Interview de M. Stéphane Travert, ministre de l'agriculture et de l'alimentation, avec RTL le 23 août 2018, sur le glyphosate, l'agriculture biologique, les abattoirs clandestins, les prix agricoles et sur les budgets de la PAC et du ministère de l'agriculture et de l'alimentation.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral


STEPHANE CARPENTIER
Olivier BOST bonjour…
OLIVIER BOST
Bonjour.
STEPHANE CARPENTIER
Ce matin face à vous le ministre de l'Agriculture, agriculteurs en colère.
OLIVIER BOST
Oui, que pense Stéphane TRAVERT de la condamnation de MONSANTO aux Etats-Unis pour un cancer provoqué par le glyphosate - Nicolas HULOT, lui, s'est dit en guerre contre les pesticides - et puis on parlera aussi des prix d'achat aux agriculteurs toujours trop bas, vous l'avez entendu dans le journal…
STEPHANE CARPENTIER
Voilà ! Face à face en vidéo quand vous le souhaitez à partir de top maintenant, rtl.fr.
(…)
STEPHANE CARPENTIER
L'invité de RTL matin est donc le ministre de l'Agriculture et de l'Alimentation.
OLIVIER BOST
Stéphane TRAVERT bonjour.
STEPHANE TRAVERT
Bonjour.
OLIVIER BOST
La justice américaine a condamné cet été MONSANTO à près de 290 millions de dollars d'amende pour défaut d'information sur la dangerosité du glyphosate, c'est un jardinier atteint d'un cancer qui a obtenu cette victoire contre MONSANTO, cette condamnation a-t-elle ébranlé vos convictions sur le glyphosate ?
STEPHANE TRAVERT
Mais là-dessus vous savez moi je suis en responsabilité, je suis calme et déterminé, déterminé à faire en sorte que dans notre pays nous puissions mettre un terme à l'utilisation du glyphosate et, pour cela, nous avons donné un objectif en trois ans - et c'est ce que nous faisons avec le Gouvernement, avec mon collègue de la Transition écologique et solidaire Nicolas HULOT - nous avons créé une Task force et, cette Task force, c'est quoi ? C'est faire en sorte que nous puissions mettre tout le monde autour de la table, ne pas faire subir uniquement aux agriculteurs le coût de la décision que nous avons prise, c'est-à-dire de supprimer le glyphosate à l'horizon de deux - trois ans et de créer les conditions dans lesquelles nous allons mobiliser la recherche et l'ensemble des acteurs pour trouver des solutions. Il faut savoir que nous avons identifié les impasses aujourd'hui auxquelles nous devons faire face, l'agriculture de conservation - c'est l'agro-écologie - l'agriculture en terrasse, la transformation des fruits et des légumes, c'est là-dessus qu'il faut que l'on travaille.
OLIVIER BOST
Et est-ce qu'avec cette décision américaine vous n'avez pas une pression supplémentaire ?
STEPHANE TRAVERT
Mais il y a la justice américaine qui a pris une décision et le modèle de justice américaine…
OLIVIER BOST
Elle est lourde ?
STEPHANE TRAVERT
Oui, elle est lourde, mais le modèle de justice américaine est différent de celui que nous connaissons en France.
OLIVIER BOST
Mais jusque-là, logiquement, c'était de dire : « il n'y a pas de lien entre cancer et glyphosate…
STEPHANE TRAVERT
Je n'ai jamais dit ça monsieur, je n'ai jamais dit que…
OLIVIER BOST
Que la preuve n'était pas apportée aujourd'hui ».
STEPHANE TRAVERT
Je n'ai jamais tenu des propos comme cela, moi je me suis toujours fié à la science et aux droits et, pour cela, pour répondre à ces questions - parce que nos concitoyens nous attendent précisément sur cette question du glyphosate - nous avons créé la Task force et la Task force elle est créée, nous avons signé les documents qui permettent de la créer, nous allons créer - et nous sommes en train de la mettre en place - la Banque de solution sur laquelle nous nous sommes engagés avec Nicolas HULOT. La Banque de solution, c'est quoi ? C'est mettre toutes les bonnes pratiques à disposition de l'ensemble des agriculteurs pour qu'ils puissent utiliser ces pratiques pour, à terme, supprimer l'utilisation du glyphosate.
