Déclaration de M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, sur le rapprochement entre l'ENA et l'Institut international d'administration publique dans le cadre de la réforme de l'Etat et de la coopération internationale pour la formation des hauts fonctionnaires de l'administration publique, Paris le 9 janvier 2002.

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Circonstance : Fusion de l'Ecole nationale d'administration (ENA) et de l'Institut international d'administration publique (IIAP), à Paris le 9 janvier 2002

Texte intégral

Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les ambassadeurs,
Mesdames et Messieurs,
La fusion de l'ENA et de l'IIAP est désormais une réalité. Cette réforme, que j'ai proposée au Premier ministre au début de l'année dernière, se concrétise aujourd'hui par l'adoption du décret relatif aux missions et au fonctionnement interne du nouvel établissement.
La fusion entre l'ENA et l'IIAP correspond à l'aboutissement d'un processus au cours duquel les deux établissements, aux vocations initiales différentes, se sont progressivement rapprochés. Chacun avait gardé des spécificités, des points forts, qu'il appartient aujourd'hui à la nouvelle structure de valoriser. La nouvelle ENA a beaucoup à gagner d'un rapprochement organique qui permettra de construire un outil moderne, exemplaire, de taille et de vocation internationale.
C'est bel et bien de valorisation d'un patrimoine commun, de meilleure utilisation de compétences humaines uniques au profit d'une ambition commune plus grande qu'il s'agit.
Cette fusion répond à deux grands objectifs :
Il s'agit tout d'abord de poursuivre le mouvement de réforme de l'Etat et d'ouverture de la fonction publique en France même.
La formation initiale des hauts fonctionnaires français reste la vocation première du nouvel ensemble.
L'ENA poursuit la mise en uvre d'une réforme, qui a d'abord touché son recrutement et qui concerne aujourd'hui la scolarité des élèves. J'entends les critiques dont cette scolarité fait l'objet, notamment de la part des élèves. Ces critiques ne sont pas neuves et je garde le souvenir de débats de même nature, lorsque j'étais moi-même élève, il y a vingt ans. Elles ne doivent pas pour autant être traitées à la légère.
Il est clair que le contenu des formations doit être en permanence adapté : c'est ainsi que les enseignements de gestion publique doivent être développés, notamment pour ce qui est de la gestion des ressources humaines, de la conduite du changement, de la négociation collective.
La création du nouvel établissement doit aussi être l'occasion de compléter la refonte des études en donnant une dimension internationale et européenne renforcée à la formation des futurs cadres de l'administration française.
Il s'agit d'un enjeu majeur pour la fonction publique de demain.
La fusion de l'ENA et de l'IIAP doit donc conduire à multiplier les occasions de contacts, en intégrant dans le contenu des programmes des témoignages vivants, des exemples concrets de ce qui se fait ailleurs, et cela tout d'abord chez nos partenaires de l'Union européenne, dont la connaissance doit être systématique et considérée comme une exigence essentielle lors des études.
Je souhaite que ce souci d'ouverture et de curiosité soit également très présent dans la définition de la politique de formation permanente de la haute fonction publique.
Car la formation permanente est l'autre priorité du nouvel ensemble. La formation tout au long de la carrière est désormais un impératif. L'évolution des techniques, des métiers et des missions, la nécessité pour les hauts fonctionnaires de conduire le changement, d'acquérir de nouvelles compétences à chaque étape de leur carrière, ne font plus de doute pour personne.
La nouvelle ENA comportera un pôle fort, spécifique, de formation continue. Des actions communes devront être recherchées avec des pôles de compétence existant dans le réseau des écoles du service public, au sein des universités et des autres écoles supérieures de formation.
Mais il est indispensable que la fonction publique d'Etat se dote elle-même des moyens nécessaires à la mise en place d'une politique cohérente et volontariste de formation continue, avec des objectifs pluriannuels, précis, évaluables.
Autant de nouvelles possibilités qui s'accordent harmonieusement avec l'autre grand objectif poursuivi par le rapprochement des deux écoles : la création d'un instrument fort, cohérent, compétitif, de coopération administrative internationale, adapté aux nouvelles réalités du monde.
