Interview de M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, avec RFI le 19 juin 2018, sur l'Europe face à la crise migratoire, la réforme de la Zone euro et sur Les Républicains.

Prononcé le

Média : Radio France Internationale

Texte intégral


FREDERIC RIVIERE
Bonjour Jean-Baptiste LEMOYNE.
JEAN-BAPTISTE LEMOYNE
Bonjour.
FREDERIC RIVIERE
Angela MERKEL, la Chancelière allemande, est face à un ultimatum de son ministre de l'Intérieur sur la politique d'immigration, il lui a donné deux semaines pour trouver une solution européenne à cette crise, faute de quoi il fermera les frontières allemandes - ce qui conduirait immédiatement à l'éclatement de la coalition gouvernementale et à une crise européenne - l'Europe est-elle en train de se disloquer sur la crise migratoire ?
JEAN-BAPTISTE LEMOYNE
On voit bien qu'en fait l'Europe elle est confrontée à un certain nombre de défis, je vais revenir sur le défi migratoire naturellement, mais regardez à la montée des tensions commerciales internationales, l'unité européenne n'était pas acquise, elle a eu lieu, et donc c'est pourquoi j'ai bon espoir que nous parvenions déjà en franco-allemand et puis au niveau européen à avoir un sursaut pour refonder, rénover cette Europe qui par certains aspects a montré effectivement que nous n'étions pas toujours au rendez-vous du résultat, qu'elle n'était pas toujours au rendez-vous du résultat ; et c'est pourquoi... vous savez le président de la République a fait un discours d'ailleurs à La Sorbonne au mois de septembre dernier dans lequel il traçait de la voie pour une Europe justement toujours plus souveraine, plus unie, plus démocratique. Pour revenir au sujet que vous évoquez, qui est celui de... comment dire, des tensions migratoires, il est clair que le système doit être repensé, on l'a vu il faut à la fois apporter de la solidarité – et d'ailleurs la France est au rendez-vous pour le plein respect du droit d'asile - et il faut également avoir de meilleurs moyens à la fois financiers, juridiques pour que Frontex, vous savez cette agence chargée justement de la surveillance aux frontières extérieures de l'Union, soit opérationnelle.
FREDERIC RIVIERE
Donc c'est ça il faut renforcer massivement Frontex, ça peut être ça la réponse qui va être apportée dès aujourd'hui ?
JEAN-BAPTISTE LEMOYNE
Oui, tout à fait. Plusieurs réponses, vous savez là on est franco-allemand, donc le moteur franco-allemand est capital dans la construction européenne, il a toujours été au rendez-vous lorsqu'il y avait des crises et, donc, j'ai confiance et j'ai bon espoir qu'aujourd'hui il sera à nouveau rendez-vous pour proposer, pour être en initiative, eh oui naturellement il faut à la fois conforter Frontex en termes de moyens humains, de moyens financiers, encore une fois de moyens juridiques également ; et puis par ailleurs il y a tout un travail pour s'adresser aux causes aussi de ces migrations, parce que ces femmes et ces hommes qui sont jetés sur les routes de la nécessité, comme le dit le président de la République, c'est à cause de conflits qui peuvent exister, à cause... comment dire, parfois de problèmes économiques que rencontrent leurs pays, et donc…
FREDERIC RIVIERE
Oui, mais là on est sur le beaucoup plus long terme.
JEAN-BAPTISTE LEMOYNE
Ah ! Oui, mais la France agit dès maintenant également à travers une politique de développement ambitieuse, le président de la République a accru notre effort de façon considérable en matière politique de développement, on va atteindre les 0,55 % de revenu national brut, on était à 0,38 sous le précédent quinquennat, ça veut dire que dès l'année prochaine par exemple c'est un milliard d'euros supplémentaire qui va être budgété en matière d'aide au développement. Et tout ça c'est des projets concrets, regardez ce qu'on fait au G5 Sahel, pardon avec l'Alliance Sahel, ce sont des projets qui changent la vie des populations localement et permettent de leur offrir comment dire un avenir meilleur.
