Interview de Mme Elisabeth Borne, ministre des transports, à France Info le 6 avril 2018, sur le point de la concertation avec les syndicats à propos de la réforme de la SNCF.

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Texte intégral

JEAN-MICHEL APHATIE
L'invitée de Franceinfo ce matin est la ministre des Transports Elisabeth BORNE.
JEAN-MICHEL APHATIE
Bonjour Elisabeth BORNE.
ELISABETH BORNE
Bonjour.
JEAN-MICHEL APHATIE
Bien sûr votre intervention est très attendue ce matin. Il y avait une séquence assez longue de concertation hier à votre ministère avec les syndicats de la SNCF. De votre point de vue, ça s'est bien passé ? Ça ne s'est pas bien passé ?
ELISABETH BORNE
On a eu des longues discussions. Je tenais à ce qu'on ne perde pas une minute et qu'on reprenne des discussions. On a eu six à sept heures de réunion, on a abordé des sujets importants : l'ouverture à la concurrence, la dette, l'organisation.
JEAN-MICHEL APHATIE
Oui, on va en parler. Tout était sur la table.
ELISABETH BORNE
On met tous les sujets sur la table et effectivement on a des discussions longues, les sujets ne sont pas simples. L'ouverture à la concurrence, c'est…
JEAN-MICHEL APHATIE
On va en parler, on va en parler dans les détails. Je voulais vous demander juste votre sentiment sur la tonalité de la discussion parce que ça nous a un peu surpris quand les syndicats sont sortis hier. Les représentants des syndicats sont sortis hier de la réunion avec vous, ils étaient assez en colère et même frustrés. On en écoute quelques-uns.
LAURENT BRUN, SECRETAIRE GENERAL DE LA CGT
Ç'a été pénible et inutile. La concertation d'aujourd'hui ne servait à rien.
ROGER DILLENSEGER, SECRETAIRE GENERAL DE L'UNSA FERROVIAIRE
Le gouvernement avance à marche forcée pour tenter de nous asphyxier, mais en l'occurrence aucune avancée réelle et concrète.
JEAN-MICHEL APHATIE
Voilà. C'était la CGT et l'UNSA qui sortent frustrées de cette réunion, alors on se demande à quoi ça sert ces réunions de concertation.
ELISABETH BORNE
Ecoutez, moi je ne dirai jamais qu'une négociation est inutile et je pense vraiment que la bonne voie, c'est le dialogue social. Effectivement, vous avez remarqué peut-être que la position des syndicats n'est pas homogène. Que la CGT me dise : « C'est long et c'est inutile », d'abord c'est un peu curieux quand on demande des négociations. Effectivement, la CGT est contre l'ouverture à la concurrence par principe. Donc d'accord, si on discute deux heures d'un sujet dont ils ne veulent pas parler, je peux comprendre qu'ils trouvent ça long et pénible.
JEAN-MICHEL APHATIE
D'accord. Et l'UNSA ?
ELISABETH BORNE
En même temps, c'est très important de parler de ces sujets parce qu'évidemment, quand je rencontre des cheminots et j'en ai rencontrés beaucoup, ils veulent savoir comment ça va se passer pour eux. Ces discussions, elles sont utiles. Vendredi dernier, j'ai déposé des amendements à mi-chemin des discussions avec une ouverture progressive à la concurrence. Ça veut dire quoi ? Ça veut dire que les régions qui souhaitent avoir le choix dès 2019 elles peuvent ouvrir à la concurrence. Et celles qui disent : « La qualité de service, c'est ce qu'on attend », elles peuvent renouveler les contrats. Surtout pour les cheminots, je pense que ce qui est important, c'est comment ça va se passer pour les cheminots. J'ai donné des garanties sur la façon dont ça va se passer pour eux. Ils vont garder l'essentiel des garanties du statut.
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous parlez du statut, oui.
ELISABETH BORNE
Ils vont garder l'essentiel des garanties du statut, la retraite, la garantie de l'emploi, la rémunération, les facilités de circulation. Ça n'est pas rien.
JEAN-MICHEL APHATIE
Là, vous parlez de ceux qui sont aujourd'hui sous ce statut-là.
