Interview de M. Olivier Dussopt, secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'action et des comptes publics, avec BFMTV le 10 avril 2018, sur la politique du gouvernement en matière de Fonction publique.

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Média : BFM TV

Texte intégral


JEAN-JACQUES BOURDIN
Notre invité ce matin est Olivier DUSSOPT, Secrétaire d'Etat à l'Action et aux comptes publics en charge de la réforme de la Fonction publique, bonjour.
OLIVIER DUSSOPT
Bonjour.
JEAN-JACQUES BOURDIN
« Dussopt ».
OLIVIER DUSSOPT
« Dussop », sans le T.
JEAN-JACQUES BOURDIN
« Dussop », exactement. C'est ardéchois ça.
OLIVIER DUSSOPT
C'est ardéchois. Annonay pour être précis.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Annonay, Annonéen, le nord de l'Ardèche. Olivier DUSSOPT, vous n'avez pas voté le budget que vous appliquez. Je le précise parce que, c'est vrai, on vous l'a dit, vingt fois mais c'est la vérité.
OLIVIER DUSSOPT
Vous n'êtes pas le premier.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, mais c'est la vérité.
OLIVIER DUSSOPT
C'est la vérité.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ça doit être difficile mais, enfin, c'est un choix. Vous avez été proche de Benoît HAMON, proche de Martine AUBRY, ancien socialiste, porte-parole de Manuel VALLS pendant la primaire et vous voilà maintenant secrétaire d'Etat d'Emmanuel MACRON. Un homme de gauche ? Vous êtes un homme de gauche encore vous-même, Olivier DUSSOPT ?
OLIVIER DUSSOPT
Evidemment. Evidemment un homme de gauche, un homme progressiste, attaché à la social-démocratie.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais qui sert quoi ? Une politique de gauche ou une politique de droite ?
OLIVIER DUSSOPT
Et qui sert le projet du président de la République avec un projet d'émancipation. Lorsque je me suis engagé en politique, il y a maintenant un peu plus de vingt ans, avant évidemment d'être élu, j'avais un mobile, une seule motivation, c'est l'égalité des chances, l'émancipation individuelle et collective. Je considère qu'aujourd'hui, c'est dans ce gouvernement, dans cette majorité qu'on refuse l'assignation à résidence en matière économique, en matière sociale, en matière éducative comme en matière culturelle. L'ambition que j'ai d'être utile, je pense que c'est à la place où je suis aujourd'hui que je suis le plus utile.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous pensez que ce gouvernement a une politique sociale entraînante ? A une politique sociale juste, égalitaire ?
OLIVIER DUSSOPT
C'est un gouvernement progressiste et juste qui fait ce qu'il dit, qui tient les engagements du président de la République et qui applique un projet avec une trajectoire et la volonté à la fois de redresser les comptes, de redresser le système de production et de pouvoir répartir les richesses une fois qu'elles auront été créées.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Aucun état d'âme ? Vous n'avez pas d'état d'âme ?
OLIVIER DUSSOPT
Pas d'état d'âme. Pas d'état d'âme et la volonté de servir. La volonté d'être utile et la volonté de réussir les chantiers que le président de la République et le Premier ministre ont bien voulu me confier.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Un gouvernement, un président de la République autoritaire. L'Etat de droit, c'est l'Etat de droit, vous avez vu les images. Regardez les images, regardons-les en ce moment de Notre-Dame-des-Landes. Des affrontements – je dis bien affrontements – entre les gendarmes mobiles et les zadistes.
OLIVIER DUSSOPT
Qu'est-ce qui vous choque ?
JEAN-JACQUES BOURDIN
Je ne dis pas que ça me choque mais vous, ça vous choque ou pas ces images, non ?