JEAN-BAPTISTE LEMOYNE
En attendant cette éventuelle solution européenne dont vont discuter aujourd'hui Angela MERKEL et Emmanuel MACRON, certains travaillent à un front commun, l'Allemagne, l'Autriche et l'Italie veulent former et ce qu'ils appellent un axe - certains d'ailleurs s'interrogent sur l'opportunité de ce terme compte tenu de ce qu'il évoque sur le plan historique – mais enfin voilà un axe des volontaires contre l'immigration illégale, est-ce qu'on n'est pas qu'on en train d'assister finalement au rejet de la supranationalité ?
JEAN-BAPTISTE LEMOYNE
En fait, on voit bien que sur ce sujet d'immigration il y a deux blocs de pays : un bloc de pays plutôt en Europe centrale et orientale effectivement, vous les évoquiez, mais également un groupe de pays - je pense à l'Italie, à la Grèce - qui sont en première ligne de par leur géographie, et donc c'est deux groupes de pays préconisent des solutions qui nécessairement ne sont pas forcément les mêmes compte tenu de leur exposition asymétrique au sujet et, donc, il appartient à la France, à l'Allemagne d'être moteur pour trouver ces solutions concrètes ; encore une fois, il nous faut une action européenne ferme, résolue , et je crois qu'aujourd'hui avec le conseil des ministres franco-allemand il y aura des pistes qui seront tracées et qui pourront être discutées lors du Conseil européen de fin juin. Donc, on voit bien qu'on est dans un calendrier restreint et qu'aujourd'hui les dirigeants de l'Europe naturellement ont sur leurs épaules un poids important, celui de trouver des réponses efficaces, parce que les Européens ce qu'ils demandent c'est une protection dans tous les volets de leur vie, une protection dans la vie économique, une protection en matière sociale, éviter que les dumpings généralisés et puis effectivement voilà une Europe qui protège aussi ses frontières.
FREDERIC RIVIERE
J'allais y venir justement, puisque cette rencontre d'aujourd'hui dans le cadre de ce conseil des ministres franco-allemand entre Emmanuel MACRON et Angela MERKEL va servir également à finaliser la préparation du Conseil européen qui aura lieu à la fin du mois et notamment la réforme de la zone euro et sa mesure phare : la création d'un budget européen qui permettrait à l'Europe d'investir, on parle d'un rapprochement des positions entre Emmanuel MACRON et Angela MERKEL, alors peut-être sur le principe mais apparemment pas sur le montant parce qu'entre l'ambition d'Emmanuel MACRON d'un vrai gros budget européen et ce qu'accepterait Angela MERKEL il y a quand même un fossé considérable ?
JEAN-BAPTISTE LEMOYNE
Ce qui compte c'est le rapprochement des positions, le président a une vision très ambitieuse et ce qu'on a vu c'est que la chancelière d'ailleurs s'est exprimée il y a une quinzaine de jours dans un grand média allemand et en faisant des pas justement vers ses positions qui avaient été exposées par la France, ce qui compte c'est que l'Europe elle est diverse par définition et ça veut dire qu'elle peut être exposée, différents pays peuvent être exposés de façon différente a certains chocs -choc économique par exemple – et donc il faut pouvoir avoir des outils, des leviers pour traiter ces chocs et faire en sorte que justement qu'on apporte des réponses et ces réponses elles peuvent prendre effectivement une dimension financière, parce que sinon que si ces outils n'existent pas je pense qu'on peut arriver à un moment où les peuples vont remettre en cause l'Europe et donc il est important tout simplement de montrer qu'on a besoin de plus d'Europe et pas de moins d'Europe, de plus d'Europe et de mieux d'Europe, et très clairement ces outils économiques pour la zone euro à partir du moment où on a une même monnaie tout cela doit se traduire aussi par un des outils communs en matière je dirais d'approche budgétaire, d'approche économique générale - parce que la monnaie vous le savez ce n'est pas quelque chose d'indépendant, c'est quelque chose qui entraîne toute l'économie - donc il faut avoir cette vision globale et on est là- dessus.
