Texte intégral
Monsieur l'Ambassadeur,
Mes Chers Compatriotes,
Ouagadougou a été une nouvelle fois touchée par le terrorisme, et la France une nouvelle fois a été visée. Il est rare, il est même exceptionnel qu'une ambassade de France soit la cible d'une attaque de ce type avec cette fois l'assaut d'un vrai commando.
Et les terroristes, même s'ils ont échoué, ont envoyé un message auquel le président de la République a répondu avec détermination : nous ne céderons pas à l'intimidation. Et nous resterons aux côtés du Burkina Faso et du peuple burkinabè, c'est ce que je suis venu dire en me déplaçant à Ouagadougou deux semaines après que quatre terroristes ont tenté de s'en prendre à notre représentation diplomatique, tandis que quatre autres semaient la mort et la destruction au coeur de l'état-major général des armées du Burkina Faso.
Depuis plusieurs années déjà, le ministère des affaires étrangères a pris la mesure de la menace terroriste au Sahel en renforçant la sécurité des emprises diplomatiques et il n'y a eu aucune victime française il y a quinze jours. Et s'il n'y a eu aucune victime française, c'est grâce au courage des militaires qui ont mis les terroristes hors d'état de nuire et je tiens ici, ce soir à leur rendre un hommage particulier et vous pouvez les applaudir.
Si nous avons évité le pire aussi, c'est parce que des efforts ont été faits depuis plusieurs années pour renforcer la sécurité passive de nos emprises, et notamment de l'ambassade de France à Ouagadougou. La sécurité passive s'est révélée judicieuse. Il y a eu aussi des initiatives prises concernant la sécurité passive dans certains lieux emblématiques de la communauté française, que ce soit l'institut français ou le lycée Saint-Exupéry ainsi que l'école primaire. Les recommandations avaient été suivies des faits, des travaux ont été menés. Cependant je considère que cette sécurité passive est encore insuffisante, et j'ai diligenté, deux jours après - je crois - l'attentat, une mission ici pour vérifier l'état précis des normes de sécurité et des normes qu'il fallait mettre en oeuvre.
Nous allons renforcer nos dispositifs, même si heureusement ce qui avait été mis en oeuvre antérieurement a permis aussi d'éviter un drame. C'est vrai pour l'institut français, c'est vrai aussi pour le lycée. Les préconisations ont été faites par la mission de la direction de la sécurité diplomatique que j'ai diligentée. Il y a eu des propositions de certains parents d'élèves qui ont fait parvenir à l'ambassade des suggestions constructives.
Donc, nous allons mettre en oeuvre au moins ce qui est de notre ressort. À la fois du ressort de l'association des parents d'élèves, ressort de l'AEFE mais aussi du ressort de l'ambassade et puis aussi du ressort des autorités du Burkina Faso. Et j'ai évoqué au plus haut niveau, c'est-à-dire il y a un instant avec le président Kaboré, aussi cette question qui n'est pas secondaire, et je sais que vous êtes à raison très préoccupés par cet aspect. Je crois avoir été entendu, en tout cas il y aura là aussi des initiatives qui seront prises dans les jours qui viennent.
Puis la sécurité cela passe aussi par l'action de tous. Je pense aux restaurateurs, aux hôteliers qui ont pris des mesures pour renforcer la sécurité de leurs établissements. Je pense aussi à la nécessité de faire en sorte que les conseils aux voyageurs soient pertinents. Il ne faut pas se cacher devant les réalités, il y a des risques de menace, vous le savez, et donc il faut mettre à jour en permanence, en fonction des informations qui nous reviennent les mesures ou les indications voire les contraintes que nous devons afficher pour garantir cette sécurité.
Cette sécurité, cela veut dire aussi que des sécurités en personnels spécifiques, et des initiatives complémentaires seront prises à cet égard. Je voulais vous le dire parce que j'imagine le traumatisme que ces évènements ont pu provoquer chez vous, pas uniquement ceux qui l'ont vécu directement mais ce que vous avez pu ressentir en étant informés de cette situation. Cette prudence doit vous permettre, doit nous permettre de poursuivre votre vie et notre présence et notre vie ici dans ce pays que vous aimez.
