Déclaration de M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères, sur les relations franco-allemandes et sur l'attaque avec un agent neurotoxique de deux ressortissants russes résidant en Grande-Bretagne, à Paris le 15 mars 2018.

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Circonstance : Conférence de presse avec M. Heiko Maas, ministre allemand des affaires étrangères, à Paris le 15 mars 2018

Texte intégral


Mesdames et Messieurs,
Je me réjouis d'accueillir ce soir mon nouvel homologue allemand Heiko Maas et je suis heureux qu'il ait pu suivre la tradition selon laquelle le premier déplacement d'un ministre des affaires étrangères est réservé au partenaire Outre-Rhin. Et là, c'est un voyage immédiat puisque son installation comme ministre des affaires étrangères date du début d'après-midi, et il est déjà là, ce qui me réjouit pour aujourd'hui et pour l'avenir.
Nous venons de faire connaissance, nous avons échangé des premiers mots et nous allons approfondir notre discussion ce soir car le besoin de coordination franco-allemande est particulièrement fort aujourd'hui.
Nous discuterons bien évidemment des sujets d'actualité immédiate sur lesquels nous devons agir conjointement.
Nous allons donc échanger sur notre relation avec la Russie, en tenant compte des éléments très préoccupants de l'actualité.
Nous allons échanger aussi sur la Syrie, avec l'objectif à la fois de faire respecter la trêve qui a été décidé par la résolution 2401 des Nations unies mais aussi de faire en sorte de relancer le processus politique.
Nous allons parler de la situation iranienne à laquelle nous devons trouver des réponses pour préserver le JCPOA. Il y aura un conseil des affaires étrangères lundi, ce sera le premier conseil où nous siégerons ensemble, et nous allons préparer ce soir notre coordination pour être, sur l'ensemble des sujets, sur la même ligne.
Nous allons aussi évoquer notre relation avec les Etats-Unis qui est aujourd'hui affectée par les mesures américaines de hausse des tarifs douaniers.
Nous aurons aussi l'occasion d'aborder les sujets prioritaires de notre coopération pour les prochains mois. Je pense aux travaux nécessaires pour réviser le traité de l'Elysée. Je pense aussi à la nécessité de renforcer notre action commune pour mettre en oeuvre les enjeux européens, qui ont été tracés à un moment donné par le président Macron, qui devront nécessairement aboutir à une coordination renforcée entre nous.
Puis nous avons ensemble beaucoup de sujets de réflexion pour l'avenir, sur l'Europe de la défense, sur l'élargissement, sur le Brexit, sur l'avenir de l'Union, sur le Sahel, sur l'Ukraine. Donc vous voyez que notre diner va être très occupé par l'ensemble de ces questions, il y a de quoi dire et de quoi faire.
En tout cas je suis ravi d'accueillir Heiko ici et de commencer, j'en suis convaincu, une collaboration entre nous qui sera à la fois confiante et efficace.
Merci de ta présence.
Q - Sur les relations entre la France et l'Allemagne
R - Je n'ai pas lu les déclarations de la chancelière mais j'ai vu qu'elle vient très rapidement à Paris et qu'elle aura l'occasion de rencontrer le président de la République. Ils auront, certainement, l'opportunité de débattre de la mise en oeuvre, au niveau européen, des engagements pris par la coalition. Ce sont des engagements que je connais, qui sont dynamiques et qui permettent beaucoup de perspectives d'avenir et je me base sur cette communication et sur cet accord de coalition pour engager les conversations avec mon collègue.
Q - J'ai une question concernant l'attaque au Royaume-Uni au gaz innervant Novitchok. Le Royaume-Uni a pointé la responsabilité de la Russie, Washington vient de faire de même et la chancelière exprimait sa grande préoccupation face aux liens qui pourraient être faits avec la Russie. Jusqu'à présent, la France est restée discrète sur cette question-là et, Monsieur le Ministre, pour la France est-ce trop tôt pour pointer la responsabilité de la Russie ? Si ce n'est pas le cas, envisagez-vous une action commune avec Berlin vis-à-vis de Moscou avec un message de fermeté ?
Et une question à vous deux sur l'Ukraine : envisagez-vous des actions à court terme pour relancer le processus de paix ?
R - Sur l'affaire du Novitchok, la France est solidaire du Royaume-Uni dans ces circonstances, qui sont des circonstances d'une extrême gravité. L'attaque perpétrée contre deux ressortissants russes et qui a touché un policier britannique a été exécutée chez notre allié avec un agent neurotoxique de qualité militaire développé en secret par la Russie soviétique dans les années 70.
À ce stade, j'observe que sont en jeu : premièrement la sécurité de l'un de nos principaux alliés ; deuxième point, la sécurité européenne et la nôtre face à une action faisant usage, pour la première fois, d'un agent chimique létal développé clandestinement ; troisièmement, le régime international de non-prolifération des armes chimiques incarné par la Convention d'interdiction des armes chimiques de Paris de 1993 est remis en cause. Voilà les trois enjeux.
Le président de la République a assuré, sans tarder, la Première ministre britannique, Mme Teresa May, de la pleine solidarité de la France dans cette situation et je me suis moi-même entretenu, hier soir, avec mon homologue britannique, Boris Johnson pour lui faire part de notre disposition à coopérer autant que de besoin avec le Royaume-Uni dans l'enquête en cours.
Nous avons pleine confiance dans les investigations que mènent nos partenaires britanniques. Aujourd'hui, la Première ministre s'est exprimée devant la Chambre des communes, elle a établi la responsabilité de la Russie et a présenté les mesures de rétorsion décidées lors de son conseil de défense. Dans les heures qui viennent la France sera, au plus haut niveau, en contact avec les autorités britanniques pour coordonner notre réponse. Voilà ce que je voulais vous dire à cet égard.Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 4 avril 2018