Texte intégral
Mesdames et Messieurs,
Je suis très heureux d'ouvrir aujourd'hui le cycle de négociation qui doit nous permettre de renforcer l'égalité entre les femmes et les hommes dans les trois versants de la fonction publique.
Vous le savez, le Président de la République a érigé l'égalité entre les femmes et les hommes en « grande cause du quinquennat » et le Gouvernement a lancé, lors du comité interministériel du 8 mars dernier, un vaste plan d'actions couvrant l'ensemble des domaines de la vie politique, économique et sociale.
Le Gouvernement est tout particulièrement déterminé à agir en faveur de l'égalité professionnelle et s'agissant du secteur privé, des mesures ambitieuses ont été adoptées dans le cadre du projet de loi « pour la liberté de choisir son avenir professionnel » pour favoriser l'égalité de rémunération entre les femmes et les hommes et lutter contre les violences sexuelles et les agissements sexistes au travail.
Dans la fonction publique, l'accord du 8 mars 2013, conclu à l'unanimité des organisations syndicales et des employeurs, a permis de faire progresser l'égalité professionnelle dans les textes, dans les pratiques RH et dans le dialogue social.
Toutes les mesures législatives et réglementaires nécessaires à l'entrée en vigueur de l'accord ont été prises. La dernière à entrer en application sera celle, vous le savez, relative à la parité dans les instances de représentation des personnels, lors des élections professionnelles de la fin d'année.
Les employeurs publics se sont pleinement saisis de ces enjeux de l'égalité professionnelle et il faut se réjouir des progrès réalisés depuis cinq ans en matière de parité des jurys et comités de sélection, de nominations sur les emplois de direction, de renforcement des congés familiaux et d'amélioration des conditions de travail.
Nous n'avons pas à rougir de ce bilan et en même temps la fonction publique doit également franchir un nouveau cap en matière d'égalité entre les femmes et les hommes. Les employeurs publics ne peuvent être en retrait par rapport aux employeurs privés. Ils doivent au contraire, dans une logique d'exemplarité, poursuivre et amplifier leurs efforts pour prévenir et mieux traiter les situations d'inégalités ou de violences sur le lieu de travail.
En acceptant d'entrer en négociation aujourd'hui, nous faisons le choix de renouveler et renforcer cet accord. Ce choix est important à double titre.
D'une part, nous prenons l'engagement d'élaborer collectivement les réponses à apporter aux différents enjeux rencontrés en matière d'égalité professionnelle. Cette construction est essentielle pour assurer la légitimité, auprès des employeurs et des agents publics, mais aussi auprès du Parlement et des citoyens qu'il représente, des mesures que nous prendrons.
D'autre part, nous prenons l'engagement d'améliorer l'existant et de tendre, par des mesures contraignantes et plus opérationnelles, à une plus grande égalité entre les femmes et les hommes dans la fonction publique. Il nous faut agir sur les « racines profondes » des inégalités, avec l'ambition de résultats tangibles d'ici à la fin du quinquennat.
Nous devrons être particulièrement vigilants à l'articulation de ce cycle de négociation avec d'autres chantiers en cours ou à venir, ayant pour effet de rénover le cadre de gestion des agents publics. Certains enjeux ne pourront être traités dans le cadre de cette négociation, sauf à remettre en cause la cohérence et l'efficacité de ces chantiers.
Je pense notamment au régime des pensions des agents publics et aux droits familiaux liés à ce régime. Il s'agit là d'enjeux tout à fait essentiels qui ne peuvent être déconnectés de la concertation en cours sur la mise en place d'un régime universel de retraite.
L'égalité professionnelle doit faire l'objet d'une démarche intégrée, c'est un principe fondamental si nous voulons progresser.
Nous devrons aussi être attentifs à la diversité de nos structures administratives et de nos environnements professionnels dans les trois versants de la fonction publique. Je pense notamment aux petites collectivités ou aux établissements publics, qui ne disposent pas nécessairement des moyens nécessaires à la mise en oeuvre d'une politique d'égalité ou au traitement des situations de violences faites aux femmes. Cela nécessite de réfléchir à des mécanismes innovants de mutualisation ou de partage d'expériences.
Préalablement à l'ouverture de cette négociation, un travail important a été conduit sous l'égide de la DGAFP pour dresser un bilan partagé de la mise en oeuvre de l'accord de 2013. J'ai cité tout à l'heure quelques-unes de ses principales réalisations.
