Déclaration de M. Bruno Lemaire, ministre de l'économie et des finances, sur le microcrédit en France, à Paris le 29 mars 2018.

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Circonstance : Cérémonie des 30 ans de l'ADIE, à Paris le 29 mars 2018

Texte intégral


Avant toute chose, permettez-moi de vous souhaiter un excellent anniversaire. Et de saluer l'action de l'ADIE depuis sa création.
I. L'ADIE, c'est d'abord trois décennies au service du développement du microcrédit en France
Le microcrédit est une invention récente et planétaire. Son principe : permettre à des populations défavorisées d'accéder à une offre de produits et de services financiers alternatifs. Il concerne 3 milliards de personnes, soit près de la moitié de la population mondiale, principalement concentrées dans les pays en développement et dans les pays émergents. Mais il est aussi présent dans les pays développés – où il a toute sa place.
En France, l'ADIE a joué un rôle pionnier dans le développement du microcrédit. C'est sous l'impulsion de Maria Nowak, sa fondatrice et première présidente, que le concept de microcrédit a été introduit dans notre pays il y a maintenant 30 ans. Ce qui a fait de la France un pionnier en la matière au sein de l'OCDE. L'ambition alors défendue par l'ADIE : encourager l'initiative économique en finançant le microcrédit pour un public éloigné de l'emploi. Et cette ambition s'est révélée visionnaire.
Le microcrédit est devenu un moyen d'insertion sociale et de lutte contre l'exclusion bancaire. Comment ? En permettant à tout Français, sans considération de ressources, de créer son emploi ou son entreprise. Il joue ainsi un rôle essentiel pour lever des barrières et casser des plafonds de verre. L'Etat a su accompagner son développement avec notamment la création du Fonds de Cohésion Sociale (FCS) en 2005. Il continuera à assurer les conditions de son développement. J'y reviendrai.
Le chemin parcouru depuis 30 ans est remarquable. En France, 69 000 microcrédits sont accordés chaque année, pour un encours qui excède les 1,4 milliard d'euros – un niveau parmi les plus élevés en Europe.
L'ADIE occupe une place particulière dans ce paysage, avec plus de 200 000 microcrédits accordés depuis sa création, qui ont participé à la création de plus de 135 000 entreprises. Chaque année, ce sont 12 000 emplois dont vous soutenez la création.
Je salue tout particulièrement la qualité de votre accompagnement des publics. C'est une composante essentielle du succès du microcrédit. Les résultats sont là : le taux de pérennité à 2 ans des entreprises (76%) et des emplois (84%) créés dans le cadre des microcrédits que vous accompagnez prouve l'efficacité de votre action. Il montre aussi la capacité du public en difficulté à s'insérer, lorsqu'il est bien accompagné.
Le microcrédit montre que l'économie et le social peuvent s'unir dans un même mouvement.
II. Le gouvernement souhaite encourager l'initiative de tous les Français en soutenant l'entreprenariat et le développement du microcrédit
Vous le savez, nous préparons actuellement un plan d'action pour la croissance et la transformation des entreprises, le PACTE. Son ambition : donner aux entreprises le cadre et les leviers pour innover, se transformer, grandir et créer des emplois.
Un axe du plan s'attache plus particulièrement à améliorer l'environnement réglementaire du travail indépendant et des entrepreneurs.
La loi PACTE vise à lever les freins sociaux, culturels et administratifs à la création d'activités et à l'entreprenariat individuel. Cela passe par un allègement des formalités. Et notamment par la suppression de l'obligation de suivre le stage de préparation à l'installation avant l'immatriculation au registre des métiers, ou par la suppression d'un compte bancaire dédié pour les plus petits micro-entrepreneurs.
Le PACTE vise également à renforcer la promotion du travail indépendant. Pour les entreprises qui grandissent, le projet de loi prévoit un ensemble de mesures permettant de mieux accompagner la croissance des entreprises. Enfin, il rend plus facile le rebond des entrepreneurs : en simplifiant et en élargissant l'accès au rétablissement professionnel, ou en renforçant les protections dans le cas de difficultés financières.
