Texte intégral
Madame la Directrice générale de la Banque mondiale, Chère Kristalina Georgieva,
Monsieur l'Administrateur du PNUD, Cher Achim Steiner,
Monsieur le Haut représentant du Fonds pour la paix de l'Union africaine, Cher Donald Kaberuka,
Monsieur le Directeur général de l'AFD, cher Rémy Rioux,
Madame, Chère Inna Modja
Monsieur le Directeur général de la mondialisation,
Mesdames et Messieurs les Directeurs,
Mesdames et Messieurs, Chers Amis,
Merci pour ce message, pour ce cri du coeur. Le titre de votre chanson est parlant, il dit les difficultés rencontrées mais au-delà, vous avez aussi composé de nombreuses chansons qui incitent à l'espoir, c'est ce qui nous réunit aujourd'hui. Mieux qu'un programme politique, Inna a fixé un objectif avec son album au titre résolument positif, on voit bien le but à atteindre et je crois qu'il peut nous permettre de nous rassembler.
Aujourd'hui, nous sommes tous réunis pour agir mieux et davantage au plus près du terrain et surtout au plus près des femmes et des hommes qui sont au coeur de notre stratégie sur les vulnérabilités. De ce point de vue, les paroles de notre artiste sont toujours inspirantes.
Il y a un mois à peine, c'était le même thème qui réunissait les Etats du monde entier aux Nations unies dans le cadre d'un grand débat sur la pérennisation de la paix, priorité essentielle de l'action du secrétaire général Antonio Guterres.
Je le redis ici parce que c'est un principe essentiel, gagner une guerre est une chose, gagner la paix en est une autre. Eviter la guerre en est encore une autre.
Dans les deux derniers cas, la prévention est au coeur des solutions.
C'est une banalité que de le dire, vous êtes ici toutes et tous très engagés sur ces sujets, paix et développement sont intrinsèquement liés. Nombre de conflits et de guerres civiles trouvent leur origine dans les questions de développement et de gouvernance, celles-là mêmes qui montrent que l'Agenda 2030 du développement durable est vraiment une urgence pour chacune et chacun. Nous sommes tous quelque part des pays en voie de développement durable, y compris les pays du nord où il y a beaucoup de progrès à faire. Je suis heureux de rappeler à cette occasion que la France s'est dotée d'un comité de pilotage il y a deux mois pour que ce soit pleinement pris en compte dans les entreprises, dans les collectivités locales, dans les administrations, pour que ce ne soit pas du marketing mais véritablement une hygiène de vie dans l'action quotidienne.
Les résolutions jumelles de 2016 ont consacré ce changement de paradigme, pour prendre en compte les causes profondes des conflits dans leur traitement et la reconstruction des pays en sortie de crise.
Alors pour garantir une paix durable, nous devons nous assurer que personne n'est laissé de côté. Nous devons permettre aux pays les plus vulnérables de développer leurs propres capacités, afin qu'ils soient en mesure d'apporter en amont des fragilités des réponses concrètes : en luttant contre le chômage, en particulier celui des jeunes ; en palliant l'absence de services publics ou d'infrastructures publiques ; en mettant en place une gouvernance inclusive et une administration forte ; en favorisant un système judiciaire permettant à chacun l'accès à une justice de qualité ; en assurant le respect des droits de l'Homme ; en atténuant les tensions sur les ressources naturelles.
La France défend une approche transversale et intégrée, qui allie, dans la durée, actions sécuritaires, humanitaires, politiques, de développement et de lutte contre le changement climatique, en rassemblant dans une approche commune l'ensemble des partenaires. C'est l'approche que nous avons adoptée au Sahel par exemple.
Nous sommes aujourd'hui le 13 juin, je me souviens que c'est précisément il y a 11 mois qu'était portée sur les fonds baptismaux cette alliance pour le Sahel.
C'est là tout le sens la nouvelle stratégie française de réponse à la fragilisation des Etats et des sociétés que nous vous présentons aujourd'hui. Je salue le travail qui a été conduit et également la présentation du Fonds Paix et résilience de l'AFD ("Minka") ainsi que le rapport conjoint de la Banque mondiale et des Nations unies sur la prévention des conflits qui vont vous être présentés et qui serviront de trame aux discussions.
Les facteurs de vulnérabilité sont plus élevés que jamais.
Vulnérabilité des personnes, ayant en tête que 1,6 milliard de personnes (près d'un cinquième de la population mondiale) vivent dans des contextes de fragilité. Et, depuis 2010, alors que certains pensaient que nous assistions à la fin de l'histoire depuis la chute du mur de Berlin, on assiste au contraire à un accroissement du nombre et de l'intensité des conflits armés. Le sujet des déplacements forcés est encore présent à tous les esprits. Les déplacements forcés s'inscrivent dans le temps, avec une durée moyenne de vingt ans pour les réfugiés pour revenir aux sources, et de plus de dix ans pour 90% des déplacés internes.
Et puis, il y a aussi, à l'échelle mondiale, un certain nombre de défis à relever. La faim dans le monde progresse à nouveau depuis 2016. On peut se dire : on est au XXIe siècle, on est en 2018, on a vaincu un certain nombre de maladies, on a vaincu bien des méfaits. Mais aujourd'hui, la faim malheureusement touche un nombre croissant de personnes. En 2017, 124 millions de personnes de 151 pays et territoires se trouvaient ainsi en situation d'insécurité alimentaire aiguë. Il faut voir ce que cela signifie en matière de conséquences.
