Interview de M. Julien Denormandie, secrétaire d'Etat auprès du ministre de la cohésion des territoires, avec France Inter le 9 mai 2018, sur la France et l'accord relatif au nucléaire iranien et sur la politique gouvernementale.

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Média : France Inter

Texte intégral


MARC FAUVELLE
A 07h49, Léa SALAME, votre invité est secrétaire d'Etat auprès du ministre de la Cohésion des territoires.
LEA SALAME
Bonjour Julien DENORMANDIE.
JULIEN DENORMANDIE
Bonjour.
LEA SALAME
Avant de parler de vos dossiers, un sujet que vous connaissez bien, puisque vous étiez conseiller à Bercy en 2012 et que vous étiez en charge justement des sanctions financières contre l'Iran, ce dont parlait Dominique SEUX, Donald TRUMP a donc officiellement sorti les Etats-Unis de l'accord avec l'Iran, les Européens regrettent, mais au-delà des regrets, qu'est-ce qu'ils peuvent faire, qu'est-ce qu'ils doivent faire ?
JULIEN DENORMANDIE
C'est effectivement d'abord un vrai regret, c'est aussi un sujet de préoccupations. C'est accord qui a été signé en 2015, il fait suite vous l'avez dit, à des mois, des années de négociations. Cet accord, il prévoyait d'avoir un engagement ferme des Iraniens d'arrêter l'enrichissement et en contrepartie une levée des sanctions, levée des sanctions internationales permettant le développement économique de l'Iran. Aujourd'hui, vous avez eu une décision unilatérale des Etats-Unis, la France, la Grande-Bretagne, les Allemands, également, ont pris une position très claire, exprimé hier soir, qui est de dire que cet accord il continue à prévaloir. C'est accord, d'ailleurs, il a fait l'objet d'une résolution des Nations Unies, et donc cet accord il continue à prévaloir, il y a également un appel à la retenue, formulé à l'attention des Iraniens, pour que les Iraniens restent également dans cet accord, et ensuite, pour répondre très clairement à votre question, il faut aller aussi plus loin, plus loin dans le cadre de cet accord, parce qu'on le sait, cet accord ne couvre qu'une période allant jusqu'à 2025, et allons plus loin également dans le périmètre, puisque cet accord ne prévoyait aujourd'hui que le nucléaire et pas ce que l'on appelle le balistique, par exemple. Et donc, on continuera la discussion dans ce cadre multilatéral, comme nous disons.
LEA SALAME
Et on va en reparler avec Hubert VEDRINE, qui sera l'invité du Grand entretien dans quelques minutes. Dimanche dernier, Julien DENORMANDIE, vous avez répété que la baisse l'été derniers des APL de 5 €, était une erreur. Trois jours plus tard, dans le documentaire de Bertrand DELAIS, diffusé sur France 3, Emmanuel MACRON a opposé l'héroïsme du colonel BELTRAME à ceux qui – je cite – « Estiment que la France est une espèce de syndic de copropriété et pensent que le summum de la lutte, c'est les 50 € d'APL. ». Qu'est-ce qu'il veut dire, le président de la République ? Est-ce que vous pouvez nous expliquer cette analogie ?
JULIEN DENORMANDIE
Je crois qu'il faut aller jusqu'au bout de la phrase citée par le président de la République. Le président de la République...
LEA SALAME
Le bout de la phrase c'est : « Ces gens-là ne savent pas ce que c'est que l'histoire de notre pays ».
JULIEN DENORMANDIE
Non, il va encore plus loin, en disant : le combat, le combat le plus important, le combat qui m'anime en tant que président de la République, c'est celui en faveur de l'égalité réelle. C'est-à-dire c'est celui qui consiste à donner à chacun, quel qu'il soit, où qu'il soit né, où qu'il vive, de donner les mêmes droits, de donner les mêmes chances de réussite, c'est-à-dire qu'en fait, de mettre de l'équité dans nos politiques, de faire en sorte de donner plus à ceux qui en ont le plus besoin, et ça, c'est très clair et c'est vraiment la phrase, quand vous la prenez dans son entièreté, le président de la République...
