Texte intégral
S. Paoli Jusqu'où la riposte israélienne, hier, aux attentats du Hamas ira-t-elle ? La personne physique d'Y. Arafat si elle n'a pas été directement visée reçoit un message en forme de dernier avertissement. Les Palestiniens considèrent qu'A. Sharon leur livre une guerre totale et demandent l'ouverture d'un sommet extraordinaire de la Conférence islamique. On est vraiment ce matin dans une situation de "guerre totale", comme disent les Palestiniens ? Arafat est complètement et physiquement isolé ce matin : les aéroports sont bombardés, ses hélicoptères sont détruits et il ne peut plus se déplacer ni retourner à Gaza. C'est une situation politique extrêmement préoccupante ?
- "Oui, exclusive. Mais il faut essayer de dire des choses clairement : qui est victime en ce moment ? On est dans une situation où Israël est victime d'attentats aveugles avec des jeunes gens fanatisés qui sont envoyés pour faire le plus de victimes civiles possibles. A. Sharon, le gouvernement israélien et les chiffres eux-mêmes, disent que le nombre de morts qui a été pour l'instant recensé en Israël est, proportionnellement à la population, presque aussi important que le nombre de victimes du World Trade Center. Il est très important que nous disions qu'Israël est victime et qu'il faut lui apporter le soutien qu'on doit aux victimes. En ce moment - cela n'a pas toujours été le cas, il y a des épisodes différents -, la situation est ainsi. Deuxièmement, j'observe aussi qu'Israël a franchi un cran mais en prenant bien soin de ne pas s'attaquer à Y. Arafat directement, sans doute pour mettre sur lui la pression, pour qu'il lutte à son tour et avec ses armes contre le Hamas."
C'est là que l'on rentre dans la complexité : il n'y a pas de doutes, en effet, en tout cas ces derniers jours, qu'Israël a été victime. Mais l'autre réalité, celle qu'il faut aussi prendre en compte, c'est qu'il y a un peuple palestinien qui est aussi victime à sa façon. Comment fait-on pour sortir de ça ? Qui a la réponse ?
- "Il faut qu'on mesure tous ensemble que l'action du Hamas et des autres terroristes vise à empêcher la paix de se faire. C'est donc une action qui est dirigée autant contre Israël, qui paye le prix du sang, une fois de plus, que contre "les modérés" - entre guillemets -, ceux qui voudraient faire la paix au sein du peuple palestinien lui-même. C'est une action a double but : "'je frappe Israël pour qu'il paye le prix du sang et d'un autre côté, par ricochet, je touche ceux qui voudraient faire la paix au sein du peuple palestinien". D'où la nécessité de lutter contre ce terrorisme-là. Malheureusement, ce terrorisme - on le voit bien - est servi par un vivier très nombreux de jeunes qui sont désormais prêts à faire le sacrifice de leur vie. C'est une situation, en effet, très dure et très difficile dans laquelle la communauté internationale devrait agir de manière beaucoup plus décisive et concertée qu'elle ne le fait aujourd'hui apparemment."
Qu'est-ce que cela veut dire, notamment quand on est candidat comme vous l'êtes, à l'élection présidentielle ? Qu'est-ce que la responsabilité politique ? Est-ce qu'un homme doit choisir son camp dans une situation comme celle-là ou est-ce que l'équité serait d'essayer de comprendre ce que sont les choses et comment peut-on y répondre ? La paix, on l'a fait comment ?
- " "Choisir son camp", ce ne sont pas les mots, "dire la vérité", c'est le mot. Dire qu'Israël est victime aujourd'hui ce n'est pas choisir un camp, c'est dire la vérité comme elle est - vous venez de le rappeler à l'instant. Quand je pense à une action concertée de la communauté internationale, je veux dire une action lisible. Vous êtes journaliste et on ne peut pas dire qu'il y a une action lisible de la communauté internationale ; il n'y a pas d'action lisible des Etats-Unis, il n'y a pas d'action lisible de l'Europe qui n'a pas l'existence qu'elle devrait avoir et il n'y a pas d'action lisible de la France. Les communiqués sont destinés à apparaître dans les agences de presse et non pas à dire..."
Une action lisible : qu'est-ce que c'est ? C'est aller sur le terrain ? L'ancien ministre des Affaires étrangères, S. Ben Ami, suggérait à l'antenne, ce matin, d'envoyer des hommes, de séparer les deux camps et d'imposer une négociation. C'est une action lisible à vos yeux ?