La structuration efficace de la coopération européenne et internationale de la France en matière d'administration publique est en effet pour moi une priorité d'action.
Je n'ai pas besoin de vous démontrer son importance. Elément d'influence et de rayonnement de la France dans le monde, outil de notre politique étrangère, la coopération administrative est aussi un formidable moyen, si nous savons l'utiliser, de modernisation de notre propre Etat.
Coopérer c'est en effet échanger. Bien coopérer, c'est commencer par s'interroger sur nos pratiques, leur sens, leur adaptation au monde moderne, aux attentes des Français. Sans cette interrogation préalable et cette analyse auto-critique, nous ne pouvons pas être convaincants et donc utiles à d'autres.
La coopération internationale ne consiste pas non plus à reproduire sans réflexion préalable des modèles ou des institutions françaises, si vénérables soient-elles. Ce doit être un outil de remise en cause permanent de nos certitudes établies.
Bien coopérer, c'est aussi être ouvert à l'expérience des autres, à leurs questions, à l'originalité de leurs réponses dans des domaines où nous cherchons nous aussi à nous améliorer. Il n'y a pas de pays ou de situation dont nous ne pouvons tirer d'utiles leçons pour nous mêmes.
C'est le sens du travail lancé en commun à Strasbourg, sous présidence française, entre ministres européens de la fonction publique et de l'administration, qui systématise les échanges d'expérience entre les Quinze et détermine des objectifs concrets de convergence sur des sujets d'intérêt mutuel.
Mais coopérer c'est également se rendre compte que l'expérience de la France en matière administrative est appréciée, que la qualité de ses fonctionnaires est largement reconnue, que l'évolution de notre fonction publique, nos réformes administratives suscitent un large intérêt..
Coopérer doit donc être une incitation permanente à maintenir un haut niveau de qualité, une exigence constante de vigilance et d'adaptation.
Dans cet esprit, la fusion de l'ENA et de l'IIAP sera l'occasion d'affirmer fortement la volonté de la France d'être active sur ce terrain, très active même, mais aussi d'être à l'écoute, plus respectueuse et plus ouverte aux autres.
Cette réforme sera aussi l'occasion de clarifier et de recentrer nos priorités, d'adapter nos programmes et nos offres de coopération, en insistant davantage sur les innovations et la modernisation de notre administration En constituant un opérateur unique nous serons plus efficaces et pourrons mieux répondre aux demandes qui nous serons adressées. Nous aurons aussi la masse critique de compétence nécessaire pour mener des opérations d'ampleur, notamment de manière à pouvoir soumissionner efficacement aux appels d'offres européens et internationaux.
Tout changement suscite cependant des inquiétudes. Certaines ont trait au devenir des actions menées jusqu'à présent par l'IIAP.
Je souhaite vous réaffirmer ma conviction en la matière.
Il n'y a pas de coopération inintéressante, ni de pays qu'il faille négliger.
Il n'est pas question non plus de rompre soudainement des liens anciens et réellement fructueux avec des pays et des institutions avec lesquels nous coopérons.
Il est encore moins question d'oublier ou de négliger des zones géographiques qui ont toujours fait l'objet de notre attention.
Je souligne en particulier que le continent africain est bien une de mes priorités et reste une priorité très claire du Gouvernement.
J'ai déjà eu l'occasion de le souligner auprès de nombreux ambassadeurs que j'ai eu le plaisir de rencontrer.
Les déplacements que j'ai eu l'occasion de faire en ont été une confirmation. Au Ghana, pays anglophone avec lequel nous coopérons peu, et avec lequel existe d'intéressantes possibilités. Egalement au Mali et en Mauritanie, deux pays où notre présence est traditionnelle, mais où nos programmes pourraient être rénovés, revitalisés, Je pourrais citer de nombreux autres exemples en Afrique.
Et je souhaite que notre coopération se développe encore en direction de ce continent, et toujours sans exclusive, pays francophones et anglophones entretenant souvent des liens directs très étroits pour le développement économique et social de leur région.
