Déclaration de M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères, sur les relations franco-angolaises, à Luanda le 1er mars 2018.

Prononcé le 1er mars 2018

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Circonstance : Allocution devant la communauté française, à Luanda (Angola) le 1er mars 2018

Texte intégral


Monsieur l'Ambassadeur,
Monsieur le Conseiller consulaire,
Mes chers compatriotes,
Je voudrais d'abord vous remercier d'avoir répondu à mon invitation dans une période de vacances scolaires. C'est mon premier déplacement en Angola mais je compte bien vous revoir encore à l'avenir et pouvoir rencontrer ceux d'entre vous qui n'ont pu être là aujourd'hui en raison des vacances scolaires.
C'est, je le disais, mon premier déplacement en Angola, c'est loin d'être mon premier déplacement en Afrique mais dans ma vie antérieure, je me rendais plutôt sur des pays un peu fragiles ou un peu chauds et l'Angola ne faisait pas partie de ceux-là. Je suis heureux aujourd'hui d'être ici à Luanda, de vous saluer, vous qui êtes les acteurs du partenariat entre la France et l'Angola.
Ce partenariat connaît une dynamique nouvelle et très prometteuse. Il y a d'abord eu la visite effectuée par le président Dos Santos en 2014, suivie de peu par celle du président François Hollande à Luanda en 2015, cela marquait déjà à l'époque la volonté de nos deux pays de tourner la page du passé et d'ouvrir de nouvelles perspectives. Cette ambition que nous avons pour la relation franco-angolaise a trouvé un nouveau souffle avec l'engagement du président de la République de rénover d'une manière générale notre relation avec les pays africains, notamment les pays non francophones dans la continuité des engagements qu'a pris Emmanuel Macron dans le désormais fameux discours de Ouagadougou. Mais cette nouvelle relation qui correspond à la nouvelle phase de la vie politique française correspond aussi à un nouvel élan marqué par le président Lourenço depuis son investiture en septembre dernier. Je n'avais pas pu m'y rendre et le secrétaire d'Etat Jean-Baptiste Lemoyne était venu représenter la France et avait eu l'occasion de vous rencontrer.
C'est une nouvelle phase dans laquelle il faut que nous nous inscrivions, une nouvelle phase qui correspond à de nouvelles donnes, à la fois ici en Angola et en France. Cette nouvelle phase va se poursuivre puisque le président Lourenço a accepté tout à l'heure, lors de notre entretien, de répondre à l'invitation du président Macron pour effectuer une visite d'Etat à Paris, vraisemblablement le 28 mai, et c'est bientôt. Evidemment, le président Macron répondra à l'invitation du président Lourenço de lui rendre cette visite, ici en Angola.
Je suis venu pour marquer cette ambition de rénover notre relation avec l'Angola. L'Angola est un grand pays, un pays plein de potentialités, un pays d'avenir avec lequel nous avons et nous aurons beaucoup d'intérêts partagés. C'est aussi une puissance régionale, une puissance respectée et écoutée avec laquelle nous voulons entretenir un dialogue régulier et confiant. C'est le message que j'ai adressé ce matin au président Lourenço et au ministre des relations extérieures Manuel Agusto. Lors de ces entretiens, nous avons évoqué les questions de sécurité régionale, en particulier les situations en RDC et en République centrafricaine sur lesquelles nos deux pays sont particulièrement mobilisés et particulièrement soucieux de faire en sorte que la sérénité et la paix intérieure soient respectées. Nous agissons ensemble sur ces deux dossiers sensibles.
Parmi les nombreux sujets d'intérêts communs, nous avons évoqué aussi la question de la sécurité maritime, la mise en place des accords de Yaoundé et de la charte de Lomé, et plus largement, les perspectives de coopérations renforcées dans le domaine de la défense. Je pense que nous serons en mesure de signer un accord de coopération de défense, lors de la venue du président Lourenço à Paris au mois de mai. Ce n'est pas encore achevé mais tout me laisse à penser que nous pourrons être présents à ce rendez-vous.
