l'heure qu'il est il ne fait aucun doute que l'OTAN constituera le noyau dur de la force de paix au Kosovo ?
R - L'accord qui a eu lieu aujourd'hui entre les Occidentaux et les Russes démontre qu'il y a un agrément complet sur l'ensemble des mécanismes de la solution, y compris la force. Maintenant après le vote de la résolution, il y a un certain nombre de points qui seront à confirmer et à préciser sur l'ajustement des rôles des uns et des autres. Mais le cap de l'acceptation de ce principe est franchi.
Q - Pourtant Mme Albright a dit qu'il y aura un commandement OTAN. M. Ivanov a dit lui que ce n'était pas encore réglé et que c'était à discuter à New York, qu'en est-il ?
R - Le fait qu'il y ait un commandement, une chaîne de commandement OTAN et une force dont le coeur sera l'OTAN comme nous l'avons dit à chaque fois, est quelque chose qui est maintenant admis. Ce qui reste à discuter, ce sont les modalités exactes de la participation russe et les conditions exactes, éventuellement un peu particulières, de la participation russe.
Q - Les Russes ne sont pas revenus sur l'idée d'avoir un secteur précis pour le déploiement de la troupe ?
R - Il ne faut pas qu'il y ait de malentendu à propos de ce problème de secteur. Quand il faut remplir des tâches aussi difficiles que celle qui va être confiée à la KFOR, il faut d'une certaine façon répartir les tâches sur le territoire du Kosovo. Mais nous avons bien pris garde à chaque étape de la discussion et nous ferons encore attention jusqu'à la fin à ce que cette répartition des tâches ne devienne pas une répartition par secteur, encore moins par zone, et en tout cas que cela ne conduise pas à des politiques autonomes qui seraient différentes à un endroit et à un autre dans le Kosovo. Il est bien clair que le mécanisme mis en oeuvre doit aboutir à une approche unique des questions du Kosovo, avec une parfaite coordination et une seule conception d'ensemble. Il n'y aura pas deux politiques par rapport aux réfugiés. Il n'y aura pas plusieurs politiques par rapport à la question de la mise en oeuvre de cette situation d'autonomie et ensuite par rapport à la préparation de l'installation des nouvelles institutions. Il y aura une seule politique pour le Kosovo.
Maintenant, dans le cadre de la force, il y aura une répartition des uns et des autres dans des montages et des combinaisons à trouver. C'est un problème à la fois militaire et technique qui pourra être bouclé quand l'ensemble des pays qui sont en mesure de fournir des forces, auront précisé exactement ce qu'ils peuvent apporter. Mais il faut bien distinguer les deux choses. J'insiste : une discussion technique pour la répartition des tâches et l'organisation sur le terrain n'a pas de rapport avec des coupures en zones ou des coupures en secteurs. Il y aura un seul et unique Kosovo.
Q - Et en aucun cas toutes ces discussions militaires sur la composition, la chaîne de commandement, la répartition des tâches ne se discutent avec les militaires yougoslaves autour de la question du retrait ?
R - Non. Ce qui se discute avec des militaires yougoslaves, ce sont les conditions de la mise en oeuvre du retrait, dont le principe a été accepté à travers le document Ahtisaari. Tout cela étant reconfirmé et solennisé par cette résolution qui reprend tous les aspects de la solution, qui est le texte d'ensemble, qui est le texte générique par rapport à cela. Les discussions sont techniques, elles portent sur les modalités, sur le calendrier, sur les cheminements, sur le déminage, sur des questions de ce type. Il n'y a pas de renégociation à ce niveau, il n'y a pas de réouverture des négociations, certainement pas. Il n'y a pas de renégociation, encore moins maintenant qu'avant, des principes généraux du règlement.
Q - Vous avez déclaré hier soir à l'issue de ces huit heures de négociations qu'il pouvait toujours y avoir des reculades, des hésitations, des retards, des lenteurs, est-ce que malgré cet accord sur le projet de résolution, avec les Russes notamment, vous craignez encore de tels retards ou de telles hésitations sur les discussions à venir ?