OLIVIER BOST
Justement, en réaction à la décision américaine, Nicolas HULOT a dit être lui en guerre pour réduire les molécules les plus dangereuses dans l'agriculture, vous êtes en guerre vous aussi ?
STEPHANE TRAVERT
Chacun a son vocabulaire, on peut avoir une terminologie guerrière, moi à la place qui est la mienne moi c'est la détermination, le combat pour faire en sorte que dans les trois ans selon l'engagement du président de la République nous puissions tenir…
OLIVIER BOST
Expliquez-nous quand même ce qui se passe, parce que fin juin vous étiez avec Nicolas HULOT donc pour annoncer effectivement…
STEPHANE TRAVERT
Le 22 juin.
OLIVIER BOST
Le plan de bataille pour interdire le glyphosate, à ce moment-là il parlait d'une véritable démarche de confiance, de volonté et de détermination partagée…
STEPHANE TRAVERT
Bien sûr, mais nous le sommes.
OLIVIER BOST
Et, au milieu de l'été, le même Nicolas HULOT dit que les politiques ne peuvent plus fuir leurs responsabilités, qu'il faut en finir avec les lobbies qui écrivent des amendements dans les lois, il y a une duplicité de Nicolas HULOT, il y a le Mister Hulot – celui que vous voyez - puis un Docteur Ecolo ?
STEPHANE TRAVERT
Le 22, le 22 juin, nous avons travaillé ensemble…
OLIVIER BOST
Oui.
STEPHANE TRAVERT
Nous avons réuni tous les acteurs en leur proposant de constituer cette Task force qui demain va être…
OLIVIER BOST
Mais alors comment vous expliquez le coup de gueule au milieu de l'été de Nicolas HULOT ?
STEPHANE TRAVERT
Mais parce que ce coup de gueule il a déjà été poussé par Nicolas HULOT, mais aujourd'hui nous sommes ensemble engagés dans la durée que nous a donnée le président de la République pour faire en sorte que nous puissions de ne plus utiliser le glyphosate dans les trois ans et de réunir tous les acteurs autour de nous à diffuser les bonnes pratiques, à diffuser les connaissances pour faire en sorte que chacun puisse en profiter - l'objectif étant que nous puissions répondre à la demande de nos concitoyens, ensuite chacun va je dirais dans son couloir - mais ensemble, dans la collégialité, trouver les solutions, les bonnes pratiques, et là-dessus je peux vous dire que nous sommes en phase.
OLIVIER BOST
Ce n'est pas la première fois que l'on parle d'engagement des filières, c'est même la troisième fois depuis le Grenelle de l'environnement…
STEPHANE TRAVERT
Bien sûr.
OLIVIER BOST
Sauf que, à chaque fois, la consommation de pesticides a augmenté ?
STEPHANE TRAVERT
Mais aujourd'hui ce que nous souhaitons c'est faire diminuer cette consommation. Vous l'avez vu et vous l'avez même souligné vous-même on peut toujours inscrire des objectifs merveilleux dans une loi, mais quand ce n'est pas…
OLIVIER BOST
Ce qu'on a fait jusque-là.
STEPHANE TRAVERT
Mais jusque-là c'est ce qu'on a fait et avec les résultats que l'on connaît, nous, nous avons pris la décision de ne pas l'inscrire dans la loi mais au contraire de mettre tout le monde autour de la table, de rassembler tous les acteurs et de créer cette Task force et je pense que c'est le meilleur moyen, à travers la concertation, à travers le dialogue, à travers l'expérimentation, à travers la confiance que nous portons aux acteurs que nous allons réussir le pari qui est le nôtre.
OLIVIER BOST
L'élu Europe Ecologie – Les Verts Yannick JADOT a dit en début de semaine que vous n'étiez pas gangréné par le lobby mais que vous étiez le lobby ?
STEPHANE TRAVERT
Mais je le laisse à ses propos outranciers, il est dans des propos de tribunicien en permanence, l'écologie politique a sombré…
OLIVIER BOST
Donc, vous ne vous sentez pas concerné ?
