Texte intégral
GUILLAUME DURAND
Bienvenue donc sur l'antenne de Radio Classique. Alors, vous avez lu la presse, comme moi, ce matin, la claque, le désamour, et d'une certaine forme, l'humiliation, les mots sont-ils trop forts ou est-ce que, effectivement, il y a une faiblesse que l'on ne connaissait pas du côté d'Emmanuel MACRON ?
NATHALIE LOISEAU
Les mots sont disproportionnés. Je comprends qu'on ait besoin d'écrire des copies, mais j'ai envie de dire aux journalistes qui écrivent ce genre de choses, venez avec moi, faites le tour de l'Europe. En Europe, vous avez des coalitions affaiblies ou qui tiraillent, vous avez des gouvernements minoritaires, vous avez des situations politiques et ça n'est d'ailleurs pas une bonne nouvelle souvent très compliquées chez tous nos partenaires, en France, vous avez un gouvernement au travail, vous avez une majorité unie. Nous sommes dans une situation que nos partenaires nous envient. Donc la crise et tous les grands mots qu'on utilise, c'est pour
GUILLAUME DURAND
J'ai parlé de l'affaire personnelle, COLLOMB sait très bien qu'en quittant en pleine nuit la place Beauvau pour rejoindre Lyon, d'une certaine manière, après l'épisode précédent : je démissionne, tu ne pars pas, mais tu pars quand même, c'est une certaine forme d'humiliation personnelle, pardonnez-moi d'insister !
NATHALIE LOISEAU
Il s'est mis en situation de devoir démissionner
GUILLAUME DURAND
Vous le connaissez, Gérard COLLOMB !
NATHALIE LOISEAU
Il s'est mis en situation de devoir démissionner, c'est probablement regrettable, parce qu'il est entré lui-même dans une seringue dont il ne pouvait sortir qu'en démissionnant. C'est dommage. En même temps, je considère que, il a été pleinement à sa tâche de ministre de l'Intérieur jusqu'au bout, il avait envie de revenir à Lyon, je préfère cette clarification de quelqu'un qui est totalement sur ce qu'il a à faire ; vous savez, je suis ministre depuis seize mois, je sais maintenant ce que c'est qu'être ministre, ce que ça demande d'engagement, d'énergie, de soutien et de concentration. Quand on pense qu'on a envie d'aller à Lyon, on ne peut pas rester ministre ; il a été totalement cohérent, sur le fond, je comprends parfaitement sa démarche.
GUILLAUME DURAND
Mais vous savez que, il y a effectivement cette affaire lyonnaise, mais il y a aussi des phrases qui ont marqué, je voudrais qu'on écoute par exemple deux extraits de Gérard COLLOMB. Ça, c'était en juillet 2018, cette fameuse commission d'enquête parlementaire sur l'affaire BENALLA, qu'il n'a visiblement pas encaissée. On écoute Gérard COLLOMB.
GERARD COLLOMB
Moi, j'en découvre chaque jour sur les personnalités, je lis les journaux comme vous, et il y a toute une partie de l'histoire de monsieur BENALLA que, franchement, je découvre de plus en plus, vous ne trouverez jamais aucune trace de téléphone de ma part, aucun envoi de mail, parce que, effectivement, comme je vous l'ai dit, je n'avais aucune relation avec monsieur BENALLA.
GUILLAUME DURAND
Voilà, du côté de l'Elysée, on considère qu'il n'a pas suffisamment protégé le président et qu'il savait parfaitement ce que BENALLA faisait dans le dispositif de sécurité. Et le 6 septembre 2018, c'est le deuxième extrait, nous sommes à la télévision avec nos amis évidemment du Figaro, mais c'est important d'écouter ses mots, chez BOURDIN, chez notre camarade BOURDIN de RMC, la fameuse leçon de grec ancien et de philosophie sur l'Hubris. Nous manquons d'humilité.
GERARD COLLOMB
Nous avons manqué d'humilité, quand, à un moment donné, vous devenez trop sûr de vous, que vous pensez que vous allez tout emporter, il y a une phrase qui disait les dieux aveugle ceux qu'ils veulent perdre, donc il ne faut pas que nous soyons dans la cécité.