R - Quand je vous parlais hier soir, je devais tenir compte d'éventuels problèmes qui auraient pu surgir pendant la nuit, pendant ces quelques heures que nous avions dû nous donner pour vérifier les dispositions de l'accord que nous étions en train de boucler. Aujourd'hui je peux être beaucoup plus sûr de la suite. Naturellement, il faut maintenant voter la résolution, il faut achever la négociation militaire-technique sur les conditions du retrait, et il faut achever de préparer le début de l'entrée de la KFOR. Il faudra que soit mis en oeuvre et précisément observé le début du retrait des forces serbes puis la suite, puis la fin du retrait par la suite. C'est par rapport à cela que nous avons eu des discussions, d'ailleurs compliquées, puisque les conditions que posaient les uns et les autres n'étaient pas les mêmes, que la chronologie n'était jamais la même et que par conséquent nous n'arrivions pas à enclencher la fameuse séquence de la mise en oeuvre. C'est pour cela qu'hier, j'ai proposé une approche aboutissant à une quasi-simultanéité en tout cas à une synchronisation très étroite de tous ces éléments pour que les revendications fondamentales - non pas des autorités yougoslaves, avec lesquelles je le répète nous n'avons pas renégocié, mais des participants au G8 - puissent se trouver satisfaites dans cet enchaînement. Ce qui fait que dans les heures et les jours qui viennent maintenant, il s'agit d'aboutir à l'adoption la plus rapide possible de la résolution par le Conseil de sécurité. Il y a une procédure à suivre, même si nous souhaitons qu'elle soit accélérée, mais en même temps, il faut avoir mené à leur terme les préparatifs des autres décisions clés que j'ai rappelées.
Q - Il n'y a pas de préalable ?
R - Non, il n'y a pas de préalable puisque justement nous avons dépassé les questions de préalable à travers une synchronisation qui aboutira à ce que les choses se passent à peu près en même temps. C'est comme cela que nous sommes sortis de l'impasse sur les préalables, puisque les préalables posés par les uns et par les autres n'étaient pas les mêmes. Donc nous arriverons à une solution qui va combiner l'achèvement de l'accord militaire de retrait, l'achèvement de la préparation du vote de la résolution, le début du retrait, les préparatifs d'entrée de la KFOR et la décision de suspension.
Q - Et si l'accord militaire de retrait patine ?
R - L'accord militaire de retrait ne devrait plus patiner dès lors que nous avons passé cet accord ici, puisque ce qu'il y avait dans les raisons de retard à propos de l'accord militaire sont d'une part quelques discussions techniques, - qu'on peut admettre et qui sont tout à fait solubles à ce niveau là de négociation -, d'autre part une ambiguïté par rapport à ce qui avait été accepté ou pas dans le document qui avait été remis par le président Ahtisaari. Cette ambiguïté disparaît complètement, elle n'est plus invocable. Elle ne peut plus être utilisée pour quelque retard que ce soit à partir du moment où l'accord a été fait au niveau au-dessus, c'est-à-dire les pays du G8 et ensuite le Conseil de sécurité et ensuite l'adoption de la résolution. Et l'adoption de la résolution, qui est maintenant à portée de la main devrait achever de débloquer les problèmes sur lesquels on avait pu buter.
Q - L'adoption interviendra-t-elle cette nuit ?
R - Je ne veux pas fixer de date parce que je veux respecter le rôle des différents membres du Conseil de sécurité et notamment de la Chine. Je rappelle que le président Ahtisaari est en ce moment à Pékin où il a des entretiens avec les autorités chinoises. Vous voyez que tous nos efforts, tous les efforts de toutes les diplomaties, tous les efforts de ce que l'on appelle parfois à tort, mais l'expression est vraie aujourd'hui, la communauté internationale, convergent vers ce seul et même objectif. Nous allons avancer. Maintenant il faut, à chaque fois qu'on franchit une étape décisive - c'était le cas la semaine dernière, c'est encore le cas ce matin - ne pas perdre de temps et concrétiser chaque élément.
La suite, je le répète, c'est : transmission au Conseil de sécurité, et dès que c'est possible vote, mais il faut que ce vote coïncide avec les autres éléments ayant eux-mêmes été portés chacun à maturation, et chaque responsable est entièrement mobilisé dans cette fin.
Q - Il semble que les Russes ce matin soient revenus avec des contre-propositions pour faire en sorte que les forces n'agissent pas sous chapitre VII mais sous chapitre VI ? Dans la résolution c'est le chapitre VII, est-ce qu'il y a des bémols, des conditions d'engagement de la force par exemple ?
R - Nous allons trouver une formulation pour montrer que nous agissons au titre du chapitre VII.
Q - Peut-il y avoir une restriction sur les armes qu'emporteront les soldats de la force de paix ?
R - Non, il n'y a aucune restriction. Ce n'est pas quelque chose qui est en quelque sorte entravé par la résolution. La résolution, c'est un règlement cadre, c'est l'élément fondamental. C'est ce qui exprime la légitimité, la légalité internationale, la cohérence entre tous les grands pays qui composent le Conseil de sécurité. Après, il y a toujours des problèmes de mise en oeuvre, on peut toujours aller plus loin dans le détail. En tout cas, il n'y a rien dans la résolution qui comporte une entrave sur ce plan. La discussion portait sur le mode et les termes de référence au chapitre VII. Nous avons trouvé sur ce point une solution comme nous en avons trouvé sur les autres points, sinon je ne serais pas là, et nous n'aurions pas le point de presse.
