Interview de Mme Nathalie Loiseau, ministre des affaires européennes, avec Europe 1 le 29 juin 2018, sur l'Union européenne face à la crise migratoire.

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Média : Europe 1

Texte intégral


PATRICK COHEN
Bonjour Nathalie LOISEAU.
NATHALIE LOISEAU
Bonjour.
PATRICK COHEN
Vous êtes à Bruxelles, vous avez suivi les tractations de la nuit. Sur quoi précisément, un accord a pu être trouvé entre les 28 pour l'accueil et la répartition des migrants ?
NATHALIE LOISEAU
Ce qui s'est passé hier et cette nuit, c'est le fait qu'on est resté dans une logique européenne et coopérative pour travailler sur le défi migratoire. L'accord il s'est fait ... comme nous l'avions suggéré ... sur trois piliers : sur le renforcement du travail avec les pays d'origine des migrations et avec les pays de transit ; sur le renforcement du contrôle des frontières extérieures de l'Union européenne ; et sur ce que l'on fait sur le territoire de l'Union européenne quand arrivent des demandeurs d'asile et des migrants. On a réussi à mettre en place davantage de solidarité pour les premiers pays d'entrée, en particulier l'Italie, la Grèce, l'Espagne qui sont ceux qui sont le plus directement confrontés au défi migratoire.
PATRICK COHEN
Il y aura des centres d'accueil, il y aura des centres d'accueil au sein de l'Union européenne, d'accueil des migrants...
NATHALIE LOISEAU
C'est ça, avec...
PATRICK COHEN
Où seront situés ces centres d'accueil, est-ce que leur localisation a été négociée et fixée ?
NATHALIE LOISEAU
Non, le principe c'est celui du volontariat, les centres d'accueil seront installés là où les pays de première entrée seront volontaires pour le faire. C'est une évidence, c'est du bon sens, mais ces centres c'est la reconnaissance que dès qu'on arrive sur le territoire européenne, on est en Europe et c'est à l'Europe de prendre en charge l'accueil des demandeurs d'asile et des migrants. Donc c'est à des moyens européens, à des effectifs européens, à une expertise européenne, un examen européen des demandes d'asile dès l'arrivée sur le territoire européen, que l'on soit en Italie, en Grèce, à Malte, en Espagne, en Bulgarie, dans tous les premiers pays d'accueil.
PATRICK COHEN
Mais je répète ma question, vous n'avez pas négocié, vous n'avez pas discuté encore de la localisation de ces centres, parce qu'évidemment c'est une chose qui risque de créer du conflit et des problèmes à nouveau ?
NATHALIE LOISEAU
Non, c'est une offre qui est faite aux premiers pays d'entrée, ils ne sont pas obligés de l'accepter. Mais le président du Conseil italien l'a dit cette nuit, l'Italie n'est plus seule et elle n'est plus abandonnée. C'est très exactement ce qui s'est passé, on avait fait ce constat qu'en particulier, l'Italie s'était sentie seule face au défi migratoire. Et on a su dépasser les égoïsmes nationaux, dépasser aussi je dirai les prises de parole démagogiques ou nationalistes pour travailler en solidarité européenne vis-à-vis de ces pays de premier accueil.
PATRICK COHEN
Les centres, ils seront donc dans des pays de première entrée, mais aussi éventuellement un peu plus loin, par exemple est-ce qu'il pourrait y avoir un centre en France ?
NATHALIE LOISEAU
Dans la mesure où un bateau arriverait en France, mais vous avez bien compris que l'objectif c'est aussi de mettre fin au trafic, de mettre fin au profit des trafiquants d'êtres humains. L'arrivée en Europe par bateau, ça n'est pas une solution, ça n'est une solution ni pour les demandeurs d'asile qui peuvent demander l'asile en Europe depuis des pays de transit, ça aussi on l'a décidé cette nuit, on a décidé d'élargir ce que nous faisons par exemple déjà depuis le Niger ou la Turquie, la Jordanie et le Liban, ceux qui sont en besoin manifeste de protection, pourquoi les mettre entre les mains des passeurs ; et ceux qui risquent de ne pas avoir le droit d'asile, pourquoi leur faire prendre des risques, pourquoi là encore enrichir des trafiquants d'êtres humains, pourquoi leur faire prendre le risque de traverser la Méditerranée alors qu'à la fin des fins, ils seront raccompagnés dans leur pays d'origine.
PATRICK COHEN
Nathalie LOISEAU...
NATHALIE LOISEAU
L'objectif c'est d'assécher ces courants.
PATRICK COHEN
Nathalie LOISEAU, l'étape suivante ce sera la répartition des réfugiés, là aussi sur ce sera sur la base du volontariat, vous n'avez pas fixé de quota par pays !
NATHALIE LOISEAU
Ça sera sur la base du volontariat. La solidarité, il y a plusieurs manières de l'exprimer, en accueillant des demandeurs d'asile, en appuyant financièrement l'ensemble du système européen, en apportant de l'expertise. Ce que nous considérons c'est que les quotas obligatoires, ils ont été décidés en 2015, la réalité c'est qu'ils n'ont pas été appliqués. Qu'est-ce qu'on fait ? On s'obstine ou on considère qu'on ouvre une forme de flexibilité à un principe qui, lui, et intangible, celui de la solidarité.
PATRICK COHEN
Finalement, on peut dire que l'Italie et son nouveau gouvernement ont eu raison de faire bouger les choses, de mettre leurs partenaires face à leur responsabilité ?
NATHALIE LOISEAU
Moi ce que je voudrais dire, c'est qu'on est tombé d'accord sur la base de ce que la France a proposé. On a joué un rôle de pont vis-à-vis de l'ensemble des protagonistes, on a travaillé toute la journée d'hier avec les pays de l'Est, avec l'Italie, avec l'Espagne, avec l'ensemble des Etats membres. On a proposé ces trois piliers, on a proposé ces centres d'accueil contrôlés sur le territoire européen. Ils ont été adoptés pour une raison simple, c'est que depuis le début la France prend ses responsabilités et la France considère qu'il ne peut pas y avoir d'autre solution qu'européenne et coopérative et de ce point de vue-là, tout le monde est revenu à la raison.
PATRICK COHEN
Merci Nathalie LOISEAU, ministre chargée des Affaires européennes à Bruxelles.
NATHALIE LOISEAU
Merci.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 9 juillet 2018