Interview de Mme Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation à Sud Radio le 27 avril 2018, sur le mouvement étudiant, les universités bloquées et la tenue des examens dans l'enseignement supérieur.

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Média : Emission La Tribune Le Point Sud Radio - Sud Radio

Texte intégral


INTERVENANTE
Vous écoutez Sud Radio, c'est le petit-déjeuner politique de Sud Radio avec Frédérique VIDAL, ministre de l'Enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation.
PATRICK ROGER
Oui, bonjour Frédérique VIDAL.
FREDERIQUE VIDAL
Bonjour.
PATRICK ROGER
Combien de facs encore bloqués ce matin ?
FREDERIQUE VIDAL
C'est trois universités bloquées et six sites perturbés.
PATRICK ROGER
Oui six sites perturbés et, dans ces endroits, on ne peut pas passer encore correctement ses examens ?
FREDERIQUE VIDAL
Si les examens sont en train de se dérouler, pour certains ils sont en train de se terminer, d'autres ont eu la semaine dernière, sur Montpellier les examens ont eu lieu la semaine dernière - il reste maintenant les deuxièmes sessions - Lille, Nancy, enfin voilà les examens sont en train de se dérouler ou démarrent la semaine prochaine, ça dépend des zones en fait.
PATRICK ROGER
Oui, oui. Mais alors il y a des étudiants et des parents donc qui se posent quand même des questions, Edouard PHILIPPE a promis la fermeté, comment ça va se concrétiser alors, la force là aussi s'il le faut ?
FREDERIQUE VIDAL
On a, évidemment en rapport avec les présidents d'université, vérifié avec eux qu'ils étaient en capacité de planifier leurs examens, il y a des salles qui sont réservée au cas où sur les campus où il y a des perturbations il faut délocaliser les examens – c'est fait en lien avec les recteurs, avec certains lycées pour avoir les salles - donc voilà tout est tout est prêt pour que les examens se tiennent comme actuellement ou se tiennent la semaine prochaine, ils sont éventuellement un peu décalés dans le temps, c'est-à-dire que la période d'examen peut durer un peu plus longtemps que prévu justement pour être sûr d'avoir ces salles disponibles.
PATRICK ROGER
Oui, mais pas d'examens en chocolat, c'est ce qu'a dit Emmanuel MACRON, qui...
FREDERIQUE VIDAL
Non.
PATRICK ROGER
Qui veut quand même que tout rentre dans l'ordre au mois de mai, comment vous allez faire, vous pouvez prendre l'engagement ce matin qu'au mois de mai là l'ordre va être rétabli dans les facs ?
FREDERIQUE VIDAL
Une fois de plus moi je ne peux pas prendre d'engagement pour les présidents d'université, c'est eux qui sont garants...
PATRICK ROGER
Vous êtes la ministre de l'Enseignement supérieur quand même.
FREDERIQUE VIDAL
Oui, mais il faut bien comprendre la façon dont se passe les choses...
PATRICK ROGER
Oui, mais à un moment donné il faut qu'il y ait quelqu'un donne aussi en fait des instructions non ?
FREDERIQUE VIDAL
Les universités sont des opérateurs de l'Etat et donc c'est les présidents d'université qui, soit sont en capacité de maintenir l'ordre, soit peuvent faire appel aux forces de l'ordre.
PATRICK ROGER
Oui, mais vous avez quand même la main sur les universités ou pas alors, parce que là on a l'impression... vous nous dites : « Voilà, c'est eux qui décident et pas vous », il faudrait quand même un peu savoir, si le Premier ministre promet la fermeté et que le président dit : « il faut que tout rentre dans l'ordre » et qu'on dise derrière : « eh bien oui, mais c'est localement en fait qu'on décide » ?
FREDERIQUE VIDAL
Les décisions sont prises localement mais évidemment le ministère et moi-même on est là en soutien pour les aider et pour faire en sorte que les choses se passent bien, lorsqu'il va falloir payer les dégradations qui ont lieu sur certains sites, lorsqu'il faut trouver les salles, c'est bien les recteurs, c'est bien l'Etat qui est là aux côtés des universités pour faire en sorte que les choses se passent bien, mais il n'empêche que les universités sont des établissements autonomes de l'Etat.
PATRICK ROGER
Frédérique VIDAL, à combien est-ce que vous estimez les dégâts occasionnés justement par ces mouvements ?
FREDERIQUE VIDAL
On est en train de commencer à les chiffrer et on aura vraiment une estimation complète probablement dans les semaines qui viennent, on est à plus d'un million d'euros déjà.