Les mesures en faveur de l'activité économique doivent toucher tous les publics. Et notamment les plus éloignés de l'emploi et les plus vulnérables. Aussi, le Gouvernement souhaite accompagner le PACTE par un ensemble de mesures pour développer le microcrédit et élargir sa diffusion.
Premier axe : assouplir son cadre réglementaire, tout en maintenant le ciblage des publics sensibles et l'offre d'accompagnement.
Cela passera par la suppression de la limite d'âge de l'entreprise bénéficiaire d'un microcrédit professionnel afin d'ouvrir l'accès au microcrédit à l'ensemble des entreprises n'ayant pas accès au crédit classique.
Cela passera aussi par un bilan dans les prochains mois de l'expérimentation menée à Mayotte pour évaluer la pertinence d'une éventuelle généralisation du relèvement du plafond de prêt du microcrédit professionnel dans les territoires ultramarins.
S'agissant du microcrédit personnel, la mise en place d'une offre digitale de microcrédit dans le cadre de travaux menés par la CDC facilitera également l'accès d'un plus grand nombre de bénéficiaires potentiels.
Deuxième axe : renforcer le soutien financier de l'Etat et l'action des partenaires.
A cet égard, je soutiendrai l'augmentation progressive de la dotation du Fonds de cohésion sociale (FCS) au cours des prochaines années afin d'atteindre un encours cible de 2Md€ de microcrédits d'ici 5 ans contre un peu plus de 1,4Md€ à ce stade.
A cet effet, en accord avec le gouverneur de la Banque de France, nous avons décidé d'affecter cette année 5 M€ à la garantie des microcrédits. Nous levons ainsi un des obstacles à la croissance du microcrédit.
Les banques seront également mobilisées pour améliorer la distribution du microcrédit auprès des publics cibles et renforcer leurs échanges avec les institutions de microcrédit. Et un effort particulier sera déployé pour promouvoir cet outil auprès de ses bénéficiaires potentiels.
Ces mesures permettront de mieux répondre au besoin de financement de petits projets et d'accompagner le déploiement de l'activité des opérateurs de microcrédit comme l'ADIE.
Je crois aussi à notre capacité collective à créer le meilleur environnement pour concrétiser les projets d'insertion du plus grand nombre de nos concitoyens, grâce à des outils innovants.
Ainsi, le contrat à impact social (CIS) construit avec l'ADIE – le premier lancé en France – pour expérimenter de nouvelles méthodes pour instruire à distance des demandes de microcrédit en zone rurale représente un outil innovant d'insertion en emploi.
Le CIS engagé avec l'ADIE porte la marque d'une triple innovation :
- innovation dans le métier de l'ADIE, car il s'agit de développer des moyens numériques pour proposer des microcrédits ;
- innovation dans la relation de l'ADIE avec l'Etat avec la mise en place d'un échange d'informations très poussé pour mieux évaluer les effets de l'action menée ;
- et innovation dans la conduite du projet qui rassemble des parties prenantes publiques et privées avec des cultures très différentes.
A en juger par les témoignages des équipes de terrain et par la forte motivation qu'ils expriment, un premier succès de mobilisation a été atteint.
Au cours de ces 30 dernières années, l'ADIE a beaucoup contribué à développer des solutions innovantes pour faciliter l'insertion par l'emploi de publics fragiles. Le développement et le succès du microcrédit, dont vous êtes d'infatigables promoteurs, en sont la preuve.
Vous témoignez ainsi de la vitalité de notre tissu associatif et de l'importance de l'étroite collaboration entre société civile et puissance publique pour trouver des solutions concrètes et efficaces à des questions économiques et sociales très complexes.
Je souhaite tout le succès possible à l'ADIE dans les années à venir. Vous trouverez auprès de l'actuel Gouvernement un soutien déterminé pour assurer l'insertion par l'activité de tous les Français.
Merci à tous.
Source https://www.economie.gouv.fr, le 30 mars 2018