ELISABETH BORNE
Je parle de ceux qui sont concernés… Alors effectivement, merci de me donner l'occasion de confirmer que tous les cheminots qui sont aujourd'hui au statut vont le garder. Et je dis tous ceux qui sont concernés ou ceux qui seront concernés par l'ouverture à la concurrence qui pourraient demain être repris par une autre entreprise, ils emportent avec eux l'essentiel des garanties du statut. Donc c'est des sujets importants, c'est important qu'on en parle. Moi, je note que certains syndicats ont noté que des propositions avaient été prises en compte et hier, au cours de la discussion, si ça a pris…
JEAN-MICHEL APHATIE
Lesquels ? Personne. Je n'en ai pas entendus, moi.
BRUCE TOUSSAINT
Qui est content ?
ELISABETH BORNE
Je lis les tracts, je lis les tracts.
BRUCE TOUSSAINT
Lesquels ?
ELISABETH BORNE
Je lis les tracts de l'UNSA qui dit : « On a obtenu des avancées. »
BRUCE TOUSSAINT
L'UNSA ?
JEAN-MICHEL APHATIE
Et sur quoi ?
ELISABETH BORNE
Je lis les tracts de l'UNSA. Vous savez bien, Jean-Michel APHATIE…
JEAN-MICHEL APHATIE
Non.
ELISABETH BORNE
Quand on sort de réunion, on peut faire des déclarations puis ensuite il y a le contenu qui arrive.
JEAN-MICHEL APHATIE
Mais sur quoi ils ont obtenu une avancée ?
ELISABETH BORNE
Ils ont obtenu des avancées par exemple sur la façon dont on va informer les cheminots tout au long des processus quand on va avoir un appel d'offres pour l'ouverture à la concurrence. Ils souhaitaient – la CFDT, c'est la même chose – que s'il doit y avoir effectivement des transferts de salariés, ça se fasse d'abord sur la base du volontariat. Donc c'est des avancées et hier, la discussion elle est effectivement longue et je peux comprendre que ce soit pénible pour la CGT qui est contre l'ouverture à la concurrence par principe, mais on a eu des discussions longues. Parce que l'UNSA et la CFDT…
BRUCE TOUSSAINT
Si je peux juste faire une précision si vous me permettez, le représentant de l'UNSA à la sortie de la réunion déclare : « Il n'y avait rien sur la table. C'est un conflit qui risque de se durcir. »
ELISABETH BORNE
Moi, je note qu'ils m'ont annoncé qu'ils vont proposer des amendements. Le texte de loi est en discussion la semaine prochaine à l'Assemblée. Ils vont proposer des amendements et, bien sûr, je vais les examiner.
JEAN-MICHEL APHATIE
D'accord.
ELISABETH BORNE
Donc la concertation, elle est utile.
JEAN-MICHEL APHATIE
La concertation se poursuit, elle est utile dites-vous. Vous aviez face à vous ce matin, Bruce TOUSSAINT, Didier AUBERT de la CFDT qui, lui, en est pratiquement à réclamer votre démission ou en tout cas qu'on vous dessaisisse du dossier. La virulence de son intervention ce matin sur l'antenne de Franceinfo nous a étonnés. On écoute Didier AUBERT.
DIDIER AUBERT, SECRETAIRE GENERAL DE LA CFDT CHEMINOTS
Est-ce que Madame la Ministre des Transports a la main sur cette négociation ? Parce qu'autrement effectivement, il va falloir qu'on aille chercher un autre interlocuteur pour qu'on puisse véritablement négocier.
BRUCE TOUSSAINT
Mais enfin, elle est ministre des Transports, elle a forcément la main sur ce dossier.
DIDIER AUBERT
Ecoutez, chaque fois qu'on lui pose une question, elle dit : « On va voir. Il faut qu'on arbitre, il faut qu'on réfléchisse. On reviendra vers vous, on vous écrira. »
JEAN-MICHEL APHATIE
Il y a un mécontentement important parmi vos partenaires de discussion.
