Texte intégral
Interview à la presse française, à New York le 10 novembre 2001 :
La session de l'assemblée est dominée par les conséquences du 11 septembre, la réaction au 11 septembre, la lutte contre le terrorisme. J'ai construit mon intervention sur l'idée que tous les problèmes qui existaient avant le 11 septembre sont toujours là, qu'ils n'ont pas disparu et que la mobilisation nécessaire contre le terrorisme s'ajoute aux autres actions, elle ne vient pas s'y substituer. Le raisonnement d'ensemble est qu'il y a une raison de plus, raison de plus pour traiter vraiment les conflits régionaux, à commencer par le Proche-Orient, sans oublier les autres, une raison de plus pour s'attaquer sérieusement et plus qu'en paroles ou à travers de bonnes résolutions à certains problèmes fondamentaux du monde.
Je n'ai pas besoin de souligner à quel point nous sommes d'accord en ce qui concerne la lutte contre le terrorisme. L'engagement de la France a été rappelé à de multiples reprises en France et à l'étranger, ici par le président de la République, cela a été dit très régulièrement par le Premier ministre, notamment au Parlement. Il y a eu toute une série d'actes de déclarations, de mesures : c'est un axe fort et clair. Dès la mi-septembre nous disions que la lutte contre le terrorisme était une affaire de longue haleine, qu'il y avait, une dimension punitive, une dimension inévitablement militaire, mais que c'est aussi un travail dans la durée, sur les plans juridique, judiciaire, policier, fiscal... Sur tous ces points, nous avons pris des dispositions nationales, des dispositions européennes et nous avons accéléré ou appelé à l'accélération de toute une série de dispositifs et d'adoption de textes nouveaux au sein des Nations Unies ou ailleurs. Cela forme un cadre, cela lance une action dans la durée.
Dès le début, trois ou quatre jours après le 11 septembre, nous disions aussi que la lutte contre le terrorisme n'atteindrait ses objectifs que si on traite les choses au fond, si on éradique, au sens propre du terme : si on traite les racines. Et sans entrer dans des discussions oiseuses sur le fait de savoir quel est le lien entre tel ou tel conflit et le terrorisme..., ce que nous savons nous, c'est qu'il faut traiter les problèmes du monde. Parce que s'il y a une diplomatie qui n'a pas attendu le 11 septembre pour découvrir tout cela, c'est bien la diplomatie française, avec des accents qui peuvent changer, mais avec des continuités fortes aussi.
Si vous repreniez les discours prononcés ces dernières années, par le président, par le Premier ministre, par moi-même plusieurs fois, vous verriez une continuité très grande sur ces sujets qui, nous l'espérons, vont bénéficier d'une attention accrue, d'une volonté plus grande. Et, en même temps, nous savons que l'on a souvent l'occasion de prendre des engagements de ce genre mais qu'ensuite, la concrétisation, la mise en oeuvre, est très difficile.
En tout cas, c'est l'axe du discours : engagement dans la lutte contre le terrorisme, raisons supplémentaires de traiter les problèmes du monde. Et quand je dis des raisons supplémentaires, ce n'est pas simplement après le 11 septembre. C'était tout à fait clair aussi à propos de la mondialisation. C'était tout à fait clair à propos de Durban, il y a eu, à la fois des accusations tout à fait inacceptables à propos d'Israël et en même temps, la manifestation impossible à ne pas voir, de toute une série de désaccords fondamentaux, de fractures, d'antagonismes. Mon fil conducteur est donc que la communauté internationale, terme que l'on emploie souvent ici, est à construire. Elle n'est pas faite.
Q - Qu'allez-vous faire pendant votre séjour à l'ONU ?
R - J'ai déjà commencé à avoir beaucoup de contacts comme c'est le cas ici, quelques rendez-vous préparés à l'avance, un nombre tout à fait considérable de rencontres de couloir, de rencontres pendant les déjeuners. L'Afghanistan va dominer beaucoup de rencontres. D'abord, le déjeuner du P5 avec le Secrétaire général, lundi. Le débat du Conseil de sécurité, mardi, en fin de matinée. Au sens large du terme, c'est à dire sur le terrorisme, le débat, lundi, en fin de matinée. Et je pense que l'on en parlera aussi avec M. Ivanov, ce soir, nous dînons avec lui à Quinze, avec M. Colin Powell, dimanche en fin de matinée, à Quinze. J'ai eu deux contacts avec M. Powell ce matin, j'ai reparlé avec le ministre indien, et avec le président Musharraf...
Q - Où en est-on en Afghanistan ?
R - Sur le plan militaire, les choses évoluent avec la prise de Mazar-i-Charif. J'espère que cette prise sera consolidée, donc les choses peuvent évoluer sur ce front, alors qu'on avait le sentiment que cela ne bougeait pas depuis un certain temps. Cela ne rend que plus urgente la mise sur pied d'une solution politique. Vous vous rappelez que dès le 1er octobre, nous avions été les premiers dans notre plan pour l'Afghanistan, à souligner qu'il y aurait certes la dimension humanitaire, très importante, très urgente et ensuite la dimension de reconstruction mais, dans l'immédiat, que la dimension politique était très importante. Nous l'avions dit très tôt car nous avions en mémoire, j'avais en mémoire, ce qui s'était passé dans les années 92 et après. Il ne faut absolument pas que les Afghans retombent dans le cycle des affrontements internes entre factions, entre ethnies, entre groupes... Tout le monde depuis a convenu qu'il fallait essayer d'amener les Afghans à se rassembler, à surmonter les difficultés.
C'est à cela que travaille M. Brahimi. C'est cela que le Conseil de sécurité devrait encadrer dans une résolution très prochaine, qui devrait donner à ces principes, que nous avions déjà exprimés, une solennité plus grande. Cela devrait aider M. Brahimi à travailler. Mais l'accord n'est pas encore fait. L'accord sur la résolution va être fait, mais l'accord sur le processus politique et son contenu et les autorités d'un gouvernement représentatif de l'ensemble du peuple afghan n'est pas encore fait. Il reste des désaccords entre, soit les différents groupes d'Afghans, soit entre certains pays voisins protecteurs de tel ou tel groupe. Nous soutenons complètement M. Brahimi qui fait un travail très remarquable sur un sujet qui est extrêmement difficile. Il ne peut pas faire sortir un gouvernement par miracle, mais c'est vrai que cela presse maintenant. C'est vraiment urgent.
Q - Et sur le plan humanitaire ?
R - Dans le domaine humanitaire il existe beaucoup d'initiatives : les ONG, les représentants des grandes organisations des Nations unies, des spécialistes qui sont là depuis très longtemps, qui savent très bien ce qui se passe. On a pu le constater les uns et les autres, tous ceux qui ont été dans la région, j'ai pu le voir à Islamabad, d'autres ministres l'ont vu dans d'autres pays. On ne manque pas d'aide en réalité, il n'y a pas véritablement de manque. Il n'y pas de problème de logistique pour aller jusqu'aux pays voisins, mais il y a des problèmes très considérables pour aller à l'intérieur de l'Afghanistan. Beaucoup de suggestions ont été faites parce qu'on s'inquiète de l'arrivée de l'hiver, mais aucune de ces suggestions n'était une solution globale. On peut espérer que la prise de Mazar-i-Charif va changer la situation et permettre d'avoir une base logistique, et qu'une action humanitaire va pouvoir se développer à partir du Nord. Vous savez que c'est l'ensemble du pays, l'ensemble du peuple afghan qui est frappé par cette situation, depuis des années et des années. C'est spécialement vrai dans le Nord et le Nord-Ouest. L'accès aux populations qui sont dans les zones centrales complètement tenues par les Taleban, les zones les plus montagneuses ne peut être vraiment résolu qu'avec l'évolution de la situation militaire. Il n'y a pas de solution miracle, on ne peut pas faire de corridor, par exemple, entre les Taleban et les autres. On ne peut faire des corridors à partir des zones contrôlées par les forces de l'Alliance du nord ou par les Pachtounes qui arriveraient à faire l'équivalent dans la zone Sud.
