Texte intégral
M. le président. L'ordre du jour appelle une déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat, portant sur le projet de programme de stabilité pour 2018-2022, en application de l'article 50-1 de la Constitution.
La parole est à M. le ministre de l'économie et des finances.
M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie et des finances. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, messieurs les rapporteurs généraux, mesdames, messieurs les sénateurs, Gérald Darmanin et moi-même sommes très heureux de vous présenter aujourd'hui le programme national de réformes et le projet de programme de stabilité que nous enverrons prochainement à Bruxelles pour que puissent en débattre les États membres de l'Union européenne dans le courant du mois de juin prochain.
Ces documents, vous le savez, permettent d'exposer à nos partenaires européens notre stratégie de finances publiques et notre stratégie de réformes, stratégies qui doivent permettre à la France, d'une part, de rétablir ses finances publiques, et, d'autre part, de retrouver sa compétitivité.
Pourquoi nous semble-t-il nécessaire de poursuivre le travail de transformation de l'économie et de rétablissement des finances publiques que Gérald Darmanin et moi-même avons engagé ? Ce travail - je le dis au passage - donne déjà des résultats. En effet, en 2017, pour la première fois depuis dix ans, nous avons réussi à ramener le déficit public sous la barre des 3 % du PIB.
Il est nécessaire de poursuivre ce travail parce que, si la croissance a certes redémarré en France, elle reste néanmoins en dessous de la moyenne des États membres de la zone euro. Or je suis totalement convaincu que la vocation de la France n'est pas d'être dans la moyenne ; elle est d'être la première !
En matière de croissance, nous pouvons et nous devons faire encore mieux. Notre niveau de chômage structurel reste supérieur à la moyenne des pays de l'OCDE. Notre déficit commercial se creuse depuis 2001 sous l'effet des pertes de compétitivité. On peut toujours trouver mille arguments pour ne pas décider, pour ne pas transformer, pour ne pas réformer, mais quand on examine quelle est, depuis trente ans, notre situation économique, financière et de compétitivité, on se dit qu'il était temps de prendre les problèmes à bras-le-corps !
Je rappelle par ailleurs que ces mauvais résultats économiques, en particulier sur le front du chômage, se conjuguent depuis des années avec le niveau de dépenses publiques le plus élevé de tous les pays de l'OCDE. La voie consistant à augmenter systématiquement la dépense publique, comme certains le proposent, a donc déjà été explorée : c'est une impasse !
Quant à nous, nous voulons tenter autre chose, pour éviter d'avoir toujours plus de dépenses publiques, toujours plus d'impôts et toujours moins de résultats économiques et d'emplois ! Notre stratégie, qui commence déjà à donner des résultats, puisque la croissance est de retour, que nous avons créé 270 000 emplois en 2017 et que nous comptons persévérer en 2018, consiste, à l'inverse, à restaurer nos finances publiques et à améliorer notre productivité et notre compétitivité pour créer des emplois.
Pourquoi est-ce maintenant qu'il faut le faire ? Pour la bonne et simple raison qu'il est plus facile d'accomplir des transformations économiques et de rétablir les finances publiques quand la croissance est là, comme c'est le cas actuellement.
M. Bruno Sido. Exact !
M. Bruno Le Maire, ministre. Le taux de croissance a été de 2 % en 2017 ; nous prévoyons qu'il sera de 2 % en 2018, puis de 1,9 % en 2019. Cette croissance est soutenue par nos réformes, par notre choix d'alléger la fiscalité du capital, par l'investissement dynamique des entreprises et par un environnement international porteur.
J'insiste sur la nécessité de décider et d'avancer maintenant. On observe en effet des nuages à l'horizon, des menaces qui peuvent, demain, peser sur la croissance. Je pense au risque de guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine - je constate tous les jours à quel point il s'agit d'une menace réelle pour la croissance, qui peut très rapidement prendre des proportions importantes - et à la remontée progressive des taux d'intérêt. C'est une certitude : les taux remonteront progressivement d'ici à la fin de 2018 ou au début de 2019.
Devant cette situation, quelle stratégie proposons-nous au travers de ce projet de programme européen de stabilité ? Nous comptons mener à la fois une démarche de réduction de la dépense publique et une démarche de transformation structurelle de notre économie. C'est en avançant sur ces deux jambes que nous pourrons rétablir la prospérité en France.
Il ne s'agit pas de tailler dans les dépenses publiques pour tailler dans les dépenses publiques, ou de faire des réformes économiques pour faire des réformes économiques. Il s'agit, à la fois, de rétablir nos finances publiques et de permettre à notre appareil de production de se moderniser, d'innover, de créer des emplois, de faire face à une révolution technologique sans précédent et qui exige des efforts considérables du point de vue de l'investissement, de la formation et de la qualification des salariés. Nous tiendrons ces deux bouts de la transformation de notre nation, car c'est à notre sens la seule méthode pour obtenir des résultats.
Gérald Darmanin vous parlera tout à l'heure de la réduction de la dépense publique. Je voudrais juste, pour ma part, exposer à nos compatriotes quelles conséquences auront les choix que nous faisons en la matière. Nous ne réduisons pas la dépense publique pour le seul plaisir de faire passer le déficit public sous la barre des 3 % du PIB : cela ne fait pas un objectif politique !