GUILLAUME DURAND
On ne peut plus lui parler, disait-il, nous ne sommes plus que quelques-uns lui à parler, et d'ailleurs, quand je lui parle, je sens que ça l'énerve.
NATHALIE LOISEAU
Ecoutez, moi, je ne serai pas la ministre des petites phrases, donc je ne vais pas commenter les commentaires sur un ministre qui est parti, moi, je suis au travail ce matin, j'ai deux projets de loi qui passent au Conseil des ministres, ces petites phrases, même si elles sont en grec ancien, je pense que, elles ne grandissent pas la politique, et je n'irai pas sur ce terrain-là.
GUILLAUME DURAND
Passons maintenant au Brexit, puisqu'il y a eu un congrès donc du parti conservateur en Angleterre avec Theresa MAY, et en même temps, dans une salle à côté de Boris JOHNSON qui d'ailleurs s'est carrément moqué de la Premier ministre britannique, c'est encore beaucoup plus violent que l'histoire COLLOMB, puisqu'il s'est mis à courir dans un champ de blé avec les caméras derrière lui pour d'une certaine manière ironiser sur la vie de Theresa MAY. Alors, est-ce que vous craignez comme ministre des Affaires européennes, ce qu'on appelle maintenant, pour simplifier, un hard Brexit, c'est-à-dire, des tarifs douaniers terribles, une pression fiscale qui baisserait en Angleterre pour nous être directement concurrentielle, et d'une immigration restreinte, c'est-à-dire restreinte aux Européens, et restreinte à tous ceux qui n'auraient pas de formation ou tous ceux qui ne seraient pas utiles au Royaume-Uni ?
NATHALIE LOISEAU
D'abord, je travaille, en tant que ministre, à essayer d'obtenir un bon accord de retrait, il est possible, on a avec Michel BARNIER à peu près 85 % de l'accord de retrait qui est agréé entre le Royaume-Unis et les Européens, pourquoi ne pas aller jusqu'au bout et se mettre d'accord ? C'est l'essentiel de notre énergie, parce que c'est une énergie positive. Pour autant, je ne peux pas ne pas voir ce qui se passe au Royaume-Uni, je ne peux pas ne pas voir les divisions internes au paysage politique britannique dans son entier, parce qu'il y a eu aussi le congrès du Parti travailliste la semaine dernière qui a montré qu'il y avait des nuances.
GUILLAUME DURAND
Eh bien, non seulement des nuances, mais il y en a même qui demandent qu'on revote !
NATHALIE LOISEAU
Oui, mais pas tous. Donc bref, ce sujet continue à diviser les Britanniques, et dans une situation aussi compliquée, il peut y avoir un Brexit sans accord, je ne le crains pas, mon travail, c'est de nous y préparer, c'est pour ça que je présente un projet de loi ce matin au Conseil des ministres, c'est pour que nous soyons prêts à toutes les situations. Un accord ou une absence d'accord, qu'on protège nos concitoyens et qu'on soutienne nos entreprises, c'est ça ma priorité.
GUILLAUME DURAND
Alors justement, Madame, pour terminer cet entretien, ce qui est important, c'est de savoir concrètement, parce que les gens ont entendu Brexit, Brexit, Brexit, depuis qu'il y a eu effectivement cette nouvelle en Angleterre, mais, en gros, si on doit simplifier, quelles sont, au fond, les deux ou trois mesures qui vont enfin, la sortie donc de l'Union européenne quelles sont les deux ou trois mesures qui vont accompagner ce Brexit qui va avoir lieu... ?