- "Un jour ou l'autre, c'est à cela qu'on arrivera et c'est à cela qu'il faudra arriver. Un jour ou l'autre, il y aura une force d'interposition qui rassurera les deux. Il faudrait que la communauté internationale le dise, il faudrait que l'Europe et la France le disent. Un jour ou l'autre, il faudra une action d'une tierce personne ou d'un Etat, qu'une force internationale vienne pour séparer les belligérants, et ainsi rassurer ceux des deux camps qui voudraient que la paix intervienne. Naturellement, aujourd'hui, on est au plus brûlant du risque. Au moins, disons la vérité comme elle est."
Quand il y a eu l'attentat du 11 septembre, certains se posaient la question de savoir s'il n'y aurait pas un facteur d'intégration et d'accélération de l'unité européenne.
- "Cela n'a pas été le cas. Vous savez ce que je dis et que je vais le répéter une fois de plus à votre micro : le drame de l'Europe, aujourd'hui, c'est qu'on dit qu'elle est faite alors qu'elle n'est pas faite. Les mots utilisés par les dirigeants sont les mots d'une Europe déjà faite. On se félicite des progrès et on considère qu'on a fait des pas en avant gigantesques... On utilise les mots qui sont ceux de l'intégration européenne. La vérité, c'est le chacun pour soi. On est, d'une certaine manière, revenu en arrière. On a eu avec V. Giscard d'Estaing, avec F. Mitterrand, un temps d'intégration très fort ; cela a été le temps du Traité de Maastricht, par exemple. Aujourd'hui, ce n'est pas exactement cela. Je ne dis pas que nous avons des dirigeants anti-européens, je dis que les progrès sont interrompus et que le Traité de Nice a été la sanction de ces progrès interrompus. Le Traité de Nice est la consécration - tout le monde l'a vu - de l'Europe du chacun pour soi."
Pourquoi le "chacun pour soi" ? Parce que c'est plutôt l'enjeu personnel qui prime sur le dessein politique ? C'est Blair qui se prend pour Churchill...
- "Il y a deux choses. Il y a le fait, en effet, que chacun des dirigeants européens trouve plus sympathique et plus valorisant d'apparaître ou de faire semblant d'apparaître comme un acteur de premier plan dans une Europe complètement illisible. La deuxième raison est aussi importante : c'est que la France ne joue plus son rôle de leader européen. Pendant très longtemps, chaque fois qu'il a fallu faire un pas en avant vers cette union européenne, ce pas en avant c'est la France qui en a été l'initiateur. Pendant très longtemps, c'est en France que la pensée européenne s'est développée, qu'elle a eu lieu. Or il se trouve aujourd'hui que la France ne joue plus ce rôle. C'est pour moi un crève-coeur de voir les risques qui pèsent sur l'Union européenne parce que cette Europe illisible et du chacun pour soi va s'élargir dans quelques mois et quelques années - 36 mois. Une série d'Etat très nombreux vont entrer et ils n'ont pas du tout envie de faire avancer l'Union européenne plus loin qu'elle ne l'est aujourd'hui. Ils considèrent que c'est une espèce d' "ONU" de la région. Tout cela est pour moi une grave inquiétude."
Mais pour le candidat que vous êtes, on n'échappe pas aux enjeux personnels et aux rivalités politiques. Je ne vais pas revenir sur ce qui s'est passé à Amiens, avec P. Douste-Blazy qui monte à la tribune et qui dit sa différence par rapport à vous ; N. Fontaine...
- "N. Fontaine a été complètement explicite. "
Mais vous voyez bien que chacun roule un peu pour soi. Comment fait-on pour échapper à tout cela ? Y échapperez-vous d'ailleurs ? Que pèsent les 5 % que l'on vous donne dans les sondages par rapport à tout ce que l'on vient d'évoquer ?
- "Ne parlons pas des sondages, ne glosons pas sur les sondages parce qu'ils vont bouger. Ils bougeront. Pas maintenant mais en février ou en mars, lorsque la campagne sera lancée, on le sait bien. Je sais qui sera élu : celui qui sera élu ce sera celui qui dira les choses les plus justes aux Français, celles qu'ils ressentiront comme décrivant la réalité et leur proposant un chemin. Si je dis les choses les plus justes, c'est ainsi que cela se passera. Oublions donc la réalité d'aujourd'hui. Que faut-il ? Le sens de l'intérêt général. Ou bien on considère que la France est bien gouvernée comme elle est, et à ce moment-là, on ne se casse pas la tête et en effet on se rallie aux deux sortants ; ou bien on considère qu'il faut réellement, désormais, penser à tourner la page et à chercher une autre manière de gouverner la France, plus efficace et avec des résultats concrets et en même temps plus généreuse. C'est ce que je proposerais dans cette élection."