Si nous réduisons la dépense publique, c'est d'abord parce que cela nous permettra de réduire la dette. Cette dette, qui atteint environ 97 % du PNB, pèse comme une épée de Damoclès au-dessus de notre croissance et de nos enfants.
M. Bruno Sido. C'est vrai !
M. Bruno Le Maire, ministre. Il serait totalement irresponsable de notre part, alors que nous savons que les taux d'intérêt pourraient remonter d'ici à quelques mois, de traiter la dette comme un problème accessoire, alors qu'il s'agit d'un problème central. L'argent consacré chaque année à son remboursement est perdu pour d'autres dépenses qui seraient infiniment plus utiles, qu'il s'agisse de financer les services publics, les hôpitaux ou les aides aux plus démunis. Tous ceux qui ne veulent pas s'engager dans la réduction de la dette prennent la responsabilité de nous priver de moyens financiers publics indispensables.
Je fais donc de la réduction de la dette une priorité absolue pour le rétablissement de nos finances publiques. Nous avions fixé, il y a quelques mois, le cap « cinq, trois, un » : sur la durée du quinquennat, nous entendions faire baisser la dette publique de cinq points, la dépense publique de trois points et les prélèvements obligatoires d'un point. Je souhaite à présent passer à un cap « huit, trois, un », l'objectif étant désormais de réduire la dette publique de huit points, pour qu'elle représente moins de 90 % du PIB en 2022. Je considère en effet que nous le devons à nos enfants et aux générations à venir.
Le deuxième résultat que l'on peut attendre de la réduction de la dépense publique est évidemment la baisse des impôts. Je ne sais pas, en effet, comment on pourrait baisser les impôts si l'on ne réduit pas la dépense publique. Un point de prélèvements obligatoires en moins : voilà notre objectif, et nous avons commencé à progresser dans cette direction. J'entends dire que nous aurions augmenté les impôts, que nous en aurions même créé : non ! Nous avons engagé la baisse des impôts, tant pour les entreprises, avec la réduction de l'impôt sur les sociétés, que pour les ménages, avec le dégrèvement progressif de la taxe d'habitation. Nous continuerons dans cette voie, parce que la pression fiscale sur les ménages comme sur les entreprises est en France trop élevée et inefficace.
La troisième conséquence à attendre de cette réduction de la dépense publique, c'est la sortie de notre pays de la procédure pour déficit excessif. La France n'a pas vocation à continuer d'être la lanterne rouge des pays de la zone euro. Cette situation nous marginalise et affaiblit la parole de la France sur la scène européenne. Quand vos comptes sont bien tenus, vous êtes écouté et respecté de vos partenaires européens. C'est l'objectif fixé par le Président de la République et le Premier ministre ; Gérald Darmanin et moi-même sommes déterminés à l'atteindre.
Le deuxième volet de notre stratégie recouvre l'ensemble des transformations structurelles que nous avons présentées aux parlementaires et à nos partenaires européens. Nous entendons ainsi montrer que, outre le rétablissement des comptes publics que nous avons engagé, une transformation plus vaste s'opère progressivement en France.
Il s'agit, tout d'abord, d'une transformation du système fiscal. Pour la première fois depuis trente ans, nous avons eu le courage d'alléger la fiscalité sur le capital. Là encore, nous le faisons non pour le plaisir de le faire, mais tout simplement pour répondre aux besoins de notre économie : l'industrie, l'agriculture, l'innovation ont besoin de capitaux ; il faut en mettre à leur disposition.
Nous avons aussi réformé le marché du travail. Nous allons poursuivre ces transformations au travers du projet de loi sur la croissance et la transformation des entreprises, qui vise à rendre notre tissu productif plus efficace et à mieux soutenir nos PME, pour leur permettre de grandir, d'investir, de se projeter à l'international, d'aller chercher des clients sur les marchés les plus dynamiques du monde.
La deuxième dimension de ces réformes structurelles, c'est l'innovation. La France, l'Europe ont pris du retard en matière d'innovation. Ne nous laissons pas bercer par de douces illusions selon lesquelles la France serait pionnière, championne, exceptionnelle dans ce domaine. Certes, nous avons les talents, les compétences, les savoir-faire, une école de mathématiques, des ingénieurs et des ouvriers de qualité, mais nous n'investissons pas assez dans les technologies révolutionnaires, dites « de rupture », qui feront demain la différence et qui nous permettront tout simplement de rester une nation technologiquement souveraine.
Je souhaite que, demain, nos véhicules autonomes soient pilotés par des systèmes européens, et non chinois ou américains. Je souhaite que, demain, les batteries qui alimenteront nos véhicules électriques puissent être produites en Europe, et non en Chine ou aux États-Unis. Je souhaite que, demain, les technologies dans le domaine de la domotique soient européennes, et non chinoises ou américaines. Je souhaite que, demain, en matière d'intelligence artificielle et d'algorithmes, la France et l'Europe aient leurs propres technologies et soient autonomes, plutôt que d'être dépendantes de technologies importées de Chine ou des États-Unis. C'est pourquoi, à mes yeux, le défi de l'innovation est peut-être le plus important de tous ceux qui nous attendent dans les années à venir.