FREDERIC RIVIERE
Vous avez longtemps été à l'UMP Jean-Baptiste LEMOYNE, puis chez Les Républicains, vous connaissez bien Laurent WAUQUIEZ, est-ce qu'il pouvait faire autrement selon vous que de limoger sa numéro deux Virginie CALMELS ?
JEAN-BAPTISTE LEMOYNE
Ce que je constate c'est que sa décision montre bien que Les Républicains en 2018 n'ont plus rien à voir avec une famille à laquelle moi j'ai participée, c'était la fondation de l'UMP - l'Union pour un Mouvement Populaire -en 2002 autour de Jacques CHIRAC et d'Alain JUPPE qui réunissait, qui fédérait des libéraux, des centristes, des gaullistes et aujourd'hui on voit que ce parti est toujours plus rabougri. Nous, pour notre part à La République En Marche, nous avons fait le choix justement d'un rassemblement large avec des gens qui viennent d'horizons différents, pour certains de la droite, pour certains de la gauche, pour d'autres du centre, pour d'autres qui viennent de la société civile tout simplement qui n'avaient pas eu d'engagement et ce que nous souhaitons justement c'est, allez, c'est appliquer ce que j'appellerais le GBSP – le Gros Bon Sens Paysan - c'est quelque chose moi qui me parle…
FREDERIC RIVIERE
Je ne connaissais pas ça !
JEAN-BAPTISTE LEMOYNE
Voilà ! Dans l'Yonne, et je peux vous dire que c'est du pragmatisme, c'est simplement faire en sorte qu'on prenne des décisions qui permettent au pays d'aller mieux, de le réparer et de prendre des décisions qui parfois ont été différées depuis des décennies par des dirigeants qui avaient eu la main qui tremble.
FREDERIC RIVIERE
Les reproches qui sont fait à Laurent WAUQUIEZ d'une ligne trop eurosceptique, trop à droite, peut-être certains disent même identitaire, sa proximité avec Sens commun - mouvement que vous connaissez d'ailleurs, vous avez été proche de Sens commun – vous ne le reniez pas aujourd'hui ça ?
JEAN-BAPTISTE LEMOYNE
Non, mais vous savez à l'époque il est vrai que sur les sujets je dirais ayant trait à l'éthique, à la bioéthique, etc.
FREDERIC RIVIERE
Et au mariage homosexuel, oui.
JEAN-BAPTISTE LEMOYNE
Il y avait une sensibilité, il y avait une sensibilité qui existait... Voilà ! Mais moi j'ai fait un choix très clair, c'est rejoindre Emmanuel MACRON autour de son projet et son projet de ce point de vue-là d'ailleurs il est moderne, moi j'endosse l'ensemble de son projet.
FREDERIC RIVIERE
Donc, les critiques qui sont faites à Laurent WAUQUIEZ elles vous paraissent justifiées ?
JEAN-BAPTISTE LEMOYNE
En tous les cas oui, pas justifiées parce qu'encore une fois quand on veut rassembler les Français il faut au moins déjà commencer par rassembler sa famille, aujourd'hui je constate qu'il échoue et donc je constate que ce parti est de moins en moins un parti de gouvernement.
FREDERIC RIVIERE
Mais un chef doit cheffer (phon) comme disait Jacques CHIRAC, est-ce que ça n'est pas ce qu'a fait Laurent WAUQUIEZ ?
JEAN-BAPTISTE LEMOYNE
Ecoutez, encore une fois moi je crois que les Français ce qu'ils attendent justement au-delà des commentaires c'est du résultat, c'est du concret - c'est ce à quoi on est engagés depuis un an autour du président de la République, du Premier ministre - et je peux vous dire que j'étais hier à Marseille à la rencontre des Français…
FREDERIC RIVIERE
Et ils sont contents ?
JEAN-BAPTISTE LEMOYNE
Et effectivement ils sont contents du fait que ça bouge.
FREDERIC RIVIERE
Merci Jean-Baptiste LEMOYNE, bonne journée.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 19 juin 2018