Texte intégral
ADRIEN GINDRE
Bonjour Agnès BUZYN.
AGNES BUZYN
Bonjour.
ADRIEN GINDRE
Vous êtes ministre des Solidarités et de la santé, on va le voir, vous avez beaucoup de dossiers, mais vous êtes aussi une ministre qui va être évaluée. Le Premier ministre reçoit tous vos collègues un à un, ça a commencé avec le titulaire de l'Education, Jean-Michel BLANQUER, hier. Pour vous, c'est pour quand ?
AGNES BUZYN
Je crois que c'est plutôt fin juillet, je n'ai pas du tout la date en tête
ADRIEN GINDRE
Vous avez préparé déjà, pas encore ?
AGNES BUZYN
Non
ADRIEN GINDRE
On ne potasse pas, on ne révise pas, on ne bachote pas avant un entretien pareil ?
AGNES BUZYN
Non.
ADRIEN GINDRE
C'est l'entretien annuel d'évaluation pourtant.
AGNES BUZYN
C'est un entretien d'évaluation où on a la feuille de route, en fait, on prend des engagements avec une feuille de route qu'on a rendue publique l'année dernière, et l'idée est de savoir si on est à jour des jalons sur lesquels on a pris des engagements, et surtout, ce que j'ai compris, c'est de vérifier ce qu'on a planifié pour l'année qui vient, on est plutôt dans la prospective de ce qu'on va faire. Ça fait très longtemps que je n'ai pas été évaluée par quelqu'un dans mes postes, donc voilà, ça va me rappeler des souvenirs de jeunesse.
ADRIEN GINDRE
Vous avez des regrets sur l'année qui vient de s'écouler, déjà ?
AGNES BUZYN
Non, parce que je pense avoir mené des réformes, je pense, au reste à charge zéro, qui était une réforme très compliquée
ADRIEN GINDRE
Sur les prothèses auditives
AGNES BUZYN
Sur les prothèses auditives, dentaires et sur l'optique, qui était l'idée que les Français n'aient plus à débourser de leurs poches avant la fin du quinquennat, on a obtenu par la négociation un accord avec les trois filières pour que le 1er janvier 2021, les trois filières permettent aux Français d'accéder à ces prothèses sans débourser de leurs poches, sans reste à charge, c'était une réforme extrêmement compliquée, beaucoup pensaient qu'elle n'était pas faisable, et on l'a faite en 6 mois, donc, non, non, je suis plutôt contente.
ADRIEN GINDRE
Alors, on va regarder tout ce qui reste à faire, il y a beaucoup de choses, d'abord, les suites du décès de Naomi MUSENGA, cette jeune femme qui avait appelé le SAMU de Strasbourg, qui a été moquée, elle est décédée, c'était en décembre dernier, vous avez reçu des propositions des médecins urgentistes en début de semaine, qu'est-ce que vous en retenez ?
AGNES BUZYN
Oui, alors, d'abord, je leur avais demandé, effectivement, de me faire un plan pour pallier à un dysfonctionnement dramatique, je pense, qui a choqué la France entière, et les urgentistes aussi, parce que je crois que ça a été très violent pour eux aussi de se rendre compte qu'ils étaient faillibles, et que le système était faillible. Ils m'ont rendu leurs propositions avant hier, je les ai reçues, avec trois grands axes de travail, qui sont, d'une part, de faire en sorte qu'il y ait des procédures communes à tous les Samu de France, deuxièmement, qu'il y ait une démarche de qualité pour évaluer si ces procédures sont respectées, et enfin, pour aboutir à une formation des personnes qui répondent au téléphone, que ce soit les personnels administratifs ou les médecins. Et donc nous sommes en train d'instruire, dans les services, ces propositions pour qu'elles soient opérationnelles d'ici la fin de l'année
ADRIEN GINDRE
Des décisions, d'ici la fin de l'année
AGNES BUZYN
Eh bien, il y a des choses qu'ils peuvent déjà commencer à faire, les procédures, je leur ai demandé de commencer, évidemment, à les mettre en place, la démarche qualité, il y a plusieurs niveaux et plusieurs options de démarche qualité, donc, voilà, on le travaille avec eux, mais tout cela sera opérationnel d'ici la fin de l'année, et surtout, je reçois monsieur MUSENGA, je m'étais engagée devant lui à lui dire qu'elles seraient mes propositions pour que ça ne se reproduise plus, c'était l'engagement
ADRIEN GINDRE
Vous allez recevoir le père de Naomi
AGNES BUZYN
La semaine prochaine. Je l'ai eu plusieurs fois au téléphone, et voilà, je souhaitais lui faire part de ce que nous allions faire pour que ce drame ne puisse plus se reproduire.