Faire en sorte que cette croissance retrouvée profite non pas seulement à quelques-uns, mais à tous les Français, représente un autre défi. Nous n'accomplissons pas ces transformations économiques pour que ceux qui réussissent déjà réussissent toujours mieux ; nous les faisons pour que chaque Français, d'où qu'il vienne, quelles que soient son origine, sa formation, puisse se dire : j'ai une chance de réussir et, si je me donne du mal, si je travaille, si mon entreprise a de bons résultats, je serai le premier à en bénéficier.
Quand une entreprise réussit, ses salariés doivent avoir de meilleures rémunérations. Si nous avons décidé, avec le Président de la République et le Premier ministre, de totalement supprimer le forfait social sur l'intéressement pour les entreprises de moins de 250 salariés, c'est parce que nous voulons que chacun des millions de salariés de ces entreprises touche plus d'argent à la fin du mois quand son entreprise fait des bénéfices. C'est une question de justice, c'est une question d'équité ! L'intéressement et la participation, nous n'en parlons pas, nous les faisons. Nous ne nous contentons pas de rêver de l'intéressement pour tous les salariés, nous prenons la lourde décision politique de supprimer le forfait social, pour que tous les salariés des TPE ou des PME, dans le bâtiment ou dans la boulangerie, dans le commerce de bouche ou dans les services, puissent se dire que le temps et l'énergie qu'ils consacrent à leur entreprise paient.
Le quatrième aspect de ces réformes structurelles, c'est la transformation de l'État. En effet, il va de soi, pour nous, que la transformation économique du pays passe par une redéfinition des rôles respectifs de l'État et de l'entreprise dans la société française. J'aurai l'occasion d'y revenir dans les prochaines semaines.
Au-delà de ces précisions sur le programme de stabilité, je voudrais aussi redire à quel point toutes les transformations économiques que je viens d'évoquer ne peuvent prendre leur sens que dans une dimension européenne.
Innover n'a de sens que si nous rassemblons toutes les capacités d'innovation des grands États européens. Se protéger contre le pillage des technologies par d'autres grandes puissances n'a de sens que si nous le faisons à l'échelon européen. Travailler sur l'intelligence artificielle n'a de sens que si on le fait à l'échelle européenne. Investir dans les supercalculateurs n'a de sens que si l'on y emploie toutes les ressources européennes.
Restaurer notre compétitivité sera mille fois plus utile si nous parvenons en même temps à bâtir un marché unique beaucoup plus intégré qui offrira à chacune de nos entreprises, quand elle lancera un produit, non pas 65 millions de consommateurs, mais 450 millions. La profondeur de marché que donne l'Europe, c'est de la puissance pour nos entreprises, en particulier pour nos PME !
Faire l'union bancaire, c'est garantir à tous nos concitoyens que l'économie sera stable, que leur épargne sera toujours protégée et qu'ils ne courent aucun risque face aux différentes crises économiques ou financières qui peuvent toujours survenir à un moment ou à un autre.
Réaliser la convergence fiscale, achever la zone euro, c'est garantir que l'Europe pourra, demain, être un continent aussi puissant, économiquement, que la Chine ou les États-Unis. Contrairement à ce que je lis ici ou là, nous avançons avec l'Allemagne dans l'intégration de la zone euro. Mon homologue allemand Olaf Scholz et moi-même progressons sur l'union bancaire, sur l'union des marchés de capitaux, sur la convergence fiscale. Nous avançons de la seule manière efficace quand il s'agit du couple franco-allemand : sérieusement, discrètement, à l'écart des grandes discussions publiques et des lumières, parce que ces sujets sont difficiles, parce que les enjeux financiers sont importants et parce que les intérêts de la France et de l'Allemagne ne convergent pas toujours naturellement. C'est pourquoi il faut se donner le temps de rapprocher les positions, de discuter, de rechercher un consensus.
Croyez-moi, le Gouvernement français et le Gouvernement travaillent d'arrache-pied, et le Président de la République aura l'occasion de se concerter demain avec la chancelière Angela Merkel ; vous jugerez aux résultats. Nous avons un rendez-vous important : le Conseil européen de juin. Je suis convaincu que, à cette occasion, après des semaines de discussions et de négociations, la France et l'Allemagne pourront présenter une feuille de route commune pour l'avenir de la zone euro ; ce sera une avancée majeure pour le continent européen ! (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, du groupe Les Indépendants - République et Territoires, du groupe Union Centriste et sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'action et des comptes publics.
M. Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, messieurs les rapporteurs généraux, mesdames, messieurs les sénateurs, M. le ministre de l'économie et des finances a évoqué la philosophie du programme de stabilité que nous vous présentons. La déclaration du Gouvernement a été approuvée tout à l'heure par l'Assemblée nationale. Nous sommes heureux de vous présenter le projet de programme qui a été adopté mercredi dernier en Conseil des ministres.
La trajectoire a été revue par rapport à la loi de programmation des finances publiques que vous aviez examinée l'année dernière, parce que les nouvelles sont bonnes. Nous allons sans doute débattre de ce point : quand le bébé est beau, il y a plusieurs pères ! (Sourires.)
L'été dernier, j'avais présenté devant les commissions des finances et des affaires sociales du Sénat les premières mesures d'économies, à hauteur de 5 milliards à 6 milliards d'euros, à la suite du rapport de la Cour des comptes. M. le ministre de l'économie et des finances et moi-même nous étions alors engagés à ramener, pour la première fois depuis dix ans, le déficit public en dessous de la barre des 3 % du PIB.
