Texte intégral
A. Hausser Aujourd'hui, s'ouvre à Doha le round de négociations de l'OMC. On y parlera beaucoup d'agriculture. Vous allez à Doha. Est-ce pour manifester ou pour faire pression sur les négociateurs ?
- "C'est pour être, comme à Seattle il y a deux ans, proche des négociateurs, - ceux de la délégation française d'abord, et puis aussi du commissaire Lamy -, parce qu'il y a un enjeu tel pour notre agriculture que nous devons, en tant que responsables professionnels, être présents là-bas."
Cela veut dire, matériellement, qu'ils interrompent les négociations, qu'ils viennent vous voir et vous demandent s'ils peuvent peut accepter cela ? Comment cela se passe-t-il ?
- "Les négociations, effectivement, ne sont pas en continu. Le commissaire Lamy qui négocie pour quinze Etats membres, a besoin de voir ceux qui sont là : la délégation française, mais aussi les autres, et nous, nous avons, comme à Seattle, des rendez-vous permanents avec monsieur Huwart, qui représente le gouvernement français et l'ensemble de la délégation. Donc, c'est important, parce que même si on ne change que quelques mots dans la déclaration ministérielle, il y a des mots qui pèsent très lourd pour l'avenir de notre politique agricole, et nous devons être présents, parce que nous ne pouvons pas les laisser accepter tel ou tel texte. C'est cela l'enjeu."
J. Glavany disait que ce ne sont pas des négociations, mais le début de discussions. Je voudrais qu'on soit un peu concret. Hier, vous avez rencontré L. Jospin, qui a déclaré que la France sera très ferme à Doha, qu'elle n'acceptera pas n'importe quoi. Un responsable américain, qui n'est pas du tout sur cette ligne, dit que les subventions aux exportations agricoles doivent être éliminées, ainsi que les politiques nationales de soutien au secteur agricole qui perturbent les échanges internationaux. On voit bien que la politique agricole est au coeur du problème ?
- "Ce n'est pas le seul sujet de cette négociation, mais il est vrai que c'est un sujet extrêmement important. Les Américains peuvent parler, mais en matière de soutien à leur agriculture, ils n'ont aucune leçon à donner. Parmi les pays qui ont respecté les accords de Marrakech - puisque cette négociation à Doha s'inscrit dans le droit fil de ce qui s'est signé à Marrakech en 1994 -, c'est l'Europe qui a parfaitement respecté ses engagements : d'accès au marché - à notre propre marché européen -, de réduction de ses soutiens et notamment, de ses subventions à l'exportation. Or, dans le même temps, les Américains n'ont qu'accroître et notamment, au cours de l'année 2000 - début 2001, pour soutenir le revenu de leurs paysans. Donc, effectivement, il y a des enjeux considérables. Ce qu'on peut constater tout de suite, au moment où le sommet va s'ouvrir, c'est que les grands équilibres n'ont pas changé. On a les Etats-Unis d'un côté, le groupe de Cairns - c'est-à-dire l'Océanie, Nouvelle Zélande, Australie, Amérique du Sud - et puis les pays en développement, qui vont jouer un rôle extrêmement important dans cette négociation."
Mais les pays du Sud sont plus proches des Etats-Unis que de l'Europe ?
- "Cela qui peut apparaître surprenant. S'ils le sont, c'est peut-être parce que - je l'ai dit au Premier ministre, hier - on n'a pas peut-être pas correctement fait notre travail de relation avec les pays en développement. Il est surprenant qu'ils soient pour une libéralisation du marché, proches donc de la position des Etats-Unis ou du groupe de Cairns, alors que, nous le savons, si on veut qu'ils puissent développer leur agriculture, cela passe aussi quelque part par une protection de leur propre marché, plutôt qu'une ouverture de ce marché."
Puisque négociations, il va y avoir - les enjeux ne portent pas que sur l'agriculture, il y a aussi les problèmes sociaux, il y a l'environnement -, il faudra bien céder sur quelque chose. Alors, sur quoi va-t-on céder ?
- "On a pris une position très claire bien avant que les négociations s'ouvrent : on ne veut pas que l'agriculture soit la variable d'ajustements de cette négociation."
Mais pourquoi en parle-t-on ?