ADRIEN GINDRE
Et il y a eu la question également d'un numéro unique d'appel pour regrouper les différents types d'urgences, où est-ce qu'on en est là ?
AGNES BUZYN
Alors là, nous attendons un rapport que nous avons demandé aux administrations, à la fois administration de la police et administration des affaires sociales, pour savoir si nous avons une option plutôt de rassembler les numéros : police, pompiers, SAMU, ou plutôt de faire un numéro de régulation médicale où en fait, on
ADRIEN GINDRE
Et là, on saura quand ?
AGNES BUZYN
Et donc, ce rapport, nous l'aurons en septembre, et les décisions seront prises, voilà, là aussi, dans le courant du mois de septembre.
ADRIEN GINDRE
Les urgences plus globalement, on sait que c'est un secteur en tension, vous avez été interrogée encore hier après-midi à l'Assemblée nationale à ce sujet, il y a les vacances qui vont s'y ajouter, avec les congés, c'est bien normal de certains médecins, est-ce que vous pouvez nous garantir ce matin que tout va bien se passer ces prochaines semaines ?
AGNES BUZYN
Alors, on vous garantit que nous prenons le sujet à bras-le-corps, évidemment, tout va bien se passer, la Fonction publique hospitalière, c'est 1.200.000 personnels, donc j'ai envie de vous dire, c'est comme les SAMU, on n'est jamais à l'abri d'une erreur humaine mais oui, nous suivons très attentivement la situation des urgences, avec les agences régionales de santé qui décomptent les personnels présents, les lits ouverts dans tous les hôpitaux, en anticipation, semaine après semaine, nous avons des réunions téléphoniques toutes les semaines pour faire le point entre ce qui fonctionne et ce qui est en difficulté. Nous proposons évidemment d'ouvrir un peu plus de disponibilités dans les hôpitaux, dans lesquels il y a beaucoup , dans des régions très touristiques, où il va y avoir un afflux de personnes. Parce que, on voit bien que certains hôpitaux, des petits hôpitaux de bord de mer peuvent être débordés par des centaines de milliers Et donc nous avons besoin aussi de réguler entre les zones en tension et les zones qui, de fait, l'été, sont moins sollicitées.
ADRIEN GINDRE
Alors, il y a peut-être une source de complications, le Syndicat national des médecins remplaçants appelle les intérimaires à boycotter les hôpitaux publics cet été, mais il conteste une décision que vous avez prise de plafonner leur salaire, est-ce que le remède finalement n'est pas pire que le mal ?
AGNES BUZYN
Non, alors, il y a un bras de fer aujourd'hui, il faut comprendre, nous avons, dans les années 70, 80, 90, fermé ce qu'on appelle le numerus clausus pour des raisons que
ADRIEN GINDRE
Le nombre de médecins qu'on formait chaque année
AGNES BUZYN
Donc, le nombre de médecins qu'on formait chaque année, pendant 30 ans, a considérablement diminué, il est passé de 9.000 par an à 4.000 par an, il est de nouveau à 9.000 par an depuis 2005 à peu près. Et donc à cause de ce manque de formation, nous n'avons plus assez de médecins sur le territoire pour assurer aujourd'hui un certain nombre de disciplines, l'obstétrique, les urgences
ADRIEN GINDRE
Mais donc, là, on désincite ceux qui seraient disponibles à venir en remplacement
AGNES BUZYN
Alors, aujourd'hui, des sociétés d'intérim se sont précipitées dans cette brèche puisque des hôpitaux n'arrivent pas à recruter, les postes sont ouverts. Mais il n'y a pas personne pour les prendre, et donc elles proposent des intérimaires qui se font payer entre 2.000 et 3.000 euros la journée, la journée, ce qui crée un déficit dans ces hôpitaux qui sont souvent des petits hôpitaux en difficulté, quand la moitié de la masse salariale passe pour des intérimaires qui travaillent une semaine par mois, ça n'est pas tolérable, ils profitent d'un système en tension, et effectivement, j'ai souhaité plafonner leurs revenus de façon à ce qu'ils préfèrent s'installer comme praticiens temps plein dans un hôpital, plutôt que de faire de jouer les mercenaires en fait en allant offrir leurs services une journée par-ci, par-là. Donc c'est un bras-de-fer.