Nous pouvons tous aujourd'hui constater que cet objectif a été atteint : le déficit pour 2017 devrait s'élever à 2,6 % du PIB. Une incertitude demeure quant à la requalification par le comptable européen de la recapitalisation d'Areva, mais, quoi qu'il arrive, le déficit public pour 2017 s'établira, au pire, à 2,8 %. Nous prévoyons, dans le cadre du programme de stabilité que nous vous présentons, qu'il passe à 2,3 % l'année prochaine. Nous pouvons même imaginer atteindre l'équilibre budgétaire, voire un léger excédent de 0,3 %, d'ici à la fin du quinquennat : c'est un fait politique extrêmement important. Le chemin est encore long pour y parvenir, mais nous mettrions ainsi fin à quarante ans de vie politique où le Parlement a dû, malheureusement, adopter des budgets qui n'étaient pas en équilibre.
Pour atteindre cet objectif, la réunion de plusieurs circonstances est nécessaire : sur le plan international, une croissance porteuse ; la mise en oeuvre, pour assurer à la France plus de croissance et de recettes, de réformes nationales, que nous présenterons à la Commission européenne en même temps que le programme de stabilité ; la poursuite de la baisse des dépenses publiques. Sur ce dernier point, le plus important, nous regrettons de ne pas en être encore à 0 % d'augmentation en volume, mais nous prolongerons les efforts en ce sens, conformément au discours de politique générale du Premier ministre. Le taux d'augmentation de la dépense publique passera de 1,7 % en 2017 à 0,7 % en 2018, pour s'établir à 0,3 % à la fin du quinquennat. Ce taux se trouvera ainsi divisé par deux, par trois, puis par quatre, alors même que la population de notre pays continue de croître et que des besoins supplémentaires doivent être satisfaits. La Haute Assemblée est parfois traversée par ces demandes, notamment en matière d'infrastructures.
À qui revient le mérite de ce bon chiffre de 2,6 % de déficit ?
Imaginons un instant que François Hollande se soit représenté et ait été réélu.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Non, pitié ! Quel cauchemar !
M. Gérald Darmanin, ministre. J'avoue qu'il y faut de l'imagination, monsieur le rapporteur général ! Quoi qu'il en soit de ce scénario de politique-fiction, les députés socialistes
M. Bruno Sido. Ce qu'il en reste !
M. Gérald Darmanin, ministre. affirment grosso modo que le Gouvernement n'a fait que poursuivre le travail accompli avant les élections de 2017.
Pourtant, le projet d'économies que j'ai présenté l'année dernière avait soulevé des contestations politiques, portant notamment sur la baisse des dotations aux collectivités territoriales, la réduction des aides personnalisées au logement ou le décalage du dégel budgétaire pour les armées. Je ne reviendrai pas ici dans le détail sur le décret d'avance que j'ai alors présenté devant vos commissions, mais je tiens à remercier M. le rapporteur général de la commission des finances et la majorité sénatoriale de l'avoir courageusement adopté, prenant acte, tout en relevant des différences de points de vue, de l'insincérité soulignée par le rapport de la Cour des comptes
Les économies permises par ce décret d'avance sont de l'ordre de 5 milliards d'euros, soit grosso modo 0,25 point de PIB. Si ces économies n'avaient pas été faites, conformément à la position de l'ancienne majorité, selon qui les comptes étaient sincères et seule la croissance revenue à partir du début de l'année 2017 explique la baisse du déficit public, celui-ci s'établirait aujourd'hui à 2,85 % du PIB, au lieu de 2,6 %. Dès lors, nous serions en train de nous demander non pas si l'on atteindra, dans quatre ans, l'équilibre des comptes publics, ce qui n'est pas arrivé depuis quarante ans, si les ajustements structurels entrepris sont excessifs ou insuffisants, si le taux de prélèvements obligatoires a légèrement augmenté ou diminué par rapport à celui que nous avons constaté l'été dernier, mais si le déficit public est bien passé, ou non, sous la barre des 3 %. En effet, compte tenu de ce chiffre de 2,85 % et du 0,2 point d'incertitude lié au traitement de la recapitalisation d'Areva par le comptable européen, qui n'a pas rendu ses éléments définitifs, nous ne serions pas certains d'avoir franchi ce seuil et d'être ainsi sortis de la procédure pour déficit excessif.
Je crois que la décision difficile que nous avons prise l'été dernier de réaliser ces économies a été salutaire. Nous sommes encore loin, avec 2,6 % de déficit public, d'avoir atteint notre objectif d'assainir les finances publiques, et il nous faut donc continuer ce travail, mais ces mesures courageuses ont permis de renforcer la voix de la France en Europe et de sortir de la procédure pour déficit excessif : il fallait mettre fin à une situation qui était un sujet de honte pour tous les patriotes.
J'en viens à la baisse de la dépense publique. Lors du débat budgétaire de l'automne dernier, les sénateurs ont souligné que les collectivités locales avaient consenti beaucoup d'efforts.
M. Bruno Sido. C'est vrai !
M. Gérald Darmanin, ministre. - pour réduire les dépenses publiques, et contribué à cette réduction plus qu'à raison de leur poids dans les comptes publics.