Mais il y a beaucoup d'ONG sur place qui arrivent quand même à travailler, à faire passer des couvertures ou des vivres. Sur le plan humanitaire, il faut maintenir cet engagement. Plusieurs projets de conférences ont été envisagés. Une conférence est prévue notamment le 20 novembre à New York et naturellement l'Europe y participera. Mais il y a le rôle des Etats-Unis, il y a le rôle du Japon, il y aura le rôle de l'Europe car s'il y a un domaine où l'Union européenne, à travers la Commission, a des instruments juridiques et financiers et une expérience pour intervenir, c'est bien l'humanitaire et à la charnière entre l'humanitaire et la reconstruction. C'est très important.
Voilà quelques commentaires sur la session et l'Afghanistan. Vous avez entendu les principaux discours d'aujourd'hui, le discours du Secrétaire général qui a développé les thèmes qui sont les siens et que nous approuvons pleinement, avec notamment une autorité accrue par le Prix Nobel et par son nouveau mandat. En ce moment le Secrétaire général fait l'unanimité à tous points de vue. Nous avons tous à cur de l'aider dans sa mission.
Le président Bush a fait un discours qui, je crois, a impressionné l'Assemblée par sa détermination. Le paragraphe sur le Proche-Orient donne les éléments d'un travail en commun entre les Etats-Unis et l'Europe. C'est la formulation américaine, ce n'est pas exactement celle des Quinze, mais les termes sont bien pesés. Nous y retrouvons des éléments fondamentaux, une phrase sur les deux Etats, Israël et la Palestine. Je crois que c'est la première fois qu'un Président américain le dit avec autant de clarté. Quant à la phrase disant que la paix n'arrivera que quand tous auront renoncé à toutes les formes de violence, c'est une évidence, c'est très important, il adresse cette remarque à l'ensemble des parties si j'ai bien compris, et c'est présenté comme l'aboutissement du processus de paix. D'un point de vue français et d'un point de vue européen, c'est important que dans ce paragraphe, il n'ait pas redéveloppé la théorie des préalables. Pour nous, la recherche d'une solution politique est une nécessité urgente et la recherche d'une solution politique et la lutte contre le terrorisme doivent être menées de front. Je crois que l'on peut travailler utilement sur la base de ce paragraphe.
Q - Est-ce qu'on pourrait éventuellement imposer une solution si les protagonistes n'arrivent pas à s'entendre ?
R - Les menaces que ce conflit fait peser sur la paix et la sécurité internationale justifient que tous ceux qui en ont la volonté et les moyens s'associent dans une démarche pour obtenir la paix, dès lors que les protagonistes directs n'y arrivent décidément pas par eux-mêmes. Chaque mot a son importance.
Q - Alors comment les aide-t-on ?
R - On les aide par tout ce que nous faisons constamment, par nos contacts, par nos déclarations, par le fait que cette option n'est pas le fait de la France seule, mais de plus en plus celle des Quinze. Comme vous avez pu le noter depuis deux ou trois ans, il y a un rapprochement des positions entre les Quinze sur des lignes qui sont quand même très françaises. Le fait est que la France dit, depuis 1982, que l'Etat palestinien est la solution du problème. Cela va dans ce sens, plus de cohésion, donc à mon avis, plus de poids. Cela se double d'un contact absolument constant avec les Américains. C'était le cas déjà à l'époque Clinton, après il a fallu recommencer les choses dans un contexte nouveau et absolument dégradé par la situation sur le terrain.
Il n'y a pas d'entretien franco-américain au niveau du président, du Premier ministre ou de moi, sans que ces questions soient abordées. C'est le cas ici, entre les membres du P5, au Conseil de sécurité, c'est le cas dans nos voyages. Il y a donc clarté, insistance, convergence des Européens, c'est un sujet dont on parle à peu près à chaque réunion des ministres des Quinze, à chaque CAG, à chaque dîner. Cela fait deux ou trois ans que c'est comme ça. On en parle constamment. On a fini par élaborer des références communes, des réflexes communs sur un terrain où les Européens étaient très divisés en fait auparavant.
Nous parlerons aux Américains, ils ont une analyse différente. Cette équipe ne voulait pas s'impliquer trop directement parce qu'elle avait tiré des conclusions de ce que Clinton avait tenté, qui l'amenaient à agir différemment. Nous sommes plus dans le domaine de la persuasion que de l'imposition. Nous savons bien dans cette affaire du Proche-Orient, qu'au bout d'un moment, ce sont les protagonistes directs qui devront prendre leurs responsabilités et que personne n'arrivera à imposer, ni à Yasser Arafat de signer un accord dans lequel il pense que les droits légitimes de son peuple ne sont pas reconnus, ni aux Israéliens de faire des concessions qui les mettraient, à leurs propres yeux, en péril. On sait bien qu'il y a une limite à ce qui peut être imposé.
Je crois à la force de ce consensus international qui est en train de se développer et je ne crois pas que les Israéliens et les Palestiniens puissent s'en abstraire durablement. Ce qui est demandé aux uns et aux autres n'est pas la même chose. Ils ne sont pas dans la même situation. Il y a un véritable Etat qui existe dans un cas et, dans l'autre cas, c'est un Etat encore virtuel. Les moyens qu'ils ont de part et d'autre pour assurer leur défense, leur sécurité ne sont pas les mêmes. On ne peut donc pas leur demander la même chose, ce ne serait pas pertinent, ce serait inopérant. On demande à chacun ce qu'il peut faire de mieux pour débloquer la situation. Ils sont enchevêtrés les uns avec les autres, ils ont besoin de s'en sortir. Je crois donc qu'à la longue, ils y arriveront. Cela suppose beaucoup de patience, beaucoup d'endurance et nous mesurons les petits cailloux qui seront lâchés sur ce chemin.
A cet égard, je trouve bonnes les quelques phrases du président Bush sur ce plan. Les positions européenne et américaine ne sont pas en train de diverger. On aurait pu le craindre à un moment donné, là c'est plutôt l'inverse. Les approches convergent. Après, il reste à convaincre les protagonistes, convaincre les Israéliens, pas uniquement leur Premier ministre, mais les Israéliens qu'ils peuvent trouver leur sécurité dans un vrai règlement politique et convaincre les Palestiniens qu'au bout du compte, les concessions qui leur sont demandées méritent d'être données parce que leurs droits légitimes seront quand même très largement satisfaits. Il n'y a pas d'autre choix, il faut continuer.
Q - Sur l'Afghanistan, le président Bush a dit toute la semaine, il l'a redit ce matin, qu'il ne suffisait pas d'être sympathique mais qu'il fallait passer à l'action. Il laisse donc entendre qu'un certain nombre de pays ne jouent pas tout à fait le jeu. Est-ce que c'est également le point de vue de la France ? Est-ce qu'il y a des problèmes dans la coalition ? Est-ce qu'il y a des pays qui ne tiennent pas tout à fait leur rôle et si oui, lesquels ?