Nous avons aussi évoqué assez longuement les questions économiques et j'ai rappelé la volonté de la France de renforcer sa présence en Angola, au service de la diversification économique souhaitée par les autorités de Luanda. Bien sûr, la France est présente depuis longtemps, elle est présente en particulier dans le pétrole, mais pas uniquement et vous êtes là d'ailleurs pour en témoigner. Beaucoup d'entre vous travaillent ici pour les 70 entreprises françaises déjà établies en Angola mais il y a aujourd'hui d'autres ambitions et il faut que nous soyons à ce rendez-vous. Je pense entre autres à l'agriculture et à l'agro-alimentaire qui a sans doute été l'élément central de tous les entretiens que j'ai pu avoir aujourd'hui. Je pense aussi à l'énergie, à l'eau, aux transports, au tourisme et je n'oublie évidemment pas le secteur pétrolier et parapétrolier ; je sais que la situation économique est aujourd'hui moins facile en raison de la crise du pétrole, mais ces difficultés conjoncturelles constituent aussi une opportunité en invitant nos partenaires angolais à accentuer la diversification de leur économie qui, potentiellement, est source pour nous de nouveaux marchés.
Nous avons aujourd'hui signé plusieurs accords, l'un sur les services aériens que je ne commenterai pas, mais certains d'entre vous sauront pourquoi, qui permettra néanmoins de garantir les échanges grâce à la troisième fréquence d'Air-France.
Nous avons aussi signé un accord dans le domaine de l'agriculture, un accord important qui offre les bases pour un renforcement de notre coopération dans ce domaine vraiment prioritaire pour l'avenir de l'Angola. Nous avons échangé un document qui maintenant nous donne une feuille de route pour l'action. L'excellence des entreprises françaises, mais aussi l'excellence des formations que nous pouvons offrir dans ce domaine essentiel. Cette excellence est reconnue et ce document nous trace le chemin qu'il nous faut pour suivre ensemble. Enfin nous avons signé un accord dans le domaine du tourisme où, là encore, notre pays et nos entreprises possèdent l'expertise nécessaire pour accompagner le développement d'un secteur potentiellement très riche, mais qui est pour l'instant ici assez balbutiant.
Et puis, comme vous le savez, l'agence française de développement, après de nombreuses années d'absence, est désormais de retour en Angola, je suis venu ici avec son directeur général, Rémi Rioux, qui est près de moi. L'AFD intervient déjà à hauteur de 150 millions de dollars en soutien à un projet dans le secteur de l'eau, l'AFD est déjà en train d'instruire, en partenariat avec la Banque mondiale, un nouveau projet de soutien au développement de l'agriculture commerciale en Angola.
Tout me laisse à penser que cela fera aussi partie des signatures et des accords du 28 mai. Et puis l'AFD a décidé, en réponse aux questions et aux interrogations de la partie angolaise, d'octroyer une subvention de 500.000 euros pour pouvoir identifier les projets de développement du futur. Il s'agit d'avancées concrètes de la journée qui montrent notre confiance dans l’avenir et le développement de l'Angola.
Dans cet ensemble-là, je pense que, ce sur quoi il faudra que nous mettions l'accent dans l'avenir, c'est sur les questions de formations. Parce que c'est sans doute - les entretiens que j'ai eus avec certains d'entre vous cet après-midi, puisque j'ai pu rencontrer plusieurs représentants d'entreprises présentes ici dans un échange je crois fructueux - cette question de la formation - pas de la formation supérieure -, de la formation de technicien, qui est certainement au centre des capacités de développement de l'Angola.
Avec tout cela, je n'ignore pas, et je m'en suis rendu compte, les difficultés auxquelles sont confrontés les entreprises ou les ressortissants français. Je pense aux questions liées aux visas, j'ai compris, et pour ne pas mettre ma main dans cette affaire mais néanmoins merci de l'avoir rappelé avec beaucoup de précisions et d'opportunités ; je pense au permis de conduire qui vous soucie, dont je reconnais le côté un peu abracadabrantesque ; je pense surtout aux difficultés liées à la non-convertibilité du Kwanza.