M. Bruno Sido. C'est encore vrai !
M. Gérald Darmanin, ministre. C'est tout à fait vrai.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Dont acte !
M. Gérald Darmanin, ministre. C'est tellement vrai que, sous le gouvernement précédent, un plan d'économies très important avait été proposé. Si, à un milliard d'euros près, les collectivités locales ont respecté ce plan, cela n'a pas été le cas de l'État, ce qui explique la situation politique dans laquelle nous nous trouvons.
Nous avons tiré la conséquence de ce constat. Nous pensons que l'État doit réaliser plus d'efforts que les collectivités locales, ce qui n'exclut pas que celles-ci poursuivent les leurs. Nous avons choisi de jouer non sur les investissements, et donc sur les dotations, mais sur un contrat avec les collectivités locales dont le budget de fonctionnement est supérieur à 60 millions d'euros - elles représentent moins de 1 % de l'ensemble, prévoyant que leurs dépenses de fonctionnement ne progressent pas de plus de 1,2 % par an. Certaines villes en difficulté ou relevant de la politique de la ville pourront toutefois déroger à cette règle.
Au regard de cette référence de 1,2 %, qui ne concerne donc que les dépenses de fonctionnement, hors investissements, l'État a-t-il fait plus d'efforts que les plus grosses collectivités territoriales ? La réponse est oui, trois fois oui, puisque, en 2018, la dépense de l'État augmentera de 0,7 % en volume, toutes dépenses confondues. Que l'État accomplisse à peu près deux fois plus d'efforts que les collectivités locales n'est pas un motif particulier de fierté ; ce n'est que justice !
Je remarque d'ailleurs que, sur les travées de droite de la Haute Assemblée, ainsi que sur certaines travées de gauche, on nous avait promis la censure par le Conseil constitutionnel de dispositions qui figuraient pourtant dans le rapport Malvy, notamment la suppression de la taxe d'habitation, au nom du principe de l'autonomie financière des collectivités territoriales. Or il n'en a rien été. Le mérite en revient à l'ensemble du Gouvernement et à tous ceux qui ont travaillé sur ce budget, en particulier M. le rapporteur général et la commission des finances du Sénat, mais Bruno Le Maire et moi-même sommes assez fiers que, pour la première fois depuis dix ans, les dispositions les plus importantes du budget n'aient pas été censurées, hormis la disposition relative à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises de la métropole de Lyon. La loi de finances, la loi de financement de la sécurité sociale et la loi de programmation des finances publiques ont été en intégralité validées par le Conseil constitutionnel.
Il est extrêmement important que l'État soit au rendez-vous en matière d'efforts de réduction de la dépense publique. Faut-il pour autant s'arrêter là ? La réponse est non. La trajectoire de réduction de la dépense publique est appelée à s'accélérer à la fin du quinquennat, parce que nous considérons que les réformes doivent se poursuivre. Après celles concernant le travail et le logement, d'autres seront inscrites dans le projet de loi de finances pour 2019. Dans quelques jours, le comité d'experts « Action publique 2022 », au sein duquel la majorité sénatoriale est représentée, rendra ses propositions relatives à la dépense publique et aux services publics. Celles que nous retiendrons trouveront une traduction dans le projet de loi de finances pour 2019, au travers des grandes politiques publiques que nous choisirons de mettre en place.
M. le ministre de l'économie et des finances a souligné à quel point nous avions eu raison de faire le pari du courage en réduisant le déficit public. Depuis dix ans, notre pays n'était pas à la hauteur de ses engagements européens en termes de dépenses et de déficit publics.
Notre objectif, c'est que, dès 2018, la dette baisse. Dans la loi de programmation des finances publiques dont vous avez débattu à l'automne dernier, il était prévu qu'elle ne reflue qu'à partir de 2020. Les bons chiffres et les réformes engagées nous laissent penser que nous pourrons la réduire dès cette année. C'est très important, car cela nous permettra de donner confiance aux investisseurs.
À cet égard, il faut se préparer à la poursuite du relèvement des taux d'intérêt. Aujourd'hui, ils restent légèrement inférieurs à ce qui était prévu dans le projet de loi de finances, mais s'ils augmentaient davantage, nous aurions un problème budgétaire. Il faut donc solder une partie de la dette.
Par ailleurs, la question de la dette de la SNCF se posera. J'imagine, monsieur le rapporteur général de la commission des finances, que vous comptez nous interroger à ce sujet ; nous vous répondrons bien volontiers.
Enfin, la baisse des impôts ne peut être durable que si la dépense et la dette publiques baissent.
M. Bruno Sido. C'est clair !
M. Gérald Darmanin, ministre. Le taux des prélèvements obligatoires a connu des vicissitudes statistiques qui méritent que l'on s'y arrête quelques instants.
Le comptable - c'est notre juge de paix, il n'est pas question de le contester - inclut désormais la redevance audiovisuelle dans les prélèvements obligatoires, ce qui n'était pas le cas auparavant. Cela a entraîné une augmentation du taux de ceux-ci de 0,2 %. La taxe de 3 % sur les dividendes a elle aussi été considérée comme un prélèvement obligatoire, ce que l'on peut comprendre. Ce qui est moins compréhensible, monsieur le rapporteur général de la commission des finances, c'est que son remboursement aux entreprises n'ait pas été déduit du total des prélèvements obligatoires
M. Julien Bargeton. Eh oui !
M. Gérald Darmanin, ministre. et ait été traité comme une dépense publique supplémentaire. En 2017, nous avons donc perdu, à ce titre, sur les deux tableaux.