R - Comme il n'a pas mentionné de pays précis, je ne sais pas à qui il fait allusion et sur le terrain militaire, je ne crois pas que ce soit le cas. Sur le terrain de la coopération en matière de la lutte contre le terrorisme, sur le plan judiciaire, financier, fiscal, là, c'est plus compliqué. Je crois que cela fait partie d'une attitude générale de détermination sur laquelle, je ne veux pas qu'il y ait la moindre ambiguïté. Je ne crois pas que l'on puisse dire aujourd'hui que, dans la coalition, dans la lutte contre le terrorisme, il y ait des pays qui ne jouent pas le jeu. Simplement chaque pays s'y engage avec la situation qui est la sienne, avec ses moyens. C'est plus ou moins facile pour les pays de s'y engager. Je crois donc plutôt que c'est une façon de dire, rappelez-vous que cela va être très dur, que cela va durer longtemps et qu'il faut que nous soyons cohérents avec nous-mêmes. Cela s'applique à tout le monde. Par exemple, la question de la lutte contre le financement du terrorisme, c'est très compliqué. C'est plus compliqué que l'affaire du blanchiment, bien que cela emprunte parfois des mécanismes comparables. Il y a le blanchiment de l'argent sale et il y a le salissement de l'argent propre. Et très souvent le terrorisme n'est pas financé avec de l'argent sale. Les mécanismes de repérage et de détection ne sont donc pas les mêmes, c'est très compliqué. Cela ne pose pas de problème particulier à un pays spécifique, cela pose un problème de mise en oeuvre à tout le monde. C'est compliqué pour le système financier international d'intégrer cette capacité de vigilance et de détection. J'ai compris cela comme une exhortation à l'engagement, à la détermination et à la cohérence de chacun.
Q - Il n'y a pas de problème avec l'Arabie saoudite ?
R - Pas que je sache, sinon, il l'aurait dit, je suppose.
Q - Pour l'instant, il n'en parle pas. Mais en fin, il y a une tentation chez certains dans l'administration de Bush d'étendre leur offensive à d'autres pays. Est-ce que ça ne pourrait pas être dommageable ? Est-ce que vous avez de l'assurance là-dessus ? Est-ce que vous vous posez la question ?
R - Dès le début, quand le Conseil de sécurité a reconnu la légitimité de la riposte au nom de la légitime défense et quand s'est formée cette coalition de facto avec toute une série de pays qui ont dit "on s'engage dans la lutte contre le terrorisme", tous ces pays ont dit "nous soutenons une réaction ciblée sur les organisations terroristes". Et le président Bush et les Américains sont engagés dans une action visant à détruire Al Qaïda et le système taleban, les deux choses étant indémélables. C'est donc ciblé et jusqu'ici cela se passe de façon conforme. Je sais bien - on lit bien ce qui s'écrit, on entend bien ce qui se dit - on sait bien qu'il a un certain nombre de gens aux Etats-Unis qui disent "il faudra aller au-delà, frapper d'autres pays, même s'il n'y a pas de lien direct avec le 11 septembre". Et ce que je constate, c'est que ce n'est pas la stratégie qui a été adoptée par le président Bush et que ce n'est pas non plus la stratégie à laquelle l'ensemble des pays de la coalition ont donné leur approbation. Selon les résolutions du Conseil de sécurité, il s'agit bien de réagir à l'attentat du 11 septembre. Pour le moment, c'est donc une question qui reste spéculative.
Q - ... Il y a un prix à payer et vous vous posez la question "puisqu'il n'a pas cité de pays, quel sont les pays ?", Est-ce qu'il n'est pas à craindre que les Etats Unis n'agissent seuls ?
R - Non, je ne vais pas faire de spéculation psychologique sur le discours. C'est un discours de détermination, c'est le président d'un pays qui a été terriblement frappé le 11 septembre et qui veut montrer devant les Nations unies, d'abord qu'il considère les Nations unies comme ayant un rôle important à jouer, ce qui n'était pas évident, compte tenu des positions générales de cette équipe avant. Il a fait un discours de mobilisation, je ne le prends pas autrement.
Q - Lorsque vous avez vu Colin Powell mardi à Washington, lorsque vous avez discuté avec lui, est-ce que sans pour autant trahir des secrets d'Etat, il vous a donné une idée sur la suite des événements ?
R - La suite des événements est simple. Ils agissent contre Al Qaïda, jusqu'à ce qu'ils aient cassé cette organisation et détruit ses capacités de nuisance. Et comme - je le répète - elle est totalement enchevêtré avec le système taleban, c'est une seule et même logique. D'où la destruction des infrastructures dont ils pourraient se servir, toutes celles qui peuvent avoir une raison militaire : puis l'action que vous avez observée ces derniers jours qui consiste à des frappes de plus en plus précises sur des concentrations militaires, ce qui a permis la prise de Mazar-i-Charif. Il y a une logique qui se déroule, il n'y a pas de surprise. Ce qu'on ne sait jamais, c'est combien de temps cela prend parce que, dans aucune guerre, personne ne sait jamais comment les choses tournent. Ce n'est pas programmé, ce n'est pas écrit à l'avance.
Q - Est-ce que vous avez le sentiment qu'il y a une vision à long terme sur leur objectif militaire ?
R - La vision à long terme militaire, c'est de casser Al Qaïda et le système taleban. Voilà une vision qui est claire et simple, elle est assez facile à comprendre. Quant à la vision politique, elle rejoint exactement ce que nous disons depuis octobre ; il faut préparer le remplacement de ce régime par un processus, une autorité puis un gouvernement qui rassemble l'ensemble des Afghans, pour éviter que les Afghans ne recommencent le cycle de la guerre civile de 92 et après. La difficulté étant que - comme le dit M. Brahimi "il faut que ce soit les Afghans eux-mêmes qui portent le processus". Nous devons créer les conditions adéquates. Les Américains ont la même approche que nous. Ils n'ont pas plus que nous la solution immédiate, comme un lapin qui sortirait d'un chapeau, ils ne peuvent pas dire : "Voilà le gouvernement de Kaboul de demain matin !" Ils travaillent dans la même direction. Je ne sens pas d'ambiguïté là-dessus.
Q - On a l'impression que cela reste très très flou. M. Brahimi ne va pas y arriver tout seul. Et en même temps, on a l'impression que le cadre de l'action politique n'est pas tout à fait défini.
R - M. Brahimi ne va pas y arriver tout seul, mais il n'est pas tout seul. L'ensemble de ceux qui essaient d'apporter leur contribution à ce processus soutiennent M. Brahimi, qui lui-même essaie de travailler à la fusion des différents processus qui avaient commencé à être développés. Il travaille donc sur des bases que nous trouvons bien fondées et que nous soutenons. Cela veut dire, convaincre les Iraniens et les Pakistanais. C'est normal qu'ils soient préoccupés de leurs intérêts légitimes. Aucun de ces deux pays ne veut avoir un Afghanistan qui soit une base de départ pour des actions hostiles. C'est le cas aussi des voisins du Nord. Cela c'est normal, mais il y a une limite à redéfinir entre la prise en compte légitime des intérêts du pays voisin qui veut un Afghanistan stable et puis le fait d'instrumentaliser les fractions afghanes pour exercer une influence disproportionnée en Afghanistan.
