Interview de Mme Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation à France 2 le 4 avril 2018, sur l'ampleur du mouvement de grève étudiant dans les universités et les occupations de plusieurs facultés.

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Média : France 2

Texte intégral


CAROLINE ROUX
Bonjour Frédérique VIDAL.
FREDERIQUE VIDAL
Bonjour.
CAROLINE ROUX
Alors, Tolbiac a voté la grève illimitée, Paris 8 est entrée dans le mouvement, tout comme Paris 4, Toulouse, Nantes, Poitiers, Bordeaux, j'en passe, est-ce que vous reconnaissez que le mouvement est en train de se durcir dans les facultés françaises ?
FREDERIQUE VIDAL
Alors, je suis évidemment très attentive à ce qui se passe au sein des 73 universités, un peu plus de 200 écoles sur le territoire, il y a effectivement des amphithéâtres qui peuvent être bloqués, des assemblées générales qui se tiennent, tant qu'on est sur le débat, la discussion, même la discussion argumentée contre le projet de loi, c'est normal, on est à l'université, le débat doit avoir lieu, c'est quand il y a des violences que, évidemment, les choses, pour moi, doivent être prises en compte et sont, deviennent inacceptables…
CAROLINE ROUX
Quand certains étudiants, une poignée parfois, dans votre ancienne faculté, celle que vous avez dirigée, la fac de Nice, empêchent les autres d'aller travailler, d'aller étudier, est-ce que là, vous considérez que ça fait partie des choses inacceptables ?
FREDERIQUE VIDAL
Il faut bien comprendre comment sont constituées les universités, elles sont constituées de plusieurs facultés, elles ont plusieurs campus, donc même lorsque une entrée d'un campus est bloquée ou lorsque, un amphithéâtre est bloqué, ça ne signifie pas que l'ensemble des étudiants n'ont pas cours et ne peuvent pas aller étudier.
CAROLINE ROUX
Donc ça veut dire que ce n'est pas si grave, c'est ce que vous dites ce matin ?
FREDERIQUE VIDAL
Ça veut dire que, une fois de plus, lorsqu'il s'agit de débattre, ce n'est pas un sujet, par contre, je ne peux pas tolérer qu'il y ait ni des étudiants frappés, ni des tags antisémites à Tolbiac qui soient inscrits sur les murs, ni des bâtiments qui soient dégradés à Nantes, c'est isolé….
CAROLINE ROUX
Empêcher les cours, ça, vous acceptez ?
FREDERIQUE VIDAL
Empêcher les cours, dans la plupart des cas, les présidents d'université font en sorte que les cours soient déplacés dans un autre amphi que l'amphi occupé. Donc, j'allais dire que, lorsqu'il s'agit d'occuper un amphithéâtre, lorsqu'il s'agit de débattre, à partir du moment où la majorité des étudiants, la très grande majorité des étudiants continuent à aller en cours, ça fait partie de ce qui peut se passer dans une université, j'allais dire, de manière classique.
CAROLINE ROUX
Vous avez commencé cette interview en disant : je suis vigilante, je suis attentive à ce qui est en train de se passer, la question, c'était : est-ce que ça se durcit, quand on voit la liste des facultés qui s'allonge, des mouvements qui semblent progresser dans le pays, est-ce que vous sentez le mouvement se durcir ?
FREDERIQUE VIDAL
Alors, c'est très variable, il y a des jours avec des manifestations dans certains amphithéâtres et puis ensuite, ça change, ça va dans d'autres villes, il y a eu un élément déclencheur très fort qui a été cette affaire…
CAROLINE ROUX
Montpellier…
FREDERIQUE VIDAL
Cette affaire à Montpellier, qui a suscité une vive émotion, sur laquelle, j'ai souhaité immédiatement réagir avec des sanctions très fortes qui ont été prises, mais au-delà, moi, ce que je ne souhaite pas, c'est que des petits groupes militants parfois extérieurs aux universités viennent inciter à la violence au sein des universités.
CAROLINE ROUX
Vous pensez à qui ?
FREDERIQUE VIDAL
La violence, ce n'est pas…L'université n'a pas à accueillir la violence en son sein, quelle qu'elle soit.
CAROLINE ROUX
Vous pensez à qui ?
FREDERIQUE VIDAL
Eh bien, ça a été dit encore ce matin dans les journaux. La France Insoumise revendique d'aller mobiliser dans les universités, les étudiants sont parfaitement capables d'être représentés par les syndicats étudiants, les élections étudiantes sont d'ailleurs en train de se dérouler dans la majorit des établissements, et je crois que c'est ça la démocratie universitaire, c'est les élections étudiantes, les représentants étudiants qui doivent prendre la parole et certainement pas des mouvements politiques…
CAROLINE ROUX
De quelque manière que ce soit, il est hors de question pour vous de revenir d'une manière ou d'une autre sur cette réforme ?
FREDERIQUE VIDAL
Alors, cette réforme, il faut rappeler ce que c'est…
CAROLINE ROUX
Juste, alors, on va rappeler ce que c'est, mais on n'a pas beaucoup de temps ce matin, est-ce que… parce que, il y a quand même une contestation qui s'exprime, on est dans un mouvement de grève, vous le savez bien qui est très suivi chez les cheminots, on parle de convergence des luttes, des colères qui s'ajouteraient, est-ce que vous dites, ce matin, cette réforme, elle a été votée, il est hors de question de revenir sur cette réforme ?
FREDERIQUE VIDAL
