Texte intégral
JEAN-JACQUES BOURDIN
Marlène SCHIAPPA est notre invitée, bonjour.
MARLENE SCHIAPPA
Bonjour.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Merci d'être là, secrétaire d'Etat chargée de l'Egalité entre les femmes et les hommes, je commence avec les femmes, vous avez vu
MARLENE SCHIAPPA
Bravo.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Marlène SCHIAPPA, plan pauvreté dévoilé tout à l'heure par le président de la République, un peu plus de 8 milliards d'euros. 2 SDF sur 5 sont des femmes, dans la rue, de plus en plus nombreuses, parfois avec des enfants, et même des femmes avec des bébés, qui se retrouvent dans la rue, à tel point que des maternités sont obligées de garder certaines femmes dans la maternité, après l'accouchement, parce que ces femmes ne savent pas où aller. Pourquoi ne pas créer des centres d'accueil pour femmes sans abri, spécifiquement destinés aux femmes, et tenus par des femmes, pour éviter toute agression ?
MARLENE SCHIAPPA
Alors, il y a plusieurs projets à cet égard qui sont en cours, de la part des collectivités, des associations, et avec l'appui de l'Etat quand le projet sera suffisamment avancé pour y voir plus clair, mais je crois que
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ça existera, des centres d'accueil pour les femmes SDF, réservés aux femmes ?
MARLENE SCHIAPPA
Alors c'est toujours une question philosophique que de savoir si peut aller vers de la non-mixité, c'est la même chose que pour les transports conduits avec les chauffeurs de taxi, ou de VTC, qui seraient des femmes. Moi je suis interrogée philosophiquement par le fait de se dire les femmes ne pourraient être qu'avec des femmes, je pense que l'idéal de mixité, l'idéal républicain, c'est que les femmes et les hommes puissent partager un même espace. Néanmoins, la situation des femmes SDF, elle est très particulière. Moi je suis allée faire une maraude cet été gare de Lyon, avec une association et la maire du 12e, et on a rencontré des femmes qui nous ont expliqué qu'elles étaient très vulnérables et que certaines n'allaient pas dans les centres, parce que dans les centres elles pouvaient être agressées sexuellement, violées, et qu'elles ne se sentaient pas en danger. Ce sont des femmes qui sont en grande précarité, mais aussi, souvent, en grande fragilité psychologique, eu égard à ce qu'elles vivent, parce qu'elles dorment dans la rue à la merci de toutes et de tous.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc, pourquoi pas.
MARLENE SCHIAPPA
Donc je pense qu'il faut être pragmatique et, pourquoi pas, dans ce cas précis.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Pourquoi pas dans ce cas précis. Un tiers des familles monoparentales vivent sous le seuil de pauvreté, bien souvent des femmes sont seules, avec des enfants, et ont à peine les moyens de leur donner à manger. Vous allez aider ces familles, et notamment dans les zones difficiles.
MARLENE SCHIAPPA
Oui, c'est une situation qui est extrêmement préoccupante parce que quand vous êtes un enfant et que vous avez le ventre vide, eh bien vous ne pouvez pas apprendre correctement, vous ne pouvez pas vous concentrer, la malnutrition, ou la sous-nutrition, elle peut donner lieu aussi à un certain nombre de maladies, de défauts, de carences, et donc ça va être un sujet primordial du plan pauvreté. Dans les mesures qui sont prises par le gouvernement il y a d'abord le développement des petits-déjeuners gratuits, des petits-déjeuners pris en charge pour les enfants dans les quartiers prioritaires
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est-à-dire, dans les quartiers prioritaires, les petits-déjeuners seront pris en charge par l'Etat.