ELISABETH BORNE
OK. Moi, je comprends qu'on dise ça face aux caméras. Moi je vous dis, ils déposent des amendements sur des sujets importants. Ils demandent plus de garanties en amont des processus. Ils demandent aussi d'ouvrir vous savez la portabilité des droits. Les cheminots pourront bouger avec les garanties essentielles que j'ai évoquées.
JEAN-MICHEL APHATIE
Le sac-à-dos social.
ELISABETH BORNE
Il y a des propositions, le sac-à-dos social. Ils veulent que ce soit ouvert à d'autres.
JEAN-MICHEL APHATIE
A d'autres, c'est-à-dire ?
ELISABETH BORNE
Pour l'instant, c'est les salariés qui sont concernés par le TER, ils nous disent : « Mais pourquoi ceux qui travaillent dans l'infrastructure ne pourraient pas avoir la même possibilité de bouger ? »
JEAN-MICHEL APHATIE
D'accord.
ELISABETH BORNE
Donc moi j'ai une vingtaine d'amendements, je crois, proposés par la CFDT, je vais les examiner. Je vais les examiner.
JEAN-MICHEL APHATIE
Mais rien qui change par exemple sur le statut des cheminots, les nouveaux entrants. A partir de quelle date d'ailleurs eux n'auront pas le statut de cheminot ?
ELISABETH BORNE
A partir de quelle date, c'est une très bonne question. Ça fait partie de la négociation, donc ce n'est pas rien non plus.
JEAN-MICHEL APHATIE
C'est quoi les propositions ?
ELISABETH BORNE
On se revoit cet après-midi pour parler de la modernisation sociale du secteur. Vous savez, la situation elle est simple. On était dans une situation de monopole. Les salariés ont des protections qui étaient définies dans l'entreprise. Forcément, elle était toute seule. Donc ça, c'est le statut. Demain, il va y avoir d'autres entreprises avec des salariés qui font le même métier. Comme dans les autres secteurs qui ont eu ce genre d'évolution, il faut mettre des protections au niveau de la branche. C'est la convention collective et on en parlera cet après-midi.
JEAN-MICHEL APHATIE
On va revenir sur cet aspect de la concurrence qui est évidemment important. (…)
- Pour commencer ce moment de notre dialogue, signalons ce sondage Odoxa rendu public sur Franceinfo ce matin : 57 % des personnes sondées trouvent que la grève n'est pas justifiée, mais 51 % des sondés jugent que le gouvernement doit faire quelque chose, des compromis pour que cette grève cesse. Donc c'est un sondage où chacun peut y trouver son compte. Un compromis par exemple sur le statut qui ne bénéficierait pas à ceux qui seront embauchés à la SNCF après une certaine date qui est visiblement en négociation. Sur le problème du statut, un syndicaliste de SUD-Rail donne son point de vue. On l'écoute.
ERIC SANTINELLI, SYNDICALISTE SUD-RAIL
Un geste du gouvernement qui pourrait être entendu dans les assemblées générales lundi par les cheminots, c'est qu'il retire cette réforme qui n'est pas préparée et qu'on bâtisse une nouvelle réforme sur les principes d'un maintien du statut pour l'ensemble des cheminots et ceux qui arriveront demain, parce qu'aujourd'hui l'ensemble des salariés en France ont des statuts, ont des conventions collectives et il ne s'agit pas de démarrer une négociation en leur disant : « On va retirer votre statut. »
JEAN-MICHEL APHATIE
Est-ce qu'il est envisageable que le maintien du statut même pour ceux qui entreront à la SNCF après une certaine date soit envisagé ? Le maintien du statut.
ELISABETH BORNE
Enfin, je vais vous redire. Notre cap, il a été clairement annoncé. Cette réforme, elle est nécessaire et le gouvernement est déterminé à la mener dans la discussion, dans la négociation. J'entends effectivement le monsieur de SUD qui nous dit : « Partout on a des conventions collectives. » Oui, partout on a des conventions collectives et dans un secteur où il va y avoir d'autres entreprises, il doit y avoir une convention collective et les mêmes droits pour tous les salariés de la branche. C'est de ça dont on veut discuter.
