Déclaration de M. Alain Richard, ministre de la défense, sur la coopération européenne et franco-britannique en matière d'armement, Londres le 28 janvier 2002.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Conférence Etat-Industrie franco-britannique à Londres le 28 janvier 2002

Texte intégral

Mesdames et Messieurs,
Tout d'abord, permettez-moi de vous dire que je suis honoré de m'adresser à vous, représentants de l'Industrie, qui jouez un rôle important dans le développement de la coopération européenne en matière de défense et d'armement.
J'aimerais partager avec vous certaines idées sur les récents développements dans ces domaines et sur les possibles progrès, en soulignant le rôle central de la relation franco-britannique en ce sens.
Les derniers développements de la défense européenne
Trois ans après le sommet de Saint-Malo, le défense européenne a, comme prévu, été déclarée opérationnelle au sommet européen de Laeken. Il s'est agi d'un acte politique, un signal fort annonçant que l'UE était capable de gérer une crise et disposait des capacités décisionnelles et de gestion des crises.
Nos deux pays ont été à l'avant-garde dans la construction des outils de défense européenne, comme Geoff Hoon l'a déclaré. Il ne fait aucun doute qu'ils sauront en faire bon usage au moment où il faudra les utiliser.
L'expérience montre que, en Bosnie ou plus récemment en Afghanistan, nous avons pris nos responsabilités ensemble pour le maintien de la paix.
L'aptitude de l'UE à agir n'a pas encore atteint les objectifs définis à Helsinki. Elle s'améliorera tandis que nous renforcerons nos capacités militaires.
À cet égard, la conférence sur l'amélioration des capacités, qui s'est tenue le 19 novembre 2001, a permis de procéder à une revue détaillée des programmes nationaux, bilatéraux et multilatéraux de l'UE. Nous avons décidé de combler des lacunes clairement identifiées dans divers domaines. Combler les fossés dans ces domaines nous aidera à satisfaire les besoins en matière de gestion de crise, et à renforcer notre aptitude à agir contre le terrorisme, car ces deux cas de figure requièrent, dans une large mesure, les mêmes capacités, à savoir le transport stratégique et le renseignement.
Progrès connexes dans le domaine de l'armement
Combler les lacunes identifiées est par conséquent une priorité dont nos deux pays sont prêts à s'occuper avec détermination.
À cet égard, une initiative a été prise en novembre dernier entre les quinze responsables des directions nationales à l'armement et des experts en planification militaire. Ils ont proposé une méthodologie pour combler les lacunes en matière de capacités, fondée sur la création de groupes d'action, sur la base du volontariat.
Ces groupes seront chargés de définir les manières les plus efficaces et compétitives d'acquérir les capacités opérationnelles. Ils imagineront, en particulier, des méthodes de coopération alternatives et innovantes. Ces coopérations peuvent, par exemple, être basées sur une mutualisation des capacités nationales, ou sur la coordination des programmes dans le cadre d'architectures fonctionnelles et techniques mondiales - je pense aux capacités en C3R. Les propositions de ces groupes prendront entièrement en compte les leçons tirées des difficultés et succès de coopérations passées.
Je pense que cette initiative est potentiellement fructueuse car elle a pour but d'être pragmatique dans la recherche de solutions concrètes et rapides. Je suis donc totalement confiant dans les progrès qu'elle va permettre. Elle va constituer une bonne source d'opportunités pour l'industrie que je vous inviter à explorer.
Vous avez remarqué que pendant le sommet de Londres, qui s'est tenu le 29 novembre, le Royaume-Uni et la France se sont mis d'accord sur trois capacités qu'ils souhaitent promouvoir par le biais de groupes d'action spécifiques : le ravitaillement air-air, la protection nucléaire contre les armes biologiques et chimiques, et les drones. La traduction concrète de cette décision a été assez rapide en ce sens que les groupes ont été déjà été composés et se sont rencontrés pour la première fois la semaine dernière à Bruxelles.
Pour ce qui est de notre coopération bilatérale, nos ministères de la Défense partagent un haut degré de volonté politique visant à préparer conjointement les futurs systèmes de défense. Je remarque avec satisfaction le travail et les réflexions profonds et fructueux menés par nos deux pays, et fondés sur un échange régulier d'informations en rapport avec nos besoins, dans le but d'évaluer les entreprises communes que nous pourrions mettre en place.