MARLENE SCHIAPPA
Voilà, il y aura une prise en charge, qui est en train d'être étudiée, pour faire en sorte que tous les enfants aient un petit-déjeuner. Et surtout, une mesure que va annoncer le président de la République tout à l'heure, qui est très importante, c'est de développer les repas à la cantine à 1 euro, par jour et par enfant, parce que la situation actuelle pour les cantines elle est que il y a deux schémas en fait, et les collectivits choisissent. Il y a le schéma où vous avez un tarif unique, par exemple quels que soient les revenus de la famille, eh bien c'est 5 euros le repas à la cantine, donc 5 euros, si vous êtes aisé, ce n'est pas une grosse somme, vous pouvez la payer, 5 euros, quand vous êtes dans la précarité, dans le dénuement, quand vous gagnez 1000 euros par mois pour l'ensemble du foyer, c'est extrêmement compliqué. Donc, il y a des mairies qui pratiquent cela, et il y a des mairies qui ont ce qu'on appelle un tarif dégressif, au quotient familial, et sont adaptés aux revenus. Nous, ce que nous voulons faire, c'est permettre que sur tout le territoire on puisse s'adapter aux revenus des familles et que les familles pauvres puissent bénéficier, quand la mairie ne le propose pas encore, d'un repas à 1 euro, et ça, ça fonctionnera sous forme d'incitation en direction des mairies.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors, un repas à 1 euro, un repas par enfant à 1 euro
MARLENE SCHIAPPA
Et par jour.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Tout compris, par jour, pour qui ?
MARLENE SCHIAPPA
Alors, pour les familles qui sont les plus pauvres, qui sont dans le dénuement
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est-à-dire ?
MARLENE SCHIAPPA
Les détails vont être exposés par le président tout à l'heure quand il présentera le plan pauvreté, ça se fera main dans la main avec les collectivités, parce que, il y a des collectivités qui ont les moyens de prendre en charge. Moi je suis élue au Mans, je suis élue locale au Mans. Au Mans, par exemple, quand il y a des familles qui sont dans le dénuement, qui ne peuvent pas payer leur tarif de cantine, même s'il y a un système de quotient familial et que donc c'est peu, même peu parfois c'est trop, eh bien la mairie les prend en charge, mais il y a aussi des communes qui n'ont pas les moyens de faire cela, et de passer l'éponge sur les dettes des familles, ou de prendre en charge des systèmes dégressifs. Donc l'Etat va aider ces collectivités
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc 1 euro le repas pour les familles les plus modestes partout en France.
MARLENE SCHIAPPA
Voilà, pour qu'il y ait un repas, par jour, à 1 euro, pour chaque enfant, quand la famille n'a pas les moyens de payer plus.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il y aura des aides financières à la garde d'enfant, je crois !
MARLENE SCHIAPPA
Oui, et la vraie différence c'est surtout qu'il n'y aura pas d'avance de trésorerie, c'est-à-dire que, actuellement, ce qui se passe, c'est que les familles payent les frais de garde, et ensuite elles reçoivent l'aide, le soutien, mais donc elles doivent avancer l'argent, et quand vous avez peu de budget, peu de marge, pas d'épargne, pas d'autorisation de découvert, ou que vous avez déjà épuisé votre découvert, eh bien avancer 200, 300 euros, c'est beaucoup pour votre budget, ça peut faire en sorte que vous vous retrouvez dans une situation difficile.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc les familles n'auront plus à avancer l'argent.
MARLENE SCHIAPPA
Elles n'avanceront plus, il n'y aura pas d'avance de trésorerie, comme on dit, elles recevront immédiatement les aides en temps réel.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Où sont les hommes, dites-moi, puisque nous sommes à l'école, où sont les hommes ? Vous avez posé la question.
MARLENE SCHIAPPA
Oui, absolument. Eh bien écoutez, j'ai été à une réunion de rentrée du collège pour ma fille
JEAN-JACQUES BOURDIN
6e.
MARLENE SCHIAPPA
Voilà, et j'ai observé qu'il y avait énormément de femmes, et donc j'ai compté les femmes et les hommes, et il y avait, je crois, 27 femmes et 6 hommes, et ça c'est quelque chose que je fais à chaque fois. Dans les kermesses, je regarde qui tient les stands dans les kermesses, ce sont les femmes majoritairement, dans les sorties scolaires, ce sont majoritairement les femmes qui accompagnent les sorties scolaires, à la sortie des écoles, ce sont des femmes, majoritairement, quand ce ne sont pas les mères ce sont des grands-mères, des nounous, des baby-sitters, des grandes serres, etc. Il y a quelques hommes, mais ils sont ultra minoritaires.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ultra minoritaires.