Il y a donc un appel aux différents pays voisins pour qu'ils s'en tiennent à la prise en compte de leurs intérêts légitimes. Et par l'intermédiaire de ces différents voisins, par l'intermédiaire d'autres contacts directs ou indirects, il y a un appel aux fractions afghanes pour qu'elles se mettent d'accord sur la représentation, à peu près, des uns et des autres dans le processus. Il faut donc qu'ils se mettent d'accord sur ce que chacun représente. Il est clair que nous souhaitons pour les Afghans demain un pouvoir dans lequel, et les Pachtounes, et les Tadjiks, et les Ouzbeks, et les Azaras, et les quelques autres minorités se sentent représentés. Je n'ai pas de formule arithmétique parfaite. Personne n'en a. Mais nous pensons que s'il y a un gouvernement qui soit dominé par les Pachtounes, même s'il y a deux trois autres qui font de la figuration, ou dominé par l'Alliance du nord, même s'il y a symboliquement quelques Pachtounes, ce n'est pas la solution. Ils vont recommencer comme avant.
Nous travaillons donc avec les pays voisins ou limitrophes et avec les pays protecteurs et ceux de ces groupes avec lesquels le dialogue a pu être établi dans ce sens. S'ils se préoccupent de l'Afghanistan en tant que pays et du peuple afghan, ces groupes ont une occasion unique d'obtenir une aide internationale comme jamais auparavant. C'est une aide à la fois urgente, immédiate, et pour la reconstruction dans la durée, cela vaut quand même le coup de surmonter les divergences. Voilà ce que nous sommes tous en train de dire et c'est très cohérent. M. Brahimi représente cela pour nous tous.
Q - Que peut faire l'ONU ?
R - La plupart des pays qui se sont penchés sur la question afghane, notamment quatre pays européens que vous connaissez - j'ai cité le plan français mais il y a eu aussi les propositions britannique, allemande, italienne -, les Etats-Unis, la plupart des autres, les Japonais qui peuvent jouer un rôle dans la reconstruction, les Russes, tout le monde insiste sur le rôle de l'ONU. C'est très bien. C'est très bien parce que ce n'était pas évident. Il y a d'autres cas où ce n'est pas la réaction. M. Brahimi - doublement instruit par une expérience antérieure sur l'Afghanistan et par le rapport remarquable qu'il a fait sur les opérations de maintien de la paix - sait précisément que les opérations de maintien de la paix que l'on déclenche là où il n'y a pas de paix ne marchent pas. Après c'est l'ONU qui est en procès.
Il est donc très prudent, il est responsable et rigoureux. La réaction de l'ONU en tant qu'organisme, c'est de dire, "on peut faire des choses s'il y a un minimum d'accord politique". C'est ce que nous essayons de faire par nos actions multiples, depuis des semaines, par l'action de M. Brahimi en le soutenant, par la résolution que les Britanniques et les Français ont lancée pour encadrer tout cela.
S'il y a un minimum d'accord politique, on peut concevoir qu'il y ait une opération de maintien de la paix qui tienne sur la base de l'accord. Mais il ne faut pas mettre la charrue avant les bufs. On ne peut pas faire imposer la paix par une force des Nations unies, si l'action militaire préalable n'est pas terminée et s'il n'y a pas un minimum d'accord politique. Voyez les éléments disponibles, il faut les conjuguer correctement, il faut ordonner la séquence.
Q - Il y a un débat à l'Assemblée générale soulevé par les pays arabes sur la légitimité de l'action armée des mouvements de libération nationale qui peut concerner les mouvements palestiniens, les voisins libanais.... Il semble que ce débat empêche l'adoption de la convention générale contre le terrorisme. Où est-ce que se situe la France dans ce débat ?
R - La France pense que la convention est utile par définition mais aussi, que c'est typiquement un débat qui peut tout envenimer. Aujourd'hui, nous n'avons pas besoin de discussions apparemment théoriques, en réalité explosives sur cette question et dès lors que l'on sait d'avance que l'on ne peut pas, à court terme, se mettre d'accord sur les définitions directes. Je pense que ce n'est pas raisonnable de forcer les choses là-dessus. Nous avons des priorités. La priorité, c'est l'affaire afghane.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 13 novembre 2001)
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Interview aux radios et télévisions françaises, à New York, le 10 novembre 2001 :
Q - Sur le plan des outils de lutte contre le terrorisme, que peuvent faire spécifiquement les Européens ? Vous parliez notamment d'un mandat d'arrêt européen, qu'est-ce que cela veut dire ?
R - Les Européens se sont réunis plusieurs fois, après le 11 septembre, au niveau des ministres compétents, au niveau des chefs d'Etat et de gouvernement pour prendre des dispositions en ce qui les concerne, et en pratique, ils ont décidé d'accélérer toutes les mesures de coopération judiciaire et policière, qui avaient été décidées en principe dans le cadre de la construction de l'Europe dans un Conseil européen spécial en Finlande, à Tampere. Le résultat, c'est que l'on va faire en un an, un an et demi, ce qui aurait peut-être pris dix ans. Par exemple, à l'heure actuelle, il y a des procédures différentes dans chaque pays en ce qui concerne l'extradition. C'est long, c'est compliqué, les lois ne sont pas les mêmes, les peines ne sont pas les mêmes d'un pays à l'autre. L'objectif est que, notamment dans ces cas de terrorisme, les extraditions deviennent automatiques. Cela suppose d'avoir harmonisé les législations et les peines. C'est un exemple. Sur tous les plans, à tous les niveaux de coopération, vous allez assister à cette accélération.
Q - Monsieur le Ministre, quelle est votre réaction à la chute de Mazar-i-Charif ?
R - C'est un résultat militaire important à un moment où certaines opinions s'interrogeaient sur les effets possibles de ces actions militaires. Ces actions militaires menées depuis quelques semaines étaient inévitables, elles étaient indispensables, elles avaient été jugées légitimes. C'était un préalable à la suite. Et la suite, c'est notamment ce qui commence avec cette chute de Mazar-i-Charif que les Taleban ont perdu. Il faut maintenant que ce soit consolidé car il y a encore des forces taleban dans cette région et ce processus doit se poursuivre, puisque l'objectif soutenu par la communauté internationale, à travers le Conseil de sécurité, c'est de mettre hors d'état de nuire Al Qaïda et le système taleban. Mais cela rend d'autant plus urgente une solution politique de remplacement à ce régime des Taleban.
Q - Comment avez-vous trouvé le discours de Georges Bush ?
R - C'était un discours traduisant une très grande détermination dans cette lutte contre le terrorisme, le discours du président d'un pays meurtri comme jamais auparavant par les attentats et la tragédie du 11 septembre et marquait un engagement total sur ce sujet. Ce discours était construit sur ce point. Il comportait aussi un paragraphe à propos du Proche-Orient, dans lequel le président Bush a exprimé l'espoir qu'un jour il y ait, côte à côte, au Proche-Orient, un Etat d'Israël et un Etat de Palestine. A ma connaissance, c'est la première fois qu'un président des Etats-Unis d'Amérique le dit dans ces termes. Cela montre que les positions américaines et européennes sont convergentes. Il nous reste à travailler ensemble pour développer le processus de paix au Proche-Orient et pour atteindre, un jour, dans le moins de temps possible, cet objectif.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 13 novembre 2001)
La session de l'assemblée est dominée par les conséquences du 11 septembre, la réaction au 11 septembre, la lutte contre le terrorisme. J'ai construit mon intervention sur l'idée que tous les problèmes qui existaient avant le 11 septembre sont toujours là, qu'ils n'ont pas disparu et que la mobilisation nécessaire contre le terrorisme s'ajoute aux autres actions, elle ne vient pas s'y substituer. Le raisonnement d'ensemble est qu'il y a une raison de plus, raison de plus pour traiter vraiment les conflits régionaux, à commencer par le Proche-Orient, sans oublier les autres, une raison de plus pour s'attaquer sérieusement et plus qu'en paroles ou à travers de bonnes résolutions à certains problèmes fondamentaux du monde.