(Source http://Sig.premier-ministre.gouv.fr, le 4 décembre 2001)
- "Oui, exclusive. Mais il faut essayer de dire des choses clairement : qui est victime en ce moment ? On est dans une situation où Israël est victime d'attentats aveugles avec des jeunes gens fanatisés qui sont envoyés pour faire le plus de victimes civiles possibles. A. Sharon, le gouvernement israélien et les chiffres eux-mêmes, disent que le nombre de morts qui a été pour l'instant recensé en Israël est, proportionnellement à la population, presque aussi important que le nombre de victimes du World Trade Center. Il est très important que nous disions qu'Israël est victime et qu'il faut lui apporter le soutien qu'on doit aux victimes. En ce moment - cela n'a pas toujours été le cas, il y a des épisodes différents -, la situation est ainsi. Deuxièmement, j'observe aussi qu'Israël a franchi un cran mais en prenant bien soin de ne pas s'attaquer à Y. Arafat directement, sans doute pour mettre sur lui la pression, pour qu'il lutte à son tour et avec ses armes contre le Hamas."
C'est là que l'on rentre dans la complexité : il n'y a pas de doutes, en effet, en tout cas ces derniers jours, qu'Israël a été victime. Mais l'autre réalité, celle qu'il faut aussi prendre en compte, c'est qu'il y a un peuple palestinien qui est aussi victime à sa façon. Comment fait-on pour sortir de ça ? Qui a la réponse ?
- "Il faut qu'on mesure tous ensemble que l'action du Hamas et des autres terroristes vise à empêcher la paix de se faire. C'est donc une action qui est dirigée autant contre Israël, qui paye le prix du sang, une fois de plus, que contre "les modérés" - entre guillemets -, ceux qui voudraient faire la paix au sein du peuple palestinien lui-même. C'est une action a double but : "'je frappe Israël pour qu'il paye le prix du sang et d'un autre côté, par ricochet, je touche ceux qui voudraient faire la paix au sein du peuple palestinien". D'où la nécessité de lutter contre ce terrorisme-là. Malheureusement, ce terrorisme - on le voit bien - est servi par un vivier très nombreux de jeunes qui sont désormais prêts à faire le sacrifice de leur vie. C'est une situation, en effet, très dure et très difficile dans laquelle la communauté internationale devrait agir de manière beaucoup plus décisive et concertée qu'elle ne le fait aujourd'hui apparemment."
Qu'est-ce que cela veut dire, notamment quand on est candidat comme vous l'êtes, à l'élection présidentielle ? Qu'est-ce que la responsabilité politique ? Est-ce qu'un homme doit choisir son camp dans une situation comme celle-là ou est-ce que l'équité serait d'essayer de comprendre ce que sont les choses et comment peut-on y répondre ? La paix, on l'a fait comment ?
- " "Choisir son camp", ce ne sont pas les mots, "dire la vérité", c'est le mot. Dire qu'Israël est victime aujourd'hui ce n'est pas choisir un camp, c'est dire la vérité comme elle est - vous venez de le rappeler à l'instant. Quand je pense à une action concertée de la communauté internationale, je veux dire une action lisible. Vous êtes journaliste et on ne peut pas dire qu'il y a une action lisible de la communauté internationale ; il n'y a pas d'action lisible des Etats-Unis, il n'y a pas d'action lisible de l'Europe qui n'a pas l'existence qu'elle devrait avoir et il n'y a pas d'action lisible de la France. Les communiqués sont destinés à apparaître dans les agences de presse et non pas à dire..."
Une action lisible : qu'est-ce que c'est ? C'est aller sur le terrain ? L'ancien ministre des Affaires étrangères, S. Ben Ami, suggérait à l'antenne, ce matin, d'envoyer des hommes, de séparer les deux camps et d'imposer une négociation. C'est une action lisible à vos yeux ?
- "Un jour ou l'autre, c'est à cela qu'on arrivera et c'est à cela qu'il faudra arriver. Un jour ou l'autre, il y aura une force d'interposition qui rassurera les deux. Il faudrait que la communauté internationale le dise, il faudrait que l'Europe et la France le disent. Un jour ou l'autre, il faudra une action d'une tierce personne ou d'un Etat, qu'une force internationale vienne pour séparer les belligérants, et ainsi rassurer ceux des deux camps qui voudraient que la paix intervienne. Naturellement, aujourd'hui, on est au plus brûlant du risque. Au moins, disons la vérité comme elle est."