MARLENE SCHIAPPA
Oui.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais, où sont-ils alors ?
MARLENE SCHIAPPA
Eh bien moi je pense savoir où ils sont parce que, ce chiffre il est à mettre en balance avec d'autres chiffres. Les hommes sont surreprésentés, par exemple dans la sphère médiatique, prenons les journalistes sportifs, il y a que 15% des journalistes sportifs qui sont des femmes, les hommes sont surreprésentés aux postes de pouvoir, donc en fait ce sont des chiffres qui ne sont pas décorrélés. D'un côté vous avez des hommes qui sont peu engagés dans la vie familiale et les femmes qui sont sur-engagées dans la vie familiale, et de l'autre côté, dans la vie professionnelle, à la gouvernance des entreprises, dans les postes de pouvoir, visibles, à responsabilités, davantage d'hommes, et moins de femmes.
JEAN-JACQUES BOURDIN
A propos de sport, une petite parenthèse, l'équipe de France féminine de football qui joue une coupe du monde, les Français, les hommes, ont joué une Coupe du monde, l'ont gagnée, ont touché les primes, j'aimerais que les primes soient les mêmes pour les femmes si elles gagnent la Coupe du monde féminine, non ?
MARLENE SCHIAPPA
Ce serait formidable, et j'aimerais qu'il y ait aussi une ferveur
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il faut lancer un appel à la Fédération.
MARLENE SCHIAPPA
Voilà, mais je le fais régulièrement. Vous savez, avec Laura FLESSEL, nous avions lancé la Conférence permanente du sport au féminin, et sa successeur m'a déjà fait part de son engagement très profond pour défendre ce sujet. Mais je voudrais préciser, avant qu'on passe à un autre sujet si vous me permettez, que je ne veux pas stigmatiser les hommes.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, parce qu'on vous moquée un peu
MARLENE SCHIAPPA
C'est normal, ça fait partie du jeu, mais lorsque je dis qu'il n'y a pas assez d'hommes, ça ne veut pas dire que je veux dénoncer les hommes, je dénonce un système qui fait que, on considérerait que la place naturelle des femmes ce serait dans la famille, et que la place naturelle des hommes ce serait un travail. Il y a beaucoup d'hommes qui ont envie de davantage s'investir dans leur vie familiale, il faut leur permettre et les encourager à cela.
JEAN-JACQUES BOURDIN
L'Inspection générale des Affaires sociales, dans un rapport remis au gouvernement, propose de porter le congé parental, le congé paternité pardon, pas parental, à 3, voire 4 semaines, vous y êtes favorable ?
MARLENE SCHIAPPA
Moi je suis favorable à l'allongement du congé paternité à titre personnel, je l'ai dit, ça fait des années que je milite pour cela, ça faisait partie des propositions de l'association Maman travaille.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais ça n'avance pas !
MARLENE SCHIAPPA
Ça avance, puisque ce rapport de l'IGAS il n'est pas tombé du ciel. Il a été fait parce que le Premier ministre, Edouard PHILIPPE
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et pour le gouvernement.
MARLENE SCHIAPPA
Voilà, à la demande d'un certain nombre de ministres, dont moi, a demandé à l'IGAS de faire ce rapport pour proposer des scénarios, pour calculer les éventuelles possibilités d'allongement, d'amélioration, du congé paternité.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Maintenant vous avez le rapport, ça veut dire quoi, ça veut dire qu'il va y avoir une loi, ça veut dire qu'on va changer les textes ?
MARLENE SCHIAPPA
Alors, ça veut dire qu'il y a un engagement de la part du gouvernement à étudier ce sujet, et donc, maintenant, il va falloir concerter les partenaires sociaux, avec la ministre du Travail, avec la ministre des Solidarités et de la Santé, avec tous ceux qui sont concernés.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais vous êtes favorable à un allongement du congé paternité ?