Je n'ai pas besoin de souligner à quel point nous sommes d'accord en ce qui concerne la lutte contre le terrorisme. L'engagement de la France a été rappelé à de multiples reprises en France et à l'étranger, ici par le président de la République, cela a été dit très régulièrement par le Premier ministre, notamment au Parlement. Il y a eu toute une série d'actes de déclarations, de mesures : c'est un axe fort et clair. Dès la mi-septembre nous disions que la lutte contre le terrorisme était une affaire de longue haleine, qu'il y avait, une dimension punitive, une dimension inévitablement militaire, mais que c'est aussi un travail dans la durée, sur les plans juridique, judiciaire, policier, fiscal... Sur tous ces points, nous avons pris des dispositions nationales, des dispositions européennes et nous avons accéléré ou appelé à l'accélération de toute une série de dispositifs et d'adoption de textes nouveaux au sein des Nations Unies ou ailleurs. Cela forme un cadre, cela lance une action dans la durée.
Dès le début, trois ou quatre jours après le 11 septembre, nous disions aussi que la lutte contre le terrorisme n'atteindrait ses objectifs que si on traite les choses au fond, si on éradique, au sens propre du terme : si on traite les racines. Et sans entrer dans des discussions oiseuses sur le fait de savoir quel est le lien entre tel ou tel conflit et le terrorisme..., ce que nous savons nous, c'est qu'il faut traiter les problèmes du monde. Parce que s'il y a une diplomatie qui n'a pas attendu le 11 septembre pour découvrir tout cela, c'est bien la diplomatie française, avec des accents qui peuvent changer, mais avec des continuités fortes aussi.
Si vous repreniez les discours prononcés ces dernières années, par le président, par le Premier ministre, par moi-même plusieurs fois, vous verriez une continuité très grande sur ces sujets qui, nous l'espérons, vont bénéficier d'une attention accrue, d'une volonté plus grande. Et, en même temps, nous savons que l'on a souvent l'occasion de prendre des engagements de ce genre mais qu'ensuite, la concrétisation, la mise en oeuvre, est très difficile.
En tout cas, c'est l'axe du discours : engagement dans la lutte contre le terrorisme, raisons supplémentaires de traiter les problèmes du monde. Et quand je dis des raisons supplémentaires, ce n'est pas simplement après le 11 septembre. C'était tout à fait clair aussi à propos de la mondialisation. C'était tout à fait clair à propos de Durban, il y a eu, à la fois des accusations tout à fait inacceptables à propos d'Israël et en même temps, la manifestation impossible à ne pas voir, de toute une série de désaccords fondamentaux, de fractures, d'antagonismes. Mon fil conducteur est donc que la communauté internationale, terme que l'on emploie souvent ici, est à construire. Elle n'est pas faite.
Q - Qu'allez-vous faire pendant votre séjour à l'ONU ?
R - J'ai déjà commencé à avoir beaucoup de contacts comme c'est le cas ici, quelques rendez-vous préparés à l'avance, un nombre tout à fait considérable de rencontres de couloir, de rencontres pendant les déjeuners. L'Afghanistan va dominer beaucoup de rencontres. D'abord, le déjeuner du P5 avec le Secrétaire général, lundi. Le débat du Conseil de sécurité, mardi, en fin de matinée. Au sens large du terme, c'est à dire sur le terrorisme, le débat, lundi, en fin de matinée. Et je pense que l'on en parlera aussi avec M. Ivanov, ce soir, nous dînons avec lui à Quinze, avec M. Colin Powell, dimanche en fin de matinée, à Quinze. J'ai eu deux contacts avec M. Powell ce matin, j'ai reparlé avec le ministre indien, et avec le président Musharraf...
Q - Où en est-on en Afghanistan ?
R - Sur le plan militaire, les choses évoluent avec la prise de Mazar-i-Charif. J'espère que cette prise sera consolidée, donc les choses peuvent évoluer sur ce front, alors qu'on avait le sentiment que cela ne bougeait pas depuis un certain temps. Cela ne rend que plus urgente la mise sur pied d'une solution politique. Vous vous rappelez que dès le 1er octobre, nous avions été les premiers dans notre plan pour l'Afghanistan, à souligner qu'il y aurait certes la dimension humanitaire, très importante, très urgente et ensuite la dimension de reconstruction mais, dans l'immédiat, que la dimension politique était très importante. Nous l'avions dit très tôt car nous avions en mémoire, j'avais en mémoire, ce qui s'était passé dans les années 92 et après. Il ne faut absolument pas que les Afghans retombent dans le cycle des affrontements internes entre factions, entre ethnies, entre groupes... Tout le monde depuis a convenu qu'il fallait essayer d'amener les Afghans à se rassembler, à surmonter les difficultés.
C'est à cela que travaille M. Brahimi. C'est cela que le Conseil de sécurité devrait encadrer dans une résolution très prochaine, qui devrait donner à ces principes, que nous avions déjà exprimés, une solennité plus grande. Cela devrait aider M. Brahimi à travailler. Mais l'accord n'est pas encore fait. L'accord sur la résolution va être fait, mais l'accord sur le processus politique et son contenu et les autorités d'un gouvernement représentatif de l'ensemble du peuple afghan n'est pas encore fait. Il reste des désaccords entre, soit les différents groupes d'Afghans, soit entre certains pays voisins protecteurs de tel ou tel groupe. Nous soutenons complètement M. Brahimi qui fait un travail très remarquable sur un sujet qui est extrêmement difficile. Il ne peut pas faire sortir un gouvernement par miracle, mais c'est vrai que cela presse maintenant. C'est vraiment urgent.
Q - Et sur le plan humanitaire ?
R - Dans le domaine humanitaire il existe beaucoup d'initiatives : les ONG, les représentants des grandes organisations des Nations unies, des spécialistes qui sont là depuis très longtemps, qui savent très bien ce qui se passe. On a pu le constater les uns et les autres, tous ceux qui ont été dans la région, j'ai pu le voir à Islamabad, d'autres ministres l'ont vu dans d'autres pays. On ne manque pas d'aide en réalité, il n'y a pas véritablement de manque. Il n'y pas de problème de logistique pour aller jusqu'aux pays voisins, mais il y a des problèmes très considérables pour aller à l'intérieur de l'Afghanistan. Beaucoup de suggestions ont été faites parce qu'on s'inquiète de l'arrivée de l'hiver, mais aucune de ces suggestions n'était une solution globale. On peut espérer que la prise de Mazar-i-Charif va changer la situation et permettre d'avoir une base logistique, et qu'une action humanitaire va pouvoir se développer à partir du Nord. Vous savez que c'est l'ensemble du pays, l'ensemble du peuple afghan qui est frappé par cette situation, depuis des années et des années. C'est spécialement vrai dans le Nord et le Nord-Ouest. L'accès aux populations qui sont dans les zones centrales complètement tenues par les Taleban, les zones les plus montagneuses ne peut être vraiment résolu qu'avec l'évolution de la situation militaire. Il n'y a pas de solution miracle, on ne peut pas faire de corridor, par exemple, entre les Taleban et les autres. On ne peut faire des corridors à partir des zones contrôlées par les forces de l'Alliance du nord ou par les Pachtounes qui arriveraient à faire l'équivalent dans la zone Sud.