STEPHANE TRAVERT
Moi je ne suis pas concerné par ses propos, moi j'avance, je suis en responsabilité et j'ai cet esprit de responsabilité de faire à la fois ce que le président de la République me demande - parce que les engagements du président de la République ce sont les miens - et également de faire en sorte que nous puissions répondre aux attentes et aux demandes des Français.
OLIVIER BOST
L''INRA, l'Institut de Recherche Agronomique, a publié une étude cette semaine qui conglut, qui conclut pardon, que cultiver en bio donne d'aussi bons résultats qu'avec des pesticides, que c'est même plus efficace pour lutter contre certains ravageurs, c'est ça votre espoir le bio ?
STEPHANE TRAVERT
Mais vous l'avez vu nous avons porté un plan Ambition bio avec 1 milliard 100 millions d'euros de dotations pour porter l'agriculture biologique…
OLIVIER BOST
Quand est-ce que la France produira suffisamment pour faire face à la consommation française ?
STEPHANE TRAVERT
Nous avons mis en place un calendrier à l'horizon de 2022, c'est 15 % de la surface agricole utile qui seront consacrés à l'agriculture biologique, c'est tout l'engagement que nous avons pris à travers les Etats généraux de l'alimentation, nous faisons le pari de la conversion, nous avons besoin que plus agriculteurs demain puissent se convertir à l'agriculture biologique parce que c'est aussi une demande que les Français nous font.
OLIVIER BOST
Une question dans l'actualité, en ce moment c'est la fête de l'Aïd-el-Kébir - il y a donc des sacrifices de moutons - 32 bêtes ont été découvertes dans le garage d'une pizzeria en région parisienne, une quarantaine en Alsace, un abattoir clandestin a été découvert dans l'Yonne avec 24 bêtes, d'où viennent tous ces animaux qu'on retrouve ?
STEPHANE TRAVERT
Là aussi sur les cas que vous citez il faut rester prudent, bien évidemment nous devons veiller à ce que la qualité sanitaire et alimentaire de tout ce qui est vendu sur le territoire national soit sans difficulté.
OLIVIER BOST
C'est-à-dire que ça été des filières parallèles qui ne sont pas sous le contrôle des vétérinaires ?
STEPHANE TRAVERT
Oui, voilà, tout cela est condamnable puisque tout doit se passer sous le contrôle des vétérinaires assermentés par le ministère de l'Agriculture.
OLIVIER BOST
Mais ça veut dire qu'il y a une faille pour que les bêtes circulent…
STEPHANE TRAVERT
Mais aujourd'hui nous devons mener tous les contrôles nécessaires pour faire en sorte que tous les abattages se passent dans des abattoirs, des abattoirs agréés bien évidemment et suivis par les équipes vétérinaires de la DGAL.
OLIVIER BOST
Ça pose des questions sanitaires ?
STEPHANE TRAVERT
Et ces questions sanitaires elles sont évidemment importantes et, moi, je ne négocierais ni ne baisserait la garde sur cette question sanitaire, elle est éminemment importante et nous devons la qualité sanitaire et alimentaire à nos concitoyens.
OLIVIER BOST
On l'a entendu dans le journal tout à l'heure de 7h30 sur RTL, des agriculteurs vont bloquer aujourd'hui la Nationale entre Rennes et Brest, pour eux les prix d'achat sont toujours trop bas, que ce soit pour la tomate par exemple – pour donner cet exemple – ou le porc, Emmanuel MACRON n'a pas tenu ses engagements disent-ils, qu'est-ce que vous leur répondez ?
STEPHANE TRAVERT
Mais nous sommes en train de les... (problème technique)... la loi nous allons entrer en discussion le 12 septembre prochain pour la deuxième lecture du projet de loi issu des Etats généraux de l'alimentation et c'est là que nous allons pouvoir à l'issue de la discussion faire en sorte de mettre tous les moyens, tous les outils pour que les producteurs puissent avoir le juste prix payé et c'est à partir du moment où ces outils ont été votés, adoptée par l'Assemblée nationale que nous pourrons effectivement…
OLIVIER BOST
Donc, ils doivent patienter.
STEPHANE TRAVERT
Ils doivent patienter encore quelques jours, mais nous sommes dans la discussion de la loi et cet engagement il sera tenu.