Par ailleurs, nous avons eu des recettes supplémentaires. Un regain de croissance amène un surcroît de recettes fiscales, de l'ordre de 1,5 %.
L'augmentation du taux des prélèvements obligatoires en 2017 est donc due à la fois à la croissance et à l'élasticité des recettes fiscales, au traitement statistique de certains postes et au fait que nous n'avons pas réduit les impôts en 2017, puisque nous n'avons pas présenté de collectif budgétaire cette année-là.
Comme l'a indiqué M. le ministre de l'économie et des finances, en 2018, le taux des prélèvements obligatoires commencera à baisser dans le cadre général qu'il a évoqué. Nous comptons bien tenir la promesse du Président de la République de le réduire d'un point d'ici au terme du programme de stabilité.
Mesdames, messieurs les sénateurs, telle est la situation des comptes publics. Ils ne sont pas rétablis, mais ils sont en voie de rétablissement. Comme dans toute course de fond, il faut se réjouir de l'étape franchie, mais ne pas se démobiliser : le chemin est encore long ! (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et du groupe Les Indépendants République et Territoires, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
M. Bruno Sido. Très bien !
M. le président. Acte est donné de la déclaration du Gouvernement.
Nous allons procéder au débat.
(...)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Gérald Darmanin, ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, cette idée de compteur est intéressante.
Nous pourrions commencer par en installer un au fronton du Sénat, monsieur le rapporteur général. En effet, je le rappelle, lors des débats budgétaires que nous avons connus ces derniers mois, la majorité sénatoriale, tout en réclamant dans de grands discours la baisse des dépenses publiques - ce « cadre » que M. Bargeton a évoqué tout à l'heure , a réussi à augmenter celles-ci, par ses amendements, de 10 milliards d'euros, mais aussi de 4 milliards d'euros dans le PLFSS, soit de 14 milliards d'euros au total ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Ce n'est pas vrai !
M. Gérald Darmanin, ministre. Si, monsieur le rapporteur général : je parie avec vous un dîner dans le restaurant de votre choix ! Mais vous avez déjà perdu (Sourires.)
À la liste sympathique de ces nombreux amendements s'ajoute la suppression des 3 milliards d'euros de baisse de la taxe d'habitation, ce qui aurait abouti, pour le coup, à l'augmentation des prélèvements obligatoires. En outre, vous augmentiez la TVA de deux points, puisque c'est ce que vous proposiez pendant la campagne présidentielle.
M. Pierre Cuypers. Vous aussi !
M. Gérald Darmanin, ministre. Non, monsieur Cuypers, j'ai soutenu Nicolas Sarkozy, qui était le seul candidat à ne pas défendre l'augmentation de la TVA : M. Juppé proposait de l'augmenter d'un point et M. Fillon de deux points. Je me souviens très bien de ce que j'avais soutenu, ce en quoi je suis cohérent, contrairement à un certain nombre d'orateurs que nous entendons ici.
M. Rapin avait par ailleurs proposé dans le débat sur le PLFSS, M. le rapporteur général étant lui- même dépassé, si je puis dire, quelque 4 milliards d'euros d'augmentation de dépenses publiques.
Affichons donc ce compteur à Bercy, mais aussi au fronton des deux assemblées, afin qu'il nous rappelle les décisions budgétaires que nous prenons toutes et tous. Cela aurait au moins le mérite d'éviter les discours quelque peu schizophrènes que nous entendons sur le pacte de stabilité ou la loi de programmation des finances publiques, dès lors qu'il s'agit d'entrer dans le détail.
J'ai ainsi noté, à l'attention de M. le rapporteur général, qui m'écoute d'une oreille distraite,
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Pas du tout : j'entends les chiffres d'une oreille et je vous écoute de l'autre ! (Sourires.)
M. Gérald Darmanin, ministre. mais je sais qu'il reste très performant, la file des questions d'actualité posées par le Sénat et sa majorité depuis le mois de juillet dernier.
Pour mémoire, il ne fallait pas toucher aux contrats aidés, à l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger,
Mme Gisèle Jourda. Absolument !
M. Gérald Darmanin, ministre. aux infrastructures de transport et à la politique du logement, à la réforme de laquelle vous étiez défavorables.
Il ne fallait pas non plus, selon vous, toucher à la baisse du nombre d'agents publics dans les territoires, notamment en ce qui concerne mon ministère, qui a porté l'essentiel de la suppression des 1 600 postes.
Il ne fallait pas non plus toucher aux crédits du sport et du CNDS, le Centre national pour le développement du sport - rappelez-vous, cela a fait l'objet d'une question d'actualité voilà une quinzaine de jours. Bercy a même été hué en public, manière de faire somme toute assez classique, si l'on se réfère à la théorie du bouc émissaire bien connue depuis René Girard.
Il ne fallait pas non plus toucher à la santé, ni à la justice, bien évidemment, et je parle sous le contrôle de Mme la garde des sceaux, présente à mes côtés.
Il ne fallait sans doute pas toucher aux armées,
Mme Gisèle Jourda. Ah non !
M. Gérald Darmanin, ministre. tant il est vrai que j'ai eu droit à de très nombreuses questions au moment où le Gouvernement a demandé le non-dégel des crédits de l'armée, qu'il a fini par dégeler parce qu'il a su prendre ses responsabilités. Et il ne fallait pas toucher aux dépenses sociales.