- "C'est dans l'accord, là aussi, de Marrakech. Il est prévu dans l'accord de Marrakech que les discussions reprennent. Autant on peut parler de nouvelles évolutions et de nouvelles réductions en matière de soutien à l'exportation, autant évoquer dans un éventuel accord de Doha qu'on irait jusqu'à un retrait définitif de ces subventions est, par exemple, pas acceptable. Donc, il y a des nuances. A Doha, s'il y a accord, c'est pour rentrer dans un cycle de négociations. Il n'y aura de conséquences dès le lendemain. C'est pour permettre à nos négociateurs de rentrer dans un cycle qui peut durer deux ans, trois ans, quatre ans, cinq ans. Je rappelle que Marrakech avait démarré en 1986 et s'est terminé en 1994. Cela ne durera pas aussi longtemps. Mais l'enjeu de Doha, selon les directives qui sont données dans cet éventuel accord à Doha, cela a des conséquences très importantes pour l'avenir de la politique agricole européenne, et nous allons à Doha aussi pour défendre notre modèle agricole européen."
Hier, vous avez vu le Premier ministre. Il paraît que l'entretien s'est très bien passé - c'est qu'on dit de part et d'autre. Est-ce que vous avez parlé de la crise bovine ?
- "Nous avons effectivement parlé de la crise bovine. Il fallait parler de Doha, mais il fallait aussi parler de la situation en France. C'est une situation de revenus des agriculteurs qui est extrêmement délicate et particulièrement pour les éleveurs bovins. Malheureusement, un an après le début de la crise, nous ne sommes pas sortis de cette crise."
Plus du fait des consommateurs que du fait du Gouvernement qui a quand même mis en place un plan d'aide ?
- "C'est vrai que malheureusement, on n'a pas retrouvé les équilibres de consommation qui étaient ceux avant la crise, mais on a besoin d'un nouveau plan d'accompagnement pour les éleveurs bovins au niveau de leurs revenus. J'ai dit au Premier ministre qu'il ne fallait pas - parce qu'il y a un engagement d'un nouveau plan d'accompagnement - que ce plan d'accompagnement soit au rabais, qu'il fallait regarder la réalité de la situation financière des éleveurs et prendre les mesures qui s'imposent. Je ne veux pas faire de comparaison avec des décisions qui viennent d'être prises pour soutenir tel ou tel secteur d'activité..."
Mais si, faites-le !
- "Mais quand on voit - et elles ont sans doute raison - les revendications du secteur des cliniques privées par exemple, et le Gouvernement a pris un certain nombre de mesures immédiatement. Je ne souhaite pas bloquer toute la France pour qu'on obtienne des mesures. Il y a une réalité de la situation des éleveurs bovins et il faut qu'elle soit prise en compte. Le ministre est en train de faire une enquête dans les départements, mais il faut qu'elle se fasse rapidement et que l'on redonne des perspectives à nos éleveurs."
La viande augmente et les revenus des agriculteurs baisse. Cela marche comment ?
- "Mais justement, on aimerait savoir. On a fait tout un travail cet été. Il y a des chiffres connus et reconnus par l'Insee, qui montrent que le prix au consommateur n'a malheureusement pas baissé, pendant que le prix de la viande payé aux producteurs a fortement chuté, puisque c'était 4 à 5 francs le kilo de baisse aux producteurs. On aimerait et on veut faire la transparence. J'engage et j'appelle l'ensemble des acteurs de la filière bovine à jouer la transparence : les industriels, mais aussi la grande distribution, la restauration collective et aussi à jouer le jeu quand même de notre viande bovine française. Ce qu'on a pu constater dans tout le travail que nous avons fait cet été, c'est qu'on a une sur-offre de viande bovine aujourd'hui, et on va quand même en chercher dans les autres Etats membres, qui plus est, on va souvent en chercher aussi dans les pays tiers, pour une seule et unique logique que nous combattons, qui est la logique du prix toujours le plus bas."
Est-ce que le boeuf est revenu dans les cantines ?
- "Le boeuf revient, et c'est heureux, dans les cantines. Ce qui me surprend - c'est ce que j'évoquais à l'instant -, c'est que les élus qui ont, dans la précipitation, pris des décisions de supprimer cette viande bovine, appelant à la qualité, remettent la viande bovine, ont plus le souci du prix que de la qualité. J'espère qu'ils auront le souci de mettre de la viande bovine et de la viande de bovine de qualité."