Alors, la convergence des luttes, c'est un slogan, et c'est un vieux rêve pour certains qui retrouvent quelque part une forme de jeunesse en reprenant cette expression. Ce qui est très clair, c'est que, au sein des universités, les gens sont avant tout au travail, c'est-à-dire que les équipes sont en train de préparer la rentrée universitaire, sont en train de regarder comment on accueille mieux les étudiants, donc de ce point de vue-là, évidemment, moi, je préférerais qu'on parle de ces gens qui travaillent comme je préférerais qu'on parle des professeurs principaux qui ont accompagné les élèves de terminale, il faut bien comprendre que l'an dernier, on a tiré 60.000 lycéens au sort pour savoir où ils iraient à l'université, et que cette année, grâce à la loi que j'ai portée, on ne les tirera plus au sort, et pour moi, c'est l'essentiel.
CAROLINE ROUX
Mais on se rend compte avec ce mouvement de contestation que cette réforme, elle n'est pas digérée en réalité…
FREDERIQUE VIDAL
En fait, il y a un grand mouvement de désinformation, on dit aux étudiants, certains disent aux étudiants : il n'y aura plus de compensation de note, je tiens à les rassurer, c'est faux. On dit aux étudiants que, ils ne pourront plus redoubler, je tiens à les rassurer, c'est entièrement faux, donc il y a aussi une campagne de désinformation qui est faite actuellement sur cette loi. Et c'est pour ça que c'est très important d'être toujours dans le dialogue et dans l'écoute, et c'est ce que je fais chaque fois que je rencontre des étudiants, que je leur explique ou que les présidents d'université ou les doyens expliquent aux étudiants en général, ils se rendent compte que, il y a une forme de manipulation…
CAROLINE ROUX
Manipulation, toujours par les groupuscules d'extrême gauche que vous avez évoqués tout à l'heure ?
FREDERIQUE VIDAL
Je ne vais pas accuser qui que ce soit, mais ce que j'ai lu par exemple ce matin, A savoir que Toulouse avait fait la grève à cause de la loi Orientation et Réussite des étudiants, je peux affirmer que c'est faux…
CAROLINE ROUX
Parce que ?
FREDERIQUE VIDAL
Toulouse est entrée en grève parce que, elle refusait la fusion.
CAROLINE ROUX
Toulouse d'ailleurs, où les étudiants ont voté pour réclamer une note de 10 ! 10 pour tout le monde, pour valider le second semestre, c'est oui, c'est non ?
FREDERIQUE VIDAL
Eh bien, évidemment, c'est non, on ne va pas à l'université pour avoir des notes, on va à l'université pour apprendre des choses…
CAROLINE ROUX
Eh bien, si, quand même un peu aussi au bout d'un moment…
FREDERIQUE VIDAL
E bien, c'est surtout pour apprendre des choses, je vous assure, parce que, il faut que les diplômes gardent leur valeur, donc évidemment que si les examens n'ont pas lieu, ces étudiants, s'ils ne vont pas aux examens, ils n'auront pas 10, mais là, aussi, il faut bien comprendre que les examens auront lieu dans les facultés de manière la plus sereine possible.
CAROLINE ROUX
Comment ? Comment est-ce qu'on fait ?
FREDERIQUE VIDAL
Les présidents d'université sont en train de s'y préparer…
CAROLINE ROUX
Comment est-ce qu'on fait pour organiser des examens dans des conditions sereines, alors que certains, pour certains, sont empêchés d'aller en cours ?
FREDERIQUE VIDAL
Eh bien, vous voyez, c'est vraiment ça qui est très, peut-être compliqué à expliquer, c'est que, une université, comme je vous le disais, c'est plusieurs campus, c'est plusieurs locaux, et donc organiser les examens pour les étudiants qui ont suivi les enseignements, c'est évidemment ce qui est en train de se préparer dans toutes les facultés.
CAROLINE ROUX
Certaines mairies proposent même de mettre des locaux à disposition pour organiser les examens, on en est là ?
FREDERIQUE VIDAL
Alors, on en est là, je pense que vous mentionnez, là encore, Toulouse, alors Toulouse, il y a plusieurs universités, et l'une des universités qui est effectivement bloquée, mais parce que ça fait depuis le mois de décembre que les conseils d'administration ne peuvent pas se tenir puisque que les gens donc refusaient la fusion, ça veut dire que les vacataires ne sont pas payés, ça veut dire que les fournisseurs ne sont plus payés, vous voyez qu'on est très, très loin de la loi Orientation & Réussite des étudiants.
CAROLINE ROUX
Hier, le Premier ministre, votre Premier ministre, a dit à l'Assemblée nationale : je respecte les cheminots qui font grève : les grévistes : je respecte aussi les usagers et les voyageurs qui doivent essayer d'aller travailler en cette période de grève, est-ce que vous diriez la même chose ce matin ? Vous les respectez les étudiants qui font grève, qui empêchent parfois certains cours de se tenir ?
FREDERIQUE VIDAL
Alors, bien sûr, puisque, une fois de plus, la liberté d'expression dans les universités, c'est une chose à laquelle je suis évidemment très attachée à partir du moment où on a des débats, des débats qui sont argumentés, et à partir du moment où on n'exerce aucune violence ni aucune pression, et qu'on n'empêche pas les autres étudiants…
CAROLINE ROUX
Sinon, il se passe quoi ? Vous pourriez faire ce qu'on a vu à Bordeaux par exemple, des évacuations un peu musclées d'amphis ?
FREDERIQUE VIDAL
Alors, je ne sais pas ce que vous appelez un peu musclées, mais effectivement, lorsqu'il y a trouble à l'ordre public manifeste, les présidents d'université sont en capacité de faire évacuer les amphithéâtres.
CAROLINE ROUX
Merci beaucoup Frédérique VIDAL.
FREDERIQUE VIDAL
Merci à vous.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 6 avril 2018