Texte intégral
Monsieur le ministre,
Merci, cher Nikos, de ton accueil et merci aussi de la qualité des échanges que nous avons pu avoir, et qui vont se poursuivre, comme tu l'indiquais, avec l'audience qu'a bien voulu m'accorder Alexis Tsipras, dans un instant.
Je voudrais dire que cette visite arrive à un moment charnière dans l'histoire de la Grèce et après des années de sacrifices et d'efforts, le peuple grec retrouve la normalité et la France se réjouit de la sortie ordonnée du troisième programme d'aide. Les Grecs tournent la page d'une crise qui n'était pas seulement leur crise, mais qui était aussi une crise européenne. C'est pour cela que nous avons toujours plaidé pour la voie de la solidarité. Comme le Président Macron l'avait affirmé lors de sa venue ici, il y a un an, nous souhaitons aujourd'hui, dans cette nouvelle phase, apporter notre soutien à la Grèce pour consolider son retour à la croissance, à la fois par nos investissements et par notre coopération.
Nous pouvons et devons faire plus, et nous travaillons actuellement ensemble au développement de nos liens, notamment dans le domaine de l'innovation et en faveur du financement des PME.
Deuxième élément historique, que nous avons aussi évoqué, c'est la conclusion récente d'un accord sur le nom de l'Ancienne République yougoslave de Macédoine. Nous saluons cette avancée décisive, et espérons la ratification rapide de cet accord, qui contribuera à l'indispensable stabilité de cette région.
Nous avons également évoqué avec Nikos les questions régionales. Nous avons constaté l'un et l'autre que la France est, comme la Grèce, très attachée à la stabilité de la Méditerranée orientale. Il y a aujourd'hui des opportunités - je pense aux gisements d'hydrocarbures par exemple - qui peuvent être des vecteurs de coopération nouveaux entre nous, et avec les pays de la région. Nous plaidons évidemment pour que les différends sur ce sujet soient surmontés, et nous nous proposons de prendre des initiatives à la fois de dialogue et d'actions communes.
La Grèce et la France partagent par ailleurs une grande proximité de vues sur l'ensemble des questions européennes, et je retiens de notre entretien la vision commune d'une Europe plus souveraine et plus protectrice. C'est ce que nous disons, c'est ce que vous dites.
Nous avons aussi préparé le Sommet de Salzbourg, qui sera l'occasion de revenir sur les questions migratoires, enjeu sur lequel la Grèce a été et continue à être particulièrement sollicitée. Nous partageons la volonté de définir une politique européenne migratoire plus efficace, répondant mieux à l'impératif de solidarité, étant plus à même de faire face aux crises migratoires que par le passé, en ayant, de l'Union européenne, les soutiens à la fois politiques et financiers nécessaires. Et nous souhaitons que ce sommet de Salzbourg puisse être concluant. Nous avons par ailleurs sur beaucoup de sujets, sur la grande majorité des sujets européens, une convergence de vues totale : que ce soit sur le renforcement de l'Union économique et monétaire, sur l'Europe de la défense, sur la protection civile, tout cela fait l'objet d'un consensus entre nous.
Nous avons par ailleurs évoqué ensemble quelques points majeurs de la situation internationale, que ce soit la Syrie, l'Iran, la Libye, la lutte contre les armes chimiques, sujets sur lesquels là aussi nos positions sont extrêmement proches, sinon communes.
Je suis ravi de cette rencontre qui s'inscrit dans la suite de la visite du Président Macron l'année dernière et qui témoigne de la bonne qualité des relations entre la Grèce et la France.
Q - J'ai deux questions à poser de la part de l'Agence France Presse une à Monsieur le ministre Le Drian. Le chef d'état-major français a déclaré aujourd'hui à un petit groupe de journalistes que la France était prête à intervenir en Syrie en cas d'usage d'armes chimiques à Idlib. Quelle est aujourd'hui la position de la France ? (...)
R - La situation à Idlib est très préoccupante, nous l'avons évoquée. Il y a plus de 3 millions de personnes, 700.000 réfugiés, plusieurs milliers de combattants de groupes terroristes dans ce qu'il faut bien appeler une bombe à retardement à la fois humanitaire et sécuritaire. Il n'y a de règlement de cette situation que s'il s'insère dans un règlement politique de la situation syrienne, que le Président Macron et la France souhaitent depuis plusieurs mois, afin que soit dessinée la feuille de route qui intègre à la fois la réforme constitutionnelle, le processus électoral, la composition du collège électoral, la place des réfugiés et des déplacés et aussi évidemment les perspectives de reconstruction. Mais manifestement, le régime de Bachar El Assad veut prendre Idlib militairement. Et nous mettons en garde tous les acteurs sur les risques de déflagration humanitaire que cela peut produire.
Et dans l'hypothèse - c'est la question que vous me posez - où l'arme chimique serait employée pour conforter l'attaque contre Idlib, la réponse de la France sera toujours la même. Ce que vous dites de la part du chef d'état-major des armées françaises ce n'est pas une nouveauté puisque, en l'écoutant bien, lundi de la semaine dernière en recevant les ambassadeurs lors de la conférence des ambassadeurs, le Président de la République a dit la même chose ! Donc, c'est la continuité de la détermination de la France à ne pas accepter de dérogation à la non-prolifération chimique. Il y a des lignes rouges. Elles ont été franchies une première fois ; la réponse française a été au rendez-vous. Si elles étaient franchies une nouvelle fois, la réponse serait identique.
Q - A propos des hydrocarbures et de l'espoir exprimé par le ministre de surmonter les différends qui existent, est-ce-que la France a toujours des intérêts dans la ZEE chypriote ? Est-ce-que la rhétorique de la Turquie pourrait être adoucie ?
Je n'ai pas parlé des intérêts de la France dans cette affaire. Vous avez bien entendu mon propos. J'ai fait état de la nécessité d'avoir en Méditerranée orientale des actions communes pour faire en sorte que le développement économique de cette région puisse se faire à partir de cette nouvelle ressource que sont les ressources gazières et qu'en même temps, cela puisse se faire dans une procédure non agressive, qui permette aux uns et autres à la fois de développer leur coopération puis, à partir de ces nouvelles ressources qui sont une chance pour les pays de la zone à commencer par Chypre et par la Grèce, d'avoir de nouveaux atouts dans leur croissance et dans leur développement. Et nous avons évoqué avec Nikos, effectivement, cette stratégie-là et nous sommes d'accord sur la manière d'agir.
Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 18 septembre 2018