Texte intégral
1. Quel bilan tirez vous de la conférence de Doha ?
Jean-Michel Lemétayer : Compte tenu du projet de déclaration initial, on peut dire que nous avons évité le pire. Au terme de plus de cinq jours de tractations extrêmement difficiles où l'Europe s'est trouvée très isolée face aux Etats-Unis, au groupe de Cairns et à bon nombre de PVD, le texte final dit que les membres de l'OMC s'engagent à lancer un nouveau cycle " sans préjudice du résultat des négociations ". Ces six mots peuvent paraître peu de choses mais c'est pour nous l'assurance que la PAC - et donc notre agriculture - n'évoluera pas sous la pression extérieure jusqu'à la conclusion du cycle. Quant à la France, je dois dire qu'elle a su faire preuve de fermeté pendant ces cinq jours, ce qui n'a malheureusement pas été le cas de certains de nos partenaires européens plus enclins à faire des concessions au groupe de Cairns et aux Etats-Unis qu'à défendre leurs agriculteurs. La pression que nous avons exercée, avant et pendant la conférence de Doha, n'a sans doute pas été pour rien dans le comportement des négociateurs français.
2. Les négociations vont maintenant se poursuivre. Quels en sont les enjeux?
Jean-Michel Lemétayer : Doha ne marque que le lancement des négociations qui, aux termes de l'accord conclu, devront être conclues avant le 1er janvier 2005. Les autorités françaises et européennes doivent maintenant se montrer offensives et défendre notre modèle agricole et alimentaire face aux tenants du libéralisme. Tout devrait les inciter à la fermeté. L'Europe est, à l'école de l'OMC, le bon élève de la classe agricole. Et de loin. Les agriculteurs français ont d'ailleurs payé très cher le respect des engagements pris par l'Union européenne au niveau international : deux réformes de la PAC en moins de 10 ans, des baisses de prix dans tous les secteurs ou presque, une maîtrise généralisée de la production... Il n'y a aucune raison de nous laisser intimider par des pays comme les Etats-Unis qui multiplient depuis trois ans les aides d'urgence et utilisent des mécanismes déguisés - voire illégaux - d'aide à l'exportation. Il n'y a pas, non plus, de raisons de se laisser impressionner par les pays du Groupe de Cairns, coalition hétéroclite d'états qui confondent échange et conquête de nouveaux débouchés à tout prix. Nous devons aussi trouver des alliés du côté des pays en développement en leur démontrant l'impasse dans laquelle le libre échange poussé à l'excès les conduit.
3. Quelle est la position de la FNSEA sur la mondialisation ?
Jean-Michel Lemétayer : L'ouverture de notre économie sur le monde est devenue une réalité incontournable. La France, deuxième exportateur mondial de produits agroalimentaires et première destination touristique mondiale, ne peut l'ignorer. Cette ouverture est donc plutôt une bonne chose. Mais, comme toutes les bonnes choses, il ne faut pas en abuser. Voilà pourquoi, nous militons pour une mondialisation maîtrisée et régulée. Une mondialisation qui préserve notre modèle agricole fondé sur le principe de la multifonctionnalité, un principe désormais reconnu de l'Islande au Japon. Une mondialisation qui respecte la spécificité du secteur agricole et son incompatibilité avec l'ultra libéralisme. Une mondialisation qui permette aux pays en développement de progresser vers l'autosuffisance alimentaire. Bref, une mondialisation au service du plus grand nombre et non des plus forts.
(Source http://www.fnsea.fr, le 26 novembre 2001)