JEAN-MICHEL APHATIE
Mais ceux qui seront embauchés à la SNCF à partir d'une certaine date n'auront plus le statut. Qu'est-ce que vous attendez de cette différenciation ? C'est un gain financier ? Qu'est-ce que vous en attendez ? Pourquoi est-ce que vous faites cette distinction entre des salariés sous statut à la SNCF puis des salariés qui ne seront pas sous ce statut ? Qu'est-ce que vous en attendez ?
ELISABETH BORNE
C'est une question d'équité et de cohérence. D'abord, il y a un point qui est fort, c'est que tous les cheminots qui sont aujourd'hui à la SNCF garderont le statut. Mais demain, des salariés qui veulent travailler dans le chemin de fer, ils vont être embauchés soit dans d'autres entreprises, soit à la SNCF. On dit : effectivement, le statut a été justifié parce qu'il y a des contraintes particulières sur les métiers, mais je demande…
JEAN-MICHEL APHATIE
Les contraintes, elles resteront.
ELISABETH BORNE
Oui, mais dans les autres entreprises aussi.
JEAN-MICHEL APHATIE
Oui.
ELISABETH BORNE
Alors comment on fait ?
JEAN-MICHEL APHATIE
Je ne sais pas.
ELISABETH BORNE
Mais c'est quand même une question importante. Comment on fait si les contraintes sont les mêmes dans les autres entreprises pour les salariés de ces entreprises ? C'est ce que disait le syndicaliste de SUD, il faut une convention collective. On ne dit pas autre chose.
JEAN-MICHEL APHATIE
Donc en tout cas, vous ne reculerez pas sur ce point-là. Il y aura une différenciation entre les gens qui sont aujourd'hui à la SNCF puis ceux qui y entreront demain. Ils n'auront pas le même statut.
BRUCE TOUSSAINT
Ce n'est pas négociable.
JEAN-MICHEL APHATIE
Ce n'est pas négociable.
ELISABETH BORNE
On a dit que demain, il faut cette équité entre tous les salariés. Je pense que chacun peut le comprendre. Ensuite à quelle date ? Comment on avance dans la négociation de la convention collective et comment ça s'articule avec la date de l'arrêt du recrutement au statut à la SNCF pour un système cohérent et équitable pour tous les salariés. Ça fait partie des discussions.
BRUCE TOUSSAINT
C'est la méthode qui est négociable mais pas le…
ELISABETH BORNE
Non, non, c'est le calendrier. C'est le contenu de la convention collective. Ce n'est pas rien non plus.
JEAN-MICHEL APHATIE
Mais c'est le calendrier. Puisque la concurrence sera effective à partir de 2019, c'est tout de suite alors.
ELISABETH BORNE
Il y a une discussion sur la convention collective. C'est important que cette négociation de la convention collective avance et donc voilà, c'est ce sujet de la date qui n'est pas effectivement décidée aujourd'hui.
JEAN-MICHEL APHATIE
Le statut juridique de la SNCF suscite aussi des inquiétudes. Les syndicats redoutent le début d'une privatisation possible, donc la transformation des établissements publics aujourd'hui en société commerciale ou en société nationale. Là non plus, sur le statut futur de la SNCF, le changement juridique de l'entreprise, vous ne reculerez pas ?
ELISABETH BORNE
Ecoutez, on a dit clairement que la SNCF est une entreprise publique et qu'elle le restera. Ça sera écrit dans la loi. Ça sera écrit dans la loi. Ensuite, on peut nous faire des procès d'intention, on peut avoir des contre-vérités. J'entends beaucoup de contre-vérités. On nous dit privatisation de la SNCF, c'est faux. La SNCF est une entreprise publique et elle le restera. On nous dit : « Vous fragilisez », on nous parle même de casse du service public. On va mettre plus d'argent, plus d'argent dans le transport ferroviaire qu'on n'en a jamais mis. 36 milliards d'euros. Attendez, je pense que c'est important parce que pour les Français qui prennent le train tous les jours, qu'on mette plus d'argent pour les rails, les caténaires, les systèmes de signalisation, ça veut dire des trains à l'heure, et je pense que c'est ça que les Français attendent. Les Français attendent un meilleur service, c'est ça la réforme.
