Texte intégral
RENAUD BLANC
Bonjour Frédérique VIDAL...
FREDERIQUE VIDAL
Bonjour.
RENAUD BLANC
Merci d'être dans le studio de Radio Classique, vous êtes la ministre de l'Enseignement supérieur, de la Recherche et de l'Innovation, j'ai bien sûr beaucoup de questions à vous poser sur ce qui se passe à l'université en ce moment, on essaiera d'être très concrets. Mais auparavant « LES COULISSES DU POUVOIR » avec vous Guillaume, au moment où l'Assemblée débat du projet Collomb Laurent WAUQUIEZ propose un référendum sur l'immigration et une remise en cause du droit du sol, fait-il la course au Front national ?
//Diffusion de la chronique de Guillaume TABARD//
RENAUD BLANC
Tout de suite l'invitée politique, Frédérique VIDAL donc ministre de l'Enseignement supérieur, de la Recherche et de l'innovation. On va essayer d'être le plus concret possible ce matin, combien d'universités sont actuellement bloquées ?
FREDERIQUE VIDAL
Quatre universités sont actuellement bloquées et ça fluctue environ 10 sites sur 400 sites universitaires.
RENAUD BLANC
On parle de 15 sites ce matin.
FREDERIQUE VIDAL
Voilà !
RENAUD BLANC
A Marseille se serait mis en grve, Science-Po Paris hier, vous avez été surpris de voir les étudiants de Science-Po Paris rejoindre le mouvement ou pas ?
FREDERIQUE VIDAL
Disons que c'était effectivement surprenant, pas sur le fond parce que c'est vrai que les étudiants de Science-Po sont toujours j'allais dire actifs en termes de manifestation et donc il y a toujours des choses qui se passent à Science-Po chaque année, là oui j'ai été un petit peu surprise notamment de leurs annonces de lutte contre la dictature du président MACRON, je pense qu'ils n'avaient pas encore tout à fait eu le cours sur la dictature peut-être.
RENAUD BLANC
Deuxième question, Madame la Ministre, les partiels, les examens, est-ce qu'ils auront bien lieu ?
FREDERIQUE VIDAL
Oui, les examens auront lieu et les partiels auront lieu, d'ailleurs certains partiels sont en train de se tenir et les examens sont en train de se préparer pour le mois de mai. C'est très important de comprendre que là, voilà c'est une information, on s'interroge là-dessus, les examens de fin d'année c'est ce qui permet aux étudiants de passer dans l'année supérieure, d'obtenir leurs diplômes, de passer dans le cycle supérieur - là on commence à avoir des candidatures sur les masters donc c'est vraiment essentiel pour la crédibilité des diplômes universitaires.
RENAUD BLANC
Les étudiants c'est vrai, pas mal d'étudiants, ont reçu des messages de leurs universités précisant qu'ils passeraient bien leurs partiels - mais ils ne savent pas où, ils ne savent pas quand - c'est quand même assez compliqué là ?
FREDERIQUE VIDAL
Ils ne savent pas où, ça effectivement ce sera précisé au dernier moment - puisque ce qu'on a vu c'est que chaque fois que les lieux des partiels étaient indiqués trop à l'avance une quinzaine de personnes s'organisait pour venir empêcher ces partiels d'avoir lieu - et ça c'est vraiment totalement inadmissible, vous remarquerez que la présidente de l'UNEF, qui pourtant est très active dans le mouvement étudiant, a bien précisé que, elle, elle passerait ses examens.
RENAUD BLANC
Des partiels sur Internet c'est la solution, c'est possible, ça s'organise comment ?
FREDERIQUE VIDAL
C'est possible, c'est une des solutions, l'objectif c'est qu'on soit à la fois capables de trouver des locaux alors dans une autre faculté de la même université ou sur un autre site de la même université qui lui n'est pas perturbé ou bien des locaux qui sont mis à disposition des universités ou encore, enfin, effectivement sur Internet lorsqu'on a des cours qui permettent d'avoir un mémoire à rendre, un projet à rendre et où là rien n'empêche que les choses soient déposées au travers d'Internet.
RENAUD BLANC
Quatre universités bloquées, dont celle de Montpellier, la justice demande l'évacuation. Ça veut dire quoi, ça veut dire Frédérique VIDAL que la police va rentrer dans la faculté de Montpellier dans les heures qui viennent ou pas ?
FREDERIQUE VIDAL
Le président de l'université a effectivement sollicité la justice pour pouvoir signifier de manière très claire aux personnes qui sont dans l'université de Montpellier 3 aujourd'hui, qui est en fait l'une des deux universités de Montpellier, pour leur signifier qu'effectivement leur présence est illégale - je vous rappelle qu'à Montpellier l'ensemble des serveurs a été détruit et que là encore la probabilité que des étudiants détruisent leur lieu d'études est quand même relativement faible - donc le président est face à des gens qui ne sont pas des usagers de l'université ou des personnels de l'université.