M. Patrick Kanner. Il ne fallait pas non plus toucher à l'ISF ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. Éric Bocquet. Parlez-nous de l'imposition des plus riches !
M. Gérald Darmanin, ministre. Par conséquent, monsieur Rapin, puisque vous m'interpellez aujourd'hui par une série de « il faut, il faut, il faut », en me disant qu'il faut rapidement, dès à présent, sans plus attendre, consentir des efforts structurels, je vous répondrai ceci : le seul problème, c'est que vous n'avez pas précisé lesquels !
On les attend donc en deuxième semaine, comme on dit, lorsque le compteur auquel je faisais référence sera installé dans ce bel hémicycle
Monsieur Bocquet, si vous lisez Les Échos pour connaître les bienfaits du capitalisme, sachez qu'il m'arrive, de temps en temps, de lire moi aussi l'Humanité,
M. Fabien Gay. Très bon journal !
M. Gérald Darmanin, ministre. Absolument, nous sommes les seuls à le lire et je suis très heureux de pouvoir le dire ici ! (Sourires.)
J'ai trouvé votre intervention particulièrement savoureuse lorsque vous vous êtes appliqué à faire la démonstration que, finalement, la dette n'était pas une si grave affaire, reprenant ainsi peu ou prou ce que dit M. Mélenchon à l'Assemblée nationale.
À vous entendre, dès lors que les deux tiers de nos créanciers ne sont pas français et qu'ils continuent à nous prêter, c'est qu'ils y trouvent un intérêt. Voilà une démonstration pour le moins étonnante, car je ne savais pas que vous aimiez autant enrichir les banques et les financiers.
Un rapide calcul permet de comprendre que la dette occupe le deuxième poste du budget de fonctionnement de l'État, bien avant le budget des armées, lequel, comme vous le savez, connaît pourtant une progression très importante depuis de nombreuses années, qui se confirme particulièrement dans le quinquennat en cours, et cela malgré une dissuasion nucléaire qui nous coûte déjà effectivement un peu cher.
Ces 43 milliards d'euros que nous coûtent chaque année les intérêts de la dette, nous les donnons aux banquiers, que vous dénoncez par ailleurs à la fin de votre propos. Voilà un raisonnement quelque peu contre-intuitif !
Désendetter notre pays, surtout au moment où nous allons supporter des taux d'intérêt de plus en plus élevés, c'est plutôt un système qui consiste à ne pas engraisser ceux que vous dénoncez. Lorsque vous critiquez l'augmentation de notre effort pour diminuer la dette, vous vous comportez, de fait, comme « l'idiot utile » des banquiers. Ne voyez pas là une attaque ad hominem, je ne fais que reprendre une expression historique. (Sourires sur les travées du groupe La République En Marche. Mme Gisèle Jourda s'exclame.)
Vous les défendez en acceptant l'idée qu'il convient de continuer à verser autant d'intérêts à autant de financeurs qui ne protègent pas tout à fait les mêmes idées politiques que celles que vous prônez. Vous remarquerez sans doute, dans ce contexte, une légère contre-intuition politique et budgétaire. Si elle ne vous apparaît pas clairement, ce n'est pas si grave, nous avons d'autres points de convergence.
Monsieur Claude Raynal, je vous ai écouté avec intérêt et franchement, je regrette que M. Hollande ne vous ait pas choisi comme porte-parole. En effet, après votre propos, comment comprendre qu'il ne se soit pas représenté ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. C'est vrai !
M. Claude Raynal. Il a hésité !
M. Gérald Darmanin, ministre. Il aurait sans doute été réélu avec un score quasi plébiscitaire
J'avoue que votre geste était d'autant plus beau qu'il était inutile.
M. François Bonhomme. Désespéré, même ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Gisèle Jourda. C'est vous qui êtes inutile !
M. Gérald Darmanin, ministre. Vous avez pourtant, si je puis me permettre, commis une erreur d'appréciation sur les collectivités locales. Il est vrai que les encourager à ne pas trop dépenser est un réel changement par rapport à la politique que vous souteniez, laquelle consistait à baisser leurs dotations, ce qui est tout de même, là aussi, quelque peu contre-intuitif.
Vous l'aurez constaté, il a été décidé qu'une collectivité qui aurait, sur son budget de fonctionnement, dépensé 100 une année ne pourrait dépasser 101,2 à ce titre l'année suivante, et ce en application du taux maximal d'évolution voté dans le dernier budget. S'il existe d'autres critères susceptibles d'augmenter ou de baisser ce taux, c'est en tout cas celui sur lequel nous nous sommes à peu près mis d'accord dans le débat budgétaire, celui que les assemblées, y compris la majorité sénatoriale, ont voté.
Or il me semble que le choix de diminuer la progression des charges de fonctionnement revient, dès lors que l'on est un élu responsable, à contenir les charges de personnel. En effet, ces dernières représentent entre 55 % et 60 % du budget de fonctionnement pour une collectivité dont les dépenses réelles de fonctionnement dépassent 60 millions d'euros, cas de figure visé dans les nouveaux contrats.
Le fait de contenir ces charges de personnel vous permet d'augmenter, moins d'avoir une vision assez particulière des finances publiques locales, votre capacité d'autofinancement, donc d'investissement. Dans la mesure où cette capacité d'investissement n'est pas affectée par l'application du taux maximal d'évolution de 1,2 %, cela permet de faire plus d'investissement.
