Conférence de presse de M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères, sur les relations franco-roumaines, la construction européenne et sur l'attaque chimique en Syrie, à Bucarest le 12 avril 2018.

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Circonstance : Déplacement en Roumanie, le 12 avril 2018

Texte intégral


Je voudrais d'abord remercier le ministre des affaires étrangères roumain, mon ami Teodor Melescanu, pour son accueil et lui dire le plaisir que j'ai à me retrouver ici en Roumanie.
En effectuant en Roumanie l'un de ses premiers déplacements à l'étranger, en août dernier, le président de la République avait voulu montrer la vitalité de notre relation bilatérale. Pour ma part, j'effectue aujourd'hui ma première visite en ma qualité de ministre des affaires étrangères français ; j'étais déjà venu ici en 2016 comme ministre de la défense mais c'est ma première visite en tant que ministre des affaires étrangères. Cela me permet de confirmer l'importance de liens forts entre la France et la Roumanie, à un moment important pour l'avenir de l'Union européenne et alors que la Roumanie est engagée dans la préparation de sa première présidence du Conseil de l'Union, au 1er semestre 2019.
Nous avons d'abord abordé notre relation bilatérale.
Celle-ci repose sur la densité de notre dialogue politique à tous les niveaux. Le renouvellement en cours cette année de la feuille de route de notre partenariat stratégique sera une traduction concrète de cette qualité de relation. Je souhaite que nous mettions particulièrement l'accent dans ce cadre sur la dimension européenne de notre dialogue, sur notre coopération en matière de défense et sur le développement de nos échanges économiques.
Ces échanges économiques sont en effet très importants. La France est bien présente dans l'économie roumaine, grâce à ses grandes entreprises, en particulier dans les secteurs automobile, aéronautique et de la grande distribution, mais aussi par ses PME, ses entreprises de taille intermédiaires, dont plusieurs centaines sont présentes en Roumanie. 120 000 emplois directs sont ainsi générés par la présence économique française, ce qui est considérable. Nos relations commerciales sont équilibrées et progressent à un bon rythme. Nous sommes également actifs dans le domaine de la recherche et de l'innovation, et souhaitons poursuivre et renforcer notre coopération dans le domaine du nucléaire civil que nous avons évoqué ensemble ce matin et dans le domaine des lasers de haute intensité.
La prochaine Saison France-Roumanie permettra également de mettre en lumière la richesse de notre relation culturelle. Cette Saison sera lancée à Paris fin novembre, quelques jours avant les célébrations du Centenaire de la Roumanie moderne, le 1er décembre prochain. La Saison se déploiera au cours du semestre de la présidence roumaine du Conseil de l'Union européenne, et nous espérons qu'elle contribuera à donner une impulsion encore plus forte aux liens entre nos deux pays et entre nos deux peuples.
Nous avons également évoqué l'avenir de la francophonie, thème sur lequel la Roumanie souhaite apporter une contribution forte. Je me réjouis en particulier de la volonté affirmée par la Roumanie de promouvoir l'usage du français dans le cadre de sa future présidence du Conseil de l'Union européenne et dans l'esprit de la stratégie annoncée le 20 mars dernier par le président de la République sur le renforcement de la francophonie.
Nos échanges ont également porté sur les grands enjeux européens.
La Roumanie pourra compter sur le soutien de la France pour contribuer au succès de cette première présidence. Celle-ci interviendra à un moment charnière : la fin des négociations de retrait avec le Royaume-Uni, les discussions sur les nouvelles perspectives financières, les élections européennes du mois de mai.
Dans ce contexte, j'ai rappelé également nos attentes concernant les travaux sur l'avenir du projet européen. Cela se passera aussi sous la présidence roumaine et je dois dire que nous avons, sur tous ces sujets, beaucoup de points de convergence, y compris sur les nouvelles perspectives financières.
Nous avons abordé les grands dossiers internationaux : la Syrie, avec l'actualité que vous connaissez, mais aussi, les enjeux du prochain Sommet de Sofia sur les Balkans occidentaux, tout cela dans un esprit de dialogue, de franchise et d'amitié. C'est la raison pour laquelle je suis ravi de ce moment, même s'il est court, et ravi de la relation que j'ai, à la fois politique mais aussi amicale avec mon collègue Teodor Melescanu.
Q - Le président Macron a déclaré il y a deux jours que la France prendrait une décision sur la Syrie dans les prochains jours. La France a-t-elle déjà pris une décision, cette décision est-elle plus proche d'une position pour des frappes en Syrie ? Les tweets de Donald Trump hier ont-elles aidé la France à se rapprocher d'une décision ?
R - Vous avez presque répondu à la question en la posant. Vous avez dit, le président Macron a annoncé qu'il prendrait une décision dans les prochains jours.
Q - Il y a deux jours il a dit ça
R - J'étais présent. C'était au moment de la conférence de presse qu'il a faite avec le prince héritier d'Arabie Saoudite. Depuis cette date, que s'est-il passé ? Il y a eu une réunion du conseil de sécurité des Nations unies. Au cours de cette réunion, avant-hier soir, il a été proposé la désignation d'un mécanisme indépendant, pour la résolution de l'attaque chimique qui est maintenant très clairement constatée avec ses dégâts et ses morts. Cette résolution a obtenu 12 voix pour, 2 voix contre, la Russie et la Bolivie, et une abstention, la Chine. Mais pour la 12ème fois de suite, la Russie a fait valoir son droit de veto. Donc cette résolution n'est pas opératoire. Il reste que la France a fait savoir, à de nombreuses reprises, qu'il y avait une ligne rouge en ce qui concerne la situation en Syrie, mais cette ligne rouge elle vaut pour toute autre situation, c'est le non-respect de la Convention internationale sur l'interdiction des armes chimiques de 1993. D'ailleurs, puisqu'on parlait de mémoire et du rappel de la guerre de 14-18, la France a agi pour assurer l'interdiction de l'arme chimique depuis la fin de la guerre de 14-18 - le premier traité étant intervenu en 1925, qui est le traité de Paris. Donc sur cette orientation, nous sommes très fermes et comme le président de la République l'a dit avant-hier, cette situation n'est pas tolérable, cette ligne rouge est franchie, et il sera amené à prendre des décisions dans les prochains jours.
Q - Et le tweet de Donald Trump, cela vous a inspiré quoi ?
R - La France est autonome dans ses décisions.Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 18 avril 2018