JEAN-MICHEL APHATIE
On ne peut pas privatiser un établissement public mais une société nationale, on peut la privatiser. On en a privatisées plein dans l'Histoire. Peut-être dans dix ans, vous ne serez plus là quand le gouvernement X décidera de privatiser une partie de la SNCF.
ELISABETH BORNE
On peut faire des procès…
JEAN-MICHEL APHATIE
Le changement juridique permet la privatisation. L'établissement public ne le permet pas.
ELISABETH BORNE
Par la loi, c'est clair. En Europe, toutes les entreprises sont des sociétés publiques. En Allemagne par exemple, la société, l'équivalent de la SNCF c'est une société qui existe depuis 1994, personne n'a remis en cause ce statut. Donc pourquoi agiter des peurs ? Est-ce qu'on peut parler du vrai contenu de la réforme ? Moi, je comprends que certains aient intérêt à avancer des contre-vérités, à faire des amalgames. Effectivement, il y en a qui veulent que rien ne change, c'est l'immobilisme. Nous, on fait cette réforme parce qu'elle est nécessaire. Que c'est des trains à l'heure, c'est plus de trains moins chers - c'est ça l'ouverture à la concurrence - et c'est un service public qui marche mieux. Et ça, c'est dans l'intérêt des Français, de la SNCF et des cheminots.
JEAN-MICHEL APHATIE
Donc sur le statut des cheminots, la décision est prise. Il n'y a pas de négociation, la négociation ne changera rien. Sur le statut juridique de l'entreprise, la décision est prise et les négociations ne changeront rien. C'est là que les syndicats disent : « A quoi ça sert qu'on continue à discuter ? »
ELISABETH BORNE
Mais il y a des tas de choses à discuter.
JEAN-MICHEL APHATIE
Mais on ne voit pas lesquelles en fait.
ELISABETH BORNE
Je vous le dis, l'ouverture à la concurrence. Il y a une proposition de loi qui avait été présentée au Sénat qui disait : en 2019, c'est pour tout le monde ; il n'y a plus de discussion, on ne peut plus renouveler les contrats. Ce n'est pas cela qu'on propose.
JEAN-MICHEL APHATIE
Mais à partir de 2019, il y aura des situations de concurrence.
ELISABETH BORNE
A partir de 2019, les régions auront le choix et elles le demandent. Elles auront le choix. Celles qui veulent essayer d'autres opérateurs pourront lancer des appels d'offres. Celles qui disent que la qualité de service est au rendez-vous, elles pourront renouveler les contrats. C'est quand même une différence importante. Comment ça se passe pour les cheminots ? C'est tous ces sujets-là dont on discute, les garanties, et ça s'est bien démontré. Moi, j'ai déposé des amendements sur ce sujet, ils ont été débattus en commission la semaine dernière, ils le seront la semaine prochaine. Donc le débat parlementaire est là aussi pour débattre de cette réforme.
BRUCE TOUSSAINT
La grève continue, elle reprend samedi soir.
ELISABETH BORNE
Ecoutez, moi je le déplore. Je pense que c'est plus utile pour défendre les cheminots de passer des journées à discuter que d'appeler à une grève qui est pénalisante pour les usagers.
BRUCE TOUSSAINT
Elle va durer trois mois. Pardon pour ce très mauvais jeu de mots, mais est-ce que vous n'avez pas un train de retard dans cette négociation et dans ce conflit ?
ELISABETH BORNE
Ecoutez, moi j'avance. Je fais des avancées, je note que la posture des syndicats ne change pas.
JEAN-MICHEL APHATIE
C'est une posture ?
ELISABETH BORNE
Je suis convaincue qu'il faut avancer.
JEAN-MICHEL APHATIE
C'est une posture ? Ils ne semblent pas disposés à dialoguer avec vous ?
ELISABETH BORNE
Ecoutez, quand quoi qu'on mette sur la table, on vous dit : « On appelle à une grève longue et pénalisante pour les usagers », oui, moi j'ai fait des avancées, j'ai mis des amendements sur la table, ils ont été débattus.
BRUCE TOUSSAINT
Ils ne suffisent pas visiblement.
ELISABETH BORNE
Nous continuons la discussion.