Cette procédure est facilitée par la similitude de nos organisations et de nos approches en termes de potentiel et de recherche. Au Royaume-Uni, vous avez les " capability managers ", ou gestionnaires de capacités, et en France nous avons les " architectes de système ". Vous employez le concept de " towers of excellence ", ou tours d'excellence, nous avons défini un modèle de " capacités technologiques ".
Cette approche commune mènera à des programmes plus bilatéraux ou multilatéraux, et à une coopération plus profonde dans le domaine de la recherche et des activités technologiques. Des programmes comme SCAFE-ETAP, traitant de la technologie pour les futurs systèmes de combat aériens, le futur missile air-air METEOR, le système sol-air PAAMS et le missile de croisière SCALP-STORM SHADOW, sont de bons exemples d'une coopération déjà riche basée sur les méthodes pragmatiques et efficaces dont j'ai déjà parlé.
Consolidation industrielle en Europe
Les progrès réalisés dans l'amélioration des capacités militaires européennes reposent également sur la consolidation industrielle. Pendant quatre ans, les gouvernements européens les plus directement concernés par l'industrie de la défense se sont efforcés d'obtenir les conditions techniques et industrielles indispensables pour fournir à nos forces les équipements nécessaires, et cela au meilleur niveau compétitif.
Aujourd'hui, l'industrie européenne de défense est une réalité à part entière, structurée autour de trois grands groupes : BAE SYSTEMS, EADS et THALES. Ces groupes sont maintenant assez importants pour offrir des produits et des services à travers le monde et pour gagner des actions sur un marché hautement compétitif.
La création récente de MBDA, une joint-venture entre EADS, BAE SYSTEMS et Finnmeccanica est également très encourageante. Elle aura l'occasion de lancer et de diriger d'ambitieux programmes de recherche ainsi que de maîtriser les meilleures technologies pour nos besoins opérationnels.
Nous avons posé d'importants jalons afin de faciliter l'activité de ces sociétés européennes transnationales, tout en nous assurant que nos intérêts stratégiques de défense étaient bien pris en compte.
En ce qui concerne la Lettre d'Intention, signée par le Royaume-Uni, l'Allemagne, l'Espagne, l'Italie, la Suède et la France, de nombreuses choses ont été réalisées, plusieurs mesures concernant les procédures d'exportation et la sécurité informatique étant déjà entrées en vigueur.
En ce qui concerne l'acquisition du matériel militaire, de nets progrès ont été réalisés dans la gestion du programme, en offrant à OCCAR, l'Organisation Conjointe pour la Coopération en matière d'Armement, un statut légal. L'OCCAR, qui est déjà opérationnelle depuis cinq ans, a déjà prouvé son efficacité en gérant sept programmes majeurs. Les pays participants ont pris l'habitude ces cinq dernières années de mieux coopérer et d'avoir recours aux méthodes de gestion et d'acquisition de matériel militaire. Cela a permis à huit gouvernements de donner à l'OCCAR, le 18 décembre 2001, la responsabilité de mener le programme de l'A400M, qui revêt une importance certaine pour l'amélioration des capacités aériennes européennes.
Nous avons tous le plaisir de constater l'intérêt grandissant de nouveaux partenaires européens (les Pays-Bas, l'Espagne et la Belgique) pour cette structure innovatrice d'acquisition du matériel militaire.
Ouverture des marchés
De plus, les gouvernements européens envoient un puissant signal de leur engagement pour concrétiser la coopération européenne en élargissant le champ de leurs fournisseurs à l'échelle européenne. Sur un marché où les acteurs industriels ont consolidé leur pouvoir en développant leur croissance à l'extérieur ainsi que leurs alliances, les gouvernements peuvent étendre leurs offres nationales afin de faire de meilleures affaires. Par ailleurs, le fait de choisir plutôt un partenaire européen qu'un fournisseur national moins compétitif prouve que l'Europe est compétente en matière de choix aussi bien politique qu'industriel.
Nous avons tous le même intérêt à étendre nos offres. C'est pourquoi, je suis enchanté de l'initiative prise par Lord Bach et Yves Gleizes d'organiser demain une conférence intitulée " L'acquisition du matériel militaire : travailler les uns avec les autres ", et qui rassemble les représentants du gouvernement et de l'industrie. Je sais que vous aurez d'importants briefings sur nos futures exigences respectives et sur nos procédures d'acquisition de matériel au cours de cette conférence. Ces informations vont lancer une dynamique pour une meilleure entente mutuelle et encourageront nos entreprises à travailler ensemble.
Je vous remercie de votre attention, et je vous souhaite une conférence fructueuse pour demain.
(Source http://www.defense.gouv.fr, le 5 février 2002)