ADRIEN GINDRE
Et si une canicule vient s'ajouter à tout cela, on a dit : système en tension, un bras-de-fer avec les médecins remplaçants, si en plus, les conditions climatiques viennent compliquer la donne, quand est-ce qu'on fera ? On fera revenir des médecins qui étaient en congé ?
AGNES BUZYN
Alors, aujourd'hui, non, il y a des médecins d'abord qui s'arrangent, des médecins retraités par exemple qui souhaitent reprendre du service, par exemple, dans les urgences, qui sont formés à ça, qu'on forme de façon à les mettre à niveau, et donc on voit bien aussi que, on va former beaucoup plus d'internes urgentistes, puisqu'on a ouvert aujourd'hui l'internat de médecine d'urgence
ADRIEN GINDRE
Mais pour cet été, il n'y aura pas de mesures supplémentaires ?
AGNES BUZYN
Pour cet été, non, il n'y aura pas de mesures supplémentaires. On va mutualiser un certain nombre de services, et surtout, nous sommes très attentifs, nous suivons de près la situation, et nous ferons en sorte que les médecins intérimaires soient présents dans les hôpitaux, mais pas avec des revenus qui défient toute concurrence ; on ne peut pas tolérer qu'un médecin offre ses services à 3.000 euros la journée à un hôpital qui est en déficit.
ADRIEN GINDRE
Mais donc s'il y a canicule, il y aura assez de monde dans les hôpitaux pour soigner et pour intervenir ?
AGNES BUZYN
Il y aura du monde dans les hôpitaux pour soigner évidemment, et d'ailleurs, je vais vous dire, les hôpitaux sont extraordinaires, à chaque fois qu'il y a une crise, même quand les personnels sont en difficulté, même quand ils ont envie de faire grève, les hôpitaux, les personnels des hôpitaux travaillent, parce que leur engagement vis-à-vis du service public et de ce qu'ils doivent offrir aux patients est toujours supérieur aux contraintes qu'ils ont à subir.
ADRIEN GINDRE
Alors, pour répondre à tous les défis qu'on vient de balayer, il y a depuis plusieurs mois un plan hôpital qui est attendu, le président de la République avait dit ce sera pour fin mai, début, juin, finalement, ce ne sera pas fermé début juin, et ce ne sera pas tout à fait un plan hôpital, ce sera quand et ça sera quoi ?
AGNES BUZYN
Alors, d'abord, ce n'est pas un plan hôpital, c'est une transformation en profondeur du système de santé, pourquoi l'hôpital va mal, bon, d'abord, parce qu'il a du mal à recruter des médecins, on l'a vu, parce que nous n'avons pas formé assez de médecins, mais il va mal aussi parce que la ville a du mal à recruter des médecins de la même façon, il manque des médecins en ville, et tous les Français le savent, il y a beaucoup de déserts médicaux, et l'organisation de la ville aujourd'hui est telle que l'hôpital est le réceptacle en fait de toutes les difficultés pour trouver des médecins et pour avoir une organisation qui réponde aux besoins de santé de la population
ADRIEN GINDRE
Mais donc concrètement, qu'est-ce que vous allez faire ?
AGNES BUZYN
Donc concrètement, on va faire un plan de transformation pour réorganiser la médecine de proximité, faire en sorte que les patients trouvent, non seulement des médecins, mais des équipes soignantes, notamment les personnes âgées, avec des pathologies chroniques, on sait qu'un certain nombre de suivis peuvent être faits par d'autres professionnels que des médecins. On va dégager du temps de médecins pour leur coeur de métier, et on va organiser dans chaque bassin de vie de la médecine de premiers recours, ce qui va permettre de désengorger l'hôpital, et puis, il va y avoir des mesures spécifiques évidemment pour les hôpitaux, mais c'est une transformation générale
ADRIEN GINDRE
On dégagera des moyens aussi en plus, il y aura de l'argent en plus ?
