Déclaration de M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères, sur les relations franco-allemandes, l'accord relatif au nucléaire iranien et sur les relations entre l'Union européenne et la Russie, à Berlin le 7 mai 2018.

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Circonstance : Conférence de presse conjointe avec son homologue allemand, M. Heiko Maas, à Berlin (Allemagne) le 7 mai 2018

Texte intégral


Mon cher Heiko, je te remercie de m'accueillir ici, à la villa Borsig. C'est un séminaire de travail important, que nous allons avoir. Depuis ta nomination, c'est, je crois, la quatrième fois que nous nous rencontrons, que ce soit à Paris où tu es venu me rendre visite le jour même de ta nomination, ou dans d'autres lieux où nous nous rencontrons, que ce soit à Bruxelles, à Toronto, même à Jérusalem.
Nous avons eu à de nombreuses reprises l'occasion d'échanger, mais cette fois il nous fallait prendre du temps, et je suis heureux que nous prenions ce temps ici, avec cette très belle journée, pour aborder ensemble les grands sujets d'actualité. Tu les as évoqués. Je pense à la crise ukrainienne, qui nous mobilise tous les deux. Je pense à la situation au Moyen-Orient, en particulier à l'Iran et au devenir du JCPoA qui est dans tous les esprits. Nous sommes l'un et l'autre, avec notre partenaire britannique, en faveur du maintien du JCPoA, parce que nous considérons que c'est la bonne démarche pour éviter la prolifération nucléaire et que nous sommes très déterminés à maintenir cet accord. Mais nous attendons aussi la décision américaine, et nous avons bien l'intention, quelle que soit cette décision, de poursuivre notre relation à deux et notre relation aussi à trois, avec notre partenaire britannique, sur cette question essentielle.
Nous avons aussi beaucoup d'autres sujets sur lesquels il nous faudra travailler aujourd'hui. Je pense en particulier à la refondation européenne portée par le président Macron et la chancelière. C'est un sujet essentiel, parce qu'il est le coeur du moteur franco-allemand. J'entends ici et là dire qu'il y aurait une panne ou un ralentissement dans le moteur franco-allemand. Je considère que ces observations ne sont pas fondées. Nous oeuvrons ensemble dans le cadre du programme de travail fixé par le président et la chancelière, qui vise à aboutir à une feuille de route précise de notre travail en commun d'ici le conseil européen de juin, qui sera encore préparé par d'autres échéances bilatérales, notamment le 19 juin où nous nous retrouverons autour du président de la République et de la Chancelière dans un format de type séminaire gouvernemental. Tout cela nous permettant aussi de travailler à la perspective de la rénovation du traité de l'Elysée qui est un objectif pour le début de l'année prochaine.
Tout cela montre que le travail ensemble est essentiel. L'amitié franco-allemande va au-delà du déclaratif. Elle est dans le concret, dans l'action et dans la détermination des objectifs à la fois pour parler ensemble à l'extérieur, mais aussi pour travailler ensemble sur l'approfondissement du projet européen qui est maintenant au centre des discussions. Voilà toute une série de sujets sur lesquels nous aurons l'occasion de nous entretenir aujourd'hui, au-delà de l'amitié personnelle qui nous lit depuis ton arrivée aux responsabilités.
Q - Quel est votre pronostic sur la décision possible des Etats-Unis sur le JCPoA le 12 mai prochain ? Si elle devait être négative, avez-vous déjà réfléchi à une réaction ?
R - Heiko l'a dit : nous sommes tout à fait déterminés à sauver cet accord, parce que cet accord nous préserve de la prolifération nucléaire et est le bon moyen d'éviter que l'Iran n'accède à l'arme nucléaire. Cet accord, pour nous, est respecté. Donc nous avons l'intention de nous y maintenir, quelle que soit la décision américaine. Concernant la décision américaine, elle appartient aux Américains. Donc je ne ferai pas de pronostic. Mais concernant la relation à trois, elle se maintiendra. Nous avons des échanges permanents et nous entendons, une fois la décision américaine rendue publique, prendre les dispositions nécessaires ensemble dans un travail de concertation qui est maintenu.
Q - Que peut-on faire pour détendre les relations entre l'UE et la Russie ? Qu'attendez-vous du quatrième mandat de Vladimir Poutine ?
R - La Russie n'est pas un partenaire facile. C'est le moins qu'on puisse dire. Le comportement qu'elle développe au niveau international rend la relation avec ce pays difficile, déstabilisante. Nous avons des désaccords lourds, sur la Syrie, sur l'Ukraine, sur les campagnes de désinformation, sur cette volonté d'influence politico-militaire, bref, il y a toute une série de grands sujets de discussion. Mais en même temps, nous voulons maintenir le dialogue parce que rien ne serait pire qu'une escalade incontrôlée débouchant sur une situation qui menacerait la paix et la sécurité, et à la fois rien ne serait pire qu'un isolement maintenu de la Russie par rapport à l'Europe. Et donc cette attitude de fermeté et de dialogue est la nôtre, et elle est partagée. Nous sommes d'accord l'un et l'autre, d'ailleurs nous allons en parler tout à l'heure, sur la méthode d'approche à l'égard de la Russie. Nous avons en permanence ce double objectif : intransigeance sur un certain nombre de points, nous en avons fait la preuve, et puis volonté de dialogue, parce que l'isolement de la Russie - peut-être voulu en partie pour des raisons de politique intérieure - ne serait pas une bonne chose ni pour la Russie, ni pour l'Europe.
Q - Sur quels leviers va s'appuyer la coopération franco-allemande pour la réforme de l'Union européenne sachant que les principales propositions d'Emmanuel Macron en matière de réforme de la zone euro rencontrent assez peu d'échos en Allemagne ?
R - Je ne vais pas faire la réponse avant que la discussion n'ait lieu - d'abord avant même que nous ne nous rencontrions. Simplement, j'ai indiqué tout à l'heure la manière de faire sur l'avenir. Il y a un calendrier de travail entre l'Allemagne et la France : définition d'une feuille de route commune avant le conseil européen de juin avec différentes rencontres qui sont prévues d'ici là, puis travail progressif vers un nouveau traité de l'Elysée. C'est dans ce cadre-là que les grands enjeux de la refondation seront mis en oeuvre dans une concertation très approfondie entre l'Allemagne et la France.
Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 17 mai 2018