Ce même souci se manifestera à l'égard des pays d'Amérique latine et d'Asie, avec lesquels des liens forts de coopération existent et peuvent encore être développés.
En même temps nous devons être guidés par un principe de réalité et d'efficacité.
Chaque action correspond à une dépense d'argent public, sous forme de frais ou de temps des agents concernés. Chaque année ce sont plusieurs dizaines de millions de francs qui figurent au budget du ministère, sous forme de subventions aux établissements concernés, et principalement de l'ENA, qu'il m'incombe de défendre tout d'abord lors des arbitrages budgétaires puis devant le Parlement.
A cet égard il est normal que chaque action puisse être justifiée au regard de priorités clairement définies, et régulièrement réévaluées, dans le cadre d'un programme d'ensemble. Nous ne pouvons pas donner suite à toutes les propositions qui nous sont faites. Nous devons nous assurer en permanence de la pertinence de nos choix.
C'est la raison pour laquelle je souhaite que les mois prochains soient l'occasion de mettre en place un comité d'évaluation de notre action de coopération internationale.
J'entends en effet, désormais, que l'action internationale du ministère de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, c'est à dire celle menée directement par ses services centraux, comme celle menée par ses établissements publics sous tutelle, fasse l'objet d'une politique définie dans la clarté et la concertation avec l'ensemble de ses acteurs.
C'est, dans notre secteur, la conséquence logique de la réforme de la politique de la coopération de la France voulue et menée par le Gouvernement depuis 1997. Elle est marquée par la rationalisation des moyens, la concentration des actions sur des projets pluriannuels cohérents et régulièrement évalués, un recours accru aux fonds européens et multilatéraux.
Il appartiendra à la direction générale de mon ministère d'élaborer un rapport annuel consolidé d'évaluation et de propositions, après avoir recueilli l'avis du comité d'évaluation et des services compétents du ministère des affaires étrangères. Ce rapport permettra d'arrêter le programme cadre annuel qui servira d'orientation à l'action d'ensemble du ministère.
En pouvant afficher des priorités claires, suivies d'effet, nous pourrons être plus crédibles, tandis que nos ambassades seront mieux à mêmes de présenter notre offre, et seront certaines de pouvoir compter sur notre soutien.
Je souhaite ce soir partager avec vous ma conviction selon laquelle la fusion de l'ENA et de l'IIAP représente un exemple de l'adaptation permanente des structures de l'Etat, qui nécessite une formation initiale et continue de grande qualité.
La recherche de ces synergies déboucherait sur peu de chose si la culture interne du nouvel établissement ne devait prendre en compte que l'héritage d'un seul établissement dont il est issu.
La disparition du sigle et du nom de l'IIAP ne fait pas disparaître sa culture interne, son héritage, son apport inestimable au développement, dans notre pays, de la coopération administrative et des échanges entre hauts fonctionnaires. Je remercie très chaleureusement l'ensemble des personnels de l'IIAP qui ont uvré en ce sens. Ils ont évidemment toute leur place dans la nouvelle école, pour faire vivre cet héritage et amorcer ainsi les synergies et les complémentarités qui ne peuvent exister sans son apport.
La fusion représente aussi l'occasion d'affirmer le rôle et l'influence de la France au niveau international. Elle représente encore, par l'ouverture résolue aux questions et influences internationales et européennes, une contribution décisive à la construction d'une administration française encore plus soucieuse de qualité, d'efficacité et de plus grande proximité des citoyens.
Je m'étais engagé devant les conseils d'administration des deux établissements, au début de l'année dernière, que cette fusion soit opérationnelle au 1er janvier 2002. Nous y sommes.
Je souhaite dire ma reconnaissance à tous ceux qui ont contribué à cette réussite et réitérer tout mon soutien au personnel et à la direction du nouvel établissement pour la tâche qui l'attend et pour laquelle je leur adresse, tout particulièrement en cette période, tous mes voeux.
Je vous remercie.
Seul le discours prononcé fait foi.
(Source http://www.fonction-publique.gouv.fr, le 11 janvier 2002)