OLIVIER DUSSOPT
Non et je vais vous dire pourquoi. Cela fait des mois que le gouvernement, après avoir pris une décision sur le fait de ne pas réaliser l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes, a dit que les occupants illégaux, parce que ce sont des occupants illégaux des terrains, devaient évacuer les terrains au 31 mars et qu'à défaut, force serait faite à la loi. Force est faite à la loi. Il y a des occupants illégaux, il y a des squats, il y a des terrains qui sont occupés par des gens qui n'ont rien à y faire et qui ne respectent pas le droit de propriété. Le gouvernement a dit en lien avec les élus, en lien avec les autorités que ces terrains devaient retrouver une vocation agricole. Que tous les projets individuels agricoles qui s'inscrivent dans l'Etat de droit, dans le respect des règles, dans le respect des lois seraient accompagnés. Là, il s'agit d'expulser, d'évacuer des occupants illégaux.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Toute la gauche proteste sauf vous.
OLIVIER DUSSOPT
Non, je ne crois pas que toute la gauche proteste.
JEAN-JACQUES BOURDIN
La plupart. Toute la gauche politique proteste.
OLIVIER DUSSOPT
Je peux vous assurer que pour bien connaître les élus locaux, puisque c'est peut-être un des secteurs de la société que je connais le mieux, les maires, les présidents de départements qui sont confrontés à la nécessité de maintenir l'ordre public, de garantir l'application de la loi, vraiment beaucoup soutiennent cette décision et considèrent qu'il était essentiel que l'Etat de droit soit rétabli, que la loi soit respectée et que les terrains occupés illégalement soient évacués.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Je parlais de la politique dite de droite conduite par le président de la République. Je regarde sa popularité. Chez les cadres, elle est au plus haut et parmi les couches populaires, les classes populaires, elle est au plus bas. Il y a une explication ou pas à cela ?
OLIVIER DUSSOPT
Il y a peut-être une explication de fond.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Laquelle ?
OLIVIER DUSSOPT
Vous parlez des classes populaires, vous parlez des ouvriers, vous parlez finalement du milieu social....
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous connaissez ce milieu.
OLIVIER DUSSOPT
Dont je viens. C'est le milieu qui a été…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Tous vos amis, tous ceux qui vous connaissez qui sont ouvriers, ils défendent Emmanuel MACRON aujourd'hui ?
OLIVIER DUSSOPT
C'est le milieu social, la classe ouvrière, c'est un milieu social qui a été oublié par la droite, souvent méprisé…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Qui est toujours oublié par la gauche.
OLIVIER DUSSOPT
Et trahi par la gauche.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et oublié par Emmanuel MACRON.
OLIVIER DUSSOPT
C'est plus fort que ça. Oublié par la droite et trahi par la gauche. Aujourd'hui Emmanuel MACRON, et nous avec lui dans le gouvernement, nous revalorisons le travail. Nous faisons en sorte que celles et ceux qui travaillent puissent gagner plus. Nous faisons en sorte aussi, et ce n'est peut-être pas assez dit, de revaloriser ce qui vient en aide à ceux qui sont les plus fragiles. Depuis le 1er avril, nous avons revalorisé le minimum vieillesse. A la rentrée, nous allons revaloriser l'allocation adulte handicapé.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Olivier DUSSOPT, vous n'allez pas me faire le catalogue de toutes les mesures que vous avez prises.
OLIVIER DUSSOPT
Ni catalogue, ni catéchisme.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Moi je veux bien le catalogue mais il ne vous a pas… Enfin, « je veux bien », mais un ouvrier qui habite à dix kilomètres d'Annonay, qui est obligé d'aller travailler à Annonay avec sa voiture, est-ce vous pensez que son pouvoir d'achat a augmenté ?
OLIVIER DUSSOPT
Pas forcément.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Franchement ?
OLIVIER DUSSOPT
Pas autant qu'il l'aurait voulu.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non, pas autant qu'il l'aurait voulu et peut-être pas du tout augmenté.
OLIVIER DUSSOPT
Mais il y a aussi une perspective. La perspective, c'est qu'au mois d'octobre…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce qu'on vit avec de la perspective, Olivier DUSSOPT ?