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous pariez sur l'essoufflement du mouvement ? Vous pensez que les syndicalistes et les cheminots vont se fatiguer ?
ELISABETH BORNE
Moi, je parie sur le dialogue social. Je peux comprendre que les cheminots se posent des questions. Moi je suis là pour y répondre pendant que d'autres agitent des contre-vérités, des sujets qui font peur. Donc moi je suis là pour avancer dans la discussion.
BRUCE TOUSSAINT
Le dialogue social, quand vous avez des syndicalistes qui sortent en disant : « C'est une mascarade, ça ne sert à rien », on a le sentiment que le dialogue, c'est plutôt un dialogue de sourds et qu'on est au point mort à l'issue de cette semaine à la fois de grève et de discussions. On est vendredi, on est au point mort.
ELISABETH BORNE
Quand la CGT nous dit : « C'est une mascarade », je peux comprendre en effet que ce soit pénible pour eux qu'on passe deux heures à discuter de la façon dont ça va se passer pour les salariés dans l'ouverture à la concurrence puisque, par principe, ils ne veulent pas d'ouverture à la concurrence.
BRUCE TOUSSAINT
Mais vous avez le sentiment que ça avance ?
ELISABETH BORNE
Il y a des amendements qui ont été déposés, deux organisations syndicales m'ont indiqué qu'elles allaient proposer d'autres amendements.
JEAN-MICHEL APHATIE
UNSA et CFDT.
ELISABETH BORNE
Je vais les examiner.
BRUCE TOUSSAINT
Ce n'est pas à vous plutôt de faire des propositions plutôt qu'aux organisations syndicales ?
ELISABETH BORNE
Ecoutez, excusez-moi, mais j'ai posé des amendements et deux syndicats me disent : « Nous, on va proposer des nouveaux amendements. » Ecoutez, ça avance mais pour revenir à la CGT.
BRUCE TOUSSAINT
« Ça avance », c'est ce que vous nous dites ce matin.
ELISABETH BORNE
Absolument. Et pour revenir à la CGT, c'est pareil. On parle de la dette.
JEAN-MICHEL APHATIE
On va en parler de la dette, on va en parler.
BRUCE TOUSSAINT
Ne bougez pas. Dans une minute la dette justement avec Elisabeth BORNE, ministre des Transports, qui est l'invitée de Franceinfo. (…)
JEAN-MICHEL APHATIE
La dette, vous en parliez. Pour Laurent BERGER, le patron de la CFDT, il n'y a qu'une solution : que l'Etat reprenne la dette. On l'écoute, c'était sur BFM hier.
LAURENT BERGER, SECRETAIRE GENERAL DE LA CFDT
La dette, ce n'est pas celle des cheminots. La dette, ce n'est pas celle des usagers. La dette, elle doit être reprise par l'Etat. Il n'y a pas d'autre voie, il n'y a pas d'autre voie pour qu'on puisse repartir sainement dans cet entreprise.
JEAN-MICHEL APHATIE
Est-ce que vous êtes d'accord avec Laurent BERGER ? Il n'y a pas d'autre voie que la reprise de la dette par l'Etat.
ELISABETH BORNE
Ecoutez, les précédents gouvernements disaient que la dette n'était pas un problème.
JEAN-MICHEL APHATIE
C'en est un aujourd'hui.
ELISABETH BORNE
Nous, nous disons que c'est non seulement un problème mais que c'est une menace pour le système ferroviaire.
JEAN-MICHEL APHATIE
Donc pas d'autre solution que l'Etat.
ELISABETH BORNE
Alors regardons. Effectivement, la CGT hier nous disait : « Nous, on a trouvé la solution : c'est plus d'impôts. » Il n'y a que ça, plus d'impôts.
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous n'êtes pas d'accord avec ça.
ELISABETH BORNE
Ecoutez, je dis simplement que s'occuper…
JEAN-MICHEL APHATIE
Pourquoi le gouvernement n'est pas clair sur la dette ?
ELISABETH BORNE
Pourquoi on n'est pas d'accord aves plus d'impôts ? Je ne sais pas, on peut demander aux Français. Vous pensez que les Français veulent payer plus d'impôts ?
