Interview de Mme Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation à BFMTV le 18 avril 2018, sur le blocage des universités et la poursuite du mouvement étudiant dans quatre facultés bloquées.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : BFM TV

Texte intégral


DAMIEN GOURLET
La grogne dans les universités. Le mouvement ne fait pas tache d'huile, mais il ne s'essouffle pas non plus.
ADELINE FRANÇOIS
Bonjour Frédérique VIDAL, et merci d'être avec nous. Vous êtes la ministre de l'Enseignement supérieur. Un point de situation précis d'abord, Madame VIDAL, sur l'étendue de la mobilisation, on en est à combien de facs bloquées totalement ou partiellement ce matin ?
FREDERIQUE VIDAL
Bonjour. Donc ce matin, nous avons quatre facultés bloquées et une dizaine de sites qui connaissent des perturbations. Donc effectivement, les choses ne se sont pas amplifiées, mais nous avons des assemblées générales qui rassemblent de nombreux étudiants à Nanterre ou à Rennes par exemple.
DAMIEN GOURLET
Rennes, Tolbiac, Nanterre, Toulouse, ce sont des universités où des partiels n'ont pas pu se tenir. Est-ce qu'à votre connaissance, il y en a d'autres, et surtout, comment vous allez rattraper le coup ?
FREDERIQUE VIDAL
Alors, les présidents d'université sont en train de mettre en place les examens, les examens de fin d'année, les partiels qui n'ont pas pu avoir lieu. C'est essentiel, ces examens, c'est la crédibilité des universités, c'est la crédibilité des diplômes, c'est ce qui permet aux jeunes de poursuivre leurs études l'année prochaine ou de chercher un emploi, et il est donc essentiel que ces examens se tiennent, et ils se tiendront.
ADELINE FRANÇOIS
Ils se tiendront, y compris de façon numérique par exemple, dématérialisée ?
FREDERIQUE VIDAL
Alors, ça peut être le cas, en dématérialisé, lorsque c'est prévu, lorsque le contrôle des connaissances autorise par exemple la remise d'un rapport ou d'un mémoire, mais ça peut aussi se faire dans des lieux délocalisés, vous savez, les universités, c'est plusieurs facultés, donc il peut y avoir des campus bloqués, mais d'autres campus qui, eux, sont accessibles. Et on peut parfaitement organiser les examens, y compris en présentiel, simplement dans d'autres salles.
DAMIEN GOURLET
Pas d'examens en chocolat, Frédérique VIDAL, disait le président de la République, il y a quelques jours, on est quand même d'accord, ce ne sont pas des conditions normales actuellement dans les facs ?
FREDERIQUE VIDAL
Alors, actuellement, il y a effectivement quelques facultés qui connaissent des problèmes, il y a aussi de très nombreuses facultés où les choses se déroulent totalement normalement, les cours prennent fin, les semaines de révisions commencent, et les examens sont programmés sans qu'il y ait de blocage. Il faut se rappeler qu'il y a un peu plus de 400 sites universitaires en France, et on a une quinzaine de sites qui sont effectivement bloqués.
ADELINE FRANÇOIS
Alors, c'est peut-être un symbole, Madame la Ministre, mais cette nuit, l'école de Sciences-Po à Paris, a, à son tour, été occupée par des étudiants. Est-ce que ça peut dégénérer et s'étendre à d'autres écoles que l'université et gagner d'autres branches de l'enseignement supérieur ?
FREDERIQUE VIDAL
Alors, il faut rappeler l'objectif de cette réforme, c'est mieux orienter les lycéens, et puis, c'est leur permettre d'accéder à l'enseignement supérieur, et pour cela, ouvrir des places là où on en a besoin, et faire en sorte que, pour ceux qui ont besoin de plus, des accompagnements spécifiques soient mis en place. C'est tout l'objet de cette réforme Orientation & Réussite. Ensuite, on entend beaucoup de choses, beaucoup de désinformations, et ça veut dire que chaque fois que nécessaire, il faut aller réexpliquer le fait que nous ne voulons plus tirer les lycéens au sort, et que nous ne voulons plus 70 % d'échecs ou de réorientations en 1ère année à l'université. Donc voilà, je crois que c'est très important de réexpliquer ça chaque fois que c'est nécessaire…
DAMIEN GOURLET
Mais ce discours, Madame la Ministre, on l'entend déjà depuis plusieurs semaines, comment vous en sortez, en envoyant la police dans les universités ou en discutant, peut-être en convoquant les associations étudiantes à votre ministère ?
