Texte intégral
RENAUD BLANC
Mon invité à 8h13 sur Radio Classique est Jacques MEZARD, le ministre de la Cohésion des territoires, bonjour Monsieur.
JACQUES MEZARD
Bonjour.
RENAUD BLANC
Soyez le bienvenu dans notre studio, mais tout de suite on va écouter comme tous les jours Guillaume TABARD pour « Les coulisses du pouvoir. »
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RENAUD BLANC
Jacques MEZARD, vous venez d'écouter avec beaucoup d'attention le billet de Guillaume TABARD, qui parle d'un voyage en Nouvelle-Calédonie, d'un déplacement, important et délicat à la fois. Important et délicat.
JACQUES MEZARD
Oui, bien sûr, on se souvient de ce qui s'est passé il y a 30 ans, des efforts considérables d'hommes de paix qui ont réussi à remettre la démocratie et le souci de réconciliation devant, en se donnant du temps, pour laisser aux habitants les moyens de travailler ensemble, de se respecter, et en fixant des objectifs pour poser ce qu'on appelle la question ultime : voulez-vous rester dans la France ou voulez-vous l'indépendance ?
RENAUD BLANC
Et vous, vous souhaitez que la Nouvelle-Calédonie reste française ?
JACQUES MEZARD
Je souhaite qu'on respecte le vote des habitants, parce que la démocratie c'est ça. bien sûr que nous savons qu'en Nouvelle-Calédonie il y a des communautés qui se sont exprimées jusqu'ici de manière différente, mais ces dernières années, ces 30 dernières années, essentiellement quand même dans un respect mutuel, et c'est ça, je crois, la première victoire suite aux accords de Matignon.
RENAUD BLANC
Le fait d'aller demain à Ouvéa, on en parle beaucoup dans la presse, on en parle beaucoup en Nouvelle-Calédonie, ce choix d'Emmanuel MACRON, qu'est-ce que vous en pensez ?
JACQUES MEZARD
Ecoutez, il ne faut jamais oublier
RENAUD BLANC
C'est risqué pour beaucoup d'observateurs.
JACQUES MEZARD
Oui, mais il ne faut jamais oublier l'Histoire, il est nécessaire que le président de la République rappelle aussi ce qui a été l'Histoire, les moments difficiles, c'est dans sa responsabilité, je crois qu'il a toujours la capacité de prendre des décisions courageuses. Ouvéa ça a existé, c'est une réalité, ça a laissé des traces, nous le savons, mais beaucoup de femmes et d'hommes de ce territoire ont les efforts nécessaires pour renouer le dialogue, et c'est ça qui est important, le dialogue, et il faut aussi se souvenir du passé.
RENAUD BLANC
Jacques MEZARD, je voudrais évoquer avec vous à présent le plan Borloo, un rapport qui appelle à un changement radical dans la conduite de l'action publique, avec 19 programmes allant de la relance immédiate de la rénovation urbaine à la réorganisation de l'école, en passant par la création d'une Académie des leaders. Est-ce que c'est un bon rapport ou pas, Jacques MEZARD ?
JACQUES MEZARD
D'abord je voulais saluer le travail de Jean-Louis BORLOO, j'ai souhaité que cette mission lui soit confiée. Il est nécessaire de prendre conscience de la réalité, dans ce pays, des déséquilibres territoriaux, nous le savons. Nous avons un certain nombre de quartiers qui sont en grande difficulté, nous avons aussi certains territoires ruraux qui sont en décrochage. Sur les quartiers, il y a beaucoup de travail à réaliser parce qu'il y a des déséquilibres territoriaux, mais beaucoup de déséquilibres sociaux.
RENAUD BLANC
Il parle de droit à l'égalité républicaine, Jean-Louis BORLOO.
JACQUES MEZARD
Tout à fait, parce que, souvent, dans ces quartiers il y a moins de sécurité, il y a moins d'éducation, il y a des problèmes d'illettrisme, il y a des problèmes d'emploi, il y a des problèmes de discrimination, ne pas vouloir en prendre conscience ce serait tout à fait irresponsable. Donc, ce rapport met en lumière, ce que nous savons, mais met en lumière de manière précise, ces déséquilibres, avec un certain nombre de propositions. Ça ne veut pas dire que le gouvernement est tenu par ces propositions, le gouvernement travaille, a déjà d'ailleurs travaillé en amont ces derniers mois sur un certain nombre de sujets, la sécurité au quotidien, les emplois francs, on a déjà lancé un certain nombre de mesures, mais évidemment le gouvernement va prendre en considération ce travail.
RENAUD BLANC
Et quand Benjamin GRIVEAUX qualifie le document de base de travail, précisant que ça reste un rapport, ça sent tout de même un peu les oubliettes, non, Jacques MEZARD ?
