Texte intégral
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bonjour Stéphane TRAVERT.
STEPHANE TRAVERT
Bonjour monsieur BOURDIN.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bruxelles a présenté son projet de budget pour 2021/2027, le Parlement européen va s'emparer maintenant de ce texte, mais ce matin vous êtes venu pousser un coup de colère, parce que le gouvernement français n'est pas content. Que se passe-t-il ? Avec le Brexit il va falloir trouver des financements, et il y a des priorités dit Bruxelles, et notamment, notamment, les dépenses en matière de migration et d'asile. Et pour trouver de l'argent, eh bien Bruxelles est allée chercher une partie du budget de la Politique agricole commune, 5 % de baisse je crois.
STEPHANE TRAVERT
C'est ça monsieur BOURDIN, et il y a de quoi être en colère, parce que pour compenser le Brexit et le financement d'autres politiques, de nouvelles politiques, on est venu piocher dans la PAC, la PAC qui est une des politiques les plus anciennes de l'Europe, une des politiques qui rapporte beaucoup à la France, il y a près de 9 milliards d'euros par an, et on vient directement ponctionner de l'argent dans la proche des agriculteurs. On va diminuer le revenu des agriculteurs. C'est une ponction aveugle, drastique, massive, et nous ne sommes pas d'accord, et nous allons commencer les négociations. Nous sommes au point de départ des négociations et nous préférons le dire clairement, dès le début : nous ne partageons pas cette vision de la Commission européenne sur le budget qu'elle présente, et donc nous allons travailler avec nos partenaires et nous allons essayer de faire en sorte de revenir, je dirais, à un budget beaucoup plus ambitieux pour la PAC.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Stéphane TRAVERT, je comprends très bien que vous ne soyez pas d'accord, vous pensez aux agriculteurs français, évidemment...
STEPHANE TRAVERT
Bien sûr, et européens.
JEAN-JACQUES BOURDIN
... et européens, qui sont très très inquiets, très très inquiets.
STEPHANE TRAVERT
Bien sûr.
JEAN-JACQUES BOURDIN
J'ai vu l'expression publique des agriculteurs, de leurs organisations, mais que pouvez-vous faire ?
STEPHANE TRAVERT
Eh bien nous allons travailler avec l'ensemble de nos partenaires. Tout à l'heure, en quittant ce studio je recevrai Michael CREED, le ministre de l'Agriculture irlandais. J'aurais au téléphone ensuite ma collègue espagnole. J'aurais au téléphone dans la journée de ma collègue allemande. Je vais entreprendre d'appeler l'ensemble de mes collègues pour leur faire partager à la fois notre désaccord et voir comment ensemble nous pouvons faire revenir la Commission dans un meilleur état d'esprit, pour faire une proposition budgétaire qui soit cohérente avec les besoins de l'agriculture en Europe et qui soit cohérente aussi avec la transformation nécessaire...
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais vous pouvez vous opposer ? Vous pouvez vous opposer à ce budget ?
STEPHANE TRAVERT
Mais bien sûr.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous êtes membre... oui, évidemment, membre... Pour qu'un budget soit adopté, expliquez-nous.
STEPHANE TRAVERT
Mais, pour qu'un budget soit adopté il faut...
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il faut que tous les pays de l'Union européenne soient d'accord.
STEPHANE TRAVERT
Il faut que l'ensemble des pays puissent le voter. Alors, on vote...
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc vus êtes prêt à ne pas le voter ?
STEPHANE TRAVERT
On vote un cadre financier pluriannuel, avec l'ensemble des politiques, bien évidemment, mais secteur par secteur, nous avons besoin de défendre ce que nous considérons comme juste pour les agriculteurs, et puis de faire en sorte que l'on n'arrive à un cadre financier pluriannuel qui soit partagé par le plus grand nombre. Or, aujourd'hui je constate que sur une des premières politiques qui est la Politique agricole commune, le compte n'y est pas, donc c'est une politique éminemment importante, et je ne doute pas qu'un certain nombre de pays vont nous emboîter le pas, parce que la politique de cohésion est fortement attaquée, la politique de recherche et d'innovation est fortement attaquée aussi. Rendez-vous compte, nous passons d'un budget de 408 milliards d'euros, et nous descendrons à 364 milliards d'euros. C'est une ponction sans précédent, et ce n'est pas normal, à l'heure où l'on demande des efforts aux agriculteurs, à l'heure où l'on veut transformer notre agriculture, à l'heure où l'on demande une transition de nos modèles agricoles, donc nous demandons beaucoup aux agriculteurs, et ils font beaucoup et moi je tiens à les féliciter pour le travail qu'ils mènent sur le terrain pour transformer leur modèle, et à ce moment-là on va leur, au moment où on discute d'un projet de loi qui traite du revenu des agriculteurs...