JEAN-MICHEL APHATIE
Non, non, non, non. Pourquoi est-ce que le gouvernement n'est pas clair sur la dette ? Pourquoi est-ce que le gouvernement ne dit pas : « Nous reprenons la dette ? »
ELISABETH BORNE
Pour une raison bien simple.
JEAN-MICHEL APHATIE
Allez-y.
ELISABETH BORNE
Pour une raison bien simple : aujourd'hui la dette de la SNCF augmente de trois milliards d'euros tous les ans.
JEAN-MICHEL APHATIE
Oui.
ELISABETH BORNE
Si j'effaçais la dette, on effacerait un milliard et demi. Donc vous pensez qu'on peut dire qu'on s'occupe…
JEAN-MICHEL APHATIE
Il n'y a pas de solution ?
ELISABETH BORNE
Attendez. Vous pensez qu'on peut se contenter de dire : « J'efface la dette » et elle recommence à augmenter d'un milliard et demi par an.
JEAN-MICHEL APHATIE
Il n'y a pas de solution alors ?
ELISABETH BORNE
Ça veut dire qu'il faut qu'on regarde quelle part chacun peut faire du chemin, parce qu'on veut…
JEAN-MICHEL APHATIE
« Chacun », ça veut dire ?
ELISABETH BORNE
La SNCF et l'Etat. On ne peut pas s'occuper de la dette aujourd'hui et qu'elle se reconstitue demain. Nous ce qu'on veut, c'est un système à l'équilibre durablement, une SNCF qui peut investir et donc on ne va pas traiter le sujet de la dette sans s'en être assuré, et je pense que c'est ce que les Français peuvent attendre de nous. On ne va pas se reparler de la dette dans dix ans.
JEAN-MICHEL APHATIE
Ce que vous dites ce matin qui est assez clair, Elisabeth BORNE, c'est que l'Etat ne reprendra pas toute la dette.
ELISABETH BORNE
Ce que je suis en train de dire, c'est que si on effaçait…
JEAN-MICHEL APHATIE
C'est ce que vous avez dit.
ELISABETH BORNE
Excusez-moi, Jean-Michel APHATIE, ce que je dis très précisément, c'est que si j'effaçais toute la dette, alors la dette, si on ne fait rien d'autre, si on ne fait rien d'autre, elle continuerait…
JEAN-MICHEL APHATIE
Mais faites ce qu'il y a à faire.
ELISABETH BORNE
Elle continuerait à augmenter d'un milliard et demi par an.
JEAN-MICHEL APHATIE
Donc vous ne reprendrez en compte qu'une partie de la dette. Vous ne pouvez pas effacer toute la dette.
ELISABETH BORNE
Donc on doit regarder comment on replace ce système durablement à l'équilibre, ce qui est indispensable pour que la SNCF ait de la visibilité, puisse investir dans le réseau, et ça c'est ce que tous les Français attendent parce que des rails cassés, des caténaires qui tombent, c'est des tracas tous les jours quand on veut se rendre à son travail. Donc il faut effectivement que le système soit à l'équilibre. Le gouvernement veut investir plus que jamais dans le système ferroviaire, mais on ne peut pas le faire à crédit. On ne peut pas dire : « C'est nos enfants qui paieront. »
JEAN-MICHEL APHATIE
Donc, il reste une incertitude sur la dette et quand on vous écoute on comprend bien que l'Etat ne fera qu'une partie du chemin. Il manque un acte dans ce dossier, et c'est Benoît HAMON qui était notre invité hier, qui a pointé l'absence de Nicolas HULOT, votre ministre de tutelle.
BENOIT HAMON
Il est ministre.
JEAN-MICHEL APHATIE
Il est ministre, mais…
BENOIT HAMON
Il est ministre de la Transition écologique, au passage, ministre de tutelle qui pilote la réforme de la SNCF.
JEAN-MICHEL APHATIE
On n'a pas encore entendu Nicolas HULOT, pas un mot.
ELISABETH BORNE
Mais je peux vous assurer qu'on en parle régulièrement avec Nicolas HULOT…
JEAN-MICHEL APHATIE
Il n'a pas pris une fois la parole publique dans l'actu.
