Texte intégral
Madame la Ministre, Chère Frédérique Vidal,
Madame la Directrice générale, Chère Audrey Azoulay,
Madame la Secrétaire exécutive de la Convention cadre des Nations unies pour le changement climatique, chère Patricia Espinosa,
Monsieur le Secrétaire général de l'Organisation météorologique mondiale, Cher Petteri Taalas,
Monsieur le Président du GIEC, cher Hoesung Lee,
Mesdames et Messieurs les Délégués,
Je suis très heureux de conclure les interventions liminaires de la 47e session plénière du Groupe intergouvernemental d'experts sur l'évolution du climat, réunis ici dans ce beau lieu - dans tous les sens du terme - de l'UNESCO. Merci Madame la Directrice générale, je suis heureux de participer à cette session inaugurale de votre 30ème anniversaire. Vous en aviez accepté le principe lors de la session précédente à Montréal, en septembre dernier, et je tiens à vous remercier de votre confiance.
Avant toutes choses, je tiens à réaffirmer le soutien de la France à vos travaux. Leur importance n'est plus à démontrer. Vous avez été le fer de lance de la prise de conscience mondiale face au réchauffement climatique. Vous êtes devenus la conscience scientifique et intellectuelle de notre engagement politique à lutter contre cette menace sur l'avenir de notre planète et de ses peuples. Ma collègue Frédérique Vidal l'a souligné en rappelant qu'il y a dix ans déjà, vos travaux et le plaidoyer de l'ex-vice-président des Etats-Unis Al Gore recevaient le Prix Nobel de la Paix.
Vous connaissez l'engagement de la France pour la mise en oeuvre de l'Accord de Paris. Cet Accord est un bien commun que nous devons poursuivre et approfondir. Le processus que nous avons engagé est irréversible, comme en témoigne le nombre croissant d'Etats qui l'ont ratifié. Pour autant, il risque d'être encore insuffisant si on le rapporte aux projections de la communauté scientifique. Vous le savez bien, Monsieur le Président du GIEC, vous dont les travaux sont là pour maintenir notre vigilance et nous inciter à faire davantage.
À plusieurs reprises, que ce soit à la COP23 à Bonn le 15 novembre dernier ou encore lors du Sommet One Planet Summit le 12 décembre à Paris, le président de la République française a rappelé que le changement climatique est le défi le plus fondamental que nous avons à relever. Les conséquences sont déjà très lourdes pour beaucoup de pays, les Etats insulaires, les Etats les moins avancés et les plus vulnérables, mais aussi, et nous l'avons vu à plusieurs reprises l'an dernier, les Etats développés dont la richesse ne sera jamais un rempart suffisant face à l'extrême violence des conséquences du changement climatique.
Certains essayaient de se rassurer en constatant une stabilisation des émissions de gaz à effet de serre ces dernières années. Il ne s'agissait en réalité que d'une situation passagère. Les dernières estimations pour l'année 2017 confirment que nous avons émis davantage de gaz à effet de serre que l'année précédente. Cela ne veut pas dire que les efforts nous avons déjà accomplis sont vains ; nous sommes sur la bonne voie mais nous avançons de façon encore trop lente, trop modeste au regard des enjeux.
Au rythme global de nos émissions, si nous en restons à la mise en oeuvre en l'état de nos contributions nationales, nous aboutirons à une hausse de plus de 3°C d'ici la fin du siècle.
Nous ne pouvons nous y résoudre.
Pour réussir face à ce défi, il n'y a pas d'alternative à des changements en profondeur l'organisation de la vie économique et sociale. Il s'agit de changements structurels plus radicaux que ceux qui ont été collectivement décidés en 2015. Nous avons, alors, seulement paré au plus pressé. Ce n'est pas rien, mais il nous faut désormais réformer nos modes de production et de consommation, renouveler nos modes de déplacement, modifier notre relation aux ressources naturelles.
C'est, vous le savez, un des enjeux du Plan Climat adopté par le gouvernement français en juillet 201. Le ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire, vous en parlera cet après-midi.
Convaincre tous les gouvernements du monde de s'engager dans le sens de cette transformation globale n'est pas chose aisée. L'inertie des habitudes prises depuis des décennies, mais aussi, il ne faut pas le sous-estimer, la difficulté que représentent ces changements, freinent l'innovation et empêchent les transformations en profondeur.
C'est pourquoi seule la volonté politique est à même de changer la donne. Nous en avons encore fait la démonstration lors du Sommet sur l'Alliance solaire internationale dimanche dernier à New Delhi, co-présidé par le Premier ministre indien Narendra Modi et le président de la République. En soutien des 121 projets initiaux et pour participer à l'effort de réduction des coûts liés à l'énergie solaire, la France s'est engagée aux côtés de ses partenaires à hauteur d'un milliard d'euros en prêts et dons de l'AFD, d'ici à 2022.