Mais il y a beaucoup d'ONG sur place qui arrivent quand même à travailler, à faire passer des couvertures ou des vivres. Sur le plan humanitaire, il faut maintenir cet engagement. Plusieurs projets de conférences ont été envisagés. Une conférence est prévue notamment le 20 novembre à New York et naturellement l'Europe y participera. Mais il y a le rôle des Etats-Unis, il y a le rôle du Japon, il y aura le rôle de l'Europe car s'il y a un domaine où l'Union européenne, à travers la Commission, a des instruments juridiques et financiers et une expérience pour intervenir, c'est bien l'humanitaire et à la charnière entre l'humanitaire et la reconstruction. C'est très important.
Voilà quelques commentaires sur la session et l'Afghanistan. Vous avez entendu les principaux discours d'aujourd'hui, le discours du Secrétaire général qui a développé les thèmes qui sont les siens et que nous approuvons pleinement, avec notamment une autorité accrue par le Prix Nobel et par son nouveau mandat. En ce moment le Secrétaire général fait l'unanimité à tous points de vue. Nous avons tous à cur de l'aider dans sa mission.
Le président Bush a fait un discours qui, je crois, a impressionné l'Assemblée par sa détermination. Le paragraphe sur le Proche-Orient donne les éléments d'un travail en commun entre les Etats-Unis et l'Europe. C'est la formulation américaine, ce n'est pas exactement celle des Quinze, mais les termes sont bien pesés. Nous y retrouvons des éléments fondamentaux, une phrase sur les deux Etats, Israël et la Palestine. Je crois que c'est la première fois qu'un Président américain le dit avec autant de clarté. Quant à la phrase disant que la paix n'arrivera que quand tous auront renoncé à toutes les formes de violence, c'est une évidence, c'est très important, il adresse cette remarque à l'ensemble des parties si j'ai bien compris, et c'est présenté comme l'aboutissement du processus de paix. D'un point de vue français et d'un point de vue européen, c'est important que dans ce paragraphe, il n'ait pas redéveloppé la théorie des préalables. Pour nous, la recherche d'une solution politique est une nécessité urgente et la recherche d'une solution politique et la lutte contre le terrorisme doivent être menées de front. Je crois que l'on peut travailler utilement sur la base de ce paragraphe.
Q - Est-ce qu'on pourrait éventuellement imposer une solution si les protagonistes n'arrivent pas à s'entendre ?
R - Les menaces que ce conflit fait peser sur la paix et la sécurité internationale justifient que tous ceux qui en ont la volonté et les moyens s'associent dans une démarche pour obtenir la paix, dès lors que les protagonistes directs n'y arrivent décidément pas par eux-mêmes. Chaque mot a son importance.
Q - Alors comment les aide-t-on ?
R - On les aide par tout ce que nous faisons constamment, par nos contacts, par nos déclarations, par le fait que cette option n'est pas le fait de la France seule, mais de plus en plus celle des Quinze. Comme vous avez pu le noter depuis deux ou trois ans, il y a un rapprochement des positions entre les Quinze sur des lignes qui sont quand même très françaises. Le fait est que la France dit, depuis 1982, que l'Etat palestinien est la solution du problème. Cela va dans ce sens, plus de cohésion, donc à mon avis, plus de poids. Cela se double d'un contact absolument constant avec les Américains. C'était le cas déjà à l'époque Clinton, après il a fallu recommencer les choses dans un contexte nouveau et absolument dégradé par la situation sur le terrain.
Il n'y a pas d'entretien franco-américain au niveau du président, du Premier ministre ou de moi, sans que ces questions soient abordées. C'est le cas ici, entre les membres du P5, au Conseil de sécurité, c'est le cas dans nos voyages. Il y a donc clarté, insistance, convergence des Européens, c'est un sujet dont on parle à peu près à chaque réunion des ministres des Quinze, à chaque CAG, à chaque dîner. Cela fait deux ou trois ans que c'est comme ça. On en parle constamment. On a fini par élaborer des références communes, des réflexes communs sur un terrain où les Européens étaient très divisés en fait auparavant.
Nous parlerons aux Américains, ils ont une analyse différente. Cette équipe ne voulait pas s'impliquer trop directement parce qu'elle avait tiré des conclusions de ce que Clinton avait tenté, qui l'amenaient à agir différemment. Nous sommes plus dans le domaine de la persuasion que de l'imposition. Nous savons bien dans cette affaire du Proche-Orient, qu'au bout d'un moment, ce sont les protagonistes directs qui devront prendre leurs responsabilités et que personne n'arrivera à imposer, ni à Yasser Arafat de signer un accord dans lequel il pense que les droits légitimes de son peuple ne sont pas reconnus, ni aux Israéliens de faire des concessions qui les mettraient, à leurs propres yeux, en péril. On sait bien qu'il y a une limite à ce qui peut être imposé.
Je crois à la force de ce consensus international qui est en train de se développer et je ne crois pas que les Israéliens et les Palestiniens puissent s'en abstraire durablement. Ce qui est demandé aux uns et aux autres n'est pas la même chose. Ils ne sont pas dans la même situation. Il y a un véritable Etat qui existe dans un cas et, dans l'autre cas, c'est un Etat encore virtuel. Les moyens qu'ils ont de part et d'autre pour assurer leur défense, leur sécurité ne sont pas les mêmes. On ne peut donc pas leur demander la même chose, ce ne serait pas pertinent, ce serait inopérant. On demande à chacun ce qu'il peut faire de mieux pour débloquer la situation. Ils sont enchevêtrés les uns avec les autres, ils ont besoin de s'en sortir. Je crois donc qu'à la longue, ils y arriveront. Cela suppose beaucoup de patience, beaucoup d'endurance et nous mesurons les petits cailloux qui seront lâchés sur ce chemin.
A cet égard, je trouve bonnes les quelques phrases du président Bush sur ce plan. Les positions européenne et américaine ne sont pas en train de diverger. On aurait pu le craindre à un moment donné, là c'est plutôt l'inverse. Les approches convergent. Après, il reste à convaincre les protagonistes, convaincre les Israéliens, pas uniquement leur Premier ministre, mais les Israéliens qu'ils peuvent trouver leur sécurité dans un vrai règlement politique et convaincre les Palestiniens qu'au bout du compte, les concessions qui leur sont demandées méritent d'être données parce que leurs droits légitimes seront quand même très largement satisfaits. Il n'y a pas d'autre choix, il faut continuer.
Q - Sur l'Afghanistan, le président Bush a dit toute la semaine, il l'a redit ce matin, qu'il ne suffisait pas d'être sympathique mais qu'il fallait passer à l'action. Il laisse donc entendre qu'un certain nombre de pays ne jouent pas tout à fait le jeu. Est-ce que c'est également le point de vue de la France ? Est-ce qu'il y a des problèmes dans la coalition ? Est-ce qu'il y a des pays qui ne tiennent pas tout à fait leur rôle et si oui, lesquels ?