ADELINE FRANÇOIS
Alors, évidemment, nous discutons en permanence avec, à la fois les syndicats représentant les personnels, et avec les associations étudiantes lorsqu'ils viennent, lorsqu'ils ne quittent pas la table des négociations, comme ça a été le cas pour certains. Là, nous sommes rentrés dans la phase suivante, la préparation des décrets, et puis, la façon dont on reconnaît justement ce travail supplémentaire, cet engagement supplémentaire pour les enseignants chercheurs et pour les enseignants, y compris dans leur carrière. Donc la loi est votée depuis le mois de mars, elle a été discutée et co-construite depuis le 17 juillet dernier, je vois que maintenant, il y a des inquiétudes, je les entends, et j'y réponds en expliquant quel est l'objet de cette loi, et en le rappelant en permanence, et bien sûr, l'objectif, c'est qu'on puisse discuter avec les étudiants. Je vous rappelle que quand les présidents d'université font appel aux forces de l'ordre pour évacuer, c'est qu'il y a un danger pour les personnels, un danger pour les étudiants qui sont sur site, dont ils ne se sentent pas capables de prendre la responsabilité, et donc ils demandent l'intervention de la police. Mais c'est fait dans des cas très précis, lorsqu'il y a des violences, lorsqu'il y a des actes extrêmes qui sont commis, dont je suis à peu près persuadée pour ma part que ce ne sont pas des étudiants qui les commettent. J'ai côtoyé des étudiants toute ma vie, je sais que les étudiants ne cassent pas les serveurs, ne caillassent pas les personnels, et que, on peut discuter avec les étudiants en assemblée générale et débattre…
ADELINE FRANÇOIS
Vous voulez dire qu'il y a des éléments extérieurs qui s'invitent dans les facs pour participer à cette casse. D'un mot, Madame la Ministre, des présidents d'université ont décidé, annoncent qu'ils boycottent Parcoursup et qu'ils n'appliquent pas la sélection en examinant les dossiers des étudiants, que leur dites-vous ce matin à ces présidents d'université ?
FREDERIQUE VIDAL
Alors, en fait, il n'y a aucun président d'université qui dit ça, ce que disent les présidents d'université, là encore, pour expliquer le sens de la réforme, c'est lorsqu'il n'y a pas de tension, il n'y a pas besoin de regarder l'ensemble des dossiers des étudiants pour les classer, par contre, il reste le besoin de regarder ces dossiers pour voir à qui on offre plus en termes d'accompagnement. Donc lorsque les présidents d'université disent : s'il n'y a pas de tension, nous ne classerons pas, eh bien, ils se conforment parfaitement à la loi. La loi dit que, on doit dire oui à tout le monde, et on doit proposer des parcours d'accompagnement pour ceux dont on juge qu'ils en ont besoin.
ADELINE FRANÇOIS
Merci. Merci Frédérique VIDAL. Merci Madame la Ministre de l'Enseignement supérieur d'avoir été avec nous ce matin.
FREDERIQUE VIDAL
Merci à vous.
ADELINE FRANÇOIS
Un commentaire, Christophe BARBIER ?
CHRISTOPHE BARBIER
L'épreuve de vérité, ça sera au moment de l'application de Parcoursup, c'est-à-dire, est-ce que des étudiants resteront sur le carreau, sans affectation, est-ce qu'on reconnaîtra ce qu'on a connu avec APB ? Ça sera vraiment, là, l'épreuve de vérité, à l'automne.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 23 avril 2018