OLIVIER BOST
Où en êtes-vous pour éviter que le budget de la PAC ne soit réduit fortement, comme le voudrait la Commission européenne, on en a – 12 % pour l'instant ?
STEPHANE TRAVERT
Vous l'avez vu nous avons constitué- la France a pris le leadership sur cette négociation - nous avons constitué un groupe dit le « Groupe de Madrid », aujourd'hui c'est 23 pays qui nous ont rejoints, dont l'Allemagne avec laquelle nous avons porté une déclaration conjointe lors du dernier conseil agricole, aujourd'hui sur la PAC nous avons besoin de continuer à défendre l'objectif d'un budget ambitieux mais aussi de réfléchir à ce que nous devons…
OLIVIER BOST
C'est-à-dire qui ne baisse pas ?
STEPHANE TRAVERT
Qui ne baisse pas ou qui soit à la hauteur des ambitions que l'Europe veut afficher pour la Politique Agricole Commune.
OLIVIER BOST
Vous voulez qu'il soit voté avant les Elections européennes ?
STEPHANE TRAVERT
Je pense que ce sera difficile, ce n'est pas moi qui gère ce calendrier. Pour autant, nous, nous sommes mobilisés dans la discussion pour faire en sorte que le budget de la PAC il réponde aux objectifs qui sont les nôtres, c'est-à-dire que l'agriculture c'est un objectif stratégique pour l'économie de notre pays.
OLIVIER BOST
Il y avait hier après-midi à l'Elysée une réunion pour les derniers ajustements du budget 2019, un budget difficile on le sait - le Gouvernement doit faire des économies et la croissance économique ralentie – votre budget il va baisser de combien l'année prochaine ?
STEPHANE TRAVERT
Ecoutez les arbitrages budgétaires seront livrés par le Premier ministre, il aura l'occasion de…
OLIVIER BOST
Mais vous avez eu une lettre de cadrage, vous savez où vous allez ?
STEPHANE TRAVERT
Oui, oui, j'ai reçu une lettre de cadrage, mais le Premier ministre aura l'occasion de pouvoir s'exprimer…
OLIVIER BOST
Il sera à la baisse cette année ?
STEPHANE TRAVERT
Le Premier ministre aura l'occasion de pouvoir s'exprimer sur ces questions dans quelque temps.
OLIVIER BOST
Vous n'êtes pas dans la liste des ministères épargnés par les économies ?
STEPHANE TRAVERT
Ce qui m'importe c'est que ce budget il puisse mettre en oeuvre les politiques dont nous avons besoin pour l'agriculture de notre pays, à savoir des politiques sanitaires qui soient à la hauteur je dirais des attentes des consommateurs, des politiques sur la formation qui soient aussi là effectivement bien accrochées pour former les agriculteurs de demain et puis les objectifs de la PAC qui sont pour nous très importants.
OLIVIER BOST
Stéphane TRAVERT merci.
STEPHANE TRAVERT
Merci à vous.
STEPHANE CARPENTIER
Stéphane TRAVERT qui vient donc de confirmer l'objectif affiché, la fin du glyphosate dans les trois ans. Je vous interpelle Stéphane TRAVERT, on a retrouvé des traces de glyphosate dans les couches-culottes de bébé…
STEPHANE TRAVERT
Oui.
STEPHANE CARPENTIER
Quatre marques sur 12, ça interpelle ça quand même non ?
STEPHANE TRAVERT
Oui ça interpelle et ce n'est pas la première fois qu'une étude comme celle-là sort - et c'est une étude de 60 MILLIONS DE CONSOMMATEURS qui est sortie – là-dessus moi ce que je souhaite c'est que les distributeurs puissent faire en sorte de demander à leurs fabricants de bien identifier le zéro trace de pesticides, le zéro trace de produits à l'intérieur des couches qu'ils vendent ; et il y a des marques qui le font déjà, cela fonctionne, donc là aussi c'est un appel à la responsabilité de chacun.
STEPHANE CARPENTIER
Merci Stéphane TRAVERT, le ministre de l'Agriculture et de l'Alimentation, invité de la première radio de France.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 23 août 2018