(Source http://Sig.premier-ministre.gouv.fr, le 23 novembre 2001)
- "C'est pour être, comme à Seattle il y a deux ans, proche des négociateurs, - ceux de la délégation française d'abord, et puis aussi du commissaire Lamy -, parce qu'il y a un enjeu tel pour notre agriculture que nous devons, en tant que responsables professionnels, être présents là-bas."
Cela veut dire, matériellement, qu'ils interrompent les négociations, qu'ils viennent vous voir et vous demandent s'ils peuvent peut accepter cela ? Comment cela se passe-t-il ?
- "Les négociations, effectivement, ne sont pas en continu. Le commissaire Lamy qui négocie pour quinze Etats membres, a besoin de voir ceux qui sont là : la délégation française, mais aussi les autres, et nous, nous avons, comme à Seattle, des rendez-vous permanents avec monsieur Huwart, qui représente le gouvernement français et l'ensemble de la délégation. Donc, c'est important, parce que même si on ne change que quelques mots dans la déclaration ministérielle, il y a des mots qui pèsent très lourd pour l'avenir de notre politique agricole, et nous devons être présents, parce que nous ne pouvons pas les laisser accepter tel ou tel texte. C'est cela l'enjeu."
J. Glavany disait que ce ne sont pas des négociations, mais le début de discussions. Je voudrais qu'on soit un peu concret. Hier, vous avez rencontré L. Jospin, qui a déclaré que la France sera très ferme à Doha, qu'elle n'acceptera pas n'importe quoi. Un responsable américain, qui n'est pas du tout sur cette ligne, dit que les subventions aux exportations agricoles doivent être éliminées, ainsi que les politiques nationales de soutien au secteur agricole qui perturbent les échanges internationaux. On voit bien que la politique agricole est au coeur du problème ?
- "Ce n'est pas le seul sujet de cette négociation, mais il est vrai que c'est un sujet extrêmement important. Les Américains peuvent parler, mais en matière de soutien à leur agriculture, ils n'ont aucune leçon à donner. Parmi les pays qui ont respecté les accords de Marrakech - puisque cette négociation à Doha s'inscrit dans le droit fil de ce qui s'est signé à Marrakech en 1994 -, c'est l'Europe qui a parfaitement respecté ses engagements : d'accès au marché - à notre propre marché européen -, de réduction de ses soutiens et notamment, de ses subventions à l'exportation. Or, dans le même temps, les Américains n'ont qu'accroître et notamment, au cours de l'année 2000 - début 2001, pour soutenir le revenu de leurs paysans. Donc, effectivement, il y a des enjeux considérables. Ce qu'on peut constater tout de suite, au moment où le sommet va s'ouvrir, c'est que les grands équilibres n'ont pas changé. On a les Etats-Unis d'un côté, le groupe de Cairns - c'est-à-dire l'Océanie, Nouvelle Zélande, Australie, Amérique du Sud - et puis les pays en développement, qui vont jouer un rôle extrêmement important dans cette négociation."
Mais les pays du Sud sont plus proches des Etats-Unis que de l'Europe ?
- "Cela qui peut apparaître surprenant. S'ils le sont, c'est peut-être parce que - je l'ai dit au Premier ministre, hier - on n'a pas peut-être pas correctement fait notre travail de relation avec les pays en développement. Il est surprenant qu'ils soient pour une libéralisation du marché, proches donc de la position des Etats-Unis ou du groupe de Cairns, alors que, nous le savons, si on veut qu'ils puissent développer leur agriculture, cela passe aussi quelque part par une protection de leur propre marché, plutôt qu'une ouverture de ce marché."
Puisque négociations, il va y avoir - les enjeux ne portent pas que sur l'agriculture, il y a aussi les problèmes sociaux, il y a l'environnement -, il faudra bien céder sur quelque chose. Alors, sur quoi va-t-on céder ?
- "On a pris une position très claire bien avant que les négociations s'ouvrent : on ne veut pas que l'agriculture soit la variable d'ajustements de cette négociation."
Mais pourquoi en parle-t-on ?