LEA SALAME
Elle ne vous a pas choqué cette phrase. Oui ou non ?
JULIEN DENORMANDIE
Eh bien quand vous ne prenez que les paragraphes que vous venez d'indiquer, je comprends les interrogations. Quand vous prenez la phrase dans sa globalité, où le président de la République termine en disant : « Mais mon combat, ce pour quoi je me suis impliqué, moi je vais vous le dire, c'est pour ça que je me suis engagé en politique, il y a deux ans, je n'en avais jamais fait, je me suis engagé parce que je crois à la nécessité de redonner à chacun des droits réels, de donner à chacun les même chances ».
LEA SALAME
Alors, si c'est ça, vraiment, l'objectif qui l'anime, le président de la République, comment vous expliquez que selon l'enquête du CEVIPOF, près de 8 Français sur 10, 8 Français sur 10 c'est énorme, estiment que l'action du président va dans le mauvais sens pour réduire les inégalités sociales. Est-ce que les Français sont injustes ?
JULIEN DENORMANDIE
Ce n'est pas la question de savoir si c'est injuste ou pas, vous savez, de toute manière c'est la perception et la perception elle est ce qu'elle est, et quand vous gouvernez, le premier des critères c'est la perception des Français. Après, ça fait un an que nous sommes entrés dans cette transformation du pays. Dans cette transformation du pays on fait beaucoup en faveur justement de plus d'équité sociale. On a investi massivement dans l'éducation, on a investi massivement dans la formation professionnelle. Moi, sur mes dossiers, j'ai travaillé énormément avec Jean-Louis BORLOO, pour pouvoir prendre des mesures fortes en faveur des quartiers. On transforme le logement social...
LEA SALAME
Alors, vous allez me dire que c'est aussi une mauvaise perception, mais toujours dans cette enquête du CEVIPOF, 7 Français sur 10 estiment que votre politique creuse les inégalités territoriales, et ça c'est votre sujet, puisque vous êtes le ministre de la délocalisation, globalement, creuse les inégalités territoriales, puisqu'elle bénéficie principalement aux urbains et que les Français des périphéries ou des zones rurales ont oubliés.
JULIEN DENORMANDIE
Ça je suis totalement opposé à cela, après, encore une fois, je respecte les perceptions. Pourquoi je suis opposé ? Parce que ces fractures territoriales ça fait des décennies qu'elles sont là, et nous, depuis un an, on bosse ardemment pour pouvoir lutter contre toutes ces fractures. Un seul exemple, j'ai passé des mois et des mois pour pouvoir travailler, contraindre et obtenir un accord très important, par exemple avec tous les opérateurs de téléphonie mobile, pour faire en sorte que le téléphone, demain, il puisse être au bénéfice de tous les Français. Pareil pour l'accès à Internet, mais c'est également ce que nous faisons, quand par exemple nous réduisons la taxe d'habitation. La taxe d'habitation, c'est la fiscalité la plus injuste d'un point de vue territorial. Les mêmes qui nous...
LEA SALAME
Donc vous nous dites : « Donnez-nous du temps, la perception...
JULIEN DENORMANDIE
... critiquent, n'avaient pas voté cette annulation de la taxe d'habitation.
LEA SALAME
Vous nous dites... La perception est ce qu'elle est. Vous, vous dites : elle est mauvaise, mais donnez-nous du temps pour changer cette perception, c'est ça ?
JULIEN DENORMANDIE
Je dis que nous sommes pleinement à la tâche, pleinement au boulot, que ces fractures elles existent depuis un bout de temps, depuis des décennies, que, évidemment, en un an, vous n'avez pas arrêté toutes ces fractures territoriales, mais qu'on ne lâchera rien. Encore une fois, notre engagement, mon engagement personnel, mais celui du président de la République que je connais depuis longtemps, il est fondamentalement tourné vers plus de droit donné à chacun et donc lutter contre ces fractures.
LEA SALAME
Dans une tribune au monde le week-end dernier, les responsables du Secours Populaire, de la Fondation Abbé Pierre, Louis GALLOIS, d'autres associations, vous reprochent de ne pas les consulter, de ne pas les considérer comme des interlocuteurs naturels, de les mépriser dans les phases de préparation des décisions et ensuite de leur imposer vos décisions. Vous leur répondez quoi ?