ELISABETH BORNE
Et si le propos de Benoît HAMON est de dire quelle politique des transports veut le gouvernement, il n'a peut-être pas entendu, mais moi j'ai fait, tout l'automne, des Assises de la mobilité, pour dire que mon objectif c'est qu'on réponde aux besoins de mobilité de tous les Français, en leur donnant…
JEAN-MICHEL APHATIE
Pourquoi Nicolas HULOT ne prend-il pas la parole ? Il est ministre des Transports.
ELISABETH BORNE
Je n'ai pas de doute qu'il va prendre la parole aussi…
JEAN-MICHEL APHATIE
On l'attend.
ELISABETH BORNE
Comme tout le gouvernement, on porte une réforme, qui est nécessaire, qu'on veut mener à bien, dans la discussion et la négociation.
JEAN-MICHEL APHATIE
Reconnaissez que c'est étonnant quand même ! On dit Emmanuel MACRON ne parle pas, bon, Emmanuel MACRON il est président de la République, il ne parlera pas tous les jours, mais Nicolas HULOT ! Ça fait trois semaines au moins que vous avez présenté la réforme, pas une fois il n'en n'a parlé.
ELISABETH BORNE
Ne vous inquiétez pas, il parlera Nicolas HULOT…
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous êtes sûre qu'il est d'accord avec vous ?
ELISABETH BORNE
Je peux vous assurer, on s'en est encore parlé hier…
JEAN-MICHEL APHATIE
Et il est d'accord sur tout ?
ELISABETH BORNE
Et il est d'autant plus d'accord avec moi…
JEAN-MICHEL APHATIE
Il a beaucoup d'états d'âme Nicolas HULOT.
ELISABETH BORNE
Il est d'autant plus d'accord avec moi, que cette réforme elle vise à développer le transport ferroviaire, à avoir plus de trains, des trains moins chers, donc plus de gens qui prennent le train, au lieu d'utiliser la voiture. C'est bien ça le but de la réforme, un meilleur service, plus de gens qui prennent le train, moins de gens qui n'ont pas d'autre choix que la voiture, c'est tout le sens de la politique des transports que je conduis.
JEAN-MICHEL APHATIE
Si vous le voyez aujourd'hui, Nicolas HULOT, dites lui qu'il est bienvenu lundi matin par exemple.
BRUCE TOUSSAINT
Je pense aux très nombreux Français qui nous écoutent ce matin, qui se demandent si cette grève va durer, qu'est-ce que vous leur dites ? ne vous inquiétez pas, le gouvernement tient bon, donc ça va durer longtemps, ou au contraire le gouvernement travaille à ce que ça s'arrête le plus vite possible. Est-ce que ça va durer longtemps ?
ELISABETH BORNE
Evidemment moi je souhaite qu'on trouve le plus vite possible des solutions dans le dialogue social.
BRUCE TOUSSAINT
Avec des vraies négociations, parce que pour l'instant ces réunions elles étaient prévues d'ailleurs, donc des vraies négociations qui pourraient démarrer rapidement ?
ELISABETH BORNE
Mais les négociations, attendez, elles ont lieu, on va arrêter de jouer sur les mots, quand le gouvernement propose…
BRUCE TOUSSAINT
En général vous parlez de concertation.
ELISABETH BORNE
Attendez, quand le gouvernement a déposé des amendements, qui sont débattus au Parlement, qui est quand même aussi un acteur important dans une réforme comme celle-là, et que les syndicats me disent « moi j'ai d'autres amendements, est-ce que vous voulez les examiner ? », je dis oui, je vais examiner les amendements, on tiendra compte de tous les amendements qui vont dans le bon sens, qui permettent de rassurer les cheminots sur leur avenir, mais de mener cette ouverture à la concurrence, dont je rappelle, c'est un meilleur service, c'est des trains plus nombreux, des trains moins chers, et donc plus de Français qui ont le choix du train pour se rendre à leur travail et pour se déplacer.
BRUCE TOUSSAINT
Merci beaucoup Elisabeth BORNE, merci d'avoir été notre invitée ce matin sur France Info, très bonne journée.Source : Service d'information du Gouvernement , le 6 avril 2018