Déclaration de M. Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement, sur les moyens de renforcer la sécurité dans les espaces urbains, Villepinte le 24 octobre 1997.

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Circonstance : Colloque sur le thème :"Des villes sûres pour des citoyens libres" à Villepinte le 24 octobre 1997

Texte intégral


Mesdames, Messieurs,
C'est avec beaucoup d'intérêt que j'ai répondu à !'invitation de Jean-Pierre CHEVENEMENT à participer à ce colloque. Élu local, chargé, au sein du gouvernement, du logement et de l'urbanisme, je ne peux que me sentir concerné par l'ambition d'avoir des " villes sûres pour des citoyens libres". Je souscris à ce titre qui correspond pleinement à l'approche interministérielle et globale des problèmes de sécurité qui sert de fil conducteur à ce colloque.
La qualité de la ville dépend non seulement de celle de son urbanisme, de la densité de ses services, mais aussi et de plus en plus, de la sécurité qui garantit l'usage paisible de l'espace public et de l'espace privé. Force est de constater que tous les espaces urbains ne sont pas égaux en matière de sécurité. Frappés de plein fouet par la crise sociale, certains quartiers d'habitat social sont particulièrement concernés par la délinquance et les incivilités. Le sentiment d'insécurité fait alors trop souvent le lit des extrémismes de tout bord. Apporter des solutions concrètes à ces situations constitue bien, comme le rappelait le ministre de l'Intérieur, un enjeu majeur pour notre démocratie : la préservation de la sûreté doit être une garantie apportée à tous les citoyens, quelle que soit leur condition sociale.
Par rapport à ce constat, deux points me semblent particulièrement importants en matière de politiques locales de sécurité ; ils inspirent d'ailleurs la conception même de ce colloque : le principe de complémentarité des actions d'amont et d'aval d'une part , l'importance de la territorialisation de l'action d'autre part.
La complémentarité des actions d'amont et d'aval, de prévention et de répression est indispensable pour apporter une solution cohérente aux problèmes d'insécurité.
C'est une évidence que de rappeler que la délinquance, les incivilités ont pour terreau les problèmes sociaux dont les effets sont amplifiés par certaines formes urbaines.
C'est une évidence aussi que les actions menées en amont peuvent voir leurs effets sensiblement amoindris par la persistance de problèmes d'insécurité : qui n'a pas en tête des exemples de quartiers réhabilités et qui pourtant continuent de fonctionner comme des repoussoirs du fait du climat d'insécurité qui y règne ?
S'agissant des facteurs accusés de contribuer en amont à l'insécurité, deux concernent directement mon champ de compétence et sont souvent mis en avant dans l'opinion publique : il s'agit des politiques de peuplement mal maîtrisées et d'un urbanisme considéré comme criminogène. Ces deux sujets méritent d'aller un peu plus loin dans l'analyse que ne le font certaines approches schématiques.
Le problème des attributions de logements sociaux est un sujet sensible et volontiers polémique, à propos duquel il est important de se garder à la fois des fantasmes et de la cécité Un fantasme, ancien, tend parfois à assimiler bien vite, classes populaires et "classes dangereuses", 10 millions de personnes vivent, en HLM dont 3 millions dans des ZUS qui pour une part d'entre elles rencontrent des difficultés sociales. Ceci n'en fait pas pour autant des délinquants en puissance. Par ailleurs, le droit au logement doit mobiliser tous les responsables publics car on ne peut se satisfaire d'une situation où trop de personnes sont encore privées d'un toit décent.
A l'inverse, la cécité, plus ou moins naïve, consisterait i ignorer les risques de ghettoïsation qui concernent certains quartiers et la fragilité de leur tissu social. Trois pistes d'action me semblent à ce titre prioritaires :
-une politique des attributions de logements sociaux plus transparente et plus partenariale, qui équilibre au mieux les objectifs de solidarité et de mixité sociale, ceci suppose une approche locale capable à la fois de saisir la réalité des situations à un niveau territorial très fin (l'approche par cage d'escalier peut être pertinente) et d'appréhender les équilibres sociaux à 1'échelle d'un bassin d'habitat. Des discussions ont été engagées sur ce sujet avec le mouvement HLM et des Premiers Contacts, à prolonger, ont été pris avec les associations de maires
-la deuxième piste consiste clans une meilleure répartition du logement social entre les communes. C'est certainement la véritable réponse structurelle au double objectif de mixité sociale et de solidarité que j'évoquais à l'instant, objectif qui ne doit pas concerner que les communes déjà largement pourvues en logement social. La loi d'orientation pour la ville en 1991 avait ouvert la voie. Force est de constater que les résultats n'ont pas été à la hauteur des enjeux. II faudra donc reprendre cette question, avec une ambition que je partage avec Madame la Ministre de 1'Emploi et de la Solidarité, Martine AUBRY.