R - Comme il n'a pas mentionné de pays précis, je ne sais pas à qui il fait allusion et sur le terrain militaire, je ne crois pas que ce soit le cas. Sur le terrain de la coopération en matière de la lutte contre le terrorisme, sur le plan judiciaire, financier, fiscal, là, c'est plus compliqué. Je crois que cela fait partie d'une attitude générale de détermination sur laquelle, je ne veux pas qu'il y ait la moindre ambiguïté. Je ne crois pas que l'on puisse dire aujourd'hui que, dans la coalition, dans la lutte contre le terrorisme, il y ait des pays qui ne jouent pas le jeu. Simplement chaque pays s'y engage avec la situation qui est la sienne, avec ses moyens. C'est plus ou moins facile pour les pays de s'y engager. Je crois donc plutôt que c'est une façon de dire, rappelez-vous que cela va être très dur, que cela va durer longtemps et qu'il faut que nous soyons cohérents avec nous-mêmes. Cela s'applique à tout le monde. Par exemple, la question de la lutte contre le financement du terrorisme, c'est très compliqué. C'est plus compliqué que l'affaire du blanchiment, bien que cela emprunte parfois des mécanismes comparables. Il y a le blanchiment de l'argent sale et il y a le salissement de l'argent propre. Et très souvent le terrorisme n'est pas financé avec de l'argent sale. Les mécanismes de repérage et de détection ne sont donc pas les mêmes, c'est très compliqué. Cela ne pose pas de problème particulier à un pays spécifique, cela pose un problème de mise en oeuvre à tout le monde. C'est compliqué pour le système financier international d'intégrer cette capacité de vigilance et de détection. J'ai compris cela comme une exhortation à l'engagement, à la détermination et à la cohérence de chacun.
Q - Il n'y a pas de problème avec l'Arabie saoudite ?
R - Pas que je sache, sinon, il l'aurait dit, je suppose.
Q - Pour l'instant, il n'en parle pas. Mais en fin, il y a une tentation chez certains dans l'administration de Bush d'étendre leur offensive à d'autres pays. Est-ce que ça ne pourrait pas être dommageable ? Est-ce que vous avez de l'assurance là-dessus ? Est-ce que vous vous posez la question ?
R - Dès le début, quand le Conseil de sécurité a reconnu la légitimité de la riposte au nom de la légitime défense et quand s'est formée cette coalition de facto avec toute une série de pays qui ont dit "on s'engage dans la lutte contre le terrorisme", tous ces pays ont dit "nous soutenons une réaction ciblée sur les organisations terroristes". Et le président Bush et les Américains sont engagés dans une action visant à détruire Al Qaïda et le système taleban, les deux choses étant indémélables. C'est donc ciblé et jusqu'ici cela se passe de façon conforme. Je sais bien - on lit bien ce qui s'écrit, on entend bien ce qui se dit - on sait bien qu'il a un certain nombre de gens aux Etats-Unis qui disent "il faudra aller au-delà, frapper d'autres pays, même s'il n'y a pas de lien direct avec le 11 septembre". Et ce que je constate, c'est que ce n'est pas la stratégie qui a été adoptée par le président Bush et que ce n'est pas non plus la stratégie à laquelle l'ensemble des pays de la coalition ont donné leur approbation. Selon les résolutions du Conseil de sécurité, il s'agit bien de réagir à l'attentat du 11 septembre. Pour le moment, c'est donc une question qui reste spéculative.
Q - ... Il y a un prix à payer et vous vous posez la question "puisqu'il n'a pas cité de pays, quel sont les pays ?", Est-ce qu'il n'est pas à craindre que les Etats Unis n'agissent seuls ?
R - Non, je ne vais pas faire de spéculation psychologique sur le discours. C'est un discours de détermination, c'est le président d'un pays qui a été terriblement frappé le 11 septembre et qui veut montrer devant les Nations unies, d'abord qu'il considère les Nations unies comme ayant un rôle important à jouer, ce qui n'était pas évident, compte tenu des positions générales de cette équipe avant. Il a fait un discours de mobilisation, je ne le prends pas autrement.
Q - Lorsque vous avez vu Colin Powell mardi à Washington, lorsque vous avez discuté avec lui, est-ce que sans pour autant trahir des secrets d'Etat, il vous a donné une idée sur la suite des événements ?
R - La suite des événements est simple. Ils agissent contre Al Qaïda, jusqu'à ce qu'ils aient cassé cette organisation et détruit ses capacités de nuisance. Et comme - je le répète - elle est totalement enchevêtré avec le système taleban, c'est une seule et même logique. D'où la destruction des infrastructures dont ils pourraient se servir, toutes celles qui peuvent avoir une raison militaire : puis l'action que vous avez observée ces derniers jours qui consiste à des frappes de plus en plus précises sur des concentrations militaires, ce qui a permis la prise de Mazar-i-Charif. Il y a une logique qui se déroule, il n'y a pas de surprise. Ce qu'on ne sait jamais, c'est combien de temps cela prend parce que, dans aucune guerre, personne ne sait jamais comment les choses tournent. Ce n'est pas programmé, ce n'est pas écrit à l'avance.
Q - Est-ce que vous avez le sentiment qu'il y a une vision à long terme sur leur objectif militaire ?
R - La vision à long terme militaire, c'est de casser Al Qaïda et le système taleban. Voilà une vision qui est claire et simple, elle est assez facile à comprendre. Quant à la vision politique, elle rejoint exactement ce que nous disons depuis octobre ; il faut préparer le remplacement de ce régime par un processus, une autorité puis un gouvernement qui rassemble l'ensemble des Afghans, pour éviter que les Afghans ne recommencent le cycle de la guerre civile de 92 et après. La difficulté étant que - comme le dit M. Brahimi "il faut que ce soit les Afghans eux-mêmes qui portent le processus". Nous devons créer les conditions adéquates. Les Américains ont la même approche que nous. Ils n'ont pas plus que nous la solution immédiate, comme un lapin qui sortirait d'un chapeau, ils ne peuvent pas dire : "Voilà le gouvernement de Kaboul de demain matin !" Ils travaillent dans la même direction. Je ne sens pas d'ambiguïté là-dessus.
Q - On a l'impression que cela reste très très flou. M. Brahimi ne va pas y arriver tout seul. Et en même temps, on a l'impression que le cadre de l'action politique n'est pas tout à fait défini.
R - M. Brahimi ne va pas y arriver tout seul, mais il n'est pas tout seul. L'ensemble de ceux qui essaient d'apporter leur contribution à ce processus soutiennent M. Brahimi, qui lui-même essaie de travailler à la fusion des différents processus qui avaient commencé à être développés. Il travaille donc sur des bases que nous trouvons bien fondées et que nous soutenons. Cela veut dire, convaincre les Iraniens et les Pakistanais. C'est normal qu'ils soient préoccupés de leurs intérêts légitimes. Aucun de ces deux pays ne veut avoir un Afghanistan qui soit une base de départ pour des actions hostiles. C'est le cas aussi des voisins du Nord. Cela c'est normal, mais il y a une limite à redéfinir entre la prise en compte légitime des intérêts du pays voisin qui veut un Afghanistan stable et puis le fait d'instrumentaliser les fractions afghanes pour exercer une influence disproportionnée en Afghanistan.