Six réunions de travail se sont tenues, entre mars et juillet dernier, pour évaluer les progrès réalisés pour chacun des axes du protocole et identifier les efforts restant à accomplir. Je tiens à remercier chacun d'entre vous, ainsi que vos représentants, pour votre implication active dans ces réunions et dans ces travaux préparatoires au cycle de négociation. J'ai été destinataire, comme vous, de l'ensemble des comptes-rendus des réunions qui témoignent de la densité des échanges et de la richesse des propositions ou observations exprimées à cette occasion.
Je tiens à remercier également celles et ceux qui nous ont d'ores et déjà transmis des contributions pour alimenter la négociation, et redis à celles et ceux qui le souhaiteraient, qu'il n'est pas trop tard et que leurs contributions sont également les bienvenues.
En termes de calendrier, nous avons prévu trois réunions d'échanges et de concertation pour construire ensemble le contenu du projet de protocole d'accord.
La réunion d'aujourd'hui doit nous permettre, dans le prolongement de la concertation technique organisée depuis le printemps dernier, d'arrêter les différents axes du protocole et les thématiques ouvertes à la négociation.
Dans un courrier commun daté de juillet dernier, vous avez d'ores et déjà appelé mon attention sur les enjeux sur lesquels vous souhaitez travailler en priorité. Chacun d'entre vous aura l'occasion de s'exprimer sur cette question d'ici quelques minutes. Sur la base de ces échanges, du matériau produit dans le cadre de la concertation technique, et des contributions écrites transmises, la DGAFP préparera et vous soumettra un avant-projet de protocole d'ici le 20 septembre en vue de la réunion prévue le 2 octobre. Cette deuxième réunion permettra d'enrichir le contenu du projet et de préciser la portée et les modalités de mise en oeuvre de chacune des mesures retenues. Une nouvelle version du projet de protocole vous sera transmise d'ici le 8 octobre en vue de la réunion du 15 octobre. Nous ferons alors un point d'étape de la négociation et nous attacherons à consolider le projet de protocole. Nous verrons à cette date s'il y a lieu de poursuivre encore ou de finaliser nos échanges, et au regard de l'état des discussions, quels sont le format et le calendrier le plus appropriés.
Venons en désormais aux orientations poursuivies dans le cadre de cette négociation.
Je l'ai dit tout à l'heure, nous disposons d'un bilan satisfaisant de l'accord de 2013, mais avec Gérald DARMANIN, nous souhaitons aller plus loin.
Notre ambition est de promouvoir une gestion des ressources humaines plus attentive aux compétences et aspirations de chacun. Nous souhaitons également développer des organisations de travail plus respectueuses et plus solidaires, dans l'intérêt des agents mais également des collectifs de travail.
L'égalité professionnelle est une garantie que nous devons à chacun de nos agents publics femmes et hommes. Il s'agit aussi d'un puissant levier d'efficacité, d'innovation et de transformation au bénéfice des équipes, des services et donc in fine des usagers. C'est par une plus grande mixité des métiers, des équipes et de l'encadrement que nous réussirons demain à faire évoluer notre service public et être à la hauteur des différents enjeux de qualité et d'accessibilité des services.
Il y a de fortes attentes, voire de l'impatience, sur ces questions au sein de la fonction publique, et pas uniquement parmi les femmes agents publics ! Il faut entendre cette volonté de changement et être exigeants dans le choix des mesures que nous privilégierons pour que chacun puisse ressentir le changement dans la façon dont elle ou il est géré et dans ses relations ou son organisation de travail.
C'est pourquoi, et au vu du bilan établi de l'accord de 2013, nous vous proposons de concentrer la négociation sur les cinq axes de progrès suivants :
1. Renforcer la gouvernance des politiques d'égalité professionnelle
C'est une des limites du précédent accord que vous avez été nombreux à formuler. La politique d'égalité professionnelle est encore trop le fait de femmes ou d'hommes engagés personnellement sur ces enjeux, au risque d'un essoufflement de la dynamique engagée avec le départ des intéressés. Il nous faut davantage institutionnaliser cette politique et conférer aux différentes parties prenantes encadrement, représentants des personnels, services RH les moyens de se former et de se mobiliser sur ces questions.
Cela veut dire aussi couvrir l'ensemble des agents publics, et veiller à la déclinaison d'une politique d'égalité professionnelle dans l'ensemble des administrations, collectivités et établissements publics, en tenant compte de la disparité des structures administratives.