OLIVIER DUSSOPT
La perspective, elle est importante malgré tout parce que la perspective c'est là où on va et comment le dire. Pour un ouvrier qui vit à côté d'Annonay comme vous le dites, dans un secteur où le salaire moyen est inférieur à 1 500 euros pour les ouvriers, au mois d'octobre , la prime d'activité à laquelle sont éligibles les salariés qui gagnent moins de 1 500 euros va augmenter de 20 euros par mois et ce sera le cas chaque année pour une augmentation de 80. Au mois d'octobre aussi, la deuxième vague de baisse des cotisations salariales va lui permettre de voir sa fiche de paie être valorisée. Et au mois d'octobre enfin, un tiers de sa taxe d'habitation sera supprimé. Je ne dis pas que ça va aussi vite que l'ouvrier que vous décrivez aurait souhaité.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il faut attendre octobre.
OLIVIER DUSSOPT
Il faut attendre octobre effectivement.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Pour voir sa vie s'améliorer.
OLIVIER DUSSOPT
Parce que le budget de l'année 2018 s'applique sur toute l'année 2018.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien. Olivier DUSSOPT, réforme de la fonction publique. Projet de loi 2019 ?
OLIVIER DUSSOPT
2019, printemps 2019.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Printemps 2019 après un an de concertation.
JEAN-JACQUES BOURDIN
120 000 postes d'agents supprimés, on est bien d'accord ?
OLIVIER DUSSOPT
C'est l'objectif d'ici la fin du quinquennat.
JEAN-JACQUES BOURDIN
50 000 pour l'Etat, 70 000 dans les collectivités locales, c'est bien cela ?
OLIVIER DUSSOPT
C'est exactement ce qu'a dit le président de la République.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Combien d'agents supprimés en 2018 ?
OLIVIER DUSSOPT
En 2018, dans le budget de l'Etat - uniquement de l'Etat - nous sommes sur 1 600 postes supprimés.
JEAN-JACQUES BOURDIN
1 600. Il faudra faire un effort si vous voulez atteindre 120 000.
OLIVIER DUSSOPT
Mais peut-être que votre question va me permettre d'éclairer la méthode avec laquelle nous travaillons.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors allez-y.
OLIVIER DUSSOPT
Nous prenons un an de concertation. Un an de concertation avec les organisations syndicales pour examiner les quatre chantiers qui ont été arrêtés, décidés par le gouvernement et par le Premier ministre. Nous avons aussi en parallèle un processus qui s'appelle Action publique 2022, qui permet de repenser ce que doit être la politique publique, de repenser ce que doit être l'Etat. Nous prenons le temps de cette discussion avant de prendre des mesures qui soient des mesures de coupe. Il n'y a pas de logique purement budgétaire, il n'y a pas de logique uniquement arithmétique. L'objectif est de dire qu'est ce que l'on veut comme Etat, qu'est-ce que l'on veut comme politiques publiques, comment est-ce que nous mettons à profit les réorganisations, les évolutions technologiques, pour faire en sorte à la fois de transformer l'administration, la fonction publique. Nous voulons qu'elle soit plus forte, plus efficace. Faire en sorte aussi de pouvoir rendre le même service avec des effectifs qui à échéance de cinq ans soient effectivement en baisse. Parce qu'aujourd'hui les agents qui sont en poste sont au travail, ils sont engagés, ils sont impliqués. Il n'est pas question de dire que tel ou tel agent ne servira à rien.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais ils sont trop nombreux.
OLIVIER DUSSOPT
L'objectif est d'abord de dire parce qu'il y a des réorganisations, parce qu'il y a des mouvements assez massifs de départs à la retraite, parce qu'il y a des évolutions technologiques qui permettent de réinterroger certains métiers, nous pouvons faire aussi bien avec moins.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ils sont trop nombreux.
OLIVIER DUSSOPT
Ils ne sont pas forcément trop nombreux aujourd'hui mais nous savons que nous pouvons faire mieux d'ici quelques années.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais il faut assumer. Si vous supprimez 120 000 postes, c'est qu'ils sont trop nombreux.
OLIVIER DUSSOPT
Vous ne m'entendrez jamais dire qu'un agent est inutile.
JEAN-JACQUES BOURDIN
50 000 pour l'Etat, 70 000 dans les collectivités locales, on est bien d'accord ? Vous commencez par un dialogue social avec les syndicats.