-la troisiéme voier correspond à 1'offre de "produits logement" adaptés dans leur conception et leur niveau de loyer à des familles cumulant problèmes de ressources et handicaps sociaux. Le projet de loi de finances pour 1998 nous donne les moyens de cette politique. La coopération active des communes et la volonté des organismes HLM seront bien sûr nécessaires pour conduire à bien ces opérations.
L'urbanisme "pathogène".
Il est clair que la conception initiale de certaines cités du fait de problèmes d'échelle ou d'enclavement conjuguée de surcroît à la dégradation des sites au fil du Temps est un facteur de mal vivre, qui favorise les incivilités et le sentiment d'insécurité La relance ambitieuse des réhabilitations de logements décidée dès le mois de juin par le gouvernement est une première réponse. Elle est sûrement insuffisante, à elle seule, pour certains quartiers qui nécessitent une action plus farte partant sur 1'espace urbain - dans toutes ses composantes - et pas seulement sur les logements. Ce chantier, ouvert dans le cadre de la politique de la ville et qui me tient à coeur, mérite d'être fortement amplifié.
Par ailleurs il m'apparaît fondamental qu'en matière d'urbanisme, l'investissement et le fonctionnement ne soient pas dissociés. Ceci a deux implications.
D'abord, un espace urbain doit être conçu en prenant en compte ses usages et, à ce titre, les, problèmes de sécurité doivent être envisagés, parmi d'autres aspects, de façon pragmatique et en tenant des réalités locales, Ceci me semble relever d'ailleurs davantage de l'évolution de la pratique des professionnel: concernés que de dispositifs normatifs.
Surtout, dans bien des cas, c'est autant la gestion que la conception de l'espace urbain qui est en cause. A ce titre, un soin attentif de l'espace public et une gestion de proximité, gage de davantage de présence, sont des facteurs déterminants de réduction des incivilités, et donc du sentiment d'insécurité. Les organismes HLM, comme les communes sont de plus en plus sensibles à cette dimension. Les "emplois jeunes" et, pourquoi pas, la réduction du temps de travail, pourront certainement aider dans cette voie. C'est d'ailleurs l'orientation de l'accord en cours de préparation avec I'UNFOHLM concernant les "emplois jeunes" ; cette démarche me semble plus propice à une bonne adaptation à la diversité des situations qu'une approche normative et standardisée.
Ces problèmes me conduisent tout naturellement à aborder l'autre dimension, fondamentale à mes yeux, des politiques locales de sécurité : leur territorialisation. Avec le lancement des contrats locaux de sécurité, Jean-Pierre CHEVENEMENT a pris le parti d'une approche partenariale et au plus près des besoins. La sécurité est conçue comme le produit de démarches complémentaires, de natures différentes, où chaque partenaire peut optimiser son intervention dans son champ de responsabilités propres.
De ce point de vue, je tiens à souligner que les organismes HLM ont été d'ores et déjà, soit à l'origine soit partenaires d'expériences de prévention voire de sécurisation de proximité, dont certaines seront évoquées dans cet atelier. De ces dernières, deux enseignements majeurs me semblent pouvoir être tirés :
1 Il faut éviter toute standardisation des réponses. En fonction des contextes locaux, qu'il s'agisse des problèmes à traiter, des points d'appui existants dans le tissu social, des sensibilités locales, les réponses peuvent différer. On le voit par exemple à travers des expériences locales d'agents de médiation et de prévention dans lesquelles le contenu des missions, l'employeur, varient d'un site à l'autre et qui sont souvent le résultat de discussions partenariales.
2.Deuxième enseignement, dès lors que la sécurité et la prévention font l'objet d'une démarche partenariale, il est indispensable, comme l'a rappelé le Ministre de l'Intérieur, de clarifier les responsabilités de chacun et de prévoir les articulations des interventions. C'est la condition nécessaire pour éviter la confusion des missions (tout le monde ne peut pas s'improviser policier ou assistante sociale ou les deux à la fois) ; c'est la condition aussi d'une complémentarité efficace des interventions, où chaque partenaire prend le relais au bon moment. Bien souvent les problèmes ne sont pas traités parce que les efforts des uns ne sont pas relayés par l'action des autres de façon pertinente.
Voici les quelques éléments de réflexion que je souhaitais. apporter au démarrage de cet atelier, qui j'en suis sûr, sera très fructueux, ce qui me fait regretter d'autant plus de ne pas pouvoir partager vos travaux.
(source http://www.interieur.gouv.fr, le 18 septembre 2001)