Il y a donc un appel aux différents pays voisins pour qu'ils s'en tiennent à la prise en compte de leurs intérêts légitimes. Et par l'intermédiaire de ces différents voisins, par l'intermédiaire d'autres contacts directs ou indirects, il y a un appel aux fractions afghanes pour qu'elles se mettent d'accord sur la représentation, à peu près, des uns et des autres dans le processus. Il faut donc qu'ils se mettent d'accord sur ce que chacun représente. Il est clair que nous souhaitons pour les Afghans demain un pouvoir dans lequel, et les Pachtounes, et les Tadjiks, et les Ouzbeks, et les Azaras, et les quelques autres minorités se sentent représentés. Je n'ai pas de formule arithmétique parfaite. Personne n'en a. Mais nous pensons que s'il y a un gouvernement qui soit dominé par les Pachtounes, même s'il y a deux trois autres qui font de la figuration, ou dominé par l'Alliance du nord, même s'il y a symboliquement quelques Pachtounes, ce n'est pas la solution. Ils vont recommencer comme avant.
Nous travaillons donc avec les pays voisins ou limitrophes et avec les pays protecteurs et ceux de ces groupes avec lesquels le dialogue a pu être établi dans ce sens. S'ils se préoccupent de l'Afghanistan en tant que pays et du peuple afghan, ces groupes ont une occasion unique d'obtenir une aide internationale comme jamais auparavant. C'est une aide à la fois urgente, immédiate, et pour la reconstruction dans la durée, cela vaut quand même le coup de surmonter les divergences. Voilà ce que nous sommes tous en train de dire et c'est très cohérent. M. Brahimi représente cela pour nous tous.
Q - Que peut faire l'ONU ?
R - La plupart des pays qui se sont penchés sur la question afghane, notamment quatre pays européens que vous connaissez - j'ai cité le plan français mais il y a eu aussi les propositions britannique, allemande, italienne -, les Etats-Unis, la plupart des autres, les Japonais qui peuvent jouer un rôle dans la reconstruction, les Russes, tout le monde insiste sur le rôle de l'ONU. C'est très bien. C'est très bien parce que ce n'était pas évident. Il y a d'autres cas où ce n'est pas la réaction. M. Brahimi - doublement instruit par une expérience antérieure sur l'Afghanistan et par le rapport remarquable qu'il a fait sur les opérations de maintien de la paix - sait précisément que les opérations de maintien de la paix que l'on déclenche là où il n'y a pas de paix ne marchent pas. Après c'est l'ONU qui est en procès.
Il est donc très prudent, il est responsable et rigoureux. La réaction de l'ONU en tant qu'organisme, c'est de dire, "on peut faire des choses s'il y a un minimum d'accord politique". C'est ce que nous essayons de faire par nos actions multiples, depuis des semaines, par l'action de M. Brahimi en le soutenant, par la résolution que les Britanniques et les Français ont lancée pour encadrer tout cela.
S'il y a un minimum d'accord politique, on peut concevoir qu'il y ait une opération de maintien de la paix qui tienne sur la base de l'accord. Mais il ne faut pas mettre la charrue avant les bufs. On ne peut pas faire imposer la paix par une force des Nations unies, si l'action militaire préalable n'est pas terminée et s'il n'y a pas un minimum d'accord politique. Voyez les éléments disponibles, il faut les conjuguer correctement, il faut ordonner la séquence.
Q - Il y a un débat à l'Assemblée générale soulevé par les pays arabes sur la légitimité de l'action armée des mouvements de libération nationale qui peut concerner les mouvements palestiniens, les voisins libanais.... Il semble que ce débat empêche l'adoption de la convention générale contre le terrorisme. Où est-ce que se situe la France dans ce débat ?
R - La France pense que la convention est utile par définition mais aussi, que c'est typiquement un débat qui peut tout envenimer. Aujourd'hui, nous n'avons pas besoin de discussions apparemment théoriques, en réalité explosives sur cette question et dès lors que l'on sait d'avance que l'on ne peut pas, à court terme, se mettre d'accord sur les définitions directes. Je pense que ce n'est pas raisonnable de forcer les choses là-dessus. Nous avons des priorités. La priorité, c'est l'affaire afghane.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 13 novembre 2001)
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Interview aux radios et télévisions françaises, à New York, le 10 novembre 2001 :
Q - Sur le plan des outils de lutte contre le terrorisme, que peuvent faire spécifiquement les Européens ? Vous parliez notamment d'un mandat d'arrêt européen, qu'est-ce que cela veut dire ?
R - Les Européens se sont réunis plusieurs fois, après le 11 septembre, au niveau des ministres compétents, au niveau des chefs d'Etat et de gouvernement pour prendre des dispositions en ce qui les concerne, et en pratique, ils ont décidé d'accélérer toutes les mesures de coopération judiciaire et policière, qui avaient été décidées en principe dans le cadre de la construction de l'Europe dans un Conseil européen spécial en Finlande, à Tampere. Le résultat, c'est que l'on va faire en un an, un an et demi, ce qui aurait peut-être pris dix ans. Par exemple, à l'heure actuelle, il y a des procédures différentes dans chaque pays en ce qui concerne l'extradition. C'est long, c'est compliqué, les lois ne sont pas les mêmes, les peines ne sont pas les mêmes d'un pays à l'autre. L'objectif est que, notamment dans ces cas de terrorisme, les extraditions deviennent automatiques. Cela suppose d'avoir harmonisé les législations et les peines. C'est un exemple. Sur tous les plans, à tous les niveaux de coopération, vous allez assister à cette accélération.
Q - Monsieur le Ministre, quelle est votre réaction à la chute de Mazar-i-Charif ?
R - C'est un résultat militaire important à un moment où certaines opinions s'interrogeaient sur les effets possibles de ces actions militaires. Ces actions militaires menées depuis quelques semaines étaient inévitables, elles étaient indispensables, elles avaient été jugées légitimes. C'était un préalable à la suite. Et la suite, c'est notamment ce qui commence avec cette chute de Mazar-i-Charif que les Taleban ont perdu. Il faut maintenant que ce soit consolidé car il y a encore des forces taleban dans cette région et ce processus doit se poursuivre, puisque l'objectif soutenu par la communauté internationale, à travers le Conseil de sécurité, c'est de mettre hors d'état de nuire Al Qaïda et le système taleban. Mais cela rend d'autant plus urgente une solution politique de remplacement à ce régime des Taleban.
Q - Comment avez-vous trouvé le discours de Georges Bush ?
R - C'était un discours traduisant une très grande détermination dans cette lutte contre le terrorisme, le discours du président d'un pays meurtri comme jamais auparavant par les attentats et la tragédie du 11 septembre et marquait un engagement total sur ce sujet. Ce discours était construit sur ce point. Il comportait aussi un paragraphe à propos du Proche-Orient, dans lequel le président Bush a exprimé l'espoir qu'un jour il y ait, côte à côte, au Proche-Orient, un Etat d'Israël et un Etat de Palestine. A ma connaissance, c'est la première fois qu'un président des Etats-Unis d'Amérique le dit dans ces termes. Cela montre que les positions américaines et européennes sont convergentes. Il nous reste à travailler ensemble pour développer le processus de paix au Proche-Orient et pour atteindre, un jour, dans le moins de temps possible, cet objectif.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 13 novembre 2001)