Q - (Au sujet de l'attitude du président Milosevic)
R - Le président Milosevic comme le Parlement serbe, a dû accepter il y a quelques jours, le document présenté par le président Ahtisaari qui regroupait et qui symbolisait toutes nos exigences des dernières semaines. Il y a eu une action de l'ensemble des Alliés qui a été très vigoureuse et tenace à laquelle nous avons dû nous résoudre parce que les autres moyens n'avaient pas permis d'aboutir. Vous avez une situation précise. Vous saviez ce qui se passait au Kosovo. Vous savez ce qu'on a fait et à quoi nous sommes arrivés. Vous voyez bien que nous sommes dans un processus où nous sommes en train d'imposer la solution qui était notre but. Certes, nous allons rencontrer beaucoup de difficultés, c'est une tâche très compliquée que de rebâtir le Kosovo, d'y faire régner la liberté, la paix, la cohabitation, d'y poser le fondement d'une démocratie future. La tâche de la force va être extrêmement périlleuse, mais nous avons tous pris nos responsabilités. Je ne pense pas maintenant qu'il y ait des raisons particulières de se reposer la question que certains pouvaient se poser avant mais qui se pose dans les termes radicalement différents depuis que le président Milosevic a bien dû accepter. Notre travail à nous, c'est de consolider la mise en oeuvre chaque jour et de verrouiller les boulons.
Q - Quel sera le statut du Kosovo ? Un protectorat ?
R - Le Kosovo, en droit international, est une province de la Yougoslavie et nous avons toujours, à chaque occasion et à chaque élément de la solution - et encore aujourd'hui nous faisons référence à la souveraineté et à l'intégrité de la Yougoslavie - rappelé ces principes. On l'avait dit d'ailleurs également à Rambouillet, qui est évoqué aussi dans les documents. On s'apercevra que beaucoup d'éléments de la solution de Rambouillet trouvent une actualité, une importance aujourd'hui. Il n'y a donc pas eu de variation sur ce point : le Kosovo est un élément de la République fédérale de Yougoslavie et même de la République de Serbie. Simplement, compte tenu de la situation, compte tenu de se qui s'est passé, la communauté internationale agissant à travers le Conseil de sécurité a décidé qu'elle devait administrer de façon transitoire et de façon internationale le Kosovo.
Q - Qui va administrer ?
R - Le projet de résolution pour le Conseil de sécurité détermine que c'est le Secrétaire général qui nommera la personnalité, un représentant spécial ou un Secrétaire général adjoint qui sera à la tête du travail de mise en oeuvre civil. Naturellement cette personnalité devra associer étroitement toutes les organisations qui ont un rôle à jouer dans cette affaire, à commencer l'UE mais avec le HCR et d'autres organisations également.
Q - (inaudible).
R - Ce qui ne fait que renforcer le rôle du Secrétaire général de l'ONU, du Conseil de sécurité, comme nous le souhaitions.
Q - Des éléments de Rambouillet, reste-t-il encore le qualificatif de Kosovo multiethnique ?
R - Honnêtement, je ne sais plus si le mot revient, mais si le mot ne revient pas, l'idée est présente. Il a bien été dit que la fonction de la force était de protéger l'ensemble des habitants du Kosovo, quels qu'ils soient. Cela s'applique donc aussi bien aux Kosovars qui sont restés dans des conditions pénibles mais qui sont restés, qu'aux Kosovars qui reviendront puisque l'un des grands objectifs de tout cela est de leur permettre de revenir dans la sécurité et dans la paix. Cela s'applique aussi aux minorités serbes du Kosovo restées et aux autres minorités, puisque vous savez qu'il y a aussi d'autres minorités non serbes au Kosovo.
Q - Quelle est la durée envisagée pour cette administration ?
R - Il n'y a pas de durée envisagée parce qu'on ne peut pas la fixer de façon arbitraire - et vous comprendrez bien pourquoi. On ne peut pas dire de façon abstraite que cela va durer tout le temps. Simplement il y a un mécanisme d'examen périodique et régulier par le Secrétaire général et le Conseil de sécurité de la situation.
Q - Au sujet de l'arrêt des bombardements.
R - La concertation est en cours aujourd'hui sur ce qui concerne la suspension. Mais je voudrais rappeler que je reviens à mon idée de synchronisation. Tout est étroitement lié. Le vote de la résolution, la signature de l'accord de retrait, la suspension, le retrait, l'entrée de la force. Quand je parle de synchronisation depuis hier, c'est pour bien montrer tout cela, c'est dans une période extrêmement courte. Il y a le moins de délai possible entre les différents éléments.