JACQUES MEZARD
Non, écoutez, je ne pense pas qu'on puisse qualifier dire que ce rapport ira dans les oubliettes parce que, déjà, nous avons travaillé ensemble, avec un certain nombre d'acteurs, avec Jean-Louis BORLOO, en prenant déjà un certain nombre de mesures, et nous allons prendre d'autres, en utilisant ce rapport, un certain nombre de propositions, qui correspondent d'ailleurs à la prise de conscience d'un bilan que sur nombre de sujets nous pouvons partager. Donc, c'est un travail utile, et nous allons nous servir de ce travail.
RENAUD BLANC
Alors, on a essayé de chiffrer ce plan Borloo, on parle de 50 milliards d'euros.
JACQUES MEZARD
Là, écoutez, je ne veux pas dire que c'est une exégèse tout à fait inexacte, mais d'abord, la rénovation urbaine, le premier plan Borloo, qui n'est pas encore terminé d'ailleurs, parce que ça ne va pas toujours très vite, c'était 40 milliards, ça dépend ce que l'on met dedans, bien évidemment. Mais, il est clair, et ce n'est pas dit du tout dans le rapport, que ce plan propose que l'Etat mette 50 milliards, c'est tout à fait inexact. D'ailleurs il y a même un nombre de il y a des phrases dans ce rapport qui disent que, au niveau des efforts de l'Etat on essaie de trouver des solutions sur nombre de sujets à budget constant.
RENAUD BLANC
Alors, sur l'hébergement, parce qu'il y a un gros dossier sur l'hébergement, vous travaillez justement sur cette question actuellement, pour lutter contre les marchands de sommeil. Vous voulez permettre aux propriétaires de louer leur appartement a des associations, expliquez-nous ce qui se passe actuellement dans votre ministère et sur quoi vous travaillez, parce que c'est un point important.
JACQUES MEZARD
C'est un point important. Nous avons constaté, tous, que nombre de propriétaires hésitent à louer les logements qu'ils ont, en préférant finalement les laisser vacants, en se disant je vais les loyers ne seront pas payés, je vais avoir des travaux à réaliser. Donc il est nécessaire de développer ce qu'on appelle l'intermédiation locative, c'est-à-dire de donner des assurances au propriétaire, en contactant une structure qui s'appelle Solibail, un système permet de gérer l'appartement, c'est-à-dire que le propriétaire met à disposition, loue son appartement, mais ce n'est pas lui qui est en contact direct avec le locataire et, bien évidemment, il est garanti en ce qui concerne éventuellement des réparations, donc l'intermédiation locative est un moyen privilégié pour rassurer les propriétaires et leur permettre de sortir leurs biens
RENAUD BLANC
Et vous espérez débloquer combien de logements ainsi ?
JACQUES MEZARD
Aujourd'hui, c'est un peu plus de 5000 logements, nous voulons passer à une vitesse supérieure, par le système dit Solibail, et j'appelle tous nos concitoyens à taper sur internet pour prendre contact avec Solibail, parce que c'est nous pouvons débloquer plusieurs dizaines de milliers de logements. Nous avons, dans ce pays, beaucoup de logements vacants, et il est évident aujourd'hui que c'est un plus, une richesse pour ce pays, de permettre la location de ces logements.
RENAUD BLANC
Alors, le déplacement d'Edouard PHILIPPE dans le Cher, délocalisation de Matignon, vous étiez hier d'ailleurs à ses côtés à Vierzon, c'est un gadget ou pas cette délocalisation pendant 3 jours ?
JACQUES MEZARD
Ce n'est jamais un gadget d'aller sur le terrain.
RENAUD BLANC
Ça y ressemble un petit peu, vous allez me dire le contraire.
JACQUES MEZARD
Parce que je suis chaque semaine, moi, dans des territoires différents, j'ai dû, déjà, sur ces 11 derniers mois, passer dans plus de 40 départements, c'est important. C'est important d'aller sur place pour voir ce qui s'y passe, pour écouter d'abord. Alors, ce n'est jamais un gadget d'écouter. Il y a de la communication, bien sûr, ça c'est tout à fait normal
RENAUD BLANC
Dans le Cher on a dû vous parler des 80 km/h quand même, je pense.
JACQUES MEZARD
On parle des 80 km/h, mais on parle de tous les sujets qui intéressent le quotidien des Français, le quotidien des élus locaux, avec les réalités de terrain, les questions budgétaires, tout ce qui fait la vie de nos territoires, qui ne sont pas les mêmes. On n'entend pas forcément, d'ailleurs, les mêmes choses partout. Donc, aller sur le terrain, c'est indispensable, écouter c'est indispensable.