- "C'est dans l'accord, là aussi, de Marrakech. Il est prévu dans l'accord de Marrakech que les discussions reprennent. Autant on peut parler de nouvelles évolutions et de nouvelles réductions en matière de soutien à l'exportation, autant évoquer dans un éventuel accord de Doha qu'on irait jusqu'à un retrait définitif de ces subventions est, par exemple, pas acceptable. Donc, il y a des nuances. A Doha, s'il y a accord, c'est pour rentrer dans un cycle de négociations. Il n'y aura de conséquences dès le lendemain. C'est pour permettre à nos négociateurs de rentrer dans un cycle qui peut durer deux ans, trois ans, quatre ans, cinq ans. Je rappelle que Marrakech avait démarré en 1986 et s'est terminé en 1994. Cela ne durera pas aussi longtemps. Mais l'enjeu de Doha, selon les directives qui sont données dans cet éventuel accord à Doha, cela a des conséquences très importantes pour l'avenir de la politique agricole européenne, et nous allons à Doha aussi pour défendre notre modèle agricole européen."
Hier, vous avez vu le Premier ministre. Il paraît que l'entretien s'est très bien passé - c'est qu'on dit de part et d'autre. Est-ce que vous avez parlé de la crise bovine ?
- "Nous avons effectivement parlé de la crise bovine. Il fallait parler de Doha, mais il fallait aussi parler de la situation en France. C'est une situation de revenus des agriculteurs qui est extrêmement délicate et particulièrement pour les éleveurs bovins. Malheureusement, un an après le début de la crise, nous ne sommes pas sortis de cette crise."
Plus du fait des consommateurs que du fait du Gouvernement qui a quand même mis en place un plan d'aide ?
- "C'est vrai que malheureusement, on n'a pas retrouvé les équilibres de consommation qui étaient ceux avant la crise, mais on a besoin d'un nouveau plan d'accompagnement pour les éleveurs bovins au niveau de leurs revenus. J'ai dit au Premier ministre qu'il ne fallait pas - parce qu'il y a un engagement d'un nouveau plan d'accompagnement - que ce plan d'accompagnement soit au rabais, qu'il fallait regarder la réalité de la situation financière des éleveurs et prendre les mesures qui s'imposent. Je ne veux pas faire de comparaison avec des décisions qui viennent d'être prises pour soutenir tel ou tel secteur d'activité..."
Mais si, faites-le !
- "Mais quand on voit - et elles ont sans doute raison - les revendications du secteur des cliniques privées par exemple, et le Gouvernement a pris un certain nombre de mesures immédiatement. Je ne souhaite pas bloquer toute la France pour qu'on obtienne des mesures. Il y a une réalité de la situation des éleveurs bovins et il faut qu'elle soit prise en compte. Le ministre est en train de faire une enquête dans les départements, mais il faut qu'elle se fasse rapidement et que l'on redonne des perspectives à nos éleveurs."
La viande augmente et les revenus des agriculteurs baisse. Cela marche comment ?
- "Mais justement, on aimerait savoir. On a fait tout un travail cet été. Il y a des chiffres connus et reconnus par l'Insee, qui montrent que le prix au consommateur n'a malheureusement pas baissé, pendant que le prix de la viande payé aux producteurs a fortement chuté, puisque c'était 4 à 5 francs le kilo de baisse aux producteurs. On aimerait et on veut faire la transparence. J'engage et j'appelle l'ensemble des acteurs de la filière bovine à jouer la transparence : les industriels, mais aussi la grande distribution, la restauration collective et aussi à jouer le jeu quand même de notre viande bovine française. Ce qu'on a pu constater dans tout le travail que nous avons fait cet été, c'est qu'on a une sur-offre de viande bovine aujourd'hui, et on va quand même en chercher dans les autres Etats membres, qui plus est, on va souvent en chercher aussi dans les pays tiers, pour une seule et unique logique que nous combattons, qui est la logique du prix toujours le plus bas."
Est-ce que le boeuf est revenu dans les cantines ?
- "Le boeuf revient, et c'est heureux, dans les cantines. Ce qui me surprend - c'est ce que j'évoquais à l'instant -, c'est que les élus qui ont, dans la précipitation, pris des décisions de supprimer cette viande bovine, appelant à la qualité, remettent la viande bovine, ont plus le souci du prix que de la qualité. J'espère qu'ils auront le souci de mettre de la viande bovine et de la viande de bovine de qualité."
(Source http://Sig.premier-ministre.gouv.fr, le 23 novembre 2001)