OLIVIER DUSSOPT
Exactement.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors moi j'ai une question toute simple : combien de fonctionnaires travaillent à temps plein ou à temps partiel pour les syndicats ?
OLIVIER DUSSOPT
Les estimations sont assez contradictoires.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Combien ?
OLIVIER DUSSOPT
Laissez-moi répondre précisément. A l'échelle de la fonction publique d'Etat qui représente 2 400 000 millions agents sur les 5 480 000 millions agents de la fonction publique, il est estimé qu'environ 5 500 équivalents temps plein sont consacrés à l'exercice du droit syndical.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Trop ?
OLIVIER DUSSOPT
Ça n'est pas trop.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ah bon ?
OLIVIER DUSSOPT
Ça n'est pas trop et souvent ce sont des agents qui disposent de délégations sur des temps partiels. Il ne s'agit pas de 5 500 personnes identifiées se consacrant à 100 % à l'exercice d'un mandat syndical. On ne peut pas souhaiter un dialogue social efficace et en même temps revenir sur les moyens dont disposent les syndicats.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc vous ne reviendrez pas sur les moyens dont disposent les syndicats ?
OLIVIER DUSSOPT
Nous avons dit avec GMD, pour être très précis, dans le document d'orientation qui encadre les négociations, les discussions plus exactement, que nous avons avec les syndicats que le gouvernement serait attentif à ce que les moyens des syndicats soient maintenus, préservés en matière de moyens de fonctionnement, de moyens humains, mais aussi de moyens en termes de formation. Parce que pour qu'un représentant syndical puisse être aussi efficace que possible au service de ses collègues, dans son dialogue avec les employeurs, il faut aussi qu'il soit…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc vous ne toucherez pas aux moyens des syndicats. Combien l'Etat verse aux syndicats ?
OLIVIER DUSSOPT
Nous y serons extrêmement attentifs.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Combien l'Etat verse aux syndicats ?
OLIVIER DUSSOPT
Pour la seule fonction publique d'Etat, je dis bien pour la seule fonction publique d'Etat puisque ce sont les chiffres dont nous disposons, il s'agit d'environ deux millions d'euros de soutien aux neuf organisations syndicales représentatives.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Deux millions d'euros.
OLIVIER DUSSOPT
Oui.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bon. Et pour toutes les fonctions publiques globalement, ça représente quoi ?
OLIVIER DUSSOPT
Le chiffre n'est pas consolidé puisque…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Sur les trois fonctions publiques ?
OLIVIER DUSSOPT
Dans la fonction publique territoriale, il y a 55 000 employeurs donc il n'y a pas de consolidation de chiffres et à moins de faire des estimations à la louche qui ne seraient pas honnêtes, je ne m'y hasarderai pas.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Les fonctionnaires ont perdu 16 % de pouvoir d'achat depuis 2000. Vous êtes d'accord avec ce chiffre ?
OLIVIER DUSSOPT
C'est par rapport à l'évolution tendancielle. Aujourd'hui, comme vous l'avez dit…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui. Evolution tendancielle, c'est la tendance quoi.
OLIVIER DUSSOPT
Oui, mais il n'y a pas eu…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non seulement c'est la tendance mais c'est la réalité de la perte.
OLIVIER DUSSOPT
Il n'y a pas eu de baisse des salaires des fonctionnaires. Il y a eu parfois un décrochage par rapport à l'évolution des prix.
JEAN-JACQUES BOURDIN
D'accord mais le fonctionnaire a perdu 16 % de pouvoir d'achat.
OLIVIER DUSSOPT
Ce que vous dites monsieur BOURDIN…
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est vrai ou c'est faux ?
OLIVIER DUSSOPT
Ce que vous dites vient souligner le fait que nous demandons des efforts aux fonctionnaires depuis longtemps. Le point d'indice a été gelé de 2010 à 2016, il l'est à nouveau cette année et cela signifie…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et il le sera l'année prochaine ?
OLIVIER DUSSOPT
Nous avons un rendez-vous salarial avec les organisations syndicales au mois de juin.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il le sera l'année prochaine ?
