Entretien de M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, avec RFI le 3 octobre 2018, sur le soutien de la France à la candidature au Secrétariat général de l'Organisation internationale de la francophonie de la ministre des affaires étrangères du Rwanda.

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Média : Radio France Internationale

Texte intégral


Q - Bonjour Jean-Baptiste Lemoyne, le soutien de la France à Louise Mushikiwabo a beaucoup surpris, pourquoi ce choix ?
R - Avant tout, vous savez, la candidature de Louise Mushikiwabo, c'est le soutien de l'Union africaine, du continent africain à la ministre des affaires étrangères du Rwanda puisqu'à Nouakchott, le 2 juillet dernier, les Etats membres de l'Union africaine ont formellement apporté leur soutien à cette candidature. Nous sommes justement dans une logique de décentrement ; nous ne sommes pas le centre du monde.
À plusieurs reprises, le président de la République l'a dit, il considère et fait le constat que le centre de gravité de la Francophonie aujourd'hui est en Afrique, quelque part entre le Sahel et le fleuve Congo, parce que la dynamique démographique est là. Alors que nous préparons les 50 ans de l'Organisation en 2020 à Tunis, le fait d'avoir une femme africaine à la tête de l'Organisation Internationale de la Francophonie a beaucoup de sens.
Q - Dans une tribune de presse, quatre anciens ministres de la coopération, donc d'une certaine façon, quatre de vos prédécesseurs affirment que Louise Mushikiwabo n'a pas sa place à la tête de l'OIF, notamment parce que le Rwanda n'est pas un modèle en matière de démocratie et de droits de l'Homme. Qu'en pensez-vous ?
R - Je ne vais pas me prononcer sur une tribune en tant que telle, mais ce que je constate ce sont les faits. Il y a quelques semaines, de récentes décisions de libération ont été prises au Rwanda. Je constate que ce pays, en matière de questions d'égalité femmes hommes est sur le continent africain plutôt à la pointe du combat.
Q - La libération de ces 2.000 prisonniers, dont l'opposante Victoire Ingabire, est-ce un effet francophonie ?
R - Ce n'est pas à moi de commenter la façon dont les choses se font. Ce que je constate, c'est que ces libérations ont eu lieu et c'est un bon signe.
Q - On imagine que cette candidature que soutient la France peut aider à la réconciliation entre Kigali et Paris, mais de toute façon - disent vos quatre prédécesseurs dans leur tribune de presse - Paul Kagame a besoin d'une France coupable et elle le restera à ses yeux tant qu'il restera au pouvoir.
R - Je ne sais pas. Ce que je sais, c'est que lorsque j'ai eu l'occasion de rencontrer le président Kagame sur le continent pour des cérémonies d'investiture ou autre, je lui ai porté le témoignage d'un Français qui a aujourd'hui 40 ans, et qui, au moment où tous ces événements complexes se sont déroulés était un adolescent. Ce que je souhaite aujourd'hui, c'est voir comment le français, la Francophonie peut toujours mieux rayonner. Pardon de ne pas être dans l'archéologie mais d'être beaucoup plus dans la prospective et dans l'avenir.
Q - Y aura-t-il bientôt un ambassadeur de France à Kigali ?
R - L'avenir le dira.
Q - Malgré votre soutien à la candidature de la ministre rwandaise, la secrétaire générale sortante Michaëlle Jean maintient sa candidature, elle se bat avec notamment le soutien de son pays, le Canada, ne craignez-vous pas que le 12 octobre prochain, à Erevan, on passe au vote et que la Francophonie ne se déchire ?
R - Vous savez, concernant la Francophonie, chacun doit avoir en tête tous les protagonistes, tous les candidats, comme les Etats membres, qu'est-ce qui fait l'ADN de la Francophonie ? C'est le consensus. Toutes les décisions qui ont été prises jusqu'à maintenant en matière de désignation du secrétaire général se sont faites dans le consensus. La France travaille donc à cela. L'Assemblée générale des Nations unies a permis d'avoir de nombreux échanges avec tout le monde, y compris avec nos amis du Canada. Donc très clairement, il est hors de question d'humilier quiconque. J'ai bon espoir que la présidence arménienne qui a saisi l'importance de cette construction du consensus parvienne à faire en sorte que la minorité se rallie à la majorité et que le consensus advienne.
Q - Vous parlez de la minorité canadienne ?
R - Aujourd'hui, il y a une minorité d'Etats et de gouvernements qui ont signifié un soutien à la ministre des affaires étrangères du Rwanda, à partir de là, il faut s'attacher à ce que, de la majorité, nous passions à une majorité très large qui signifie le consensus.
Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 4 octobre 2018