MARLENE SCHIAPPA
Moi je suis favorable à titre personnel pas là pour le gouvernement, mais à titre personnel je suis favorable à allonger le congé paternité.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Quoi, à 3, 4 semaines ?
MARLENE SCHIAPPA
Oui, je pense qu'il faut après il faut étudier la manière dont on le finance et que les partenaires sociaux puissent dire leur mot à cet égard.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, mais 3, 4 semaines c'est bien ?
MARLENE SCHIAPPA
Plusieurs semaines, actuellement c'est 11 jours le congé paternité.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Exact.
MARLENE SCHIAPPA
Je trouve que c'est peu 11 jours, pour pouvoir avoir un vrai lien avec
JEAN-JACQUES BOURDIN
Trois jours obligatoires, et 11 jours possibles.
MARLENE SCHIAPPA
Alors, 3 jours de congé de naissance, et ensuite 11 jours, effectivement. Le congé paternité c'est un vrai succès à l'heure actuelle, parce que 70 % des pères le prennent, et ceux qui ne le prennent pas, en général, ils bricolent pour prendre autre chose, des congés, des RTT
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ils ne prennent pas souvent parce qu'ils sont en CDD ou parce qu'ils sont travailleurs indépendants, c'est le problème.
MARLENE SCHIAPPA
Voilà, et donc déjà il y a une communication à avoir en direction des pères, avec les CAF, pour dire aux pères que c'est leur droit et que l'employeur n'a pas le droit de leur refuser leur congés paternité, c'est important, et puis effectivement leur proposer tout cela.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce que le congé paternité sera allongé avant la fin du quinquennat ?
MARLENE SCHIAPPA
Je ne peux pas prendre d'engagement à cet égard, c'est mon souhait, mais je ne m'engage pas au nom du gouvernement, à ça.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, c'est votre souhait, vous allez tout faire pour si j'ai bien compris.
MARLENE SCHIAPPA
Absolument.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Le président du Syndicat national des gynécologues, le SYNGOF, le docteur Bertrand de ROCHAMBEAU, refuse de pratiquer l'IVG, « cet acte médical est un homicide » dit-il. Il a le droit de refuser, on est bien d'accord Marlène SCHIAPPA ?
MARLENE SCHIAPPA
Il y a deux choses différentes dans sa déclaration. D'une part il y a le fait qu'il refuse de pratiquer des IVG, et qu'il explique pourquoi lui ne veut pas les faire, ça il en a le droit parfaitement, ça s'appelle la clause de conscience, et moi je vais vous dire, personnellement
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous ne voulez pas la remettre en cause ?
MARLENE SCHIAPPA
Non, c'est mon avis, mais moi, personnellement, je préfère qu'un médecin qui est opposé à l'IVG, ne le pratique pas, je pense qu'il y a suffisamment d'actes qui sont pratiqués, parfois dans de mauvaises conditions, je pense que l'IVG c'est suffisamment, parfois compliqué pour une femme d'aller pratiquer un IVG, parfois, et donc je pense que, dans ces conditions, il vaut mieux trouver en face de soi un médecin qui est en phase et qui ne va pas vous culpabiliser, ou qui ne le fait pas à contrecoeur.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc pas question de supprimer la clause de conscience ?
MARLENE SCHIAPPA
Non, il n'est pas question de supprimer la clause de conscience. En revanche, ce qui est extrêmement choquant, dans les propos de ce monsieur, c'est le fait qu'il compare l'IVG à un homicide, d'un point de vue légal un embryon ce n'est pas une vie humaine, on peut être pour, on peut être contre, mais c'est la loi, légalement ce n'est pas le cas. Donc, dire que c'est un homicide, c'est faux sur le plan légal, et c'est très dangereux sur le plan des valeurs, parce que ça veut dire que ce monsieur veut remettre en cause l'IVG. Si on considère que l'IVG est un homicide, les femmes qui avortent sont-elles des tueuses, c'est ça qu'il veut dire par-là, les médecins qui pratiquent des IVG ce sont des assassins ?