RENAUD BLANC
On va quitter le Cher, on va retourner à Paris. Est-ce que pour vous il y a une faillite de l'Etat le 1er mai avec ces 1200 casseurs qui ont saccagé le quartier de la gare d'Austerlitz ?
JACQUES MEZARD
Ce n'est pas une faillite de l'Etat. Nous avons, dans ce pays, comme dans d'autres pays, malheureusement, ce sont les évolutions sociologiques, un certain nombre de personnes qui, pour contester la société, considèrent que la violence est le bon moyen. Ce n'est jamais le bon moyen. L'Etat, je le rappelle, sur les dernières manifestations, avait mis des forces de l'ordre en nombre, avec la volonté de faire respecter le droit de manifester, parce que c'est aussi ça qui est en jeu, il y a des comportements qui sont intolérables, qui doivent être sanctionnés de manière très forte. Et nous sommes en face aussi de nouvelles méthodes, malheureusement, de contestations, en utilisant, vous le savez, les réseaux sociaux, en utilisant un certain nombre de moyens qui font qu'aujourd'hui l'Etat doit se mettre aussi en adéquation avec la modification de ces personnes violentes qui sont, malheureusement, un danger pour la démocratie.
RENAUD BLANC
Mais, quand Gérard COLLOMB parle souvent d'ordre républicain, alors j'imagine qu'à Bagnolet, à Paris du côté d'Austerlitz ou à Notre-Dame-des-Landes, ça fait quand même un petit peu rire jaune en ce moment, parce qu'on sent qu'il y a quand même beaucoup de difficultés à contrôler les zadistes, les casseurs, et à ramener le calme dans certaines banlieues.
JACQUES MEZARD
Ecoutez, en ce qui concerne les ZAD, je pense que notre gouvernement a pris des décisions qui n'avaient pas été prises auparavant, ça a été le cas à Bure, je constate qu'on en parle beaucoup moins, c'est le cas à Notre-Dame-des-Landes avec les difficultés que l'on connaît, mais avec une volonté très forte de ramener l'Etat de droit dans ce pays, donc je pense que nous faisons face, de manière tout à fait correcte, à nos responsabilités.
RENAUD BLANC
Emmanuel MACRON est à l'Elysée depuis 1 an, 6 Français sur 10 ne lui font pas confiance.
JACQUES MEZARD
Ecoutez, ce qui me paraît, moi, important, c'est que ce pays se transforme. Je rappelle qu'Emmanuel MACRON, au premier tour, avait eu à peine 25 % des voix, quand je vois qu'il a, je crois, 46 % de confiance aujourd'hui, c'est aussi la démonstration qu'il a fait la preuve de sa capacité à être le président de la République, à incarner une nouvelle image de la France, avec aussi, en face, des difficultés qui sont considérables, le pays n'était pas forcément est en très bon état malgré toutes les capacités que nous avons en France. Donc, moi je trouve que
RENAUD BLANC
Il manque des résultats, quand même, Jacques MEZARD, concrets j'allais dire, sur le chômage, sur le déficit, voilà. Peut-être qu'aujourd'hui les Français attendent, après 1 an de pouvoir d'Emmanuel MACRON, des résultats, j'allais dire concrets pour eux, sur le pouvoir d'achat par exemple, parce que si vous allez faire le plein en ce moment c'est un petit peu plus cher qu'il y a 1 an, même beaucoup plus cher, si vous achetez un paquet de cigarettes c'est également plus cher, etc., etc.
JACQUES MEZARD
Oui, mais enfin, je me permets de vous rappeler qu'en ce qui concerne le chômage les choses se sont quand même notoirement améliorées, je souhaite, et le gouvernement fait tout ce qu'il peut, pour que cela dure, parce que c'est le premier enjeu, le premier enjeu c'est que nos concitoyens trouvent de l'emploi, parce que les situations que l'on connaît sont souvent dramatiques. Les choses se sont améliorées, les chiffres de l'emploi vont mieux, ça c'est une réalité, je ne dis pas que c'est suffisant, et je trouve que déjà sur 1 an, de ce côté-là, les choses sont allées de manière positive. En ce qui concerne les questions économiques, nous avons fait des choix budgétaires qui sont difficiles, il fallait le faire, on ne peut pas nous reprocher de faire des choix difficiles qui ont pour objectif de réduire le déficit, on sait très bien que c'est indispensable. Donc, les choses avancent, avancent assez vite d'ailleurs, et je suis convaincu que nous allons continuer sur cette voie.
RENAUD BLANC
Merci beaucoup Jacques MEZARD d'avoir répondu à mes questions, le ministre de la Cohésion des territoires, en direct ce matin sur Radio classique.
JACQUES MEZARD
Merci à vous.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 4 mai 2018