AGNES BUZYN
Absolument. Il y aura surtout un mode de financement de la médecine qui va évoluer, aujourd'hui, on tarifie la médecine uniquement à l'activité, ce qui pousse les gens, les hôpitaux ou la ville à faire de plus en plus d'activités, même quand elle n'est pas opportune, et donc l'idée, c'est de mieux tarifer et de payer les gens à travailler en équipe, à coopérer, à travailler entre la ville et l'hôpital, ce que, aujourd'hui, nous ne savons pas faire, et donc, nous mettons en fait en compétition aujourd'hui les différents établissements de santé, ce qui crée des tensions que l'on observe sur le terrain.
ADRIEN GINDRE
Donc ça, ce sera présenté à la rentrée et ça entrera en vigueur à quel l'horizon ?
AGNES BUZYN
Ce sera présenté en septembre, et le plan débutera, ça sera un plan de transformation sur plusieurs années, parce qu'on ne transforme pas, je l'ai dit, une Fonction publique hospitalière avec plus d'un million de personnes, des professions de santé libérales, ça représente aussi quasiment un million de personnes, dont on ne transforme pas tout un système en une journée ou même en une année. Mais il y aura des changements notables dès l'année 2019.
ADRIEN GINDRE
Beaucoup de dossiers, on le disait, il y a également un plan pauvreté qui doit être présenté, là encore, le calendrier, la semaine prochaine ?
AGNES BUZYN
En théorie, la semaine prochaine, voilà, ça dépend peut-être aussi des matchs de l'Equipe de France parce que, il lui faut aussi de la disponibilité
ADRIEN GINDRE
Des matchs de l'Equipe de France ?
AGNES BUZYN
Et donc normalement, ce plan devrait être présenté autour du 10 juillet. Mais nous verrons si l'Equipe de France est en demi-finale ou pas.
ADRIEN GINDRE
Donc ce sera plan pauvreté ou football au menu du gouvernement
AGNES BUZYN
Ce plan est très attendu, il est très attendu, on en a besoin aujourd'hui, il y a une vraie difficulté aujourd'hui à réaccéder à l'emploi, on voit bien qu'il y a une partie de la population qui est exclue de la société, avec de très grandes difficultés pour y revenir, et surtout, des personnes qui sont assignées à résidence dans la pauvreté dès la petite enfance, avec des pertes de chance d'enfants qui n'ont aucune chance, quelque part, ni de rattraper le niveau scolaire ni d'être formés, ni d'accéder à l'emploi, et donc, c'est contre cette assignation à résidence que ce plan pauvreté va travailler.
ADRIEN GINDRE
Vous avez également présenté la feuille de route pour la santé mentale, la psychiatrie, on le sait peu, mais une personne sur quatre, à en croire l'OMS, peut être concernée dans sa vie. Mais ça encore, j'ai envie de vous dire, c'est quoi, c'est une question de pratique, c'est une question de moyens, qu'est-ce qu'on peut faire contre ça ?
AGNES BUZYN
Alors la psychiatrie a été une discipline abandonnée ces dernières années, elle a été abandonnée avec assez peu d'investissements dans les hôpitaux, assez peu de recrutements de médecins, il y a un manque de médecins psychiatres flagrant, et insuffisamment de prises en compte de la prévention, donc c'est un plan avec trois grands axes, un premier axe pour mieux prévenir les maladies mentales, et notamment les prendre en charge beaucoup plus précocement dans l'enfance. 80 % des pathologies mentales et des troubles psychiques se développent entre 15 et 20 ans. Or aujourd'hui, nous n'avons plus de pédopsychiatres, pas assez, et donc il faut qu'on repère plus tôt les jeunes et qu'on les prenne en charge plus tôt. Un deuxième axe sur les prises en charge et la qualité des prises en charge, elles sont trop hétérogènes sur le territoire, donc on doit harmoniser les pratiques. Et un troisième axe qui est la réhabilitation, la réinsertion des pathologies, des personnes souffrant de pathologies psychiatriques dans la société, la souffrance psychique, c'est un handicap, un handicap comme un handicap corporel, et aujourd'hui, les personnes atteintes de troubles psychiatriques sont stigmatisées et sont éloignées de la société, donc il y a un enjeu aussi de les réintégrer dans la société. Donc un plan avec 37 mesures, je crois, et qui vise vraiment à améliorer la prise en charge des patients atteints de pathologies mentales, et, vous l'avez dit, c'est 25 % des personnes, un Français sur quatre aura besoin un jour d'un suivi en psychiatrie. Et cela risque d'augmenter, c'est le cas dans la plupart des pays industrialisés, donc nous devons absolument être au rendez-vous de ces besoins.