2. Créer les conditions d'un égal accès aux métiers et aux responsabilités professionnelles
C'est un sujet complexe, parce que nous sommes tributaires dans la fonction publique de situations d'inégalités qui peuvent se produire en amont de l'accès au marché du travail (à l'école ou dans la famille, notamment) ou de phénomènes d'auto-censure ou d'éviction personnelle plus difficiles à combattre.
En même temps, nous avons vu que par la loi nous pouvions aussi infléchir des comportements et permettre une meilleure prise en compte des talents. Le dernier bilan du dispositif de nominations équilibrées fait ainsi apparaître une progression d'un point par an, depuis la mise en oeuvre du dispositif, du pourcentage de femmes nouvellement nommées et en fonction sur les postes à responsabilités dans la fonction publique.
Le cycle de négociation doit permettre d'identifier de nouveaux leviers pour combattre les préjugés et stéréotypes de genre, améliorer la transparence sur les processus RH et accompagner et favoriser les prises de fonctions ou de responsabilités.
3. Traiter les situations injustifiées d'écarts de rémunération et de déroulement de carrière
Cela doit être une priorité d'action pour la fonction publique, même si l'écart de rémunération moyenne entre femmes et hommes est moins important que dans le secteur privé (13,1 % contre 18,5% en 2015 chiffre du dernier rapport annuel 2017), et il nous faut réfléchir à la façon la plus pertinente de traiter ces enjeux. A l'instar des travaux conduits dans le secteur privé, il apparaît essentiel de se doter d'une méthodologie commune d'évaluation des écarts de rémunération et de déroulements de carrière entre les femmes et les hommes, et s'engager à traiter de manière résolue les écarts injustifiés.
Il faudra veiller également à la bonne articulation entre ces questions et celles abordées dans le cadre du chantier « rémunérations » engagé en mai dernier et qui vise à refonder la politique et la structuration des rémunérations afin de mieux reconnaître les mérites et l'implication des agents et des services.
4. Mieux accompagner les situations de grossesse, la parentalité et la conciliation des temps de vie professionnelle et personnelle
La situation de grossesse ne peut être un motif de discrimination à l'encontre des femmes et il faut prohiber tout acte ou agissement qui, de manière directe ou indirecte, aurait pour effet de pénaliser les femmes dans cette situation. Sans doute faudra-t-il aller plus loin dans certaines réglementations, ne serait-ce que pour sécuriser juridiquement certaines situations : je pense notamment au vide juridique concernant la situation de la femme enceinte au cours de sa scolarité dans une école de service public ou en tant que fonctionnaire stagiaire.
D'autre part, nous disposons d'une diversité de dispositifs pour accompagner les femmes enceintes ou les parents de jeunes enfants. Pourtant la grossesse et l'entrée dans la parentalité peuvent être parfois des étapes difficiles à vivre sur le plan professionnel pour les intéressés, des sources de blocage, voire le début de mécanismes d'éviction.
Nous devons être plus créatifs et plus flexibles dans nos façons de travailler et plus attentifs aux contraintes et au coût liés à la garde d'enfants.
5. Renforcer la prévention et la lutte contre les violences sexuelles et sexistes
Enfin, et c'est un sujet sur lequel nous avions échangé en début d'année, nous devons, conformément aux engagements pris par le Président de la République le 25 novembre 2017, renforcer notre politique de prévention et de lutte contre le harcèlement, les situations de violences et d'agissements sexistes.
Elaborée en étroite concertation avec vous, la circulaire du 9 mars 2018 définit un plan d'actions articulé autour d'un effort de formation ambitieux, du développement des dispositifs de signalement et de traitement des violences sur le lieu de travail et de la mise en oeuvre d'un principe de « Tolérance 0 » afin de ne laisser aucun acte de violence sexiste ou sexuelle sans réponse, y compris sur le plan disciplinaire.
Il nous faudra voir si ces mesures sont bien mises en oeuvre, et s'il y a lieu de les conforter.
En conclusion, je tiens à vous redire la détermination du Président de la République et du Gouvernement à agir en faveur d'une plus grande égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.
J'insiste également sur la responsabilité qui est la nôtre, aujourd'hui, collectivement, de poursuivre et amplifier les efforts engagés depuis cinq ans et d'adopter dans le cadre de ce cycle de négociation, de nouvelles mesures ambitieuses et efficaces.
Je compte sur votre pleine mobilisation dans le cadre de cette négociation.
Je vous laisse désormais la parole et souhaite que les échanges d'aujourd'hui soient les plus constructifs possibles.
Source https://uffa.cfdt.fr, le 1er octobre 2018