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors, peut-il rester à la tête de ce syndicat, je pose la question, qui est un syndicat important, franchement ?
MARLENE SCHIAPPA
Alors ça, ça ne m'appartient pas, moi je ne suis pas gynécologue
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, d'accord, mais enfin il est président du Syndicat, donc il représente les gynécologues français.
MARLENE SCHIAPPA
Moi je ne vais pas me mêler du débat interne, j'ai vu qu'il y avait des déclarations de la secrétaire général de ce syndicat qui disait que
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, qui était avec nous ce matin.
MARLENE SCHIAPPA
Voilà, qui disait que si nécessaire elle défendrait le droit à l'IVG. Je pense qu'il est bon de rappeler que le droit à l'IVG il est menacé, dans de nombreux pays, en Europe, il est menacé aux Etats-Unis par les politiques qui sont menées par Donald TRUMP, je pense qu'il faut avoir le courage de le dire à un moment et de dénoncer ces faits publiquement, mais il est aussi menacé en France, pas légalement, mais par des mouvements qui veulent l'entraver, et entraver l'accès à l'IVG c'est un délit. Il est interdit, en France, d'entraver l'accès d'une femme à l'avortement.
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est un délit, là en l'occurrence, il a commis un délit ?
MARLENE SCHIAPPA
Alors là je ne crois pas qu'il y ait d'entrave parce qu'au sens de la loi l'entrave c'est aller véritablement empêcher quelqu'un, ou le faire sur Internet ou sur les réseaux sociaux, là c'est une déclaration, donc il appartiendra à ses pairs d'en juger.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous organisez la première Université du féminisme, aujourd'hui et demain, c'est bien cela ?
MARLENE SCHIAPPA
L'Université d'été du féminisme, absolument.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Voilà, l'Université d'été du féminisme, à la Maison de la radio à Paris, on est bien d'accord
MARLENE SCHIAPPA
Oui.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Engagement pour l'égalité entre les femmes et les hommes, plusieurs thèmes, je regardais, féminisme et voile, peut-on être féministe et voilée ?
MARLENE SCHIAPPA
C'est une des questions du débat que j'ai voulu poser, et donc j'ai invité à participer une représentante du mouvement du Printemps républicain, et une représentante de l'association Lallab qui milite pour les femmes, pour un féminisme voilé, et donc il y a deux positions qui s'opposent.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Qu'en pensez-vous ?
MARLENE SCHIAPPA
Ecoutez
JEAN-JACQUES BOURDIN
On peut être féministe et voilée ?
MARLENE SCHIAPPA
Moi j'ai toujours dis que je ne suis pas là pour délivrer les brevets de féminisme
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non, mais d'accord, mais
MARLENE SCHIAPPA
Non, mais c'est important, et c'est parce que
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce qu'on peut être féministe et prostituée ?
MARLENE SCHIAPPA
Absolument, c'est une des autres questions que j'ai souhaité poser, est-ce qu'on peut être féministe et mère au foyer, moi je crois que ce sont des débats intéressants, et je pense que le féminisme ça ne doit pas être une secte, ça ne doit pas être une marque déposée, donc je trouve intéressant d'entendre les points de vue divergents et d'avoir un débat, en profondeur, les yeux dans les yeux, qui aille au-delà d'une déclaration d'intention ou d'un tweet.
JEAN-JACQUES BOURDIN
L'éducation sexuelle à l'école, on a dit beaucoup de choses pendant l'été, beaucoup d'erreurs ou, des rumeurs qui ont agité les réseaux sociaux, et qui ont inquiété de très nombreux parents, qui nous ont fait part d'ailleurs de leur inquiétude. Alors, la circulaire que le ministre de l'Education nationale va envoyer aux recteurs est très claire, elle rappellera les obligations déjà existantes. Il n'y a pas de nouveau texte de loi ou de nouvelles recommandations, on est bien d'accord Marlène SCHIAPPA ?