RENAUD BLANC
Donc emploi de la force ou pas, police ou pas, Frédérique VIDAL ?
FREDERIQUE VIDAL
Comme toujours c'est le président de l'université qui fait appel aux forces de l'ordre puisque c'est lui qui a le droit de décider cela.
RENAUD BLANC
Et qui ne viennent pas toujours, puisqu'à Tolbiac on a demandé justement aux policiers de venir et la police dit : « Oh, la, la, non, non, on ne peut pas ». C'est une tour, on ne peut pas intervenir ?
FREDERIQUE VIDAL
Non, la police ne dit pas ça. Le principe c'est que les présidents d'université ont le pouvoir de police et lorsqu'ils ne se sentent pas en capacité, parce qu'on n'est plus dans le cadre d'un débat mais on est vraiment dans le cadre d'un blocage et de violences, donc ils ne sont plus en capacité de maintenir l'ordre public, alors ils demandent l'aide de la préfecture qui ensuite décide de l'opportunité, c'est-à-dire du moment où l'intervention est la plus appropriée.
RENAUD BLANC
Six présidents d'université appellent le gouvernement à ouvrir des négociations avec toutes les parties prenantes sur ce dossier, on va rentrer dans le coeur du problème dans un instant...
FREDERIQUE VIDAL
Bien sûr !
RENAUD BLANC
Mais qu'est-ce que vous pensez de cette initiative de six présidents d'université, ça vous embarrasse ou pas Frédérique VIDAL ?
FREDERIQUE VIDAL
Non, en plus je les ai vus hier, je les ai reçus hier, enfin j'ai reçu l'un d'entre eux hier pour qu'on puisse en discuter - moi je suis en contact permanent avec les présidents d'université - et c'est ce que je leur ai dit : « la loi c'est une loi qui a été discutée depuis le 17 juillet dernier, qui a été validée par le CNESER qui représente l'ensemble des organisations syndicales et qui ont porté ce projet de loi, ensuite discutée au Parlement et votée, donc j'entends que tout n'est pas parfait, mais je l'ai toujours dit il y a des choses qui peuvent s'améliorer et bien sûr moi je suis toujours ouverte à la discussion.
RENAUD BLANC
En cause donc c'est la loi Orientation et réussite des étudiants, le fameux aussi Parcoursup, pourquoi lorsque vous prononcez le mot Parcoursup les étudiants certains étudiants entendent le mot sélection ?
FREDERIQUE VIDAL
Parce que je crois qu'il y a une incompréhension pour certains ou une désinformation volontaire pour d'autres sur le sujet, l'année dernière 65.000 étudiants ont été tirés au sort, je me suis engagée à ce qu'on ne tire plus au sort, la CNIL a condamné le fait que l'affectation soit faite uniquement par des algorithmes. Donc, cette loi, elle permet deux choses : d'abord elle permet dès le lycée de mieux accompagner les futurs étudiants en les aidant à choisir leur orientation et, ensuite, elle permet parce qu'on va regarder les dossiers de ces étudiants de pouvoir leur proposer des parcours adaptés, aménagés à la rentrée 2018, donc il n'y a pas de sélection inscrite dans cette loi et ceux qui me disent : « oui, mais il n'y a pas suffisamment de places », la réponse est très simple : « je le sais, c'est bien pour ça qu'on a ouvert 19.000 places pour la rentrée et qu'on est encore capables d'en ouvrir partout où il y aura des tensions ».
RENAUD BLANC
Oui. Il y a le oui, vous rentrez dans la fac que vous demandez, il y a le oui mais et puis aujourd'hui il y a peut-être aussi un non si vous êtes sur liste d'attente, il y a la possibilité que finalement votre choix ne soit pas celui que vous souhaitez - c'est une note que j'ai lue de votre ministère alors, voilà, on est passés du oui, oui, oui et non ou pas ?
FREDERIQUE VIDAL
Non, non. C'est très clair, la seule réponse que peuvent apporter les universités dans les tous cas c'est oui et je rappelle que le oui si c'est dans la filière du choix du lycéen, cest pour faire le diplôme que le lycéen souhaite faire, mais c'est simplement avec plus d'accompagnement. La note à laquelle vous faites référence c'est juste une note technique, le 6 septembre la procédure normale se clôt et donc pour fermer le logiciel toutes les situations en attente disparaissent de fait et, là, on a encore 15 jours - la procédure complémentaire pour terminer d'affecter les lycéens qui n'auraient encore pas trouvé chaussures à leurs pieds.
RENAUD BLANC
Il y a les étudiants, les lycéens, mais il y a aussi les professeurs, ils sont nombreux à refuser de trier si je puis dire les dossiers, à Lille par exemple ils ont ils ont décidé de dire oui a tout le monde, à la faculté d'Avignon - administration économique et sociale -, il y a 1.200 dossiers qui doivent être traités, les professeurs disent : « nous on n'est pas là pour être chasseurs de tête », qu'est-ce que vous répondez ?