Quand il y a eu l'attentat du 11 septembre, certains se posaient la question de savoir s'il n'y aurait pas un facteur d'intégration et d'accélération de l'unité européenne.
- "Cela n'a pas été le cas. Vous savez ce que je dis et que je vais le répéter une fois de plus à votre micro : le drame de l'Europe, aujourd'hui, c'est qu'on dit qu'elle est faite alors qu'elle n'est pas faite. Les mots utilisés par les dirigeants sont les mots d'une Europe déjà faite. On se félicite des progrès et on considère qu'on a fait des pas en avant gigantesques... On utilise les mots qui sont ceux de l'intégration européenne. La vérité, c'est le chacun pour soi. On est, d'une certaine manière, revenu en arrière. On a eu avec V. Giscard d'Estaing, avec F. Mitterrand, un temps d'intégration très fort ; cela a été le temps du Traité de Maastricht, par exemple. Aujourd'hui, ce n'est pas exactement cela. Je ne dis pas que nous avons des dirigeants anti-européens, je dis que les progrès sont interrompus et que le Traité de Nice a été la sanction de ces progrès interrompus. Le Traité de Nice est la consécration - tout le monde l'a vu - de l'Europe du chacun pour soi."
Pourquoi le "chacun pour soi" ? Parce que c'est plutôt l'enjeu personnel qui prime sur le dessein politique ? C'est Blair qui se prend pour Churchill...
- "Il y a deux choses. Il y a le fait, en effet, que chacun des dirigeants européens trouve plus sympathique et plus valorisant d'apparaître ou de faire semblant d'apparaître comme un acteur de premier plan dans une Europe complètement illisible. La deuxième raison est aussi importante : c'est que la France ne joue plus son rôle de leader européen. Pendant très longtemps, chaque fois qu'il a fallu faire un pas en avant vers cette union européenne, ce pas en avant c'est la France qui en a été l'initiateur. Pendant très longtemps, c'est en France que la pensée européenne s'est développée, qu'elle a eu lieu. Or il se trouve aujourd'hui que la France ne joue plus ce rôle. C'est pour moi un crève-coeur de voir les risques qui pèsent sur l'Union européenne parce que cette Europe illisible et du chacun pour soi va s'élargir dans quelques mois et quelques années - 36 mois. Une série d'Etat très nombreux vont entrer et ils n'ont pas du tout envie de faire avancer l'Union européenne plus loin qu'elle ne l'est aujourd'hui. Ils considèrent que c'est une espèce d' "ONU" de la région. Tout cela est pour moi une grave inquiétude."
Mais pour le candidat que vous êtes, on n'échappe pas aux enjeux personnels et aux rivalités politiques. Je ne vais pas revenir sur ce qui s'est passé à Amiens, avec P. Douste-Blazy qui monte à la tribune et qui dit sa différence par rapport à vous ; N. Fontaine...
- "N. Fontaine a été complètement explicite. "
Mais vous voyez bien que chacun roule un peu pour soi. Comment fait-on pour échapper à tout cela ? Y échapperez-vous d'ailleurs ? Que pèsent les 5 % que l'on vous donne dans les sondages par rapport à tout ce que l'on vient d'évoquer ?
- "Ne parlons pas des sondages, ne glosons pas sur les sondages parce qu'ils vont bouger. Ils bougeront. Pas maintenant mais en février ou en mars, lorsque la campagne sera lancée, on le sait bien. Je sais qui sera élu : celui qui sera élu ce sera celui qui dira les choses les plus justes aux Français, celles qu'ils ressentiront comme décrivant la réalité et leur proposant un chemin. Si je dis les choses les plus justes, c'est ainsi que cela se passera. Oublions donc la réalité d'aujourd'hui. Que faut-il ? Le sens de l'intérêt général. Ou bien on considère que la France est bien gouvernée comme elle est, et à ce moment-là, on ne se casse pas la tête et en effet on se rallie aux deux sortants ; ou bien on considère qu'il faut réellement, désormais, penser à tourner la page et à chercher une autre manière de gouverner la France, plus efficace et avec des résultats concrets et en même temps plus généreuse. C'est ce que je proposerais dans cette élection."
(Source http://Sig.premier-ministre.gouv.fr, le 4 décembre 2001)