JULIEN DENORMANDIE
Je réponds que toutes ces personnes savent très bien que nous sommes dans la discussion, que nous les rencontrons régulièrement. Vous prenez la Fondation Abbé Pierre, la Fondation Abbé Pierre nous avons par exemple créé l'ensemble de la politique du Logement d'abord, pour passer d'un hébergement à un logement, avec eux. Après, il y a des décisions...
LEA SALAME
Alors pourquoi ils signent cette tribune ? Pourquoi ?
JULIEN DENORMANDIE
Après, il y a eu des décisions où il y a eu la mise en place de procédures publiques, qui ont parfois été incomprises, dans lesquelles nous n'étions pas à ce moment-là suffisamment dans l'explication.
LEA SALAME
Vous avez un regret ?
JULIEN DENORMANDIE
Vous savez, notre méthode, ça a toujours été d'être dans la discussion, la consultation. Si les personnes en face de vous considèrent, à juste titre, que ça n'est pas suffisamment le cas, c'est que de notre côté nous n'avons pas suffisamment fait le job. Après, il faut différencier cela d'un certain nombre de postures, y compris des postures politiques, qui là, objectivement, n'ont pas lieu d'être.
LEA SALAME
Vous avez le sentiment que la Fondation Abbé Pierre, que le Secours Populaire, c'est des postures politiques ?
JULIEN DENORMANDIE
Non, mais la Fondation Abbé Pierre, le Secours Populaire, ce sont des personnes pleinement engagées, donc je respecte pleinement. Elles font un boulot formidable, je dis juste que toutes ces personnes savent bien que nous travaillons, main dans la main, sur beaucoup de sujets, ensemble.
LEA SALAME
Le plan grande pauvreté, qui était attendu mi-avril, il en est où ?
JULIEN DENORMANDIE
Les discussions continuent. Alors, c'est un sujet sur lequel...
LEA SALAME
Vous deviez le présenter il y a 15 jours.
JULIEN DENORMANDIE
Alors, moi, c'est un sujet sur lequel je travaille fondamentalement les sujets de politique de la ville, c'est-à-dire notamment comment vous aidez plus les femmes, les enfants, en particulier dans les quartiers prioritaires de la ville, et donc ce sont des sujets sur lesquels nous travaillons ardemment. Un seul exemple : comment vous faites pour que demain il y ait plus de crèches, par exemple, dans les quartiers ?
LEA SALAME
Mais le plan, vous n'avez pas de calendrier ?
JULIEN DENORMANDIE
Non, c'est en cours, les discussions sont toujours en cours.
LEA SALAME
Dernière question, le Conseil de Paris a rejeté la proposition d'élus macronistes qui voulaient vendre 1 % du parc social, c'est-à-dire 2 500 HLM par an, aux locataires, aux actuels locataires des HLM. La maire de Paris a rejeté cela, est-ce qu'elle a eu raison de rejeter cette proposition, en jugeant que ça braderait le logement social ?
JULIEN DENORMANDIE
Non, moi je suis tout à fait favorable à l'accession sociale, mais je suis favorable d'une manière très pragmatique, c'est-à-dire que je ne veux rien imposer, en revanche je dis que permettre à celles et ceux qui vivent dans des logements HLM et qui souhaitent devenir propriétaires, il faut leur donner la possibilité de le faire. Ce n'est pas parce que moi je souhaite le faire, par principe, mais c'est parce que beaucoup de nos concitoyens qui vivent dans ces logements, souhaitent demain devenir des propriétaires. Donc je trouve...
LEA SALAME
La proposition des élus macronistes était bonne ?
JULIEN DENORMANDIE
Donc je soutiens, je trouve que, effectivement, pouvoir faire de l'accession sociale, c'est-à-dire acheter votre logement, quand vous êtes dans un logement HLM, c'est quelque chose qui fait sens.
LEA SALAME
Merci beaucoup Julien DENORMANDIE.
JULIEN DENORMANDIE
Merci à vous.
LEA SALAME
Belle journée à vous.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 15 mai 2018