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, je vais en parler.
STEPHANE TRAVERT
... on ressort, on vient reprendre dans une poche, ce qu'on essaie de ramener dans l'autre
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui mais, Stéphane TRAVERT, très bien, c'est un c'est vrai que la PAC représente 37 % des budgets européens
STEPHANE TRAVERT
C'est ça, 37 %.
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est énorme.
STEPHANE TRAVERT
Oui, c'est énorme.
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est ce que dit la Commission européenne ! Et attendez, 37 % du budget consacré à la politique agricole, c'est considérable. Vous disiez 364 milliards d'euros prévus dans ce budget.
STEPHANE TRAVERT
C'est ça.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Sur 7 ans. C'est ça.
STEPHANE TRAVERT
Alors que nous sommes à 408 là.
JEAN-JACQUES BOURDIN
A 408 aujourd'hui. Bon, très bien, vous n'êtes pas d'accord, très bien vous n'êtes pas d'accord, mais la France peut voter contre ? Comment ça se passe ?
STEPHANE TRAVERT
Mais d'abord, la France elle va batailler avec... ça je vous l'ai dit.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, elle va batailler, bon, mais au bout de toute cette bataille ?
STEPHANE TRAVERT
Mais, au bout du bout, il va valoir trouver un accord, un accord global.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et si vous n'arrivez pas à trouver d'accord ?
STEPHANE TRAVERT
Ça, aujourd'hui, moi je ne me place pas dans ce registre-là. Moi, ce que je veux essayer de faire c'est de trouver un accord et croyez bien qu'avec le Premier ministre Edouard PHILIPPE et le président de la République Emmanuel MACRON, nous sommes totalement mobilisés, je peux vous dire qu'on a bataillé tout le week-end dernier pour essayer d'infléchir la position que nous avons, dont nous avons eu connaissance hier.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien. Stéphane TRAVERT, le 20 mai arrive à l'Assemblée nationale votre texte sur l'alimentation.
STEPHANE TRAVERT
Le 22 mai.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Le 22 mai, c'est le 22 mai le début des discussions.
STEPHANE TRAVERT
Le 22 mai, le débat commence en séance.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Le début des discussions, le début des débats. Bien. Il est riche, l'idée principale c'est de permettre aux agriculteurs de fixer les prix, en quelque sorte.
STEPHANE TRAVERT
C'est ça.
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est ça, hein.
STEPHANE TRAVERT
De faire de la contractualisation, de créer eux-mêmes les conditions d'examen de leur coût de revient et de définir eux-mêmes le prix de vente en deçà duquel ils ne perdront pas d'argent.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bon, ça c'est l'objet même...
STEPHANE TRAVERT
C'est l'objet même, une partie du texte.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Tiens, les promos, par exemple, dans la grande surface, dans la grande distribution, est-ce que les promos seront encadrées ?
STEPHANE TRAVERT
Les promos seront encadrées à travers ce qu'on appelle le seuil de revente à perte et l'encadrement des promotions, bien évidemment, parce que c'est un outil indispensable...
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui mais enfin, sauf que les députés ont rejeté les amendements, apparemment en commission, ambitionnant de chiffrer l'encadrement des promotions.
STEPHANE TRAVERT
Non non, ils n'ont pas été rejetés.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ah bon ?
STEPHANE TRAVERT
Nous sommes sur une ordonnance et donc nous travaillons actuellement sur la loi l'habilitation, nous avons voté les articles d'habilitation et nous sommes en train de travailler sur les ordonnances qui vont fixer à la fois le seuil de revente à perte, pour éviter que l'on maintienne cette pression très forte sur le revenu agricole, et l'encadrement des promotions pour lutter notamment contre le gaspillage alimentaire et cette perte de valeur qui nous a fait perdre beaucoup, beaucoup d'argent depuis un certain nombre d'années.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors, s'il y a pratiques commerciales déloyales, la publication des sanctions sera... a été adoptée, je vois.
STEPHANE TRAVERT
Oui, il y aura la publication des sanctions...