MARLENE SCHIAPPA
Voilà, alors, comme dit l'adage on ne prête qu'aux riches, donc on me prête beaucoup, mais effectivement, l'éducation à la sexualité elle est dans la loi depuis 2001, elle a même été précisée ensuite par une circulaire en 2003. Ensuite, elle n'a pas été mise en oeuvre. Donc nous, nous avons mené un audit, avec le ministre de l'Education nationale, qui montre que ces séances elles ne sont pas, peu ou mal appliquées actuellement. Donc, avec le ministre de l'Education nationale, nous voulons faire en sorte que ces séances soient appliquées, et je pense qu'il faut être très clair sur le contenu de ces séances. Il n'est pas question d'enseigner aucune pratique sexuelle que ce soit, il n'est pas question de contenus explicites, nous partons d'une réalité, la réalité c'est qu'il y a beaucoup de jeunes, d'enfants, d'adolescents, qui ont un accès précoce à la pornographie, la réalité c'est que la prostitution des jeunes adolescentes elle est de plus en plus fréquente, nous avons des retours de terrain, d'associations, de chefs d'établissement, qui sont très préoccupants. La réalité c'est que, à l'heure actuelle, nous avons besoin d'avoir plus d'éducation à la vie affective et sexuelle, et à l'égalité entre les filles et les garçons, c'est une valeur de la République française, l'égalité filles/ garçons.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Marlène SCHIAPPA, Richard FERRAND a été élu président de l'Assemblée nationale, voilà ce qu'il a déclaré : « le choix s'est porté sur moi » - c'était avant son élection « vous me pardonnerez de ne pas être une dame », c'est ce qu'il a dit lundi soir après avoir été choisi par les députés la République en Marche. Inélégant ?
MARLENE SCHIAPPA
Non, je ne dirais pas que c'est inélégant, je dirais que c'est une volonté trait d'humour de la part de Richard FERRAND, que je connais bien
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous aimez cet humour, sincèrement, honnêtement ?
MARLENE SCHIAPPA
Ecoutez, sincèrement, honnêtement, je vais vous dire, pour être vraiment très honnête, moi je pense qu'il y a un corps électoral qui fait un vote, ce corps électoral il est paritaire, il y a autant de députés femmes que de députés hommes
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non mais d'accord, mais je vous parle de ce qu'il a dit, je ne parle pas du vote.
MARLENE SCHIAPPA
Non, non, mais il y a un raisonnement et je viens à ce qu'il a dit. Ce corps électoral, il n'est pas paritaire par hasard, il est paritaire parce que pendant des mois il y avait une commission d'investiture, dont j'ai fait partie avec 8 autres personnes, sous la présidence de Jean-Paul DELEVOYE, qui est allée chercher des candidates, parce que nous n'avions que très peu de femmes candidates, et Richard FERRAND il a fait partie des gens qui poussaient pour qu'il y ait 50 % de femmes qui soient candidates, qui soient investies sur des circonscriptions gagnables. C'est ça qui fait qu'il y a un groupe la République en Marche avec 47 % de femmes, qui a voté librement, et à bulletins secrets, et qui avait 4 candidats, 2 femmes, 2 hommes.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc c'était maladroit !
MARLENE SCHIAPPA
Je ne dis pas que c'était maladroit, je dis qu'il faut remettre les choses dans leur contexte, et je conçois que Richard FERRAND, quand on lui pose la question, 1 fois, 2 fois, 10 fois, 47 fois, finisse par répondre par quelque chose qu'il veut être un trait d'humour.
JEAN-JACQUES BOURDIN
La présidence du groupe la République en Marche devrait revenir à une femme, non ?
MARLENE SCHIAPPA
Alors, vous savez qu'il y a une séparation des pouvoirs, et j'appartiens au pouvoir exécutif, je ne peux donc pas émettre de souhait ou donner de consigne de vote au pouvoir législatif.
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est l'argument d'Alexandre BENALLA ça, c'est la séparation des pouvoirs
MARLENE SCHIAPPA
Non, non, ce n'est pas un argument, non c'est la démocratie, ou alors on décide qu'il n'y a plus de séparation des pouvoirs
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais oui, mais ça serait bien, attendez !