OLIVIER DUSSOPT
Nous en discuterons avec les syndicats.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous êtes prêts à…
OLIVIER DUSSOPT
Nous avons dit une chose toujours avec Gérald DARMANIN comme avec le Premier ministre, c'est que nous voulons faire en sorte que les métiers qui sont les moins valorisés puissent être revalorisés. Et nous avons dit aussi, parce qu'il faut être transparent dans la démarche que nous avons vis-à-vis des syndicats, nous avons dit qu'à nos yeux l'augmentation du point d'indice, puisque c'est de cela dont on parle, n'était pas la meilleure méthode. Pourquoi ?
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc le point d'indice continuera à être gelé, on est bien d'accord.
OLIVIER DUSSOPT
Disons pourquoi.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Puisque ce n'est pas la meilleure méthode. C'est une façon de dire : « On va continuer à la geler. » Non ?
OLIVIER DUSSOPT
Disons pourquoi.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc vous allez continuer à le geler.
OLIVIER DUSSOPT
Disons pourquoi.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, d'accord, vous allez m'expliquer pourquoi vous continuez à le geler, mais vous allez continuer à le geler.
OLIVIER DUSSOPT
Je dis que nous sommes prêts à revaloriser les traitements et les rémunérations des métiers qui nécessitent de voir cette rémunération revalorisée.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Au mérite ? Au mérite ?
OLIVIER DUSSOPT
Pas seulement au mérite. Il y a aussi des métiers qui connaissent des tensions et des difficultés et nous devons travailler avec les organisations syndicales…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais vous ne toucherez pas au point d'indice.
OLIVIER DUSSOPT
Mais je vais vous donner un élément d'illustration plus que d'explication. Lorsque l'on augmente le point d'indice, le rapport individuel pour les agents publics est très faible et le coût collectif est très important. Je vous donne un chiffre : lorsqu'on augmente le point d'indice de 1 %, cela représente une augmentation de dépenses publiques de deux milliards d'euros et pour un agent public qui gagne 2 000 euros nets par mois – et ils ne sont pas tous à ce niveau-là - c'est une augmentation de moins de 15 euros. Donc un coût collectif très important, un rapport individuel très important.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais deux milliards d'euros, c'est moins que la suppression, que ce que coûte à l'Etat la suppression de l'ISF.
OLIVIER DUSSOPT
On peut faire des comparaisons avec tout.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, on peut faire des comparaisons avec tout mais parfois elles sont utiles les comparaisons Olivier DUSSOPT.
OLIVIER DUSSOPT
On peut faire des comparaisons avec tout et ça trouvera assez rapidement ses limites.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bon. Peut-être mais enfin la réalité des chiffres est là, Olivier DUSSOPT. Moi je veux bien qu'on fasse toutes les comparaisons qu'on veut mais enfin elles sont utiles parfois. Olivier DUSSOPT, dites-moi, donc si j'ai bien compris, les salaires seront gelés, continueront à être gelés mais vous allez trouver d'autres solutions pour rémunérer les fonctionnaires. J'ai bien résumé ?
OLIVIER DUSSOPT
C'est ce à quoi nous travaillons avec les organisations syndicales.
JEAN-JACQUES BOURDIN
J'ai bien résumé.
OLIVIER DUSSOPT
C'est un bon résumé, monsieur BOURDIN.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous allez essayer de favoriser la mobilité des fonctionnaires.
OLIVIER DUSSOPT
Oui.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Comment ?
OLIVIER DUSSOPT
De deux manières. D'abord, par la formation et par le développement d'un certain nombre de passerelles. Nous avons aujourd'hui trois versants dans la Fonction publique : la Fonction publique hospitalière, la Fonction publique territoriale et la Fonction publique d'Etat, 5 480 000 agents. Chaque année, seulement 4 % d'entre eux changent d'emploi et seulement 0,5 % change de versant. Donc il faut favoriser les passerelles, il faut mutualiser les formations, il faut mutualiser et faciliter l'accès à l'offre d'emploi comme à l'offre de formation. Et puis nous avons aussi une volonté de favoriser les mobilités vers le privé. Mobilité temporaire, ça peut être un détachement ou une disponibilité. Vers le privé, ça nécessite aussi de travailler aux conditions du retour dans le public, parce que nous avons cette conviction, que le secteur privé peut gagner à s'appuyer sur des compétences de la Fonction publique, et la conviction aussi que les agents publics peut être enrichis par une expérience dans le privé.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors, deux choses. Le statut, vous touchez au statut ?