ADRIEN GINDRE
Un autre sujet qui concerne beaucoup de Français, c'est le tabac, la ville de Strasbourg a décidé d'interdire la cigarette dans les parcs et les jardins publics de la ville, la ville de Paris, hier, a également voté un voeu pour une expérimentation de quatre mois, est-ce que ce sont des décisions que vous soutenez, vous ?
AGNES BUZYN
Evidemment, je ne les ai pas rendues obligatoires, mais tout ce qui permet aux personnes de prendre conscience que le tabac, je dirais que c'est has-been en fait, aujourd'hui, fumer, ça n'est plus dans l'air du temps, l'avenir, ça sera de ne plus fumer, nous allons vers des générations
ADRIEN GINDRE
Alors, pourquoi ne pas le faire au niveau national, pourquoi ne pas dire au niveau national, c'est interdit ?
AGNES BUZYN
Mais parce que je crois à l'émulation, je vois ce qui s'est passé dans d'autres pays, en Angleterre, au Canada, en Australie, aux Etats-Unis, les gens ne fument plus et ils ne fument même plus dans la rue. Ça ne se fait pas. Et donc la France est en train de suivre un mouvement international, je pense que toutes les grandes villes vont progressivement évidemment adhérer à ce type de démarche
ADRIEN GINDRE
Mais il n'y aura pas d'extension des interdictions de fumer ?
AGNES BUZYN
Non, pour l'instant, ça n'est pas du tout prévu, j'augmente le prix du tabac parce que c'est une façon de montrer un signal fort contre le tabagisme, de toute façon, l'air du temps, c'est d'arrêter de fumer.
ADRIEN GINDRE
Il y a deux jours, Bernard KOUCHNER, ancien ministre de la Santé, était assis à votre place, lui, il nous disait : il faut légaliser le cannabis, il en va d'une question de santé, pour mieux encadrer et aussi mieux lutter contre les trafics.
AGNES BUZYN
Alors, je ne suis pas d'accord, en tant que ministre de la Santé, je ne peux pas lutter de façon acharnée contre le tabac et légaliser le cannabis, d'abord, parce que, une cigarette de cannabis, elle a exactement la même toxicité qu'une cigarette de tabac en termes de pathologies pulmonaires, c'est-à-dire le risque de cancer est le même avec une cigarette de cannabis qu'avec une cigarette de tabac, donc ça serait totalement illogique de se battre contre le tabac et d'accepter le cannabis, et en plus, le cannabis a des effets supplémentaires. C'est une addiction comme le tabac, mais en plus, il entraîne des troubles cognitifs, c'est-à-dire des apprentissages, c'est-à-dire que chez les jeunes aujourd'hui qui fument du cannabis, entre 15 et 20 ans, on sait qu'ils vont avoir des difficultés à se former, à apprendre à aller à l'université, parce qu'ils vont avoir en fait des pertes de compétences, et donc je ne peux pas tolérer que notre jeunesse quelque part abîme son cerveau avec une drogue. Et je passe les accidents de voitures qui sont très souvent liés, soit à l'alcool soit au cannabis.
ADRIEN GINDRE
Je le disais au début, vous êtes ministre de la Santé, et des Solidarités, vous allez aussi vous occuper du dossier des retraites, réforme l'année prochaine, et il y a depuis plusieurs semaines des interrogations sur les pensions de réversion. Différentes prises de parole du gouvernement, la semaine dernière Christophe CASTANER ici-même nous disait « certaines pensions, à l'avenir, pourront augmenter ou diminuer », le président de la République, lui, s'est exprimé dans deux tweets successifs pour tenter de clore ces questions, ces interrogations. Est-ce que vous pouvez nous dire précisément si oui ou non il y aura une réforme des pensions de réversion ou s'il n'y en aura aucune ?