MARLENE SCHIAPPA
Mais bien sûr !
JEAN-JACQUES BOURDIN
Pas de femme présidente de l'Assemblée nationale, il n'y en a jamais eu d'ailleurs, c'est très simple... !
MARLENE SCHIAPPA
Alors, écoutez, dans ces cas-là, on peut abolir la séparation des pouvoirs, et je vais donner des consignes de vote aux députés, mais je pense que ce n'est pas souhaitable
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non, non, non, mais pas question, mais vous aimeriez ?
MARLENE SCHIAPPA
Moi, j'aimerais qu'il y ait, dès lors qu'il y a une possibilité d'avoir plus de femmes au pouvoir, j'aimerais qu'il y ait plus de femmes au pouvoir, parce que la réalité actuelle, c'est qu'il y a un plafond de verre en politique
JEAN-JACQUES BOURDIN
Exactement
MARLENE SCHIAPPA
Les femmes, on est 52 % du corps électoral, 40 % des députés, il y a un progrès, parce qu'avant, c'était 22, je crois, %, des parlementaires. Et c'est vrai qu'il y a 0 % de femme présidente de l'Assemblée nationale, du Sénat, du Conseil constitutionnel. Et j'observe qu'il y a d'ailleurs une forme d'hypocrisie de la part des partis de l'opposition, notamment le PS et Les Républicains, qui ont décidé de présenter des femmes en faisant des discours un peu nouvellement féministes, alors que si ça avait été une candidature qui avait des chances de gagner, ils auraient évidemment présenté Christian JACOB ou le président du groupe PS dont j'ai oublié le nom, il m'excusera, Olivier FAURE, non, ce n'est pas lui ?
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est Olivier FAURE.
MARLENE SCHIAPPA
Si, c'est lui, voilà, ou Valérie RABAULT, qui a, du coup, pris sa suite, elle, ils ne l'auraient pas présentée
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, Valérie RABAULT, Olivier FAURE
MARLENE SCHIAPPA
La vérité, c'est que
JEAN-JACQUES BOURDIN
Olivier FAURE, il préside le PS
MARLENE SCHIAPPA
Voilà, la vérité, c'est que c'est ça, merci dès lors qu'il y a une possibilité de gagner, ces deux partis présentent des hommes, et d'ailleurs, c'est ce qu'ils font dans leurs investitures, les circonscriptions gagnables, elles vont majoritairement aux hommes, et les femmes, on les met sur les circonscriptions perdues ou de bataille majoritairement. Donc je trouve ça très hypocrite.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bon, je termine un mot sur BENALLA. Est-ce qu'il abîme l'image du président de la République à travers son attitude et son comportement ?
MARLENE SCHIAPPA
Moi, vous savez, j'ai deux combats idéologiques, mon premier, c'est de parier sur l'intelligence des gens, et mon deuxième, c'est de faire en sorte que rien ne soit un sujet de personnes, mais que tout soit un sujet de débats d'idées, donc
JEAN-JACQUES BOURDIN
De comportement
MARLENE SCHIAPPA
Donc Alexandre BENALLA, en tant que tel, je n'ai rien à dire sur lui ad hominem
JEAN-JACQUES BOURDIN
Sur l'affaire, je ne vous demande rien sur l'affaire, je vous demande si cette affaire... si son comportement parfois arrogant abîme l'image du président de la République ?
MARLENE SCHIAPPA
Je n'ai pas d'avis à avoir sur lui. Mais cette histoire, oui, effectivement, elle est dommageable, elle est effectivement compliqué à défendre. Et elle est dommageable pour le président et pour le gouvernement, mais en même temps, il faut aussi remettre les choses dans leur contexte, ce n'est pas l'affaire d'Etat qu'on a voulu décrire, mais c'est une affaire qui est bien dommageable, et je le déplore, mais ce n'est pas non plus une affaire d'Etat.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Marlène SCHIAPPA, merci d'être venue nous voir.
MARLENE SCHIAPPA
Merci à vous.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 24 septembre 2018