M. Claude Raynal. L'investissement ne créerait-il donc pas des dépenses de fonctionnement supplémentaires ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Nous pourrions avoir un long débat pour savoir si tous les investissements créent de nouvelles charges de fonctionnement. Ce n'est néanmoins pas le cas de tous les investissements.
Mme Gisèle Jourda. Dites-nous lesquels !
M. Gérald Darmanin, ministre. Je prendrai l'exemple d'une commune que je connais bien, située dans le nord de la France : sur 17 millions d'euros de dépenses d'investissement, elle en consacre plus de 14 à la rénovation de ses équipements publics. Ce type d'opérations permet même de faire baisser les charges de fonctionnement, notamment grâce à la diminution des dépenses énergétiques et de fluides ou à la mutualisation avec d'autres communes !
Contrairement à ce que vous avez tenté de démontrer, nous n'entendons pas limiter l'investissement, comme l'a fait la majorité précédente, que vous souteniez, en désespérant les élus locaux par cette baisse des dotations de 11 milliards d'euros. Nous encourageons l'investissement en ne le contenant pas dans le champ des nouveaux contrats proposés et nous n'y mettons aucune limite en permettant justement d'accroître l'autofinancement. Il s'agit somme toute d'une politique publique très largement différente de la précédente.
M. François Bonhomme. C'est à peine mieux !
M. Gérald Darmanin, ministre. Non, c'est beaucoup mieux !
M. Patrick Kanner. Allez le dire à M. Baroin !
M. Gérald Darmanin, ministre. C'est d'autant plus efficace que, vous l'aurez constaté, malgré tout ce que l'on a pu entendre, les premiers contrats ont été signés, de manière extrêmement équilibrée selon les collectivités locales. Nous serons très heureux d'en signer d'autres dans les prochains jours, y compris avec des édiles membres du parti socialiste. (Mme Marie-Noëlle Lienemann s'exclame.)
M. Jérôme Durain. Quel enthousiasme !
M. Gérald Darmanin, ministre. Eux ont le sens des responsabilités,
Mme Gisèle Jourda. Nous aussi, nous sommes responsables !
M. Gérald Darmanin, ministre. considérant que l'accompagnement en termes de suivi des dépenses de fonctionnement dans le cadre de ces contrats est bien préférable aux 11 milliards d'euros de baisse de dotations que vous leur avez imposés.
M. Patrick Kanner. Ces contrats sont négociés sous la contrainte avec les préfets !
M. Jacques Bigot. Ce sont des contrats d'adhésion. Qu'en pense Mme la garde des sceaux ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, je vais conclure rapidement, pour permettre à Mme la garde des sceaux et à vous-mêmes de poursuivre à une heure raisonnable la discussion du texte inscrit à l'ordre du jour.
Le projet de programme de stabilité que nous présentons, cela a été assez peu souligné, et il conviendra de l'acter en 2022, va permettre de diviser par deux, puis par trois, puis par quatre, la dépense publique.
Je regrette néanmoins, monsieur le président de la commission des finances, que nous n'en soyons pas encore au zéro volume, mais c'est un travail quotidien. Permettez-moi de vous rappeler que, sous le gouvernement précédent, puisque vous l'avez évoqué, vos amis étaient plutôt pleins d'allant en la matière, défendant une évolution des dépenses publiques comprise entre 1,5 % et 2 % par an. Nous serons entre 0,3 % et 0,7 % au cours du quinquennat. S'il est vrai que ce n'est pas encore 0 %, force est de constater que les ordres de grandeur ne sont pas tout à fait les mêmes.
Mme Gisèle Jourda. Ce n'est pas digne, monsieur le ministre !
M. Gérald Darmanin, ministre. Ce n'est pas parce que l'on crie des contre-vérités, madame la sénatrice, que l'on a raison. Même à une heure tardive, il est toujours préférable de nous écouter sereinement, comme je l'ai moi-même fait, me semble-t-il.
Il est vrai que le gouvernement que je représente vous propose l'équilibre des comptes publics, ce qui n'est pas arrivé depuis quarante ans. Rien n'est gagné d'avance, nous n'avons jamais dit que nous y parviendrions de façon certaine, rappelant qu'il fallait compter sur la croissance internationale et, en même temps, sur les économies budgétaires ; encore faut-il savoir lesquelles et, une fois qu'elles sont définies, les tenir.
Il est tout aussi vrai que ce gouvernement propose une baisse des taux de prélèvements obligatoires très importante, ce qui n'est pas non plus arrivé depuis les années quatre-vingt-dix, en permettant notamment 10 milliards de baisses d'impôts dès cette année, baisses qu'une partie d'entre vous a d'ailleurs votées.
Voilà en effet une démarche fondamentalement différente : pour baisser les impôts, pour baisser la dette, encore faut-il baisser les dépenses publiques. Nous aurons sans doute un débat pour savoir lesquelles.
M. Jean-François Rapin. Dette de la SNCF et taxe d'habitation !
M. Gérald Darmanin, ministre. C'est sur ce point que le Gouvernement, malheureusement, est resté sur sa faim. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. MM. Emmanuel Capus et Philippe Bonnecarrère applaudissent également.)
source http://www.senat.fr, le 27 avril 2018