OLIVIER DUSSOPT
Nous avons dit notre attachement au statut.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous ne toucherez pas au statut.
OLIVIER DUSSOPT
Nous avons dit notre attachement au statut...
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non mais d'accord, dire votre attachement, moi je vous pose une question précise : est-ce que vous toucherez au statut, oui ou non ?
OLIVIER DUSSOPT
Je vous réponds très précisément, nous avons dit, le Premier ministre comme le président de la République ont dit leur attachement au statut et la nécessité de le moderniser, de l'adapter, de faire en sorte d'en préserver l'esprit évidemment.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous allez toucher au statut alors.
OLIVIER DUSSOPT
Ça ne serait pas la première fois, si vous me permettez.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, non mais vous allez le faire.
OLIVIER DUSSOPT
Et s'il faut apporter les ajustements pour faciliter les mobilités, faire en sorte de pouvoir être plus efficace et surtout tenir un seul objectif : construire une Fonction publique qui soit plus forte, plus efficace, plus moderne, alors nous le ferons, mais il y a une différence...
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il va évoluer, le statut, si j'ai bien compris.
OLIVIER DUSSOPT
Il y a une différence entre l'adaptation, l'évolution et la remise en cause, et il n'y aura pas de remise en cause.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ça ne veut pas dire supprimer, mais évoluer.
OLIVIER DUSSOPT
Ni suppression, ni remise en cause.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Evolution.
OLIVIER DUSSOPT
Evolution bien sûr.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Evolution du statut.
OLIVIER DUSSOPT
Comme plusieurs fois depuis 1983.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Plans de départs volontaires ou pas ?
OLIVIER DUSSOPT
C'est une possibilité sur laquelle nous voulons travailler mais avec un pluriel, si vous me permettez.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Allez-y.
OLIVIER DUSSOPT
L'objectif que nous avons, ce que nous voulons proposer aux organisations syndicales, c'est de dire : aujourd'hui il existe déjà depuis 2008 une indemnité de départ volontaire qui est individuelle, avec des critères différents selon...
JEAN-JACQUES BOURDIN
Très peu utilisée.
OLIVIER DUSSOPT
... 1 400 personnes par an dans la Fonction publique d'Etat, en moyenne.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Très peu.
OLIVIER DUSSOPT
Ce que nous voulons, c'est dire que là où il y a une réorganisation, si nous devons fusionner deux établissements publics, c'est proposer aux agents concernés et uniquement aux agents concernés, pas aux 5,5 millions agents, uniquement aux agents concernés par les services ou les établissements qui se restructurent, plusieurs possibilités : le droit au reclassement, c'est un droit qui est lié au statut, la formation pour cette reconversion et ce reclassement, et pour celles et ceux qui le souhaitent, proposer de les accompagner dans le secteur privé, et ça peut prendre une forme collective, en discutant sur le niveau d'indemnités, en discutant sur les formations pour accompagner. L'objectif n'est absolument pas de dire aux 5,5 millions agents publics « qui veut partir ? », ça n'aurait pas de sens, ça n'est pas conforme à cet esprit. C'est de dire...
JEAN-JACQUES BOURDIN
Droit aux allocations chômage ?
OLIVIER DUSSOPT
Alors c'est un champ qui est plus compliqué, parce que les fonctionnaires, les agents publics ne cotisent pas au régime d'assurance chômage...
JEAN-JACQUES BOURDIN
Eh oui, eh oui.
OLIVIER DUSSOPT
Donc c'est un chantier qu'il faut avoir, peut-être qu'il faut trouver des moyens d'assurer, de garantir, par contre vous pointez du doigt une des difficultés effectivement en cas de mobilité vers le privé, c'est le droit à l'allocation chômage...