Et la France restera fidèle aux engagements pris par le président de la République lors de sa récente visite ici lors de son discours à l'université.
Et je vais vous dire avec force ce que je viens de dire au président Kaboré : nous poursuivrons notre action de coopération sur les bases que nous avons déjà identifiées, nous soutiendrons les ONG engagées dans le processus de développement, nous développerons les échanges universitaires, nous inaugurerons la Maison de la jeunesse et de l'innovation, nous resterons aux côtés des forces de sécurité burkinabè et des pays du G5 Sahel. Bref, ce n'est pas parce qu'il y a eu cet attentat que l'on va changer de cap. Nous maintiendrons ce cap avec beaucoup de détermination, c'est la bonne réponse à donner au terrorisme.
Je suis aussi venu vous dire que je comptais sur vous pour maintenir ce cap. La détermination de nos deux Etats est là, je viens la relayer, mais il faut aussi que votre volonté soit dans l'accompagnement et je suis convaincu que vous serez au rendez-vous de cette nécessité.
En Europe comme au Sahel, la menace terroriste traverse les frontières, cette menace terroriste qui prend différents visages. C'est vrai, le terrorisme est lié au radicalisme islamiste, mais vous savez aussi très bien, comme moi, que c'est aussi parfois le narco-terrorisme, que c'est le terrorisme de tous les trafics, que tout cela se mélange, que tout cela est poreux et que cela va de l'un à l'autre dans une dynamique néfaste et criminelle. C'est cet ensemble-là qu'il nous faut combattre.
Nous avons eu, ce matin à Niamey, une réunion importante sur ce sujet. Antérieurement, à Bruxelles, une réunion majeure a permis de valider le concept de force conjointe du G5 Sahel et a permis aussi aux forces des cinq pays du Sahel de se conforter, de travailler ensemble, d'initier ensemble. Ce qui n'est d'ailleurs pas évident parce que proposer aux pays du Sahel de prendre une partie de leurs forces armées pour les mettre ensemble pour avoir une force spécifique, c'est une mutation culturelle considérable ; imaginez qu'en Europe on n'est pas au début du commencement de cela, même si on veut une Europe de la défense. Là, on l'a : cinq pays qui disent "on met ensemble une partie de nos forces avec un commandement unique". Cela suppose un accompagnement, cela suppose un soutien. Et cela veut dire aussi que c'est le début de la prise en charge de leur sécurité par les Africains eux-mêmes et ce mouvement-là doit être impérativement soutenu.
Nous devons donc poursuivre cette action qui, depuis quelques jours et même quelques semaines, commence à marquer des points, à avoir des victoires significatives, à permettre la dissuasion de ses acteurs.
Cette initiative-là n'aura pas de sens si, en même temps, nous ne poursuivions pas ce que l'on a appelé l'Alliance pour le Sahel, c'est-à-dire cet effort important de développement que nous devons mener sur les "nord" de ces pays membres du G5 Sahel afin que les jeunes de ces territoires puissent retrouver un destin, une perspective, un projet. C'est ce G5 Sahel Alliance que nous conforterons le 30 juin prochain par une réunion spécifique présidée par le président Macron à Nouakchott pour faire en sorte que ces projets-là puissent se conjuguer, se vérifier et s'initier.
Nous voulons, concernant le développement, que ce soit efficace par un changement de méthode et que les projets annoncés soient les projets engagés. Je viendrai moi-même m'en rendre compte ici comme ailleurs, pour nous assurer qu'à côté de la partie militaire indispensable pour la sécurité, il y ait aussi la partie projets et la partie développement à laquelle, je sais, vous êtes profondément attachés.
Voilà, Mesdames et Messieurs, ce que je voulais vous dire, mes Chers Compatriotes, dans ce passage bref, qui était à la fois un passage de solidarité et de soutien, vous dire que je comptais sur vous pour cette dynamique-là et que je vous souhaitais une grande détermination, un grand sang-froid, que vous avez su montrer, et une volonté collective d'être au rendez-vous de l'amitié entre la France et le Burkina Faso.
Vive la République ! Vive la France ! Merci.
Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 28 mars 2018