Toutes ces questions ont été, presque toutes, été abordées dans les entretiens que j'ai pu avoir ce matin, et singulièrement ce matin et ce midi, et singulièrement la question de la non-convertibilité du Kwanza. Parce que, si nous voulons avoir, je l'ai dit tout à l'heure aux chefs d'entreprise, une relation nouvelle avec l'Angola, il faut qu'il y ait des signes de confiance, cela marche dans les deux sens. Et je souhaite que les autorités angolaises l'aient bien compris, en tout cas je l'ai dit avec grande clarté au président de la République.
Mais la présence de la France en Angola, c'est aussi la présence du français et de l'offre culturelle française en Angola, et je suis très heureux de vous rencontrer aujourd'hui dans ce lieu qui rappelle combien le rôle de nos établissements d'enseignement français à l'étranger est essentiel pour nos communautés expatriées mais pas uniquement pour elles. Et la France est aujourd'hui le seul pays au monde à consacrer un effort aussi important pour permettre à notre langue, à notre culture de rayonner à travers le monde et particulièrement en Afrique.
Et le lycée de Luanda en est un exemple marquant, bientôt 1000 élèves pour qui ce lycée garantit à tous les enfants français un enseignement de qualité et permet, et c'est fondamental, à de nombreux enfants angolais et étranger d'avoir accès à notre système éducatif. Et le partage des cultures fait la force de ce lycée, je m'en réjouis car c'est à travers les générations futures, de jeunes Angolais que nous pourrons construire l'avenir de notre relation.
Je voulais remercier les personnels du lycée, ceux qui ne sont pas en vacances, ainsi que l'association des parents d'élèves qui assument en partenariat avec l'AEFE la gestion de ces établissements.
Il va y avoir une réforme de l'ensemble de ce dispositif. Mais la réforme, ce n'est pas une réforme en retrait, c'est une réforme ambitieuse pour permettre de répondre à cette double situation que nous constatons partout dans le monde, que vous constatez ici : sur le fait qu'il y a de plus en plus de Français qui vont s'installer à l'étranger pour une période de leur vie professionnelle, et c'est tant mieux ; et sur le fait aussi qu'il y a de plus en plus de demandes de Français là où il y a des lycées. Donc, il va falloir répondre à tout cela en étant en même temps maître de nos dépenses publiques. Ce n'est pas contradictoire mais cela suppose peut-être de revoir ce qui était jusqu'à présent le modèle, qu'il est nécessaire d'adapter en gardant cette volonté que je viens d'exprimer et cette nouvelle ambition que je souhaite donner, que le président de la République souhaite donner à l'AEFE. On fera cela en partenariat dans le courant de l'année 2018-2019 pour une mise en oeuvre un peu plus tard.
Je veux saluer aussi le travail de l'Alliance française, qui joue un rôle important dans la vie culturelle de Luanda, et celui de toutes les associations de bénévoles qui contribuent à l'animation de la communauté française et à son ouverture sur les milieux angolais. J'ai rencontré il y a un instant, ils sont présents là, des anciens - anciens, pas en âge, anciens parce qu'ils ont été récemment dans nos établissements - étudiants qui, grâce au dispositif d'accompagnement que la France a mis en place, ont décidé de se relier entre eux pour promouvoir à la fois leur expérience, pour attirer d'autres candidatures et promouvoir l'image de la France, et je m'en réjouis.
Je voudrais par ailleurs saluer le travail précieux de notre ambassade, sous la conduite de Sylvain Itté que je salue avec beaucoup d'amitié. J'ai pu rencontrer très rapidement une partie des personnels qui y travaillent, je sais leurs difficultés quotidiennes, j'ai pu constater leur cadre de vie et je sais aussi la force de leur détermination au service de la France.
Voilà ce que je voulais vous dire, Mesdames et Messieurs. Nous sommes à une période importante dans nos relations avec ce pays. Les éléments sont en train de se réunir pour qu'elles prennent un nouveau souffle. Il y a une volonté politique partagée de part et d'autre, mais cette volonté politique ne peut se concrétiser que s'il y a des acteurs et vous êtes, vous, parmi les acteurs prioritaires. Donc, je compte sur vous pour faire en sorte que cette nouvelle relation entre la France et l'Angola soit à la hauteur de nos ambitions.
Vive la France ! Vive l'Angola ! Vive l'amitié entre la France et l'Angola !
Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 28 mars 2018