FREDERIQUE VIDAL
Là encore je pense qu'il faut leur réexpliquer, dire oui à tout le monde c'est le principe - donc qu'ils disent oui à tout le monde ça ne me dérange pas je trouve dommage qu'ils privent les étudiants d'avoir de l'accompagnement spécifique lorsqu'ils en ont le plus besoin, ce qui est le sens du oui si ; ensuite, s'ils répondent oui à tout le monde, ça veut dire que moi il faut que je m'enquiers de la raison pour laquelle ils ne veulent pas mettre en place des parcours d'accompagnement à la rentrée - et là encore si c'est une question de moyens mon travail c'est de les accompagner dans ces moyens - 10 millions d'euros viennent d'être débloqués de manière à ce que on puisse accompagner ces initiatives et 130 millions d'euros dans lesquels des nouveaux cursus universitaires.
RENAUD BLANC
Mais est-ce que c'est le rôle des professeurs d'examiner des milliers de dossiers, Madame la Ministre ?
FREDERIQUE VIDAL
Ecoutez ça les gêne pas de le faire lorsqu'il s'agit des dossiers de demande d'entrée en master, donc pourquoi est-ce que ça les dérangerait lorsqu'il s'agit de mieux accueillir les bacheliers, donc c'est pour ça que je pense qu'il y a une part d'incompréhension ou une part de peur et qu'il faut toujours expliquer.
RENAUD BLANC
Vous parlez d'instrumentalisation, vous désignez l'extrême gauche souvent dans ces facultés, il n'y a pas d'étudiants donc, il n'y a que des professionnels du désordre - comme disait Emmanuel MACRON il y a quelques jours - ou pas ?
FREDERIQUE VIDAL
Non, non, ce n'est pas ça. Ce n'est pas ce que je dis, ce que je dis c'est que dans tous les lieux où on a des centaines de milliers d'euros de dégâts il y a une volonté de provocation, il y a une volonté de violence qui ne traduit pas ce que souhaitent les étudiants puisqu'une fois de plus les étudiants n'ont pas le souhait de détruire l'environnement dans lequel ils sont en train d'étudier - et puis dire qu'il y a effectivement une tentative de récupération politique c'est juste observer la réalité, quand on a des députés La France Insoumise qui vont dans des AG d'étudiants et qui prennent la parole ça s'appelle avoir des députés de la France Insoumise dans les AG d'étudiants.
RENAUD BLANC
Ce que l'on peut constater, si je suis votre raisonnement, c'est qu'il y a une majorité d'étudiants qui souhaite passer ces examens, ces partiels, une toute petite minorité qui bloque - mais oui ça bloque - c'est-à-dire que le gouvernement, l'Etat, est incapable de sortir de cette situation ?
FREDERIQUE VIDAL
Là encore je crois qu'il faut regarder les choses en face. Il y a 2,5 millions d'étudiants en France, 1,6 million dans les universités, quelques milliers de bloqueurs et quelques dizaines de milliers d'étudiants qui sont empêchés pour le moment puisqu'une fois de plus les examens auront bien lieu et, de ce point de vue-là, les présidents d'université, les recteurs et évidemment avec l'aide du ministère nous sommes en train d'organiser les examens, donc je crois qu'il faut considérer qu'il y a effectivement de l'inquiétude, il faut l'entendre et qu'il faut dialoguer et continuer à expliquer, mais c'est loin d'être généralisé dans les établissements. Je dînais hier soir avec cinq présidents d'université, chez eux ils ne se passent rien et tout va bien.
RENAUD BLANC
Personne sur le carreau à la rentrée prochaine, vous le confirmez ?
FREDERIQUE VIDAL
C'est absolument pour cela que le Plan Etudiants a été annoncé, que 19.000 places ont été financées et que si on a besoin de plus de places on en rajoutera.
RENAUD BLANC
Une dernière question. Est-ce que, pour le moment les lycéens ne bougent pas, est-ce que c'est votre crainte aujourd'hui ?
FREDERIQUE VIDAL
Non, les lycéens ne bougent pas simplement parce que comme je vous le disais il y a un meilleur accompagnement qui a été fait en termes d'orientation au niveau des lycées, donc les proviseurs, les professeurs principaux et d'ailleurs je les en remercie - ont vraiment travaillé ce processus d'orientation, donc les lycéens ont compris que l'objectif c'était de donner plus à ceux qui avaient besoin de plus et absolument rien d'autre.
RENAUD BLANC
Merci beaucoup Frédérique VIDAL d'avoir répondu à mes questions...
FREDERIQUE VIDAL
Merci à vous.
RENAUD BLANC
La ministre de l'Enseignement supérieur, de la Recherche et de l'innovation sur l'antenne de Radio Classique et de Paris Première, très bonne journée.
FREDERIQUE VIDAL
Merci.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 23 avril 2018