Texte intégral
DAVID DOUKHAN
Bonjour Mounir MAHJOUBI.
MOUNIR MAHJOUBI
Bonjour.
DAVID DOUKHAN
Comme nous tous, vous avez été stupéfait par ces images, cette vidéo d'un lycéen à Créteil qui menace sa professeure avec une arme factice. Le gouvernement s'est emparé du sujet, porte un discours de très grande fermeté. Le Président de la République lui-même a demandé à ses ministres de faire en sorte que ces faits soient punis ; ce sont les mots qu'il a choisis. Et Jean-Michel BLANQUER ce matin dans Le Parisien dit qu'il va rétablir l'ordre. Voilà pour le discours. La réalité, c'est que le jeune homme est mis en examen, il risque trois ans et demi de prison. La question est simple : est-ce qu'il faut qu'il aille en prison ce jeune homme ?
MOUNIR MAHJOUBI
Ce n'est certainement pas à moi de dire s'il doit aller en prison. Par contre, ma réponse est de vous dire qu'il faudra être très ferme pour que jamais cela ne se reproduise. Ce qu'a annoncé Christophe CASTANER en commun avec Jean-Michel BLANQUER, c'est des propositions pour que et à la fois par l'éducatif et par la sanction, ramener le rôle de la sanction : la sanction dans l'établissement et la sanction judiciaire quand il le faut.
DAVID DOUKHAN
La sanction dans l'établissement, c'est d'être exclu dans le cas de ce lycéen.
MOUNIR MAHJOUBI
Oui. Mais vous savez que pendant trop longtemps, on a eu peur de faire les conseils de discipline. On a eu peur de faire ces sanctions parce qu'après, il y avait une omerta sur l'établissement.
DAVID DOUKHAN
Une mauvaise réputation sur l'établissement, oui.
MOUNIR MAHJOUBI
L'objectif de monsieur BLANQUER, c'est de ramener le rôle de la sanction. C'est de redire qu'il y a des choses qui sont intolérables. Ce qu'on a vu là, c'est extrêmement grave. Il y a plein de petites actions de violence qu'on ne doit pas accepter et donc, son plan d'action est dans la continuité de ce qu'il a lancé depuis déjà plus d'un an et là, on va aller beaucoup plus loin et beaucoup plus vite.
DAVID DOUKHAN
Vous avez une opinion de citoyen, Mounir MAHJOUBI. Est-ce que les faits, les gestes dont on a pu être témoin méritent la prison ? C'est une question simple. Qu'est-ce que vous en pensez, vous ?
MOUNIR MAHJOUBI
Vous aviez juste avant, à ma place, un avocat assis dans cette chaise. Moi, je crois d'abord et avant tout à la justice. Donc je veux que la justice soit saisie : elle est saisie. Je veux qu'il y ait une enquête qui aille jusqu'au bout. Il y a celui qui a sorti le pistolet mais il y a celui qui a filmé. Il y a celui qui est allé faire le mariole juste derrière en sautillant
DAVID DOUKHAN
Des doigts d'honneur.
MOUNIR MAHJOUBI
Et des doigts d'honneur. Donc ces trois-là, il faut qu'on les écoute. Ces trois-là, il faut qu'on sache ce qu'ils ont fait mais il y en a plusieurs, là, qu'il faut sanctionner. Donc c'est surtout ça que je veux et je veux que ce soit un juge et des enquêteurs qui le fassent.
DAVID DOUKHAN
Justement, une question au spécialiste du numérique. Le ministre de l'Education laisse entendre que peut-être ces gestes, ces actes peuvent être motivés justement par le fait de faire une vidéo et de la diffuser sur Internet. C'est quelque chose qui se passe ça ?
MOUNIR MAHJOUBI
C'est quelque chose de nouveau et quelque chose de très inquiétant. Les réseaux sociaux, aujourd'hui le fait d'avoir un téléphone portable connecté à Internet concerne quasiment 100 % des jeunes de plus de seize ans. Donc il y a de nouveaux comportements de violence qui sont liés à la présence des réseaux sociaux et à la capacité à partager sur les réseaux sociaux.
DAVID DOUKHAN
Alors qu'est-ce que vous faites ?
MOUNIR MAHJOUBI
Dans de nombreux établissements, il y a des actes de cyber harcèlement qui ont remplacé le harcèlement scolaire traditionnel, qui ont remplacé le racket physique. On rackette virtuellement. Donc aujourd'hui, face à un phénomène nouveau, il faut des solutions nouvelles.
DAVID DOUKHAN
Lesquelles ?
MOUNIR MAHJOUBI
Ce matin sur une autre radio, Jean-Michel BLANQUER a évoqué l'idée d'interdire, de prolonger l'interdiction du téléphone portable qui est interdit au collège jusqu'au lycée.
DAVID DOUKHAN
C'est déjà le cas. Les lycées peuvent le faire, les lycées peuvent interdire mais ne le font pas. Alors vous leur dites : « Faites-le », vous le dites aux proviseurs.