Q - Y-a-t-il un engagement oral avec les Russes pour cesser les bombardements ?
R - Il y a un engagement de tous les participants à aller le plus possible au terme complet de la solution dans tous ses éléments, dont il ne faut dissocier aucun.
Q - Au sujet des combats qui continuent et des moyens d'arrêter les violences.
R - La seule réponse à votre question, c'est d'aller le plus vite possible vers la solution. C'est ce que nous faisons. L'action militaire était un élément, mais l'action politique, l'action diplomatique a toujours continué. Ces différentes formes d'action se sont toujours fortifiées les unes les autres. La seule réponse que l'on peut avoir par rapport aux inquiétudes sur la période actuelle et cette transition que je souhaite très courte, c'est d'aller le plus vite possible. C'est encore et encore la même réponse. C'est en obtenant très vite le vote de la résolution et l'engagement sur les autres points et la quasi simultanéité de mise en oeuvre de tous ces éléments que l'on sera en mesure de commencer notre tâche, très lourde mais indispensable et qui, je crois, marquera un vrai tournant historique pour la politique de l'Europe et le Kosovo de demain. Il faut aller le plus vite possible.
Q - Délai supplémentaire de retrait pour l'armée yougoslave.
R - Ce que nous exigeons, c'est un retrait complet d'abord. C'est un retrait aussi rapide qu'il est réaliste de le demander.
Q - Huit jours ?
R - Je ne sais pas. Je ne suis pas négociateur militaire et je n'ai pas tous les éléments sur le minage des routes et les carburants. Ce que nous voulons, c'est clair : nous voulons que cela ait lieu le plus vite possible. Bien sûr, les négociations techniques entre les responsables militaires de l'OTAN et les responsables militaire yougoslave tiendront compte des réalités que vous citez. Il faut tenir compte des routes minées. Dans le retrait il y a aussi le déminage. Il faut que ceux qui ont miné telle ou telle zone, frontière, itinéraire, aient déminé et donné les indications avant de sortir. Ce n'est pas nous qui avons traité cela. Nous avons fixé le cadre général. C'est très important. Nous avons toute l'architecture de la solution. Maintenant, c'est la discussion qui doit reprendre entre les responsables militaires de l'OTAN et ceux de la Yougoslavie.
Q - (Au sujet de la réécriture, aujourd'hui, du texte de la résolution)
R - Je pense qu'il y a eu 15 ou 20 versions depuis hier après-midi mais qui étaient des variations comme en musique, des variations sur un même thème, à partir d'une pensée qui restait toujours claire et nette et des exigences qui étaient toujours là au coeur. On a toujours été dans le respect des 5 principes, dans les principes généraux du G8, et en conformité complète avec le document remis par le président Ahtisaari. Mais à partir de cela, il y a toutes sortes de façons d'exprimer les choses, d'opérer les articulations, de recouper les phrases ou de les séparer. Il y a eu beaucoup de versions. Ce qui est important, c'est le texte final.
Q - (Au sujet de la reconstruction du Kosovo et de la Yougoslavie)
R - Il faut distinguer la question de l'aide à la reconstruction du Kosovo, qui a une dimension économique et presque encore plus aujourd'hui une dimension politique, démocratique et humanitaire. Cela fait longtemps que nous disons qu'elle doit être placée dans une vision plus large qui est la question de l'ensemble des Balkans. A cet égard, nous nous sommes beaucoup réjouis de voir la présidence allemande prendre l'initiative de synthétiser et de reprendre la quinzaine de plans, à peu près, qui avaient été mis en avant pour les Balkans et le Sud-Est de l'Europe et d'en tirer les meilleurs éléments touchant à la démocratisation, au développement, à la sécurité dans l'ensemble de la région. Ce qu'il faut, c'est une politique, une politique pour l'Europe en priorité, car c'est une partie de l'Europe. Je le répète souvent : il faut européaniser les Balkans, ce qui ne se fait pas du jour au lendemain. C'est une politique de longue haleine. Alors bien sûr, se pose la question de la Yougoslavie. Dans cette affaire - mise à part la question du Kosovo où la politique désastreuse des autorités de Belgrade a conduit à ce que la Communauté internationale soit obligée de le prendre en charge, en tout cas pour une période transitoire - on a toujours dit qu'on ne pourrait faire bénéficier de l'ensemble de ces programmes en préparation qu'une Serbie démocratique.
Q - Même si les Russes veulent participer à la reconstruction de la Serbie.
R - C'est différent, même si les Russes peuvent avoir une politique russe par rapport à la Serbie. Mais là je parle en tant qu'Européen. Voilà : je crois qu'on a fait le tour.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 10 juin 1999)