PATRICK ROGER
A plus d'un million d'euros ! Et qui sont quoi, des dégâts, c'est...
FREDERIQUE VIDAL
C'est du mobilier cassé, c'est des serveurs détériorés comme à Montpellier, c'est des tags, les amphis à repeindre complètement, c'est des portes à réparer, c'est beaucoup de gardiennage puisque les présidents ont fait appel parfois des sociétés de gardiennage justement pour que les examens puissent avoir lieu, c'est de la dégradation finalement des lieux où on est censé étudier et c'est ça qui est le plus insupportable.
PATRICK ROGER
Oui. Frédérique VIDAL, à Tolbiac il y a tout juste une semaine il y a eu une désinformation lors de l'intervention des forces de l'ordre, une fausse nouvelle d'un étudiant blessé relayée par un média proche des Insoumis, est-ce que vous envisagez par exemple des poursuites ?
FREDERIQUE VIDAL
Le président de l'université a effectivement décidé de porter plainte. La rumeur a été absolument abjecte et, moi, je reprendrais pas volontiers ce qu'a dit Raphaël ENTHOVEN sur le sujet, c'est : « le blessé qu'on invente c'est peut-être le mort que l'on espère », il y a une véritable instrumentalisation, il y a une volonté de mettre en scène, il y a une volonté de monter en épingle les événements qui se déroulent sur certains campus, pour dire toutes les universités en France ont des problèmes, sont à feu et à sang, c'est un tout petit nombre de sites - il y a plus de 400 sites universitaires en France - 73 universités qui sont décomposées en faculté et en sites universitaires, on est en train de parler globalement d'une dizaine ou d'une douzaine - ça change un petit peu tous les jours – ça bloque, ça se débloque.
PATRICK ROGER
Oui, c'est de la manipulation quoi ?
FREDERIQUE VIDAL
Il y a une vraie volonté d'instrumentaliser les choses qui se passent, les choses qui se passent sont réelles, évidemment quand il y a des assemblées générales il y a des assemblées générales, mais il y a une volonté de monter les choses en épingle, de monter les étudiants les uns contre les autres, de mettre en scène l'extrême gauche contre l'extrême droite, il y a une volonté de théâtre.
PATRICK ROGER
Oui. Comment se déroulent les inscriptions alors sur Parcoursup pour l'instant et les premiers résultats sont attendus pour quand, est-ce que vous pouvez nous donner à une indication ce matin sur Sud Radio ?
FREDERIQUE VIDAL
Les choses se déroulent tout à fait correctement, les lycéens ont été accompagnés par les professeurs principaux, ils ont rentré leurs voeux sur la plateforme, les voeux sont en train d'être regardés et d'être analysés par l'ensemble des établissements d'enseignement supérieur et, ensuite - contrairement à l'année dernière - on n'a pas des dates fixes mais ce qui va se passer en continu à partir du 22 mai c'est que les réponses ont commencé à arriver et chaque lycéen dès qu'il aura deux réponses positives aura à choisir laquelle des deux réponses positives il préfère, et nous avons souhaité avoir encore ce temps de réflexion de manière à être sûr que la motivation est forte pour s'engager dans l'enseignement supérieur.
PATRICK ROGER
Est-ce qu'il y aura une date limite, non il n'y en aura pas là, c'est ce que vous nous avez dit ?
FREDERIQUE VIDAL
Non, en fait à partir du 22 mai les réponses vont commencer à arriver et puis la fermeture officielle de la plateforme c'est le 6 septembre.
PATRICK ROGER
Les profs qui contestent en refusant justement d'examiner les dossiers, comme à Besançon, il y en a eu à Lille également, est-ce qu'il y aura des sanctions ?
FREDERIQUE VIDAL
Là, encore, il y a la déclaration : « je ne regardais pas les dossiers, je ne veux pas faire ceci, je ne veux pas faire cela », il y a le petit nombre de profs qui dit cela - il y a quand même 96.000 enseignants et enseignants-chercheurs dans le supérieur - donc, même si 500 disent qu'ils ne regarderont pas les dossiers, évidemment les autres sont en train de les regarder ; et puis il y a la réalité...
PATRICK ROGER
Est-ce qu'ils auront le temps de tous les regarder quand même, parce qu'ils disent qu'ils n'ont pas suffisamment de temps ?
FREDERIQUE VIDAL
Non, ça c'est... une fois de plus ceux qui veulent faire penser que ça ne va pas fonctionner, que les dossiers ne seront pas regardés, que tout ceci ne va pas marcher, etc. - et qui espèrent probablement qu'on en revienne au tirage au sort comme l'année dernière - évidemment là encore ceux-là font beaucoup parler d'eux, mais partout les choses se déroulent bien, il y a des universités qui ont déjà terminé... donc voilà.