Sans oublier, naturellement, le changement climatique qui est à l'oeuvre tous les jours. La Banque mondiale, dans un rapport récent, évoquait la nécessaire préparation aux migrations climatiques internes. Et je peux vous dire que la France elle-même n'est pas exempte : me rendant avec le Premier ministre, Edouard Philippe, à Saint-Martin, nous avons vu qu'un certain nombre de personnes rêvent de quitter leur domicile pour revenir en métropole et quitter l'île. Donc, quelque part, c'est aussi une conséquence de ces cyclones, de ces ouragans, et l'on voit qu'un certain nombre de personnes, y compris dans notre propre pays, sont confrontées à cela. Ce sont plus de 140 millions de personnes qui, potentiellement, seront amenés à migrer à l'intérieur de leur propre pays d'ici 2050.
La question de la condition des femmes, des jeunes filles et des petites filles dans les contextes fragiles et de conflit est également un enjeu primordial, comme vous nous l'avez rappelé, chère Inna Modja. De ce point de vue-là, la présidence canadienne du G7 a mis ce sujet en haut de l'ordre du jour. C'était une réunion qui était complexe, c'est un mot pudique pour dire les choses. Mais je remercie nos amis canadiens parce que, grâce à eux, ce sont plusieurs centaines de millions d'euros qui ont été mobilisées pour la condition des femmes dans ces contextes de conflit.
Parce que, hélas les femmes sont les plus touchées par les trafics d'êtres humains, les premières à subir la pauvreté. Tout nous incite donc à agir et surtout à prévenir !
Quelques mots sur la stratégie française présentée aujourd'hui, cette stratégie "Prévention, résilience et paix durable". Il s'agit d'une approche globale où l'on précise une réponse à la fragilisation des Etats et des sociétés. Je veux vous en donner deux ou trois axes avant de laisser les uns et les autres développer, je pense plus particulièrement à Rémy qui pourra revenir sur le fonds "Minka".
Cette stratégie, elle ambitionne de mieux coordonner l'action française et d'agir vraiment de façon globale avec ce nexus diplomatie, sécurité, humanitaire, stabilisation, développement, en lien avec tous nos partenaires internationaux et conformément au droit international humanitaire.
L'idée, c'est d'avoir un fil rouge qui est le rétablissement du contrat social, la gouvernance démocratique. C'est ainsi que nous serons particulièrement actifs pour aider les Etats et les acteurs politiques dans leurs capacités à remplir leurs missions régaliennes et sociales, pour élargir l'espace civique pour renforcer la légitimité politique. Tout cela s'inscrit aussi dans les cinq objectifs du "New Deal pour l'engagement dans les Etats fragiles" de 2011.
Naturellement, tout cela ne peut pas faire sans moyens. Des moyens spécifiques vont être mis en oeuvre dans le sillage de l'engagement de la France. Porter son APD à 0,55% du PNB, comme le président de la République l'a annoncé et à consacrer 500 millions d'euros à l'aide humanitaire et alimentaire ainsi qu'à la stabilisation d'ici 2022.
Ce qui va guider notre intervention, c'est la hiérarchisation des priorités. Celle-ci repose sur l'analyse fine de l'exposition de la zone aux fragilités. Cette révision de notre approche des fragilités nécessite aussi des moyens mais également des instruments adaptés. À cet égard, l'Agence française de développement nous fait ici l'honneur de lancer le Fonds Paix et Résilience, aussi nommé "Minka" (i.e. Phénix). À travers cet instrument, qui a été acté par le Premier ministre lors du CICID du 8 février, la France investit 100 millions d'euros supplémentaires, c'est-à-dire 200 millions par an d'ici 2020, dans la prévention des crises.
Pour répondre aux fragilités spécifiques de la région, il y a cette annonce pour le Sahel que j'évoquais, avec nos partenaires, avec le PNUD, avec la Banque mondiale, avec nos amis allemands notamment, qui est de faire mieux plutôt que d'être dans une course " faire plus " mais après avec parfois hélas un engorgement et des projets qui ne sortent pas. Donc, faire mieux, aller plus vite, délivrer sur le terrain pour apporter des réponses concrètes, je crois que c'est le pragmatisme qui nous guide.
Cette approche transversale a aussi d'autres vertus ! Elle bouscule les mauvaises habitudes de l'administration et nous oblige à faire tomber les cloisons. Et, donc, il y a une véritable équipe de France qui se mobiliser auprès d'une équipe monde aussi. Je voudrais en profiter pour saluer les différents services du ministère qui y ont contribué ; je pense aux différentes unités de la DGM, DDD/GOUV, CDCS, DCSD, mais également les opérateurs : l'AFD, Expertise France, CIVIPOL, JCI, mais aussi les partenaires qui nous ont accompagnés comme le Groupe Urgence reconstruction développement, l'OCDE et la Banque mondiale.
Nous avons peut-être à repenser une maxime qui disait que si vis pacem, para bellum, pour proposer : si vis pacem, para pacem. Il ne s'agit pas d'être dans un angélisme béat, il ne s'agit pas d'être dans un pacifisme aveugle, mais d'être dans la construction d'un multilatéralisme qui soit efficace, qui apporterait des réponses concrètes et qui montre que personne ici n'est abandonné.
Merci à tous pour votre engagement, parce que ce qui est proposé ici, c'est un cap, c'est une boussole, c'est une stratégie mais c'est aussi le fruit d'un travail partenarial très large. Aujourd'hui, je crois que l'on est très fier de ce premier accomplissement, qu'il nous reste à faire grandir pour que nous mettions en place de véritables actions sur le terrain et que nous ayons la satisfaction de voir des hommes et des femmes qui sont toujours plus aidés et qui sont en autonomie et sont capables de pouvoir dessiner le destin qu'ils se souhaitent. Merci beaucoup et bon courage pour la suite des débats que je souhaite fructueux et intenses.
Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 15 juin 2018