Déclaration de M. Pierre Bérégovoy, Premier ministre, sur les relations franco-marocaines, l'évolution politique et économique du Maroc et ses relations avec la CEE, Rabat le 3 novembre 1992.

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Circonstance : Voyage officiel de M. Pierre Bérégovoy, Premier ministre, au Maroc les 2 et 3 novembre 1992

Texte intégral

Messieurs les Ministres, Messieurs les Ambassadeurs, Chers Amis,
Monsieur le Premier ministre,
Je vous remercie des propos que vous avez bien voulu prononcer à mon égard et à l'égard de mon pays. Je voudrais vous dire l'honneur et la joie que j'éprouve à me trouver une nouvelle fois au Maroc, à l'invitation de Sa Majesté le Roi HASSAN II.
Je me souviens de mes premières rencontres sur le sol marocain, je me souviens en particulier de ce mois d'août 1981, où j'ai eu le grand honneur de rencontrer votre Souverain. J'étais à l'époque Secrétaire général de la Présidence de la République, porteur d'un message personnel du Président François MITTERRAND, et je me souviens du tour d'horizon que me brossa Sa Majesté HASSAN II de la situation internationale, présageant les secousses que l'Est de l'Europe allait connaître, sur bien d'autres sujets aussi nous avons longuement conversé depuis lors, nos relations personnelles n'ont pas varié.
Ce que je dis de votre Souverain, M. le Premier ministre, je pourrais le dire de vous-même et d'autres Premiers ministres que j'ai connus ainsi que de personnalités marocaines que je suis vraiment heureux de revoir à nouveau. La chaleur et l'amitié qui a marqué d'emblée nos relations, au-delà de l'incomparable accueil que savent réserver les Marocains à leurs amis, ont résisté à l'épreuve du temps et aux mutations que le monde a connues. J'y vois le signe de la vitalité et de la densité des relations qui unissent le Royaume du Maroc et la France.
Vous avez bien eu raison de le dire, nos deux pays ont une longue histoire commune. Nos populations se connaissent et s'estiment. Une grande familiarité unit Marocains et Français, entretenue par la présence d'une forte communauté française au Maroc et d'une communauté marocaine plus importante encore en France.
Nous sommes destinés, chacun le voit bien, à cheminer ensemble. C'est l'objet de ma visite à Rabat que de le rappeler et de marquer ainsi notre volonté commune d'imprimer un nouvel élan à une démarche commune.
Les entretiens que je viens d'avoir avec votre Souverain et nos premières conversations se placent à un moment particulièrement important de l'actualité internationale. Des bouleversements majeurs viennent de se produire en Europe.
Des évolutions porteuses d'espoir se font jour au Proche-Orient. Un nouveau monde se dessine. Le Maroc et la France y ont leur mot à dire. Votre pays siège depuis le début de l'année au Conseil de sécurité. La présence de sa Majesté le Roi HASSSAN II à New-York, en janvier 1992, lors du sommet des chefs d'Etat des pays membres du Conseil de sécurité a consacré la place qu'occupe votre pays non seulement en Afrique mais sur la scène internationale.
Ma visite intervient au lendemain d'un voyage important de Sa Majesté HASSAN II au Proche-Orient. Cette initiative porte la marque de l'engagement du Maroc au service de la solidarité arabe et de la paix dans un esprit de dialogue et d'ouverture que vous venez d'exprimer dans des termes que j'approuve totalement.
Monsieur le Premier ministre,
J'arrive dans votre pays à un moment où celui-ci connaît des développements intérieurs majeurs dont la France mesure et reconnaît l'importance. Ses choix économiques que je connais bien, lui ont assuré une position exceptionnelle dans la région. Le Maroc achève avec succès un programme de redressement et d'ajustement structurel et financier. Le Maroc s'apprête à prendre de nouvelles mesures, en particulier dans le domaine social, afin de répondre aux aspirations de la population et plus particulièrement de la jeunesse.
La France est à vos côtés dans cette étape nouvelle de votre développement. Le Maroc, dont l'histoire est millénaire et dont les traditions sont fortement ancrées dans l'âme de son peuple, franchit aujourd'hui, sous l'égide et l'impulsion du Roi HASSAN II, une étape importante de son évolution politique. Une nouvelle Constitution a été adoptée, un processus électoral est en cours ; il confirme la volonté de votre Souverain de donner une assise stable à la démocratie marocaine par la promotion et le respect des libertés individuelles et collectives.