MOUNIR MAHJOUBI
Ils peuvent le faire mais ce phénomène, je dois vous le dire, il est nouveau. Quand j'ai fait la tournée des établissements dans la circonscription où j'ai été élu, les chefs d'établissement me disaient : « Nous, on a des nouveaux cas, des choses qu'on n'avait jamais vues avant de cas de harcèlement massif par les réseaux sociaux et il a fallu qu'on se forme nous-mêmes. » La communauté des profs et la communauté scolaire dans son ensemble ne comprenaient pas le phénomène. Ça date d'il y a deux-trois ans, ces nouveaux phénomènes de harcèlement.
DAVID DOUKHAN
Donc il faut aider les professeurs, il faut les former. C'est ça que vous dites ce matin ?
MOUNIR MAHJOUBI
Il faut les former, les accompagner. Il faut que jamais ils restent dans le silence et il faut qu'ils comprennent que quand cela arrive, rien n'est tolérable. Ce qui se passe sur Internet est très grave comme dans l'espace physique.
DAVID DOUKHAN
Parlons du dossier peut-être le plus chaud qui est sur votre bureau. Emmanuel MACRON reçoit demain à l'Elysée Tim COOK, le patron d'APPLE. Qu'est-ce qu'il faut lui dire au patron d'APPLE ? Il faut lui dire : « Maintenant, il faut payer des impôts en Europe, en France » ?
MOUNIR MAHJOUBI
Il faut lui dire tous les messages. Il faut lui dire : « Merci d'investir en France quand vous créez des emplois »
DAVID DOUKHAN
On commence par « merci ».
MOUNIR MAHJOUBI
Mais non ! Laissez-moi aller jusqu'au bout. « Merci d'innover, d'offrir des produits que les Français aiment beaucoup. » Pourquoi est-ce qu'on s'inquiète de ces géants ? Parce que la majorité des Français achètent leurs produits et les adorent. On dit merci pour ça. Et puis on dit : « Maintenant que vous êtes dans les poches de millions de Français, maintenant que vous êtes présents sur les ordinateurs de millions de Français, vous avez une responsabilité. Une responsabilité en tant qu'entreprise vis-à-vis des autres entreprises. » Et d'ailleurs, j'ai proposé au président de la République d'aborder le sujet des PME françaises qui vendent leurs produits et leurs services à travers les Stores de APPLE et de poser la question de la relation vis-à-vis de ces petits acteurs. Parce qu'aujourd'hui, ces grandes plateformes ont deux choix : soit de bouffer tout le monde, soit de détruire toutes les économies dans chacun des secteurs, soit d'être un accélérateur pour tous. Et donc, entre un chemin vertueux et un chemin destructeur, nous on souhaite que ces acteurs innovent et qu'ils soient dans un schéma vertueux qui va permettre à d'autres de réussir en même temps.
DAVID DOUKHAN
Mais ça, c'est un discours qui est argumenté, qui est bien dit mais la réalité, c'est qu'aujourd'hui l'Europe ne parvient pas à se mettre d'accord sur l'idée d'une taxation de ces géants du numérique, ce qu'on appelle les GAFA : GOOGLE, AMAZON, FACEBOOK et APPLE. Il y a un deadline qui est la fin de l'année. Est-ce que vous, vous êtes, Mounir MAHJOUBI, optimiste sur l'idée que l'Europe va enfin réussir à se mettre d'accord ? On sait très bien que le Luxembourg, l'Irlande sont vent debout contre cette idée.
MOUNIR MAHJOUBI
Vous avez raison. Concernant ces GAFA, ces grandes entreprises internationales du numérique, le dernier grand sujet sur lequel l'Europe doit se mettre d'accord, c'est la fiscalité. Mardi, Bruno LE MAIRE à Strasbourg va échanger avec des parlementaires. Il va faire un appel aux citoyens en disant qu'aujourd'hui nous, on en a la conviction - les citoyens d'Europe n'en peuvent plus. Ils ne comprennent pas que des boîtes qui font leur chiffre d'affaires dans nos pays On parle quand même de boîtes qui font un chiffre d'affaires France vers France, c'est-à-dire des clients français qui parlent à d'autres entreprises françaises, et où toute la valeur ajoutée part dans le vide sans payer d'impôts. Donc ce système n'est plus acceptable, mais est-ce qu'il est illégal ? Absolument pas. C'est de notre faute.
DAVID DOUKHAN
Mais est-ce qu'on va y arriver, Mounir MAHJOUBI ?
MOUNIR MAHJOUBI
Je pense que oui et Bruno LE MAIRE est extrêmement actif sur ce sujet. Il nous reste quelques pays à finir de convaincre. Ceux qui étaient radicalement contre sont aujourd'hui dans le « oui mais ». Dans ce « mais » là, cet interstice de vérité, on est en train de négocier, de proposer, et certains pays qui étaient vraiment dans le « non » aujourd'hui nous disent : « Ecoutez, donnez-nous ça et on ira avec vous. »
DAVID DOUKHAN
Le secrétaire d'Etat au Numérique optimiste sur l'idée que l'Europe puisse enfin taxer à leur juste hauteur les géants du numérique.