Le 30e anniversaire du GIEC - dont les commémorations auront lieu aujourd'hui même sous votre présidence, Cher Professeur Lee - est là pour nous rappeler que la science représente l'un des moteurs les plus puissants pour accomplir les transformations que je mentionnais à l'instant. C'est grâce à la science du climat que nous avons appris que le changement climatique actuel est d'origine anthropique, qu'il est possible de lutter contre ce phénomne et, surtout, que l'action coûte moins cher à terme que l'inaction.
C'est ce qui rend la valorisation du savoir scientifique indispensable pour orienter l'élaboration des politiques publiques. Outre les travaux du GIEC, je pense à ceux du protocole de Montréal, qui nous ont aidés à restaurer la couche d'ozone, au travail mené par l'Organisation des Nations unies pour l'environnement (ONUE) avec Erik Sollheim sur l'état de notre environnement ou encore à la Plate-forme intergouvernementale sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES), qui travaille sur une autre menace de notre époque, l'effondrement de notre biodiversité.
À cet égard, je tiens à souligner l'importance que revêt le renforcement des liens entre le GIEC et l'IPBES. Je sais que vous travaillez déjà ensemble. Mais hors des cercles d'experts, le grand public est encore insuffisamment conscient des causes et des conséquences cumulées du réchauffement climatique et de l'atteinte à la biodiversité. Il nous faut donc travailler ensemble dans les prochains mois pour renforcer l'interaction de vos deux plateformes de recherche. C'est de cette manière que nous améliorerons notre compréhension globale de l'environnement et sa diffusion auprès de nos concitoyens. J'insiste sur ce dernier point. Face aux bouleversements globaux de notre époque, la parole scientifique est indispensable à la qualité du débat dans l'espace public.
En ce qui concerne le GIEC, ma collègue Frédérique Vidal l'a souligné dans son intervention précédente, le 6e cycle d'évaluation de nos politiques sera une étape importante pour mesurer les effets de notre action. Nous attendons, Mesdames et Messieurs les Délégués, votre première contribution au mois d'octobre prochain, avec le rapport spécial sur les conséquences d'un réchauffement à 1,5°C. Ce sera un élément essentiel de préparation de la COP24 qui se tiendra en Pologne en décembre 2018. Ce rapport éclairera par son autorité le Dialogue Talanoa qui sera au coeur de la COP24. À la fin de cette année nous serons à nouveau réunis pour constater les résultats de nos efforts, mesurer le chemin qu'il nous reste à parcourir pour nous placer sur une trajectoire conforme à l'Accord de Paris, et renforcer encore l'effort nécessaire.
L'ensemble de vos travaux, Mesdames et Messieurs les Délégués, doit être soutenu à la mesure de ce qu'ils représentent pour notre avenir commun. Le président de la République s'était engagé à ce que la France soit au rendez-vous et que pas un centime ne manque au GIEC pour fonctionner, avancer et continuer à éclairer nos décisions. Je voulais aujourd'hui vous confirmer l'engagement ferme de la France dans cet objectif. Nous porterons donc notre contribution au fonds fiduciaire du GIEC à 1 million d'euros par an jusqu'à la publication du sixième rapport d'évaluation en 2022. Ce million d'euros annuel vient en complément de notre engagement en faveur de l'Unité de soutien technique 1 basée à l'université Paris-Saclay.
La France en appelle à tous les pays pour qu'ils poursuivent ou accroissent leur soutien financier au fonctionnement du GIEC. Tous les pays n'ont pas accompli le même effort depuis la création en 1988 car tous ne disposaient pas des mêmes moyens pour le faire. Mais, depuis cette date, depuis trente ans, les capacités des uns et des autres ont évolué. La vérité scientifique n'a pas de prix, mais elle a un coût. Le GIEC nous montre qu'il est extrêmement modeste - moins de 50.000 dollars par Etat et par an. C'est un bien faible effort pour manifester notre attachement à l'apport de la science.
Mesdames et Messieurs, les travaux que le GIEC mène depuis 30 ans ont permis à tous ceux qui portent un regard lucide sur le monde de prendre conscience de la réalité et des enjeux du changement climatique. En guise de conclusion, je tiens à vous remercier pour votre présence ici ainsi que pour votre soutien au GIEC : ils manifestent l'engagement que nous partageons dans la lutte contre le changement climatique. La France se tiendra à l'avant-garde pour accomplir la transition nécessaire vers un monde plus juste et plus respectueux de l'environnement. Je vous souhaite d'abord un bon anniversaire et puis surtout d'excellents et de constructifs débats lors de cette plénière. Je vous remercie.
Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 4 avril 2018