Monsieur le Premier ministre,
En approuvant par référendum la ratification du traité de Maastricht, la France a donné récemment sa voix à la poursuite de l'édification de l'Europe et à la construction de l'Union économique et monétaire. Les efforts ainsi déployés pour bâtir un grand ensemble européen ne doivent pas être perçus comme exclusifs d'une ouverture de l'Europe sur l'extérieur, au Sud comme à l'Est, l'Est ne détournera pas les regards de l'Europe et de la France du Sud. Nous n'entendons pas ériger une Europe forteresse, nous entendons construire une Europe accueillante et solidaire.
De son côté, et vous venez de le redire en termes éloquents, le Maroc a souhaité consolider son ancrage à l'Europe et imprimer un saut qualitatif à ses relations avec les douze pays de la Communauté économique européenne.
Je sais qu'il s'agit pour votre pays d'un choix fondamental, politique, économique et culturel. Consciente de constituer un des piliers majeurs de cet ancrage et en pleine fidélité avec ses relations historiques avec le Maroc, la France a entrepris de prêter tout son concours à cette vaste entreprise. La voie du partenariat et du libre-échange lui parant bien traduire l'interdépendance entre les deux rives de la Méditerranée, nous devons faire route ensemble alors qu'il en est encore temps. L'histoire risquerait de ne pas nous donner de sitôt pareille opportunité.
Monsieur le Premier ministre, Messieurs et Chers Amis,
En venant ici en terre marocaine dans les circonstances que j'ai évoquées, j'ai voulu marquer tout l'intérêt que la France porte à votre pays et toute l'importance que nous attachons à notre dialogue ; l'entretien que m'accordé Sa Majesté le Roi HASSAN II et nos conversations attestent de notre confiance réciproque.
C'est en toute sérénité, dans le climat d'amitié qui nous réunit ce soir, que je considère l'avenir des relations entre nos deux pays. J'ai dit à Sa Majesté HASSAN II que le Président de la République, M. François MITTERRAND, l'invitait à lui rendre visite à Paris et je suis sûr que le dialogue entre les chefs d'Etat ira bien au-delà des relations entre nos deux pays qu'il s'agit de consolider, nous sommes là pour cela, M. le Premier ministre, et qu'il s'agit d'étendre sur la scène internationale à tous les problèmes auxquels aujourd'hui l'humanité est confrontée. Le génie de votre peuple, sa longue histoire, ce que la France a apporté elle aussi à l'histoire du monde peuvent se conjuguer pour obtenir un peu plus de stabilité et un peu plus de confiance dans les relations internationales. Il m'arrive, tout comme vous, de considérer que les mutations que traverse aujourd'hui l'Est de l'Europe, la misère que l'on constate trop souvent sur le continent africain interpellent nos générations et celles du futur. Serons-nous capables, là où nous sommes, de construire un monde plus solidaire où chacun respecte l'autre, quelle que soit son origine, quelle que soit sa religion, quel que soit son mode de gouvernement pourvu que la liberté et la dignité y trouvent leur compte ? Je suis certain que nous pouvons faire cela ensemble et je le souhaite, du plus profond de mon coeur.
J'ai connu, depuis onze ans, maintenant, beaucoup d'entre vous, et j'ai pu mesurer la générosité, j'ai pu mesurer le goût d'initiative, j'ai pu mesurer la volonté de faire face aux difficultés quand celles-ci surviennent, c'est pourquoi j'ai confiance dans le Maroc traditionnel et moderne qui fait une heureuse synthèse qui pourrait inspirer bien d'autres exemples sur notre planète. Voilà, M. le Premier ministre, MM. les ministres, MM. les Ambassadeurs, chers amis, ce que je voulais vous dire, le Maroc et la France ont beaucoup à faire ensemble, nos deux peuples et nos deux chefs d'Etat se comprennent et s'estiment. Bonne chance aux relations franco-marocaines.
Vive le Maroc !
Et je vous demande de transmettre mon salut respectueux à Sa Majesté HASSAN II.
A vous, M. le Premier ministre et à votre gouvernement, je souhaite bonne chance.Source http://www.diplomatie.gouv.fr