MOUNIR MAHJOUBI
Optimiste et très exigeant.
DAVID DOUKHAN
Mounir MAHJOUBI, vous avez toujours envie d'être maire de Paris ?
MOUNIR MAHJOUBI
Aujourd'hui, ça n'est absolument pas le sujet. Vous voyez les urgences
DAVID DOUKHAN
Pardon ? Ah bon ?
MOUNIR MAHJOUBI
Mais la mairie de Paris, c'est dans combien de temps ?
DAVID DOUKHAN
C'est dans deux ans.
MOUNIR MAHJOUBI
C'est dans deux ans : vous voyez que c'est dans très longtemps.
DAVID DOUKHAN
Vous plaisantez ? C'est vous qui exprimez cette envie depuis le mois de septembre, je crois, dans une interview au Figaro.
MOUNIR MAHJOUBI
J'ai été élu député à Paris. Je suis né, j'ai grandi à Paris. Le mouvement que j'ai participé à co-créer, La République en Marche, est en train de construire un collectif à Paris pour avancer vers ces deux années. Evidemment que j'y suis très actif, évidemment que je participe à « Paris et moi », la grande initiative qu'on a lancée pour partir à l'écoute des Parisiennes et des Parisiens. J'y étais encore le week-end dernier pour avancer sur le bilan. On se posera
DAVID DOUKHAN
Je vous pose la question parce que
MOUNIR MAHJOUBI
Je ne vais pas vous mentir : il y a plein de candidats
DAVID DOUKHAN
Mounir MAHJOUBI, c'est vous. C'est vous qui avez mis en avant cette idée. Alors il y a Benjamin GRIVEAUX, il y a vous. J'apprends que Cédric VILLANI aussi, le député, veut être candidat. Non, mais j'ai une question à vous poser, Mounir MAHJOUBI.
MOUNIR MAHJOUBI
Vous m'en avez déjà posé une mais vous n'aimez pas ma réponse.
DAVID DOUKHAN
Vous êtes ministre au même titre que Benjamin GRIVEAUX. Vous n'avez pas du travail au gouvernement, au service des Français, avant de vous intéresser aux élections municipales ?
MOUNIR MAHJOUBI
Justement, je vous dis que ce n'est pas le moment et parce que je vous dis « non », vous me dites
DAVID DOUKHAN
Donc vous avez changé d'avis.
MOUNIR MAHJOUBI
Vous avez bien entendu depuis le début de cette interview que je suis au boulot, qu'il y a de très nombreux sujets : sur la place des grandes entreprises numériques en France, sur comment on aide nos PME françaises à traverser cette transition numérique, sur comment on protège nos plus jeunes du contenu violent en ligne.
DAVID DOUKHAN
Donc vous n'êtes plus candidat.
MOUNIR MAHJOUBI
Ce n'est pas le moment d'être candidat à Paris.
DAVID DOUKHAN
Vous êtes refroidi. L'ambition refroidie, j'ai l'impression.
MOUNIR MAHJOUBI
Face aux enjeux que traverse notre société aujourd'hui, face aux enjeux internationaux du numérique, il faut être pleinement à sa tâche.
DAVID DOUKHAN
Un dernier point rapide
MOUNIR MAHJOUBI
Etre pleinement à ma tâche, c'est aussi être à Paris tous les jours parce que j'y habite et que j'y vis.
DAVID DOUKHAN
Un dernier point rapide toujours dans le domaine de l'ambition. Marlène SCHIAPPA veut être déléguée générale d'En Marche, elle veut diriger votre mouvement. On peut à la fois être délégué général d'En Marche et rester ministre ? On a vu que ça n'avait pas trop marché avec CASTANER.
MOUNIR MAHJOUBI
Je crois que cette question lui a été posée, qu'elle a répondu que c'était une question très légitime et qu'elle se la posait aussi.
DAVID DOUKHAN
Mais vous, vous en pensez quoi ? On peut ou pas cumuler ?
MOUNIR MAHJOUBI
Je pense que notre mouvement, il a besoin de beaucoup d'amour et il a besoin de quelqu'un qui y consacre énormément de temps et de quelqu'un qui a envie de consacrer toute son énergie à la transformation de notre mouvement.
DAVID DOUKHAN
100 % ?
MOUNIR MAHJOUBI
Beaucoup de son énergie.
DAVID DOUKHAN
Merci Mounir MAHJOUBI.
MOUNIR MAHJOUBI
Bonne journée.
DAVID DOUKHAN
Bonne journée.
NIKOS ALIAGAS
Merci d'avoir été notre invité.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 23 octobre 2018