AGNES BUZYN
Il n'y a pas de réforme des pensions de réversion, il y a une réforme des retraites.
ADRIEN GINDRE
Dans laquelle les pensions de réversion seront concernées ou pas du tout ?
AGNES BUZYN
Non, dans laquelle, en fait, on va vers une autre logique qui est que 1 euro cotisé donnera, ouvrira pour chacun les mêmes droits. Et donc, en fait, on a du mal à se projeter dans l'avenir, mais, en gros, on va avoir un système universel, où tout le monde va être, en gros, traité à la même enseigne, avec des cotisations qui aboutiront, pour tout le monde, à la même ouverture de droits.
ADRIEN GINDRE
Mais ce que vous nous dites c'est qu'on ne peut pas dire aujourd'hui quelles seront les pensions de réversion de demain.
AGNES BUZYN
Non. Les pensions de réversion persistent, elles n'ont absolument pas vocation à baisser, ce n'est pas du tout l'objet, mais dans la réforme des retraites un certain nombre de questions sont posées, notamment quels sont les droits familiaux. Par exemple, est-ce que des gens pacsés peuvent accéder aux pensions de réversion ? Et c'est cette question-là qui a été ouverte par le Haut-commissaire à la réforme des retraite, et qui a été utilisée politiquement pour faire peur aux gens en disant on va supprimer les pensions de réversion. Non, les pensions de réversion c'est de la solidarité intrafamiliale, elle est indispensable pour protéger les femmes qui n'ont pas travaillé, ou qui ont travaillé à côté de leur conjoint
ADRIEN GINDRE
Mais, sans dire qu'elles sont supprimées, on peut dire qu'elles seront modulées, c'est un peu ce que disait Christophe CASTANER.
AGNES BUZYN
Non, elles ne vont pas être modulées, c'est le système des retraites dans sa globalité qui change, en fait, avec 1 euro cotisé qui ouvre les mêmes droits pour
ADRIEN GINDRE
Donc Christophe CASTANER avait la mauvaise info.
AGNES BUZYN
C'est-à-dire que je crois qu'on a tous du mal à se projeter dans ce que sera la réforme. En aucun cas les pensions de réversion vont être amenées à être modifiées, pour celles qui les touchent aujourd'hui, et pour celles qui les toucheront demain, c'est tout le système des retraites qui bouge, en fait, et donc il faut absolument rassurer les Français, cette solidarité-là elle est absolument maintenue.
ADRIEN GINDRE
Il y a beaucoup de critiques en ce moment également sur le style d'Emmanuel MACRON, j'ai envie de dire depuis plusieurs mois, mais là, en quelques jours, Eric CIOTTI, le Républicain, qui parle « d'adolescent immature », Hervé MORIN, le centriste, qui évoque « un césariste bonapartiste à nouveau visage », et les députés Insoumis qui ont annoncé qu'ils boycotteront lundi le discours du président devant le Parlement réuni en Congrès, parce qu'ils ne veulent pas aller devant « le monarque » à Versailles. Ça ne vous interroge pas ?
AGNES BUZYN
Non, pas du tout. Je crois que la France avait besoin d'une vision claire de où elle devait aller, et le président de la République il affiche une vision, alors ça peut gêner, on peut considérer que le fait de ne pas gouverner en fonction des sondages ça change probablement de ce qui
ADRIEN GINDRE
59 % de mécontents en l'occurrence, ce n'est quand même pas rien, d'après l'IFOP.