JEAN-JACQUES BOURDIN
Contre l'avis du gouvernement.
STEPHANE TRAVERT
Oui, il y aura la publication. Disons que nous, nous souhaitions trouver des moyens qui puissent permettre je dirais d'avoir sur ces sujets-là des espaces de discussions pour... Mais le Parlement a souhaité que l'on puisse je dirais donner de la force justement aux sanctions que nous avons décidé de mettre en place sur le projet de loi, pour sanctionner les prix abusivement bas par exemple, et 'interdiction de la vente à perte.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais pourquoi est-ce que vous êtes opposé à la mise en place d'un fonds d'indemnisation aux victimes des produits phytopharmaceutiques ?
STEPHANE TRAVERT
Alors, nous n'y sommes pas opposés, mais nous avons demandé de pouvoir y travailler et de pouvoir y travailler et c'est ce que j'ai proposé, vous l'avez sans doute remarqué mais avec quatre de mes collègues, nous avons lancé un plan d'action pour la réduction des produits phytosanitaires, avec Nicolas HULOT, Agnès BUZYN et Frédérique VIDAL, et aujourd'hui nous avons et nous menons une réflexion et je ne pense pas que c'est en inscrivant cet objet dans la loi, que nous aurons plus de résultats. C'est un résultat vers lequel il nous faut travailler, nous avons besoin de temps pour travailler là-dessus, et nous avons besoin de concertation pour regarder le périmètre dans lequel nous pouvons nous inscrire, et à partir de là, et je l'ai d'ailleurs dit très clairement, il nous faut avancer sur cette question.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Pas de vidéos dans les abattoirs, de vidéo obligatoire.
STEPHANE TRAVERT
Non mais la vidéo est possible.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui. Non mais d'accord, mais pas de contrôle vidéo des abattoirs.
STEPHANE TRAVERT
Non, parce que nous préférons...
JEAN-JACQUES BOURDIN
Pourquoi ?
STEPHANE TRAVERT
Parce que nous préférons aujourd'hui accompagner, contrôler et sanctionner quand il y a des abus et nous renforçons...
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais s'il n'y a pas de vidéo obligatoire, encore faut-il détecter les abus !
STEPHANE TRAVERT
Mais bien sûr. Mais il y a des vétérinaires qui sont dans les abattoirs, aujourd'hui, il y a des gens qui sont là pour contrôler et vous savez, mettre de la vidéo dans l'ensemble des abattoirs...
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais pourquoi...
STEPHANE TRAVERT
Mettre de la vidéo dans l'ensemble des abattoirs, n'est pas le meilleur moyen. Aujourd'hui, pour vérifier que le geste qui a été fait pour tuer un animal est le bon et qu'on l'a fait souffrir, et aujourd'hui maître de la vidéo dans les abattoirs, c'est mettre des vétérinaires en permanence derrière des écrans de télévision...
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais en Grande-Bretagne ça existe, ça vient d'être adopté.
STEPHANE TRAVERT
Monsieur BOURDIN, aujourd'hui en France, cela existe, les entreprises ont la liberté de pouvoir le faire, mais moi...
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est l'entreprise qui a la liberté.
STEPHANE TRAVERT
L'entreprise a la liberté, mais moi ce que je préfère faire, c'est mieux contrôler, mieux accompagner et sanctionner plus durement. D'ailleurs vous aurez remarqué que dans le projet de loi, on upgrade les sanctions qui vont à l'encontre du bien-être animal, on a la possibilité pour les associations de se rendre partie civile lorsqu'il y a des contrôles qui attestent que l'on n'a pas respecté le bien-être animal, et donc nous renforçons les sanctions, nous renforçons les contrôles, bien évidemment avec les vétérinaires et l'ensemble des services qui dépendent du ministère de l'Agriculture, nous renforçons l'accompagnement et je crois, parce que vous le savez, c'est une profession qui est très difficile, travailler dans un abattoir, et il y a beaucoup de turn-over aujourd'hui, et on peine à recruter, donc on a besoin de former les gens, de pouvoir les accompagner dans leurs trajectoires professionnelles, à faire les bons gestes, pour éviter cette souffrance animale, et je ne suis pas persuadé que la vidéo soit le meilleur rempart pour cela.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien. Merci beaucoup Stéphane TRAVERT d'être venu nous voir ce matin.
STEPHANE TRAVERT
Merci à vous.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ministre de l'Agriculture.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 4 mai 2018