NATHALIE LOISEAU
Alors, tout dépend ce sur quoi on va se mettre d'accord avec les Britanniques, on a un sujet sur lequel, précisément, on va mettre en place une loi, c'est de faire en sorte qu'un Français qui a vécu au Royaume-Uni, qui a eu son diplôme au Royaume-Uni, qui peut-être a été au chômage au Royaume-Uni et qui veut prendre sa retraite en France, que son diplôme continue à être reconnu, que ses années de travail au Royaume-Uni continuent à être reconnues et que ses cotisations au Royaume-Uni puissent être prises en charge en France. Si on a un accord, c'est automatique, si on n'en a pas, il faut une loi française, c'est un des multiples sujets sur lesquels on se prépare. Je vais vous dire ma conviction, il faut un bon accord, mais une absence d'accord sera toujours meilleure qu'un mauvais accord avec les Britanniques qui ne défendrait pas nos entreprises, qui les mettrait face à des distorsions de concurrence, ça, on ne l'accepte pas.
GUILLAUME DURAND
Madame, justement, c'est un problème fondamental dans cette affaire-là, puisque vous savez que les appels d'air en matière fiscale, c'est vraiment la loi du genre en ce moment, c'est ce que les Etats-Unis, Donald TRUMP, ont fait en baissant les impôts sur les particuliers et les entreprises, et de manière fondamentale. Est-ce que vous pouvez nous dire ce matin s'il n'y a pas une crainte pour vous, à savoir que, il y ait pas simplement dans les îles ou des paradis fiscaux, mais un énorme pays qui s'appelle l'Angleterre, qui, tout d'un coup, brutalement je vais employer un mot vulgaire, pour nous emmerder baisse les impôts massivement pour attirer les capitaux français ou des personnalités françaises qui partiraient en Grande-Bretagne ?
NATHALIE LOISEAU
Ce que je vois surtout aujourd'hui, c'est
GUILLAUME DURAND
Est-ce qu'ils vous le disent ? Est-ce qu'ils vous en parlent ?
NATHALIE LOISEAU
Non, ils n'en parlent pas, ils disent même que, ils voudraient être en dehors de l'Union européenne mais suivre la plupart de nos règles. Alors ce sont des engagements qui n'engagent que ceux qui les écoutent, et nous, nous nous leur disons que le meilleur moyen de nous suivre, c'est de rester dans l'Union européenne. Ceci étant, ce que je vois aussi aujourd'hui au Royaume-Uni, ce sont des dépenses publiques qui montent, le Brexit, ça coûte cher, avant même d'avoir commencé, il y a un rapport qui est sorti en début de semaine qui montre que ça coûte 500 millions de livres par semaine. Je ne suis pas sûre que la priorité d'un Royaume-Uni en dehors de l'Union européenne, ce serait de baisser les impôts.
GUILLAUME DURAND
Donc vous avez le sentiment ce matin, et vous pouvez nous le dire sur l'antenne de Radio Classique, que le Brexit se fera au détriment de l'Angleterre, de la Grande-Bretagne ?
NATHALIE LOISEAU
Ah, c'est toujours moins bien d'être à l'extérieur de l'Union européenne qu'à l'intérieur, ça, il n'y a aucun doute. Ce que nous faisons, c'est travailler à limiter cette dégradation de notre relation, et il y a une solution, c'est un bon accord, c'est encore possible, mais le temps presse.
GUILLAUME DURAND
Mais en aucun cas, ce matin, vous considérez, et vous le dites à nos auditeurs, en aucun cas, vous considérez qu'on puisse revenir sur cette affaire de Brexit, comme le réclame
NATHALIE LOISEAU
C'est une décision du peuple britannique, c'est au peuple britannique de décider s'il veut revenir dessus, ça n'est pas le signal qui est donné aujourd'hui par le gouvernement britannique
GUILLAUME DURAND
Il n'y aura pas de référendum, vous n'y croyez pas ?
NATHALIE LOISEAU
En tout cas, moi, je ne travaille pas sur des hypothèses, je travaille sur une réalité.
GUILLAUME DURAND
Madame LOISEAU donc qui est chargée donc des Affaires européennes dans le gouvernement d'Edouard PHILIPPE, était l'invitée politique de la matinale. Merci d'être venue. Le contexte n'est pas facile.
NATHALIE LOISEAU
Merci.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 4 octobre 2018