AGNES BUZYN
59 % de mécontents qui attendent en fait l'effectivité du changement, parce qu'en fait les gens qui ont voté pour Emmanuel MACRON ils voulaient du changement, ils voulaient qu'on fasse de la politique autrement, et pas de façon politicienne, et surtout qu'on redonne une ambition à la France. Le président de la République, clairement, il a redonné une ambition à la France. Je voudrais souligner quelque chose. On a oublié, mais il y a 2, 3 ans, quand on parlait de la France, on parlait du déclin, du défaitisme, d'un vieux pays qui n'aurait plus sa place dans le concert des Nations. En une année le président de la République a remis la France comme un pays emblématique, au milieu des Nations-Unies, et dont la voix compte, et plus personne ne parle du déclin de la France, ça ne viendrait plus à l'esprit de personne d'écrire
ADRIEN GINDRE
Maintenant on s'interroge sur la place de la France.
AGNES BUZYN
Et maintenant on trouve que c'est trop puissant et que c'est trop volontariste. Heureusement que le président a une volonté et a une vision pour la France.
ADRIEN GINDRE
Sauf peut-être sur la question des migrants, où là on se dit la France n'est pas au rendez-vous de son Histoire, le pays des droits de l'Homme qui se retrouve à laisser les bateaux passer au large de ses côtes et aller en Espagne.
AGNES BUZYN
Alors, je pense qu'il y a deux choses. D'abord, moi je n'aime pas le mot « migrants » personnellement, je trouve que d'abord il faut parler des personnes, derrière ce sont des personnes, qui émigrent, soit pour des raisons économiques
ADRIEN GINDRE
Des bateaux avec des centaines de personnes, on est d'accord.
AGNES BUZYN
Voilà, soit pour des raisons économiques, soit pour des raisons liées à des guerres et à des situations de risques personnels. La France a évidemment un devoir de droit d'asile pour les personnes qui fuient des guerres, ou qui fuient la torture, ou des situations personnelles à risques
ADRIEN GINDRE
Non, mais sans langue de bois Agnès BUZYN, ça ne vous gêne pas de vous dire qu'on laisse passer des bateaux à quelques kilomètres de la Corse et qu'ils partent en Espagne ?
AGNES BUZYN
Non, mais par contre je pense qu'il faut impérativement, évidemment, apporter un soutien humanitaire à ces bateaux, c'est-à-dire
ADRIEN GINDRE
Mais en laissant les autres faire, là on a laissé l'Espagne s'en débrouiller en fait, en disant on va soutenir, mais c'est quand même l'Espagne qui accueille.
AGNES BUZYN
Non, je crois que le président de la République a eu raison de dire que si on cédait pour un bateau, on cédait pour 50, 100 bateaux, sans régler le problème de fond, et il a dit le problème doit se régler au niveau européen, il a obtenu un sommet européen en urgence, avec une négociation qui a abouti à ce qu'on se mette d'accord sur la façon de gérer la crise.
ADRIEN GINDRE
Mais c'est effectivement qui n'est pas conclu, puisque, comme vous le dites, il y aura certainement d'autres bateaux. Un dernier mot pour revenir sur ce qui s'est passé dimanche, c'était l'entrée au Panthéon de Simone et Antoine VEIL, vous étiez présente à la cérémonie, concernée à plusieurs titres, vous avez été une belle-fille de Simone VEIL, vous êtes ministre de la Santé comme elle l'a été, quelle image vous garderez de cette journée, de cette cérémonie ?
AGNES BUZYN
Une image d'abord d'une cérémonie extrêmement émouvante et extrêmement digne, avec une vraie émotion dans la foule, des applaudissements très sobres, une très belle cérémonie .
ADRIEN GINDRE
Elle vous guide, elle vous inspire aujourd'hui dans votre parcours de ministre, Simone VEIL ?
AGNES BUZYN
Je pense qu'elle m'a inspirée dans mon parcours professionnel. J'ai rencontré Simone et Antoine quand j'avais 20 ans, il est clair qu'ils m'ont donné le goût de la chose publique et ils m'ont montré ce qu'était un homme d'Etat, parce que Simone VEIL était un homme d'Etat en réalité, ce n'était pas une politicienne, voilà. J'ai ça en tête, évidemment, quand je fais de la politique aujourd'hui. Après, elle a mis la barre très haut, mon ancienne belle-mère, et donc voilà, je vais juste essayer de faire très très bien mon travail.
ADRIEN GINDRE
Merci beaucoup Agnès BUZYN d'avoir été avec nous ce matin.
AGNES BUZYN
Merci.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 12 juillet 2018