JEAN-JACQUES BOURDIN
Evidemment.
OLIVIER DUSSOPT
Puisqu'il n'y a pas de cotisations, c'est bien la raison pour laquelle il faut qu'on travaille sur quelles modalités d'accompagnement.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors, il y a une autre réforme dont on ne parle pas, dont on commence à parler et on en parlera, j'en parlerai avec le président de la République, c'est la réforme des retraites. Elle est essentielle cette réforme des retraites. Pourquoi ? Eh bien parce que ça touche la Fonction publique, parce que c'est la fin programmée des régimes spéciaux, Olivier DUSSOPT, vous êtes d'accord.
OLIVIER DUSSOPT
C'est avant tout une marche vers légalité.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, enfin c'est la fin programmée des régimes spéciaux.
OLIVIER DUSSOPT
L'objectif est de rapprocher les différents régimes, et je pense, sans vouloir préempter, les arbitrages et les décisions que le président de la République prendra sur la base des rapports et du travail surtout, mené par le Haut commissaire...
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous êtes favorable à la fin des régimes spéciaux, au rapprochement des régimes ?
OLIVIER DUSSOPT
Je suis favorable à l'objectif fixé par Emmanuel MACRON, qui consiste à dire que quelle que soit la situation que l'on occupe, lorsqu'on cotise 1 €, le rendement doit être le même.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc la fin des régimes spéciaux, qu'on soit dans le public ou dans le privé.
OLIVIER DUSSOPT
La convergence, ça ne signifie pas la suppression des régimes, parce qu'aujourd'hui il y a 37 régimes de retraite, et je ne suis pas convaincu que techniquement leur fusion soit la bonne solution, et d'ailleurs ça commence à ressortir d'un certain nombre de rapports, mais il faut rapprocher cela.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et un régime de retraite par points, c'est possible ça ?
OLIVIER DUSSOPT
C'est ce que l'on appelle parfois le compte notionnel, mais vous comprenez, vous avez dit vous-même que cette décision était, cette réforme, pardon, est une réforme majeure.
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est le président de la République... Majeure. Majeure.
OLIVIER DUSSOPT
Il y a un travail qui est mené par le Haut commissaire DELEVOYE, avec un travail de concertation et de consultation.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Qui va rendre ses premiers rapports la semaine prochaine.
OLIVIER DUSSOPT
Exactement, vous êtes parfaitement informé.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui.
OLIVIER DUSSOPT
Laissons ce travail se faire. Laissons ce travail se faire, et surtout, n'introduisons pas de la confusion par des prises de positions qui seraient anticipées, qui seraient...
JEAN-JACQUES BOURDIN
Sauf que dans le cadre de la loi PACTE, il y a une réforme de l'épargne retraite, qui prévoit quoi, une sortie en capital ?
OLIVIER DUSSOPT
Avec cette possibilité, en tout cas ça sera soumis à l'examen du Parlement.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc ça veut dire, ça veut dire un début...
OLIVIER DUSSOPT
Laissez les choses s'articuler monsieur BOURDIN, le président de la République sait combien cette réforme est importante, il aura...
JEAN-JACQUES BOURDIN
Elle est essentielle, et elle risque de mettre les syndicats dans la rue, vous le savez bien.
OLIVIER DUSSOPT
J'imagine que vous aurez un certain nombre de questions à lui poser, nous verrons quelles sont ses réponses et comment il souhaite y répondre.
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est essentiel.
OLIVIER DUSSOPT
Chaque chose en son temps, et je pense véritablement que la lisibilité, l'efficacité et la réussite de cette réforme, tiendra aussi compte de la capacité que nous aurons, les uns et les autres, à ne pas introduire de confusion.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Merci Olivier DUSSOPT d'être venu nous voir ce matin, sur RMC et sur BFMTV.
OLIVIER DUSSOPT
Merci à vous.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Secrétaire d'Etat à l'Action et aux Comptes publics, en charge de la réforme de la Fonction publique. Merci.
OLIVIER DUSSOPT
Merci à vous.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 17 avril 2018