PATRICK ROGER
Ah bon ! Quelles universités ?
FREDERIQUE VIDAL
Il y a des universités qui ont annoncé que les commissions de voeux elles étaient mises en place.
PATRICK ROGER
Vous avez quelques exemples à nous donner ou pas, non, non ?
FREDERIQUE VIDAL
Non, là j'ai...
PATRICK ROGER
Frédérique VIDAL, ministre de l'Enseignement supérieur, de la Recherche et de l'Innovation, invitée de Sud Radio ce matin. Question politique encore avec Michaël DARMON et Christophe BORDET.
CHRISTOPHE BORDET
Frédérique VIDAL, vous le disiez, un million d'euros de dégâts dans les facs après les occupations, est-ce qu'il faut poursuivre les étudiants qui ont cassé dans les facs ?
FREDERIQUE VIDAL
C'est pour ça qu'à chaque fois le président fait venir la police pour constater les dégâts, c'est ce qui s'est passé par exemple à Montpellier - on a beaucoup dit que la police était venue évacuer une fac vide, la police est juste venue faire les constatations de manière à ce que justement on puisse porter plainte - et après évidemment il y aura une enquête et on espère découvrir les auteurs, maintenant, lorsqu'ils sont cagoulés et qu'ils portent des barres de fer, voilà la probabilité de les découvrir sera probablement...
CHRISTOPHE BORDET
Enfin l'objectif c'est quand même de les poursuivre, donc... d'accord ?
FREDERIQUE VIDAL
Ce sera probablement long, mais effectivement ils seront poursuivis oui.
CHRISTOPHE BORDET
Dites-moi les étudiants se plaignent parce que Parcoursup c'est une nouvelle forme de sélection pour entrer à l'université, très honnêtement tout le monde n'est pas destiné à l'université il faut être clair, c'est normal qu'il y ait de la sélection non quand même ?
FREDERIQUE VIDAL
D'abord les étudiants se plaignent alors que finalement, eux, sont déjà à l'université et que l‘objectif c'est au contraire pour ceux qui sont en situation de recommencer leur première année et de se réorienter il y aura plus d'accompagnement pour eux.
CHRISTOPHE BORDET
Mais est-ce que ce n'est pas normal qu'il y ait une forme de sélection ?
FREDERIQUE VIDAL
Non, mais ça c'est la première chose que je voulais dire, c'est que voilà les étudiants se plaignent de ça ; La deuxième chose, c'est que moi je suis persuadée que nous avons besoin de plus de jeunes formés et diplômés, par contre considérer que tous les jeunes qui arrivent à l'université ont les mêmes chances de réussir on sait que c'est faux, il y a seulement 30 % de réussites en première année - donc on donne plus à ceux qui ont besoin de plus pour qu'au final on réussisse - plutôt que de leur faire passer une année blanche et que cette année blanche malgré tout évidemment financièrement elle est coûteuse, humainement elle est coûteuse, parce qu'eux sont en situation d'échec. Donc, l'idée c'est comment pendant la première année pour ceux qui en ont besoin ont fait des passerelles, on fait plus d'orientations, on personnalise plus les enseignements.
CHRISTOPHE BORDET
Une question, parce que certains vont vers l'apprentissage, dans le supérieur maintenant c'est clair ça existe et ça marche...
FREDERIQUE VIDAL
Absolument ! Et c'est excellent d'ailleurs.
CHRISTOPHE BORDET
Absolument. Sur l'apprentissage justement moi je connais un menuisier par exemple qui me dit : j'ai beaucoup de demandes mais je ne prends personne parce que c'est une perte de temps, une perte d'argent. Pourquoi ? Parce qu'on a des gamins qui sont là de 9h à 12 h – mais avant ils ne peuvent pas, après ils ne peuvent pas – ils sont là de 14 h à 17 h – avant ils ne peuvent pas, après ils ne peuvent pas ». On ne peut pas travailler comme ça ?
FREDERIQUE VIDAL
Absolument. Mais il ne vous aura pas échappé que ce gouvernement a mis la priorité sur la formation et donc il y a effectivement une loi qui est en train d'être préparée autour de l'apprentissage la formation professionnelle, avec pour objectif effectivement de simplifier les choses, de faire en sorte qu'il y ait plus d'apprentis, de faire en sorte qu'on comprenne que l'apprentissage c'est une autre pédagogie, c'est rentrer par le savoir-faire pour aller vers le savoir et revaloriser toutes les filières d'apprentissage, que ce soit avant le bac ou après le baccalauréat.
CHRISTOPHE BORDET
Et il faut avoir envie de travailler ?
FREDERIQUE VIDAL
Oui, absolument.
MICHAËL DARMON
Des jeunes élus de la majorité, donc de votre famille politique, critiquent les ministres technos et inconnus dont vous faites partie apparemment selon un dernier sondage, est-ce que cela vous fait quelque chose ? Qu'est-ce que vous en pensez ? Est-ce qu'il faut être connu pour pouvoir réussir dans sa fonction de ministre ?
FREDERIQUE VIDAL
Moi ça ne me fait rien du tout parce que je suis en train de travailler, donc... voilà. Le fait d'être connu ou le fait de ne pas être connu pour moi ce n'est pas quelque chose d'important lorsqu'on veut faire avancer ces transformations que porte le gouvernement et que porte le président de la République, je pense que nous sommes peut-être inconnus mais sur l'année qui vient de s'écouler il y a déjà eu beaucoup de choses qui ont été faites, beaucoup de transformations qui ont été amorcées, c'est des transformations structurelles à long terme dont on commencera à avoir les effets dans quelques mois ou quelques années.
MICHAËL DARMON
Donc, ça ne vous touche pas ? Ce n'est pas grave, vous pouvez marcher dans la rue tranquille, il n'y a aucun problème ?
FREDERIQUE VIDAL
Absolument, ça me laisse encore beaucoup de liberté.
MICHAËL DARMON
Voilà. On a assisté à une scène très intéressante à Washington, MACRON face à des étudiants américains ne respectait pas les règles du jeu, vous l'imaginez dire pareil devant les étudiants français et est-ce que vous le souhaitez d'ailleurs ?
FREDERIQUE VIDAL
C'est très important de toujours faire un pas de côté et de regarder les choses de manière un peu différente, parce que c'est comme ça qu'on innove - en tout cas moi c'est ce que j'ai toujours conseillé – et je pense que l'esprit critique ce n'est pas la même chose que souhaiter la révolution ou souhaiter le désordre mais garder l'esprit critique évidemment en plus de...
MICHAËL DARMON
Mais est-ce qu'il pouvait dire ça devant une fac d'étudiants français, pourquoi d'ailleurs cette idée n'est pas venue, pourquoi il faut aller à Washington pour faire ce genre de déclaration ?
FREDERIQUE VIDAL
On a affaire à des sociétés qui sont quand même extrêmement différentes, entre la société universitaire américaine, les étudiants américains dont il ne vous aura pas échapper qu'ils ne sont pas tout à fait dans les mêmes conditions qu'en France, les études coûtent extrêmement cher, il y a un formatage énorme...
MICHAËL DARMON
Il y a une grande sélection !
FREDERIQUE VIDAL
Alors qu'en France évidemment le milieu de l'enseignement supérieur est beaucoup plus le reflet, en tout cas devrait être beaucoup plus le reflet de ce qu'est la société.
CHRISTOPHE BORDET
Vous souhaiteriez qu'il vienne quand même le faire devant des étudiants, vous pensez que...
FREDERIQUE VIDAL
Je pense qu'il n'a pas besoin.
CHRISTOPHE BORDET
Il n'en a pas besoin ? Ah bon !
PATRICK ROGER
Oui, oui, il n'a pas besoin.
FREDERIQUE VIDAL
Moi je pense que...
CHRISTOPHE BORDET
Ou convaincre les étudiants de Sciences-Po qui ne veulent pas devenir des MACRON, disent-ils en ce moment ?
FREDERIQUE VIDAL
Mais voyez les gens de Sciences-Po c'est vrai que c'était amusant parce que c'était aussi très organisé, ceux qui faisaient le piquet de grève n'étaient pas ceux qui étaient en cours, ceux qui avaient cours y allaient, les choses étaient très organisées sur Sciences-Po.
CHRISTOPHE BORDET
Là vous voyez la main toujours partout des Insoumis et de Jean-Luc MELENCHON ?
FREDERIQUE VIDAL
Ca dépend vraiment des endroits, il y a des endroits où on les a vus clairement dans les assemblées générales, y compris parfois parait-il prendre partie au vote.
PATRICK ROGER
Oui. Merci Frédérique VIDAL, ministre de l'Enseignement supérieur, de la Recherche et de l'Innovation, qui était l'invitée ce matin de Sud Radio.
FREDERIQUE VIDAL
Merci.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 2 mai 2018